27ème session de la Ligue Arabe à Nouakchott : Gros préparatifs et Petit Sommet

Article : 27ème session de la Ligue Arabe à Nouakchott : Gros préparatifs et Petit Sommet
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29 juillet 2016

27ème session de la Ligue Arabe à Nouakchott : Gros préparatifs et Petit Sommet

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Le 27ème Sommet ordinaire de la Ligue Arabe s’est finalement tenu en une journée au lieu de deux, le 25 juillet 2016. La Mauritanie a su relever le défi de l’organisation et de la sécurité, même si sur le plan de la représentativité et des résolutions finales, les avis sont partagés. Entre le satisfecit des uns et les remontrances des autres, Nouakchott peut s’enorgueillir, après 43 ans de présence au sein de la Ligue, d’avoir été l’espace de quelques jours, la capitale du monde arabe.

Les travaux du 27ème sommet ordinaire de la Ligue Arabe ont finalement été bouclés en une journée, le 25 juillet 2016, alors qu’ils étaient prévus pour deux jours. Selon certains observateurs, ce raccourci de dernière heure, ainsi que la faible représentativité qui a marqué le sommet de Nouakchott, sonnent le glas d’une Ligue Arabe dont les rêves ultimes semblent avoir été enterrés dans cette immense khaïma blanche dressée dans l’enceinte du Palais de Congrès pour la circonstance.
D’où le peu d’intérêt qui a été accordé à la résolution finale dite «Déclaration de Nouakchott » qui, hormis la condamnation des interventions iraniennes dans les affaires intérieures des Arabes, n’est qu’un remake des vieilles résolutions que la Ligue à l’habitude de reconduire à chaque session sans espoir.

Le défi de l’organisation
Quelques 90 milliards d’UM auraient été consacrés à l’organisation du sommet de Nouakchott, avec une forte contribution de certains pays arabes comme le Qatar, l’Arabie Saoudite, ou encore les Emirats Arabes Unis.
Plus d’un milliers d’invités, entre journalistes étrangers, délégués et responsables des pays invités, ont débarqué ainsi dans une ville de Nouakchott complètement rénovée dans sa partie nord. Si les organisateurs chargés de la logistique peuvent tirer un certain satisfecit sur le plan du logement, du transport et du couvert des hôtes, des critiques acerbes ont été adressés à la commission chargée de la communication. En effet, des centaines de journalistes de la presse indépendante mauritanienne ainsi que plusieurs correspondants étrangers ont été empêchés de couvrir l’ouverture officielle du sommet. Ils ont dû se rabattre dans la salle  des médias pour suivre les travaux à la télévision mauritanienne qui avait fait les siennes ce jour-là comme par hasard. Entre coupures incessantes du son et de l’image, les journalistes confinés à suivre les débats indirectement ont eu du mal à faire leur travail. Cela sans compter des poussées de zèle qui se sont traduites par le retrait d’accréditation à des médias locaux, en plus du clientélisme qui a caractérisé l’octroi des badges. Le hic, ce sont ces conférences de presse téléguidés où la commission faisait le choix de ses intervenants. Même les débats à la télévision nationale et à la radio étaient soumis à un minutieux tri du «gendarme de la commission de communication ». Une situation de fait qui, selon plusieurs observateurs, ne manquera pas de porter une tâche d’huile sur l’image que la Mauritanie voulait se faire à l’extérieur en profitant de la présence d’un nombre aussi important d’éminces grises de la presse internationale.

Réussite en deçà de Nouakchott, échec au-delà…
«Le Sommet de Nouakchott est une réussite ! » C’est la phrase que tout véritable patriote devra scander. Malheur à celui qui s’y dérobe. Il sera déclaré illico presto ennemi de la Nation.

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C’est ce terrible terrorisme intellectuel que certains veulent imposer à la postérité, sans parcimonie, sans mais…Certes, si le sommet peut-être qualifié de réussi parce que des délégations arabes sont venues à Nouakchott, ont été logées confortablement dans le peu d’hôtels dont on dispose et dans des villas de luxe loués à prix d’or, si elles ont bien été accueillies, ont mangé à leur faim, bu à satiété et ont été gratifiées du folklore local…certains observateurs concèdent que dans ce cadre, le sommet de Nouakchott peut-être qualifié dans une certaine mesure de réussite. Mais,  selon le baromètre d’autres analystes, le sommet arabe de Nouakchott a été un cuisant échec.

