Accords de pêche Mauritanie-Sénégal : poissons contre opposants

Article : Accords de pêche Mauritanie-Sénégal : poissons contre opposants
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15 avril 2018

Accords de pêche Mauritanie-Sénégal : poissons contre opposants

Les accords de pêche entre la Mauritanie et le Sénégal, suspendus depuis 2015, ne sont pas prêts d’être signés, sauf si Macky Sall accepte d’extrader les opposants mauritaniens installés sur son sol. C’est la condition sine qua none et non écrite qui empêcherait encore les pêcheurs de Guet Ndar de plonger leurs filets dans les eaux mauritaniennes, selon plusieurs analyses.

Pêcheurs sénégalais

La Mauritanie a fermé depuis 2015 ses eaux maritimes aux Sénégalais, surtout aux pêcheurs de Guet Ndar, habitués depuis des siècles à jeter leurs filets jusqu’aux confins de la Langue de Barbarie, comme les Mauritaniens ont depuis des siècles coutume de faire paître leurs troupeaux dans les prairies sénégalaises dans les moments de soudure. Depuis, les incidents entre pêcheurs Guet Ndariens et garde-côtes mauritaniens sont devenus monnaie courante, avec parfois des pertes d’hommes dans les rangs des pêcheurs de Saint-Louis. Cette situation de crise permanente crée ainsi une forte pression sur les autorités sénégalaises qui, année après année, usent leurs souliers dans des allers-retours infructueux entre Dakar et Nouakchott pour décrocher des accords de pêche de plus en plus liés aux humeurs du président Mohamed Abdel Aziz.

En février 2018, le président Macky Sall s’est rendu auprès de son homologue mauritanien avec qui il a signé un certain nombre de conventions, dont de nouveaux accords de pêche qui devaient être finalisés puis signés depuis le mois de mars 2018 après études par les départements concernés des deux pays. Cette bouffée d’oxygène politique accordée à Macky Sall intervenait après la mort d’un pêcheur sénégalais sous les tirs des garde-côtes mauritaniens et les incidents visant des boutiquiers mauritaniens qui s’en étaient suivis. Ce qui donnait un sursis au pouvoir sénégalais et lui permettait d’absorber la colère de la rue.

Mais ces accords n’ont pas encore été signés. Pour apaiser l’impatience des pêcheurs de Guet Ndar, le ministre sénégalais des pêches, Omar Guèye, est monté de nouveau au créneau pour justifier le retard, indiquant que les Mauritaniens disent attendre des précisions sur les délais de construction des points de débarquement, car selon la loi mauritanienne, les pêcheurs sénégalais ont l’obligation de débarquer leur prise en Mauritanie.

En réalité, les observateurs trouvent que le retard constaté dans la signature des accords de pêche est dû essentiellement aux exigences non déclarées des autorités mauritaniennes relatives à l’extradition de leurs opposants installés au Sénégal. Depuis quelques jours, l’Etat sénégalais aurait dressé une liste d’opposants mauritaniens en vue de les livrer à Mohamed Abdel Aziz. Cette liste renfermerait des artistes, des journalistes et des politiques qui ne cessent d’attaquer le pouvoir mauritanien par leurs musiques, leurs déclarations publiques ou par leurs écrits. C’est dans ce cadre que s’inscrirait l’arrestation du manager du groupe de rap «Ewlad Leblad », Ishaq. Un chantage « poissons contre opposants » contre lequel Macky Sall serait impuissant, tenaillé entre ses engagements internationaux et la pression de son opinion publique à qui il a déjà vendu l’idée que la Mauritanie signera de nouveaux accords de pêche.

Il faut dire que Mohamed Abdel Aziz est un habitué de ce genre de chantage dans ses relations internationales. Le Maroc en a déjà payé les frais, en abdiquant devant ses exigences d’expulser l’homme d’affaires Mohamed Bouamatou. Il avait brandi, en sus de son refus de nommer pendant des années un ambassadeur au Royaume, d’autres armes comme le rapprochement avec le Polisario et l’Algérie, la construction de la route Tindouf-Atar pour concurrencer la Transnationale reliant le Maroc à l’Afrique Noire via Nouakchott, et même la possibilité de bloquer le trafic marocain sur cet axe primordial pour le Royaume.

Cheikh Aïdara

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