Journée internationale pour l’élimination de la fistule, la Mauritanie s’engage à y mettre fin maintenant !

Article : Journée internationale pour l’élimination de la fistule, la Mauritanie s’engage à y mettre fin maintenant !
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14 juin 2019

Journée internationale pour l’élimination de la fistule, la Mauritanie s’engage à y mettre fin maintenant !

La Mauritanie a célébré le mardi 11 juin 2019, la Journée internationale pour l’élimination de la fistule obstétricale sous le thème «la fistule est une violation des droits humains, mettons-y fin maintenant». Cette journée, organisée par le Programme National de la Santé de la Reproduction (PNSR) en partenariat avec le Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA), a été marquée par un échange de discours et la remise de soutiens financiers à des victimes ainsi que la distribution de dix kits d’accouchements pour 30.000 bénéficiaires au profit de dix centres de santé, don de l’UNFPA.

Table officielle (Crédit UNFPA)

Célébrée le 23 mai 2019 par la communauté internationale, la Journée pour l’élimination de la fistule obstétricale l’a été en Mauritanie le 11 juin 2019, en présence du Secrétaire général par intérim du Ministère de la Santé, M.Ahmedou Jiddou Ould Zeine. Dans son mot d’ouverture, il a indiqué les efforts déployés par son département pour mettre fin à cette tragédie. «Le Ministère de la Santé a mis en place depuis 2005, la Stratégie Nationale pour l’Elimination de la Fistule. Des campagnes de dépistage régulières des victimes ont été lancées depuis ainsi que leur prise en charge, avec l’appui de l’UNFPA et l’ONG française «Equilibre et Population» a-t-il indiqué. Selon lui, «plusieurs cadres de la santé ont été formés pour la prise en charge des cas, preuve des efforts déployés par l’Etat dans ce cadre, à travers le renforcement du système sanitaire». Il considère par ailleurs que la commémoration de cette journée est la preuve de l’importance que le gouvernement accorde à la fistule comme priorité sanitaire.

Auparavant, le Représentant résident de l’UNFPA en Mauritanie, SEM.Saidou Kaboré, avait souligné que la commémoration de cette journée sous le thème choisi cette année, «intervient dans un environnement marqué par la volonté grandissante des nations à prendre en compte les femmes dans tous les secteurs de développement afin d’assurer l’atteinte des ODD à l’horizon 2030». Rappelant que «l’apparition de la fistule obstétricale est principalement liée à un travail difficile lors d’un accouchement prolongé ou l’absence de soins obstétricaux de qualité», SEM.Saidou Kaboré a indiqué que «l’OMS estime à plus de 2 millions le nombre de femmes vivant avec une fistule obstétricale non traitée en Asie et en Afrique Subsaharienne». La fistule touche en général selon lui, les femmes jeunes et pauvres, vivant dans des contextes où le statut d’une femme dépend du mariage et de la capacité à avoir des enfants.

Une partie de l’assistance (Crédit UNFPA)

En Mauritanie, 150 à 300 femmes sont touchées, situation qui aurait pu être évitée selon le Représentant résident de l’UNFPA, s’il était mis fin au mariage des enfants, si l’âge de la première grossesse avait été repoussée, si les besoins des femmes en planification familiale étaient satisfaits, si les mutilations génitales féminines étaient éradiquées et si les femmes avaient accès à temps à des soins obstétricaux de qualité. Il a précisé que «le thème de la journée s’inscrit parfaitement dans la vision du gouvernement, et plus particulièrement dans sa volonté de réduire la mortalité maternelle (582/100.000 naissances vivantes) » par des accouchements assistés par un personnel qualifié et l’utilisation des méthodes contraceptives.

Le Secrétaire Général du Ministère de la Santé et le Représentant de l’UNFPA (à sa gauche) se serrent la main après la remise de 10 kits d’accouchement, don de l’UNFPA (Crédit UNFPA)

Enfin, il a rappelé le mot de la Directrice Exécutive de l’UNFPA, Mme Natalia Kanem à l’occasion de la célébration de la journée. «Il est temps que le monde entier tienne compte de l’appel lancé par les Etats membres de l’ONU dans la résolution 2018 des Nations Unies sur l’élimination de la fistule dans laquelle ils s’engageaient à éradiquer la situation en une décennie» avait-elle déclaré, soulignant, «aucune «femme ou fille ne devrait être privée de sa dignité, de ses espoirs et de ses rêves. La fistule est une violation des droits humains, mettez-y fin maintenant !»

