Référendum constitutionnel du 5 août 2017 : lecture sur le nouveau texte

Article : Référendum constitutionnel du 5 août 2017 : lecture sur le nouveau texte
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13 août 2017

Référendum constitutionnel du 5 août 2017 : lecture sur le nouveau texte

Le référendum constitutionnel qui vient de s’achever avec les chiffres publiés par la Commission électorale nationale indépendante, nonobstant le refus de l’opposition d’en reconnaître les résultats, donne une nouvelle constitution. L’écrasante majorité des électeurs, de l’électeur lambda, aux cadres, leaders politiques, de la majorité comme de l’opposition, en ignoraient pourtant tous les contours avant le vote. Les confrontations ont porté essentiellement sur deux points : le changement du drapeau et la suppression du Sénat. Pourtant, 29 articles ont été touchés par la révision constitutionnelle qui ont porté pour certains, sur des sujets aussi importants.

Les 7 sages de la CENI au moment de la proclamation des résulats (Crédit photo AMI)

Ainsi, la révision a porté sur tous les articles où le mot «Sénat » a été mentionné et des articles entiers ont même être supprimés. Il s’agit des articles 29, 31, 39, 48, 50, 51, 54, 61, 63, 64, 65, 66, 67, 68, 69, 75, 79, 84, 92, 93, 99.

Parmi les modifications abordées, celle relative à l’incapacité définitive du Président de la République (article 40 nouveau) qui prévoit son remplacement par le président de l’Assemblée nationale, et en cas d’incapacité de ce dernier, par le président de la Cour constitutionnelle. Dans l’ancien article 40 de la Constitution de 1991, seul le président du Sénat pouvait assurer l’intérim du président de la République en cas d’incapacité définitive.

Une contradiction cependant dans ce nouvel article. Si dans l’alinéa 3 de cet article il est stipulé que «le président par intérim ne peut pas mettre fin au mandat du gouvernement intérimaire, ni consulter le peuple par voie référendaire, ni dissoudre le parlement », il est stipulé dans l’alinéa 7 qu’il est «impossible d’introduire une quelconque modification de la Constitution que par la voie référendaire ou par la voie parlementaire durant l’intérim » du président de la République».

Dans l’article 41 nouveau, la Cour constitutionnelle est saisie de l’incapacité définitive du Président de la République par le Président de la République lui-même ou par le Premier ministre. Le président de l’Assemblée nationale perd cet attribut qui lui était délégué dans la Constitution de 1991.

L’article 46 nouveau consacre la suppression du Sénat et l’institution de l’Assemblée nationale comme unique chambre du Parlement.

Le nouvel article 81 donne au Président de la République le choix de désigner 5 membres sur les 9 composant la Cour constitutionnelle et parmi ces 5 membres, 1 doit être désigné par le Chef de fil de l’opposition démocratique. Le Premier ministre choisit 1 membre et le Président de l’Assemblée nationale 3 membres, dont 1 sur proposition du deuxième parti de l’opposition le plus représenté au sein de la chambre. Cet article fixe le nombre des membres de la Cour constitutionnelle à 9 membres désignés pour 9 ans avec le renouvellement du tiers tous les trois ans.

Cet article a connu une modification lors du référendum de 2012 qui a porté le nombre des membres du Conseil constitutionnel de 6 (Constitution de 1991) à 9 membres. Le Président de la République en désignait 3,  le Président de l’Assemblée Nationale 2 et le Président du Sénat 1. La nouveauté dans le nouvel article, c’est la part qui est réservée à l’opposition qui dispose désormais de 2 membres au sein du Conseil constitutionnel.

L’article 86 nouveau exige que tous les projets de loi ainsi que le règlement intérieur de l’Assemblée nationale soient soumis à l’approbation de la Cour constitutionnelle pour en contrôler la constitutionnalité avant leur adoption.

L’article 94 nouveau est relatif au regroupement du Haut-Conseil Islamique et du Médiateur de la République au sein du Haut-Conseil de la Fatwa et des Recours Gracieux, qui sera composé de 9 membres choisis pour 4 ans renouvelables une seule fois, avec les missions consultatives qui lui sont assignées.

L’article 95 nouveau et l’article 96 nouveau sont relatifs au Conseil économique, social et environnemental. La nouveauté ici est l’introduction du volet environnement dans les prérogatives du conseil qui reste une instance consultative à la disposition du Président de la République.

