Dialogue politique: périlleuse transition démocratique en Mauritanie

Article : Dialogue politique: périlleuse transition démocratique en Mauritanie
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7 juin 2016

Dialogue politique: périlleuse transition démocratique en Mauritanie

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Certains se demandent pourquoi Mohamed Abdel Aziz tient-il au dialogue politique, alors qu’il se prépare dans moins de trois ans à quitter le pouvoir. Si ces mêmes voix trouvent qu’il y a anguille sous roche, d’autres par contre la trouvent nécessaire, ne serait-ce que pour assurer une transition qui ne mettrait pas en péril le processus démocratique en construction ou l’avenir du pays, eu égard aux nombreux problèmes que Mohamed Abdel Aziz risque de laisser derrière lui. D’où le caractère obligatoirement consensuel du prochain dialogue qui ne devra laisser personne en rade, surtout le RFD d’Ahmed Ould Daddah sans qui, semble-t-il, la communauté internationale n’accorderait aucun crédit  à tout dialogue politique en Mauritanie.

Le délai donné par Mohamed Ould Abdel Aziz, dans son discours de Néma du 3 mai 2016, pour entamer le dialogue politique en Mauritanie est aujourd’hui largement dépassé. «Dans trois ou quatre semaines » avait-il déclaré. Une certaine opinion soutient qu’à part quelques acteurs bien connus des jeux de rôle d’opposants dans ce genre de débat , notamment Messaoud Ould Boulkheïr et Boïdiel Ould Houmeïd assimilés désormais au pouvoir, peu de partis qui comptent sur la scène nationale ont jusque-là donné leur accord pour le dialogue convié par le pouvoir. Ni le RFD d’Ahmed Ould Daddah, encore moins le FNDU (Forum national pour la démocratie et l’unité) qui sont réellement concernés par ce énième round ne compte y participer dans son format actuel. Or, sans le pôle de l’opposition dite radicale, tout dialogue politique en Mauritanie ne serait considéré par les partenaires de la Mauritanie et par une large part de l’opinion nationale que comme un monologue sans impact sur la situation générale du pays.

Inextricable dialogue
Au niveau national, la polémique bat son plein, entre les partisans du minimum consensuel qui se débine de l’opinion internationale et les partisans du dialogue inclusif qui veulent d’un débat national, celui que les Mauritaniens attendent depuis les fameux Accords de Dakar de 2009.
Pour les tenants de la première thèse, que certains qualifient de partisans du colmatage politique, «le dialogue doit être  convoqué avec ceux qui accepteront d’y prendre par ». Mis à part les partis de la majorité, il s’agira d’un plateau adverse sans beaucoup de consistance qui ne serait qu’un faire-valoir aux yeux d’une certaine opinion. Ce serait un remake du dialogue de novembre 2011, quand le pouvoir avait en face de lui l’APP de Messaoud Ould Boulkheïr, El Wiam de Boïdiel Ould Houmeïd et Sawab d’Abdessalam Ould Horma. Des concessions ont été consenties mais la crise politique n’a jamais été résorbée. Aussi, les observateurs croient qu’un dialogue politique colmaté de la même manière aboutirait au même résultat et que la crise insidieuse qui sévit depuis les Accords de 2009 continuera à s’exacerber. Résultat, le passage de témoin en 2019 risque de se faire dans une instabilité politique et sociale préjudiciable.

L’après-2019

Conscient du danger qui plane sur cette périlleuse transition démocratique que vit actuellement la Mauritanie, beaucoup pensent que le changement de régime en 2019 doit intervenir dans une scène mauritanienne apaisée et sans danger pour le processus démocratique et l’avenir du pays. Aussi, préconise-t-on d’ores et déjà que le dialogue politique envisagé actuellement et qui pourrait être le dernier, prenne en compte les paramètres liés aux facteurs de déstabilisation créés par la situation  économique, politique et sociale catastrophique que vit la Mauritanie.
«Mohamed Abdel Aziz, puisqu’il quittera le pouvoir en 2019, doit à présent se situer au dessus de la mêlée partisane et se comporter comme le président de tous les Mauritaniens, soucieux de leur avenir et de leur stabilité, soucieux surtout de l’héritage qu’il va laisser derrière lui » a soutenu récemment au cours d’une entrevue télévisée, Mohamed Ould Maouloud, président de l’UFP.
En déclarant sans ambages qu’il respectera la Constitution, dira-t-il en substance, il a satisfait à l’une des exigences de l’opposition. «Maintenant il appartient au pouvoir de répondre par écrit aux points contenus dans la Feuille de route que l’opposition avait présentée en 2015, entre autres, la préparation du dialogue sur une base consensuelle et non unilatérale comme c’est le cas aujourd’hui » a-t-il poursuivi.
Par delà les soupçons soulevés quant à l’intention de Mohamed Abdel Aziz à négocier son départ, ou à piper les cartes pour le maintien de son «Système » dans son intégralité pour barrer le chemin de l’alternance pacifique au pouvoir à l’opposition, il y a ceux qui redoutent en effet, le scénario de 2007. Tirant les ficelles dans l’ombre, Mohamed Abdel Aziz et l’appareil militaire qui ne compte pas lâcher le pouvoir politique en Mauritanie, auraient provoqué à l’époque l’élection de Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi au détriment du leader historique de l’opposition, Ahmed Ould Daddah. Ce même scénario pourrait se reproduire en 2019, avec un Mohamed Abdel Aziz qui quitterait le pouvoir formellement sans le quitter réellement.
Il y a ainsi ceux qui pensent qu’il envisage de réviser la Constitution pour changer la nature du régime politique. Les tenants de la thèse avancent déjà qu’à travers le dialogue envisagé, Mohamed Abdel Aziz pourrait proposer le régime parlementaire, avec un Premier ministre fort issu de la majorité parlementaire avec des pouvoirs largement amoindris du Président de la République. Dans ce cas de figure, même si un ténor de l’opposition accédera à la Magistrature Suprême, il se retrouvera dans un régime où tous les pouvoirs de l’Exécutif sont en réalité détenus par le Premier ministre. Certaines voix soutiennent que Mohamed Abdel Aziz serait même prêt à négocier avec Ahmed Ould Daddah pour la présidence de la République si ce dernier le veut.
Des scénarios aussi improbables tel un choix qui portera sur Messaoud Ould Boulkheïr pour jouer au dauphin de Mohamed Abdel Aziz sont même envisagés, aux termes de négociations dont les termes ne seraient pas totalement défavorables à la nomenklatura militaire ni au système dominant.
Une telle complexité dans les analyses dénote du chaos intellectuel et politique dans lequel se dessine le mandat finissant de Mohamed Abdel Aziz. Un nid de difficultés sans la résolution desquelles l’après-Aziz risque d’être explosif.

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