Atelier sur le système suivi-évaluation de la SCAPP : n’est-ce pas mettre la charrue avant les bœufs !

Article : Atelier sur le système suivi-évaluation de la SCAPP : n’est-ce pas mettre la charrue avant les bœufs !
Crédit:
23 décembre 2017

Atelier sur le système suivi-évaluation de la SCAPP : n’est-ce pas mettre la charrue avant les bœufs !

Avant de se pencher sur le système suivi-évaluation de la SCAPP (SSE-SCAPP), n’est-il pas plus logique de créer d’abord un cadre juridique pour cette même SCAPP dont l’existence n’est jusqu’à présent régie que par un simple document de stratégie et une loi d’orientation ?

Lancement du SCAPP en 2916 (Photo arcchives-AMI)

Un constat que la société civile a mis sur la table, balayé d’un revers de la main par le conseiller du Premier ministre, Hacen Ould Zeine, qui affirma du coup que le projet de loi sur la SCAPP (Stratégie de croissance accélérée et de prospérité partagée) est déjà sur la table de l’Assemblée Nationale. En tout cas, aux dernières nouvelles, le texte n’est pas encore arrivé à la chambre des députés. Et le PNUD qui compte aligner son prochain UNDAF (Plan Cadre des Nations Unies pour l’Assistance au Développement) sur cette même stratégie qui n’a pas encore une existence juridique.

Et nous voilà engagés sur une SCAPP 2016-2030 qui ne serait qu’une copie pâle des fameux Cadres stratégiques de lutte contre la pauvreté (CSLP) qui, comme les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), n’ont donné que de maigres résultats, malgré les milliards ingurgités dans d’interminables consultations, assistances techniques et ateliers bien arrosés dans les hôtels de Nouakchott. La pauvreté s’est non seulement élargie avec  de nouveaux pauvres, englobant la classe moyenne et gagnant certains pans de la classe supérieure, mais elle s’est surtout approfondie. Jamais la condition de vie des Mauritaniens ne s’est autant détériorée que durant ces dernières années.

Qu’à cela ne tienne,  pendant toute une journée, enfermée dans une des salles de l’hôtel T’Feïla, lundi 18 décembre dernier à Nouakchott, des cadres du Ministère des Finances, des départements sectoriels, quelques partenaires et une poignée d’acteurs de la société civile, ont bu jusqu’à la lie, les BA-ba du jargon macro-économico-financier dont la plupart des participants n’ont compris que dalle. Tout simplement indigestes, ballotés entre les indicateurs, les variables, les diagrammes, et j’en passe. Trop technique pour que les non-initiés, surtout certains membres de la société civile, puissent en faire du couscous.

Ce que l’on peut retenir de toute cette réunion de têtes grises, c’est qu’un bureau de consultants a été recruté,  le Bureau StatConsult dirigé par Harold Coulomb, pour élaborer une étude d’opérationnalisation d’un système de suivi-évaluation de la SCAPP.

L’objectif est d’aboutir à un large consensus sur la méthodologie et les activités à programmer à travers une large concertation entre les acteurs concernés, mais aussi sur l’appropriation des outils qui seront dégagés et sur la sensibilisation des partenaires sur la pertinence de tout ce travail.

Rendre opérationnel le SSE-SCAPP

L’ancien DG de l’Office National des Statistiques (ONS), consultant et cadre au Ministère de l’Economie et des Finances, Sidna Ould NDah avait au préalable présenté une communication dans laquelle il a évoqué la feuille de route de la SCAPP et la nécessité de renforcer le système de suivi-évaluation actuel, à travers plusieurs éléments de références, dans le but d’asseoir un système fiable de suivi-évaluation capable de suivre d’une manière efficiente les indicateurs de croissance et le transfert structurel envisagé de l’économie et de la société, mais aussi l’évolution du capital humain et l’accès aux services sociaux de base.

Les objectifs spécifique du SSE-SCAPP, selon Sidna Ould NDah, est de rendre l’opérationnalisation institutionnelle effective, de renforcer la capacité des structures en charge du suivi-évaluation, d’élaborer des rapports périodiques et de disséminer à temps les produits.

Pour ce qui est de l’opérationnalisation institutionnelle, il se réfère à la loi d’orientation de la SCAPP, le nouveau décret de pilotage et les besoins importants non satisfaits en matière de données. Il s’agira, selon lui, de créer une assistance technique dans les départements en déficit de ressources humaines en suivi-évaluation, de dégager un plan de formation pour palier à ce déficit et de fournir le matériel informatique et les autres équipements nécessaires.