L’article 98 nouveau introduit les Conseils régionaux comme nouvelle dimension dans la décentralisation dont les contours seront définis par la loi. Ainsi, les régions seront dirigées par des conseils élus au suffrage universel et disposeront d’une indépendance de gestion.

Mais contrairement aux autres institutions vouées à la disparition ou à modification, comme la Cour constitutionnelle, le Haut Conseil islamique ou le Médiateur de la République qui disposent encore d’un délai de fonctionnement jusqu’à l’entrée en vigueur du nouvel organigramme qui les concernent, seul le Sénat semble être exclu de ce temps de grâce, dans la mesure où il est stipulé dans l’article 7 que toutes ses instances et ses dossiers doivent être reversés à l’Assemblée nationale. Les sénateurs semblent même empêchés de regagner leur chambre consacrant ainsi leur suppression de facto, avant même la mise en place des nouvelles dispositions nées des nouveaux changements.

Bien entendu, il y a l’article 8 nouveau qui consacre le drapeau vert avec croissant et étoile dorés, et deux bandes rouges horizontales

Le référendum de 2006

Il faut rappeler que la Constitution de 1991 a connu trois modifications. La première en 2006, après le coup d’Etat contre Maaouiya Ould Sid’Ahmed Taya et la transition démocratique qui l’avait suivie. En effet, le référendum constitutionnel organisé en 2006 avait touché 5 articles, notamment les articles relatifs au mandat du Président de la République qui passe de 6 (sans limitation) à 5 ans renouvelables une seule fois (article 26) ainsi que la limitation de l’âge pour la candidature à la Présidence de la République fixée entre 40 et 75 ans, alors que cet âge n’avait pas un maximum dans la Constitution de 1991.
En 2006, il a été décidé également que le Président de la République ne doit pas diriger un parti politique (article 27) et qu’il ne peut pas se présenter au-delà de deux mandats (article 28) avec un serment (article 29) qui lui interdit de prendre une quelconque initiative ou d’en soutenir une, relative au changement de la durée et du nombre de ses mandats conformément aux articles 26 et 28.
Autre article qui a été modifié en 2006, l’article 99 qui venait fermer définitivement toute tentative de modifier les articles relatifs au mandat du président de la République, sa durée et sa limitation à deux mandats.

Le référendum de 2012

Un autre référendum constitutionnel a été organisé en 2012 et avait touché plus d’une dizaine d’articles et le Préambule.

Ainsi, dans le Préambule modifié de la Constitution de 2012, la diversité culturelle de la Mauritanie a été consacrée, ainsi que l’Arabe comme langue officielle, le Soninké, le Pulaar et le Wolof comme langues nationales.

L’article 3 consacre l’interdiction des coups d’Etats considérés comme crimes imprescriptibles.

L’article 4 introduit la dimension genre dans l’accès aux postes de responsabilités et aux postes électifs avec les mêmes chances pour les hommes et pour les femmes.

L’article 13 élève l’esclavage, la torture, les traitements inhumains et dégradants au rang de crimes contre l’humanité. Il consacre aussi la protection des individus contre les arrestations arbitraires et garantit leur vie privée et leurs communications personnelles, comme l’inviolabilité de leur domicile.

L’article 19 introduit la dimension protection de l’environnement dans les devoirs qui incombent aux citoyens dans leur participation au développement durable.

L’article 42 rend le Premier ministre responsable devant le Parlement du travail gouvernemental à travers la présentation de sa Politique générale.

L’article 52 consacre le changement des sessions ordinaires du Parlement, avec une première session qui s’ouvre le premier jour ouvrable du mois d’octobre (et non plus en septembre) et une deuxième session le premier jour ouvrable du mois d’avril (et non plus en mai). Chaque session dure quatre mois et non deux mois (Constitution de 1991).

L’article 68 est relatif à la Loi des Finances qui doit être examiné d’abord par l’Assemblée nationale dans un délai de 45 jours, et au cas où l’Assemblée nationale ne se prononce pas dans les délais, le texte est transféré au Sénat qui doit l’approuver dans un délai de 15 jours.

Les autres articles 81, 89, 96 et 97 sont relatifs à la composition de la Cour constitutionnelle, le conseil économique et social et la Commission nationale pour les droits de l’homme.

Cheikh Aïdara

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