18 juin 2017

Coupe nationale de football : la finale aura-t-elle lieu ?

Pour la première fois dans l’histoire du football mauritanien, une finale de la Coupe nationale pourrait ne pas avoir lieu. Nonobstant cette éventualité, la fédération mauritanienne a distribué des cartons d’invitation et ameuté la presse pour une finale prévue le dimanche 18 juin 2017 à 23 heures au Stade Cheikha Boidya du Ksar. Mais la question liée à la participation du FC Tevragh-Zeina reste posée, car cette finale face au FC Nouadhibou est illégale et frauduleuse aux yeux d’une bonne partie de l’opinion publique nationale.

Le public reste circonspect

Habitué à faire passer les nombreuses forfaitures de la fédération mauritanienne de football sans remous, le président Ahmed Ould Yahya a lancé ses invitations pour la finale du dimanche 18 juin entre son club, le FC Nouadhibou et le FC Tevragh-Zeine. Pour un large pan de la scène sportive, le président cherche à faire oublier le cas de Cheikh El Weli Yacine, joueur Sahraoui du FC Nouadhibou frauduleusement considéré comme Mauritanien ainsi que la réserve portée contre lui par l’équipe de la Garde Nationale et restée sans suite.

Le président de la fédération pique une crise

Sans doute torturé par une grave crise de conscience, après avoir piétiné les textes de la fédération et dessaisi la Commission de Discipline d’un litige relevant de son ressort, le président de la fédération mauritanienne de football, serait tout en nerf, depuis l’inédit vote du 13 juin dernier entérinant la forfaiture autour de la licence frauduleuse de Cheikh El Weli Yacine.

En effet, le président de l’équipe de la Garde Nationale qui s’était présenté à la fédération, pour récupérer le P.V de réunion du Bureau fédéral qui le déboutait de sa réserve, a essuyé une provocation en règle de la part du président Ahmed Ould Yahya.

Mais le président de l’équipe de la Garde avait bien appréhendé les desseins de Ould Yahya et choisit de ne pas répondre à ses provocations. Il se rendit auprès du Secrétaire général, poursuivi par les insultes et les invectives du patron du foot mauritanien. Médusés, le personnel administratif et même les plantons furent à la fois sidérés par la violence verbale du président de la fédération que par le calme olympien et le sang froid du président de l’équipe de la Garde. Ahmed Ould Yahya avait tout simplement pété les plombs.

La gestion malhonnête de la réserve portée contre le FC Nouadhibou et la colère inédite ressentie par le président de la Fédération parce que certains contestent son diktat, le pousseront même, à défier des institutions aussi respectables que la Garde Nationale, l’Armée et la Police. A l’intention du président de la Garde, il dira «vous ne jouerez pas la finale et le FC Tevragh-Zeina ne prendra pas le championnat, car tant que je serais président de la Fédération, le FC Nouadhibou ne tombera pas ». En effet, si le dossier litigieux de Cheikh El Weli Yacine avait suivi la voie normale, le FC Nouadhibou se retrouvera la saison prochaine en seconde division, car l’équipe perdrait chacun des 22 matchs auxquels le joueur en question a participé.

Pour l’équipe de l’Armée, envoyée en deuxième division et qui pourrait remonter en D1 si l’épineux problème du joueur Sahraoui avait été soldé dans les normes, Ahmed Ould Yahya a promis qu’il l’enverra elle et l’équipe de la Police dans les poubelles de l’histoire. A propos de l’équipe de la Police, le mépris du président de la Fédération de football vis-à-vis d’elle est allé jusqu’au refus d’inviter la présidente du club lors de la visite du président de la FIFA en février dernier à Nouakchott. Cette dernière avait d’ailleurs violemment contesté cette injustice, car tous les autres présidents de club avaient reçu des cartons d’invitation à cette occasion.

La FFRIM, une propriété personnelle

Depuis que ses amis l’ont installé sur les rennes du football mauritanien, Ahmed Ould Yahya a grignoté année après année des pans de pouvoir, s’entourant d’une équipe d’obligés qui lui obéissent au doigt et à l’œil, qu’il peut même insulter quand il le veut, monnayant salaires mirobolants et voyages de complaisance. Ainsi, parmi les membres du Bureau fédéral qui coiffe le football mauritanien, l’écrasante majorité ne dirige aucun club et ne doit sa présence dans ce staff que par le libre-arbitre du président de la fédération qui leur a attribué à chacun un poste de responsabilité et les avantages qui l’accompagnent.

Bien entendu, à la moindre saute d’humeur, il peut les dégommer et les renvoyer dans la rue. Aussi, Ahmed Ould Yahya tient-il tout ce beau monde par le cordon de la bourse. Pas étonnant dans ce cas, qu’ils aient tous voté, à l’exception du président de FC Tevragh-Zeina, sur le faux et l’usage du faux, lors de la sombre nuit du 13 juin dernier mettant illégalement fin à la réserve de la Garde Nationale.

Grisé par ce pouvoir exceptionnel sur les hommes et une richesse subite hors norme, Ahmed Ould Yahya a développé une certaine suffisance qui lui fait prendre des vessies pour des lanternes et ses propres plaisirs pour de la réalité. Le destin a voulu également qu’il ait joué un grand rôle dans l’élection du nouveau président de la FIFA, Infantino, notamment dans la zone Afrique, grâce à l’intelligence et à la roublardise toutes mauritaniennes.

Une longue amitié naitra de cette complicité qui a été récompensée il y a un peu plus d’un mois par un poste au sein du Bureau de la Confédération africaine de football (CAF). Aujourd’hui, Ahmed Ould Yahya est président de la Commission juridique au sein de la CAF. Paradoxalement, il est le chantre des violeurs des textes et règlements de la fédération qu’il préside. Pas étonnant s’il peut aujourd’hui décréter qui va jouer en finale et contre qui, où la jouer et quand.

Seul maître à bord d’une fédération dont il a verrouillé les textes pour rendre sa succession pratiquement impossible, Ahmed Ould Yahya a plongé aujourd’hui le football mauritanien dans des lendemains incertains.

A quoi bon former des clubs de football, payer des joueurs, engager des dépenses exorbitantes, si l’on n’est pas certain d’obtenir les fruits du mérite, s’il n’y a aucune règle de jeu, si par vote à mains levées d’une assemblée entièrement soumise et réduite à l’esclavage, on peut t’arracher tes droits ? Cette réflexion est en train de se développer parmi les présidents de clubs.

Ainsi, le football mauritanien a entamé sa descente dans l’enfer des magouilles et malversation qui entachent d’ailleurs le foot mondial. Si l’on sait que même les arbitres, dont la désignation pour des matchs internationaux dépend de la seule volonté du Bureau fédéral, ne sont pas à l’abri des pressions pour faire gagner ou perdre telle ou telle équipe, sans compter les matchs arrangés entre clubs.

Cheikh Aïdara

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