Pêche artisanale, la résistance des Taghredient

Article : Pêche artisanale, la résistance des Taghredient
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7 novembre 2018

Pêche artisanale, la résistance des Taghredient

La pêche a toujours été une activité lucrative et de survie. Mais, de nos jours, les nouvelles technologies influent fortement sur les jeunes des milieux traditionnels. Et la sagesse des anciens maintient les filets!  

La pêche artisanale des Taghredient, une tradition qui s’émousse ?

Appelés « le bras noir du guerrier de Trarza » les Taghredient seraient arrivés il y a plusieurs siècles en Mauritanie. Guerriers-pêcheurs, ou pêcheurs-guerriers, quand ils découvrent la rive droite du fleuve Sénégal, régulièrement inondée par les eaux de l’océan, ils décident de s’y installer. Devenus d’excellents pêcheurs, ils transmettent depuis lors, de génération en génération, une tradition plusieurs fois menacée. Si l’installation du barrage de Diama qui a asséché les plaines a mis provisoirement leur tradition en péril, il existe aujourd’hui un risque tout aussi réel : le désamour des jeunes pour une pêche saisonnière et exigeante.

Cette pêche artisanale, pratiquée dans les zones inondées du Parc National de Diawling (PND), soit au filet soit à l’hameçon, à pied ou dans des embarcations légères, assure aujourd’hui aux pêcheurs un revenu mensuel de 40 000 MRU mais uniquement pendant 5 mois. En effet, la pêche pratiquée dans l’enceinte du PND répond à des règles strictes de préservation de l’environnement naturel. Les périodes, les zones, les techniques, les mailles des filets, tout est réglé pour maintenir l’harmonie entre la faune, la flore et les populations.
Si les vieux pêcheurs sont respectueux des règles qui entourent cette activité très lucrative, il n‘en est pas de même pour les jeunes formatés par les réseaux sociaux. Ces derniers aspirent à une vie plus ludique dans les grandes villes. Ainsi, ils sont de plus en plus nombreux à quitter les villages pour tenter leur chance à Nouadhibou, Nouakchott, Saint-Louis…

Interrogés sur ce nouvel exode, qui menace la pérennité de leur tradition, les anciens confient avec un hochement de tête et le sourire que « finalement ils ont jusqu’à présent beaucoup de chance, car après leurs expériences dans les villes, les jeunes s’en retournent au village, bredouilles, et rentrent dans les rangs des  pêcheurs ». Mais combien de temps cela va-t-il durer ?

La coopération allemande GIZ, qui apporte son soutien au PND à travers le programme Co-Management des ressources marines, côtières et terrestres (CorMCT) et le projet Promotion de l’emploi et de l’insertion professionnelle en milieu rural (PELIMIR), a récemment organisé une formation sur la réglementation du parc, les pratiques de pêche durable, et le développement de la chaîne des valeurs dans la perspective de promouvoir à terme l’emploi et l’insertion des jeunes. Ainsi 120 personnes ont été formées sur huit jours. Les jeunes pêcheurs qui étaient aussi conviés sont arrivés, peu nombreux et très contestataires. Quand ils ont compris le sens des modules dispensés, certains d’entre eux se sont progressivement rapprochés des vieux et ont suivi avec eux la formation jusqu’au bout. Mais rien n’est encore gagné. L’appât du gain est toujours fort, et les tentations d’enfreindre les règles toujours bien présentes.
Comme chaque année, le coup d’envoi de la pêche a été donné le 1er novembre. Et cette fois les jeunes pêcheurs Taghredient ont été les premiers à jeter leurs filets. La sagesse des anciens viendra-t-elle à bout de l’impatience des jeunes ?
                                                                                                                                                                                          Oumar S

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