Le Français, cette viande du cou qu’on mange et qu’on cache

Article : Le Français, cette viande du cou qu’on mange et qu’on cache
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18 mars 2018

Le Français, cette viande du cou qu’on mange et qu’on cache

La Semaine de la Francophonie a été lancée ce samedi 17 mars 2018 en Mauritanie dans un contexte marqué par une guerre menée contre le français par la frange radicale et bien assise au sein du pouvoir, ces ultranationalistes arabes qui envoient pourtant leurs progénitures dans les plus prestigieuses écoles françaises. A eux s’appliquent l’adage bien connue, «ils mangent la viande du cou tout en la cachant» ou autrement, critiquer une chose ouvertement et l’approuver en secret.

Malgré le discours marronnier du président de l’Association mauritanienne de la francophonie (AMF), Ahmed Hamza, qui se plaît à répéter à l’envie, à chaque lancement officiel de la Semaine de la francophonie en Mauritanie, que le français n’est pas en concurrence avec l’arabe, et qu’il vient juste en complément pour participer à la riche diversité linguistique du pays, rien n’y fait. Les radicaux et chantres de l’arabité pure et dure exigent de bouter le français hors des frontières, se plaisant à le décrire comme la langue du colonisateur et usurpateur, quitte à s’inventer une «résistance coloniale» portée jusqu’à la balafre du drapeau national, désormais barré de deux traits rouges, symboles à leurs yeux du sang versé par leurs aïeuls au nom de la cause nationale. Un délire paranoïaque qui a gagné même les plus francophiles de la frange, emportés par la terreur de la horde tribale ou confessionnelle, mais qui ouvertement fourguent leurs rejetons, et les ultraconservateurs arabophones avec, dans les écoles où le français s’apprend le mieux.

Car, malgré cette haine du Français, donc du Négro-africain de quelque bord qu’il soit, du pays ou de la sous-région ouest-africaine contre lesquels des mesures xénophobes ont été prises ces dernières années, à travers un enrôlement biométrique génocidaire et une carte de résidence sélective et draconienne, l’administration mauritanienne continue dans certains aspects de dépendre du français. D’où la quadrature du cercle. Un apprentissage entièrement en arabe du primaire jusqu’à l’université, puis un recyclage en français par cours du soir interposé, cours à l’Institut français ou dans une des alliances, pour espérer se faire recruter dans certains secteurs de l’administration.

Les moins doués préfèrent apprendre l’anglais que le français. Et le nombre des jeunes Mauritaniens qui ont entrepris cette reconversion sont nombreux, sous-prétexte que le français est une langue en recul à travers le monde et pourrait même disparaître. En dessous se cache toujours cette haine contre le français, même si l’aventure est peu payante parfois, les secteurs demandeurs de locuteurs en anglais n’étant pas florès.

En tout état de cause, il paraît clairement que la guerre déclenchée contre le français ne serait que l’une des facettes d’un pouvoir dictatorial qui cherche à exaspérer tous les syncrétismes et toutes les dichotomies pour diviser davantage les Mauritaniens, fusse-t-il, par des querelles de peu d’intérêt comme celles cultivées entre les langues.

Cheikh Aïdara

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