26 février 2017

Planification familiale en Afrique de l’Ouest : les autorités des neuf pays s’engagent

Photo de famille avec quelques participants (droit libre de reproduction)

La Mauritanie, à l’instar de huit autres pays africains francophones, Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée, Mali, Niger, Sénégal et Togo, s’est  engagée dans la plateforme «The Challenge Initiative » destinée à l’accélération de la planification familiale en Afrique de l’Ouest. La Centrafrique et la RD Congo avaient assisté à cette rencontre qui s’est tenue à Dakar, du 1 4 au 16 février 2017 et qui avait regroupé des responsables gouvernementaux et communaux issus de ces pays, mais aussi plusieurs autres partenaires.

S’engageant à apporter une réponse aux défis du financement de la santé en général, et de la planification familiale en particulier, les maires des neufs pays francophones de l’Afrique de l’Ouest, dont la Mauritanie, ont pris plusieurs engagements. C’était lors du lancement de la Plateforme d’accélération de la planification familiale en Afrique de l’Ouest, et en particulier l’Initiative dite «The Challenge Initiative » financé par la Fondation Bill and Melinda Gates, avec la participation du Gate Institute pour la population et la santé de la reproduction ainsi que du IntraHealth international.

Les autorités communales se sont engagées à apporter leur contribution pour la lutte contre la morbidité et la mortalité maternelle et infantile dans leurs pays, à participer à la mise en œuvre du Challenge Initiative, à jouer un rôle dans la conception et la mise en œuvre de proposition de projets et à y apporter des ressources propres.
Ils se sont engagés surtout à appuyer les interventions en santé de la reproduction et en planification familiale, à promouvoir la collaboration et le partenariat public-privé, à accroître l’investissement dans le secteur de la santé, à renforcer le système sanitaire de leurs pays, à mettre en place un Observatoire mixte (collectivités locales, santé, partenaires).

Ces engagements constituent pour les maires la réponse appropriée face aux désastres causés par l’ampleur des décès des mères et des enfants en Afrique de l’Ouest et le drame des grossesses rapprochées, précoces et non désirés.
Cet engagement des maires a été lu par Monsieur Luc Sétonddji Atrokpo Président des Communes du Bénin.

Le contexte très particulier de l’Afrique de l’Ouest

L’accélération de la planification familiale en Afrique de l’Ouest est sans nul doute motivée par le retard pris par cette région dans la maîtrise de sa démographie et les répercussions de cette situation sur ses problèmes de santé et son sous-développement économique et social. Pourtant, que d’engagements pris par les Etats d’Afrique de l’Ouest sur ces questions et que d’absence de mise en œuvre par rapport aux solutions proposées, dont les plus fraîches, celles issues de la Conférence de Ouagadougou en 2011, puis réitérés lors de la dernière rencontre en 2016 sur des thèmes récurrents relatifs aux problèmes de population, développement et planification familiale, et l’urgence d’agir vite. Les partenaires techniques et financiers, en l’occurrence la Fondation Bill and Melinda Gates, la première à lancer une initiative de santé de la reproduction en Inde, Kenya, Nigéria et Sénégal, se sont repositionnés de nouveau à Dakar, pour encore convaincre. Il s’est agi de démontrer qu’une «intervention basée sur des évidences et articulées autour de la génération de la demande de l’offre de service et du plaidoyer pourrait, de façon significative, améliorer l’accès à la planification familiale moderne aux femmes en âge de procréer » notamment dans les zones défavorisées.

Panels de discussion

Les participants à la table-ronde de Dakar sur l’accélération de la planification familiale ont pu suivre plusieurs panels, notamment la «Réflexion sur le passage à grande échelle et la durabilité des initiatives en santé urbaine ». Ce panel animé par plusieurs conférenciers de renom, dont Modibo Dicko d’IntraHealth Expand Net sur «l’institutionnalisation des interventions réussies en santé », Macoumba Thiam d’Agir PF sur «quels financements de la PF en Afrique de l’Ouest ?» ou encore Dr.Djiby Diakhaté, Fatimata Sy et Kojo Lokko, sur les enjeux socioculturels de la PF, les défis et synergies des PTF, ont été précédés par plusieurs sessions de discussions interactifs entre participants

Après les échanges sur les défis des pays et opportunités du TCI (The Challenge Initiative), il y a eu le lancement du projet, puis la conférence de presse.

L’exemple du Sénégal

Le Sénégal comme exemple pilote du TIC fut un exemple concret de la réussite du Challenge Initiative. Ce projet, coordonné par IntraHealth a été mis en œuvre dans ce pays à travers un projet pilote dénommé Initiative Sénégalaise de Santé Urbaine (ISSU) qui a duré de 2009 à 2015, puis prolongé en une seconde phase allant de 2015 à 2016 sous la dénomination de Projet d’Appui au Système de Santé (PASS 2020) pour s’inscrire dans l’Agenda du PF2020.

