15 juin 2016

L’après-Aziz enflamme déjà la lutte successorale

dialogue

Depuis que le président Mohamed Abdel Aziz a déclaré qu’il compte délaisser le pouvoir conformément à la Constitution dès la fin de son dernier mandat en 2019, les cartes se sont embrouillées au sein de sa majorité. Le départ du «protecteur et pourvoyeur des privilèges indus» sème déjà la panique au sein d’une constellation de satellites dont la chute galactique pourrait être provoquée par l’extinction quasi certaine du «Pôle» gravitationnel. La guerre fait ainsi rage au sein du cercle du pouvoir, pour la succession au trône, si ce n’est la course divinatoire vers le probable prochain maître à suivre.

Le bras-de-fer entre les Sénateurs frondeurs et le pouvoir en place revêt un caractère assez inédit pour ne pas attirer l’attention des éditorialistes. Cette situation serait tout simplement inimaginable si la fin inéluctable du pouvoir de Mohamed Abdel Aziz ne constituait pas un fortifiant assez puissant pour signer déjà les prémisses d’un désarrimage latent. Ainsi, ce ne serait pas tout simplement la déclaration de Néma sur la suppression de leurs charges qui serait directement en cause dans la fronde persistante des sénateurs de l’UPR et de toute la majorité, encore moins la sortie assez gauche de leur propre camp à leur égard. Mais bel et bien, le fait que d’ici trois ans au maximum, ils n’auront plus de compte à rendre aux cercles de ce pouvoir-là, mais probablement à leurs successeurs. Si l’opinion semble jusqu’à présent indifférente aux intrigues de palais qui se déroulent dans les coulisses, si ce n’est pas pure ignorance, les spécialistes des croche-pieds politiques ainsi que les proches des hautes sphères ne sont pas dupes. Le compte à rebours pour la prise de la «Bastille présidentielle » aurait bel et bien commencé, sans que les cartes des jeux n’échappent ni totalement ni en partie à Mohamed Abdel Aziz, ni à l’armée qui veille au grain.
Beaucoup au sein du pouvoir reste ainsi persuadé que la distribution des prochaines cartes se concoctera dans les cuisines intérieures du palais présidentiel. La fronde actuelle des sénateurs ne serait dans ce cadre que l’une des facettes de cette bataille de positionnement. Nombreux sont ceux qui sont aujourd’hui persuadés que, derrière cette fronde se cache des «tireurs de ficelles invisibles». C’est ce que certains éditorialistes Outre-mer appellent déjà la «guerre des tendances» au sein du pouvoir. Les Sénateurs viennent ainsi de déclarer dans un communiqué que leur fronde n’est pas prête de s’éteindre, «sauf si les causes qui les ont créées sont résolues ». Les exigences semblent énormes pour des parlementaires habituées jusque-là à obéir au doigt et à l’œil. D’où leur vient ce courage soudain, qui les pousse ainsi à demander à Mohamed Abdel Aziz de revenir sur sa décision de dissoudre le Sénat et de limoger les responsables du parti-Etat, dont des membres du gouvernement, qui ont osé battre campagne pour les dénigrer publiquement ? Téméraire est aussi leur refus de rencontrer le président du parti, Sidi Mohamed Maham, malgré son insistance, poussant l’audace jusqu’à boycotter pendant plusieurs jours, les lois présentées par le gouvernement, avant qu’ils ne sursoient à cette démarche, au nom selon eux «de l’intérêt supérieur du peuple mauritanien ».
Mais les observateurs sont persuadés que derrière les prétextes apparents des Sénateurs se cachent en réalité une sourde bataille des courants antinomiques qui minent la majorité dont l’unité apparente ne serait que pure façade. Une sorte de chantage fomentée par les tenants de la Chambre des «Lords mauritaniens », pour garantir leur pérennité après l’ère Aziz ou leur recasement spatio-temporel dans les arcanes du pouvoir une fois leur planque douillette rangée aux oubliettes de l’histoire.
L’idée dominante reste cependant cette frénétique bataille des héritiers qui met à nu la fragilité du système politique mauritanien relatif à la conservation et à la transmission du pouvoir. Ce système rédempteur qui explique les intrigues par lesquelles se font et se défont les partis au pouvoir en Mauritanie lesquels, sitôt leur fin annoncée, voient leurs ouailles s’éparpiller aux quatre vents à la recherche de la prochaine prairie aux opportunités. Le dilemme est assez profond entre les jeteurs de cauris qui ne savent s’il faut encore faire plus d’allégeance à Mohamed Abdel Aziz, persuadé qu’ils sont, qu’il détient les cartes de la distribution politique à venir, ou s’il faut chercher dans le cercle de l’opposition radicale, le prochain successeur, en cas de transparence forcée qui accompagnera l’élection présidentielle en 2019.
La présente bataille politique occupe si intensément le pouvoir et sa majorité, qu’elle semble avoir rejeté dans les ornières un dialogue politique national que Mohamed Abdel Aziz avait pourtant prévu d’organiser au plus tard à la fin du mois de mai début juin passé.

 

 

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