Pour l’élaboration des rapports de suivi-évaluation, il est suggéré la fourniture de rapports aussi bien au niveau structurel que régional, la dissémination des produits et la dimension communicationnelle de l’opérationnalisation de la SSE-SCAPP. Il s’agira dans ce cadre de mettre à jour le site électronique de la SCAPP et l’usage des réseaux sociaux (facebook, twitter, linkedln, etc .), mais aussi la constitution de dossiers de presse et la mise en place de publications régulières sur la SCAPP, avec l’élaboration d’un chronogramme de mise en œuvre de la feuille de route.

Que propose le Bureau StatConsult

Harold Coulomb et son équipe de consultants, chargés de mettre en place le SSE-SCAPP, partant du contexte actuel, notamment le CSLPP 2001-2015, du système de suivi-évaluation existant, ainsi que la SCAPP, aura pour objectifs principaux, de concevoir un dispositif de suivi-évaluation performant, de répondre aux besoins en la matière pour le suivi de la SCAPP, d’assurer son application en tenant compte de ses éventuelles faiblesses.

Pour ce faire, quatre composantes du SSE-SCAPP ont été dégagées. La première composante concerne le dispositif institutionnel, pour lequel un plan d’évaluation sera élaboré, ainsi que des instances de pilotage et de concertation, en plus d’instances techniques de suivi avec des groupes de travail et des comités de suivi aussi bien au niveau sectoriel que régional.

La composante 2 concerne les indicateurs, avec ceux déjà proposés dans la SCAPP et ceux qui pourraient être dégagés éventuellement lors des discussions avec l’ensemble des parties prenantes, la définition d’une liste d’indicateurs à adopter, la définition de méta-données et leur harmonisation, et la différenciation à faire avec les indicateurs des ODD (objectifs de développement durable).

Pour la composante 3, il s’agira de créer un dispositif inter-gouvernemental de suivi des indicateurs, de procéder à la collecte et au recueil de données, de faire un reporting et de la communication active, de gérer le flux d’informations reçues et fournies et d’en contrôler la qualité.

Enfin, la composante 4 porte sur le Plan d’évaluation de la mise à jour de la base de données et un Plan d’évaluation de la SCAPP avec comme préoccupations, la transparence des opérations, leur objectivité et leur périodicité.

En termes de dealine pour les produits attendus et les chronogrammes, le Bureau StatConsult se fixe la fin décembre 2017 pour fournir une note de cadrage, de terminer les rapports d’étape d’ici janvier-mars 2018 et le rapport final au plus tard en avril 2018.

Comme activité, le bureau s’engage à mener une revue documentaire, des entretiens avec les parties prenantes et les personnes ressources, et d’organiser une session de validation pour les quatre composantes.

Les participants ont par la suite suivi plusieurs autres communications, notamment les «Revues annuelles dans le secteur de la santé », «Gouvernance, nouvelles constitutions financières » avec les orientations générales de la loi de finances liées à la SCAPP.

La parole aux participants

Au cours des débats qui se sont ouverts, les participants ont déploré le problème de la mise en œuvre du SSE-SCAPP, un problème qui s’est toujours posé en Mauritanie, selon eux, et cela pour toutes les stratégies.  L’autre problème aussi récurrent, est celui de l’appropriation. Partant, la recommandation qui a été formulée est de partir de l’existant et de ne pas recréer le monde.

Et ce qui pourrait être nouveau avec la SCAPP, selon les participants, contrairement au CSLP qui n’avait qu’une seule dimension, la dimension sectorielle, la SCAPP en compte deux, la dimension sectorielle et la dimension régionale.

Et le conseiller du Premier ministre de rappeler que pour la SCAPP, la Mauritanie sera subdivisée en régions et non en Wilaya, la ville de Nouakchott actuellement composée de 3 Wilayas sera considérée comme une seule région, ce qui ramènera le nombre de régions à 13 et non 15.

D’autres participants ont suggéré que le suivi soit dissocié de l’évaluation,  avec deux systèmes distincts. Si le suivi est interne aux structures, l’évaluation doit être menée par un organe extérieur et indépendant, avec l’introduction du suivi-citoyen pour donner du poids à l’apport de la société civile.

Certains ont déploré le nombre élevé d’indicateurs retenus, 156 au total, ce que d’autres trouvent insuffisants, comparé aux ODD qui en comptent 239, soulignant que le problème n’est pas le nombre mais la qualité.

La question a été posée de savoir si la loi d’orientation de la SCAPP va permettre la prise en compte des investissements futurs. Et le conseiller du Premier ministre de répondre à ceux qui déplorent l’absence de cadre juridique de la SCAPP, que cette dernière est régie par un document officiel
Cheikh Aïdara

Partagez

Commentaires