Non seulement le projet ISSU a fait les preuves de son efficacité en matière d’amélioration de l’accès des femmes aux services de la PF au Sénégal, avec une augmentation de 19% de la prévalence contraceptive, mais il a aussi apporter des preuves sur les possibilités d’institutionnalisation et de mise en œuvre par les acteurs étatiques du ministère de la Santé en matière de bonnes pratiques en matière de PF qui ont été testées et validées par les deux projets.

Dr.Mohamed Lemine Khouna (à gauche en costume noir) et des collègues

C’est à partir de l’expérience réussie du Sénégal que la Fondation Bill and Melinda Gates a décidé de porter à l’échelle cette initiative. Celle-ci est financée actuellement pour une durée de trois ans, de 2017 à 2020 avec IntraHealth à la Coordination de la Plateforme en Afrique francophone. Son apport, purement technique, sera fourni aux villes qui en formuleraient la demande, en termes d’élaboration et de mise en œuvre de projets locaux de planification familiale durable. Les villes demandeuses participeront au financement de leurs projets et intègreront alors un «Paquet Porteur », sorte de package d’interventions à haut impact prouvé. L’objectif est d’aider les pays de la région ouest-africaine par ce mécanisme de cofinancement d’atteindre les objectifs fixés par le Partenariat de Ouagadougou sur la fourniture de services et de produits de la planification familiale de qualité, disponibles, accessibles et abordables. Le résultat attendu est que d’ici 2020, quelques 2, 2 millions de femmes supplémentaires en Afrique de l’Ouest utilisent une méthode moderne de contraception dans les neuf pays concernés.
Il faut noter que la Mauritanie a été représentée à cette rencontre par Dr.Mokhamed Lemine Khoune, responsable de l’évaluation au Programme national de la santé de la reproduction (PNSR) en l’absence du Dr.Mahfoudh Ould Boye, responsable de la cellule, ainsi que de Cheikh Thiam au nom des maires de Mauritanie.

Un budget dérisoire pour la santé en Mauritanie
Le projet de budget de la Santé pour l’année 2017 a connu une augmentation dérisoire, 0,8%, par rapport au budget de 2016. La Mauritanie fait partie des pays en voie de développement qui accorde peu de ressources publiques aux services de santé, moins de 5% du budget de l’Etat. Elle continue de dépendre de l’aide de la communauté internationale, notamment l’UNFPA qui est la principale productrice du pays en produits contraceptifs. Les indicateurs en matière de santé public restent ainsi faibles, malgré les efforts consentis dans la construction d’hôpitaux, dont un centre d’Oncologie, un Centre de cardiologie, un Centre des grands brûlés et des grands traumatismes, la construction et l’équipement d’hôpitaux régionaux, ainsi que sur le plan de la formation, avec l’existence aujourd’hui d’écoles de santé publique dans la quasi-totalité des régions et l’ouverture d’une faculté de médecine à l’Université de Nouakchott.
Mais en matière de santé de la reproduction, en particulier la planification familiale, les retards de la Mauritanie restent importants. Au manque de personnel qualifié en quantité et qualité suffisante, s’ajoutent les problèmes d’information et de communication. Résultat, les demandes non satisfaites en PF restent élevées, de l’ordre de 28%. La demande existe mais l’offre est insignifiante. L’absence d’accès aux services de planification familiale se pose avec acuité. Le comble, certains prestataires de la PF sont les plus grands ennemis de la PF et sont réticents à prescrire une méthode contraceptive pour des considérations religieuses. L’investissement dans le domaine de la Santé en général, et dans la santé de la reproduction pose également problème. Ces financements sont presqu’inexistants malgré l’existence d’une Stratégie nationale et d’un plan budgétisé. Nonobstant tous ces handicaps, de grands pas ont été franchis à l’échelle du pays. Ainsi, les objectifs nationaux de 2018 ainsi que les engagements pris dans le cadre du Partenariat de Ouagadougou seraient, selon Dr.Mahfoudh Ould Boye, Coordinateur du PNSR, déjà atteints en ce début 2017, à savoir un nombre de 18.000 femmes supplémentaires sous planification familiale, avec un objectif de 49.000 femmes additionnelles d’ici 2020. Le résultat serait tout aussi satisfaisant sur le plan de l’approvisionnement, avec la stratégie «Zéro rupture » en  produits contraceptifs, la formation accrue du personnel d’appui et la mise en œuvre de plusieurs programmes transversaux, comme la Stratégie de croissance accélérée et de prospérité partagée (SCAPP) et le Projet SWEDD.

 

Cheikh Aïdara

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