Les partisans d’un sommet réussi
Selon Mohamed Vall Ould Bellal, ancien diplomate et opposant invétéré du régime, le sommet de Nouakchott a eu le mérite d’avoir corrigé l’image stéréotypée que les Arabes avaient de la Mauritanie, tout en démontrant sa capacité à souder les rangs des Arabes. «Il s’agit d’un acquis dont tous les Mauritaniens rêvaient depuis des décennies » a-t-il précisé. D’après lui, la Mauritanie a surtout su prouver au monde qu’elle pouvait organiser des sommets, soulignant que la «Déclaration de Nouakchott » a évité les divergences et a abouti à un consensus autour des points qui ne fâchent pas. Ce serait justement parce que la déclaration finale ne répondait pas à leurs ambitions, que plusieurs chefs d’Etat auraient choisi, selon Ould Bellal, de s’absenter du sommet de Nouakchott.

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Pour le journaliste Ely Abdallahi, «il y a eu unanimité autour de la majorité des points soulevés au cours de la rencontre » et que «par-delà l’aspect doctrinal, ce qui importe le plus pour les Mauritaniens, c’est que tout, vraiment tout, s’est finalement bien passé ». Pour avoir couvert plusieurs sommets arabes, Ely Abdallah considère que «dans l’ensemble, cette rencontre de Nouakchott n’a rien à envier à celles qui l’ont précédée. «Pour un coup d’essai, souligne-t-il, le sommet de Nouakchott est un coup de maître ».

«Le Sommet est un échec »
Cependant, il y a un autre son de cloche. Pour Noura Mint Deye, la Noria du RFD, principal parti de l’opposition, «le sommet de Nouakchott est un échec», citant les ratés de la télé nationale dans la retransmission en direct de l’évènement et l’exclusion des journalistes, «sans compter l’abrègement du sommet et ses résolutions qui ne répondent pas aux aspirations des peuples arabes ».

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Pour Lô Gourmo Abdoul, cadre du parti UFP, autre parti de l’opposition, «notre seul exploit est de nous être porté candidat après la défection marocaine » mais que «tout candidat pouvait être reçu ». Selon lui, «ce sommet ne laissera aucune trace dans l’histoire diplomatique arabe, puisqu’aucun vrai sujet qui touche réellement au monde arabe n’a été abordé sur le fond, vu le temps consacré aux dispositions (moins d’une journée) sur les deux jours initialement prévus, et vu le niveau de la participation ». Il considère que «le monde arabe n’est pas sorti plus uni et plus apte à faire face aux défis communs » et qu’il «ne pouvait en être autrement, puisque les principaux protagonistes du théâtre géopolitique arabe étaient purement et simplement absents, y compris le Général Sissi et le Roi d’Arabie Saoudite, amis du régime (celui de Mohamed Abdel Aziz) et poids lourds du monde arabe ». Or, selon Lô Gourmo, « c’était là le vrai enjeu d’image ou de prestige de ce sommet pour Mohamed Abdel Aziz et c’est sur ce point précis que notre ministre des Affaires étrangères, aurait dû se montrer moins dithyrambique et même plus silencieux, lui qui a comparé la tenue de ce sommet arabe en Mauritanie au jour de l’indépendance nationale ».
Pour une partie de la presse internationale, «quatorze chefs d’Etat absents, et aucun poids lourd du monde arabe présent au sommet de Nouakchott, ont désaffecté une rencontre qui laissait peu d’espoir à des résultats concrets ». Maroc, Arabie Saoudite, Jordanie, Egypte, et même Palestine étaient inscrits aux abonnés absents lors de cette 27ème session de la Ligue Arabe.
Finalement, les seules délégations au niveau le plus élevé qui ont répondu présentes à Nouakchott étaient l’Emir du Koweït et celui du Qatar qui a juste assisté à l’ouverture du sommet sans prendre la parole, avant de quitter au bout d’une heure de temps, les chefs d’Etat du Soudan, du Comores, de Djibouti et du Tchad, dont le président a été invité en sa qualité de président en exercice de l’Union Africaine. Ainsi, de ce point de vue, l’échec de la rencontre de Nouakchott serait dû au temps inopportun qui a été choisi pour la tenue d’un tel sommet où les Arabes sont profondément divisés, mais aussi pour ne pas froisser le Maroc.
Même son de cloche pour RFI qui titre sur «un sommet arabe en demi-teinte»  qui s’est «résumé à un après-midi de débats sans décisions importantes ».  Désillusion ainsi pour la Mauritanie qui «avait voulu faire de ce sommet son grand retour sur la scène arabe ».

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