La journée a été marquée par plusieurs communications présentées par des experts de la santé, en présence d’acteurs clés du secteur, telles l’Association des Sages-femmes de Mauritanie, l’Association mauritanienne des gynéco-obstétriciens, et plusieurs membres de la société civile actifs dans le domaine.

Témoignages de quelques acteurs de la santé et d’anciennes victimes qui ont reçu une aide financière offerte par le PNSR.

Mimi Mint Moulaye Driss, Sage-femme, Point focal de la fistule au PNSR.

«La fistule obstétricale est une malveillance de l’accouchement compliqué. Elle touche en particulier les femmes pauvres et analphabètes. La stratégie mise en place depuis 2005 par le Ministère de la Santé pour y mettre fin, a permis de mener des missions de dépistages et la prise en charge des victimes. Avec l’appui de l’UNFPA et de certains partenaires comme l’ONG WAHA, le PNSR a pris en charge les victimes et leur accompagnant (transport, hébergement, nourriture, frais d’opérations chirurgicales, soins pré et postopératoires, médicaments). La fistule est une réalité en Mauritanie et les victimes se cachent encore. D’où l’intérêt de décupler les efforts pour les dénicher. Le PNSR leur offre aussi des appuis financiers pour leur insertion. Les régions les plus touchées sont le Gorgol, le Hodh Charghi, le Trarza et le Guidimagha».

Aïssata Diop, Sage femme d’Etat, Point Focal Fistule et Surveillante générale à l’Hôpital Mère et Enfant

«Mon numéro de téléphone est disponible auprès de toutes les sages-femmes du pays qui m’alertent dès qu’un cas se présente. Quand les femmes sont acheminées à l’hôpital, je les examine d’abord, puis je les conduis en consultation gynécologique, puis auprès du Dr.Diagana, l’urologue qui détermine s’il s’agit d’une fistuleuse qui doit être opérée ou pas. Avec la prise en charge de l’UNFPA pour ces cas, je m’occupe des restes des formalités postopératoires (bilan, programmation, etc.) jusqu’à la sortie de la malade. Cela fait plus de dix ans que je travaille dans le domaine de la fistule. Parfois, on dénombre jusqu’à quinze à vingt cas par année, lors des missions de dépistage menées en général en décembre».

Aïcha Mint Mohamed Mahmoud, 30 ans, originaire de Mbout (Gorgol)

«J’ai eu la fistule suite à mon premier accouchement très difficile aux termes duquel j’ai été acheminée à Kaédi. J’avais 15 ans et J’ai traîné la maladie pendant dix ans, avant que je ne sois détectée lors d’une mission du PNSR et conduite à l’Hôpital national de Nouakchott. J’ai subi huit opérations de réparation chirurgicale d’abord à l’hôpital national puis à l’hôpital Cheikh Zayed. Aujourd’hui je suis totalement guérie. Je me suis remariée, car mon premier mari m’avait divorcée dès que je suis tombée en état de grossesse, avant même ma maladie. J’ai été entourée de tout l’amour de ma famille, qui ne m’a jamais abandonnée ni isolée. Mais par honte, je préférais toujours rester dans ma chambre pendant toutes ces longues années de souffrance. Je ne pouvais assister à aucun rassemblement populaire (mariage, baptême), ni rendre visite à qui que ce soit. Maintenant, je suis heureuse et mère d’un enfant avec mon deuxième mari».

Houlèye Niane, 35 ans, originaire de Bagodine (Brakna)

«Je me suis mariée à l’âge de 24 ans. J’ai eu la fistule suite à un accouchement très compliqué. On m’avait déjà conduit à Kaédi, mais comme je n’arrivais pas à me délivrer, on m’a acheminée à Nouakchott où j’ai subi un accouchement au forceps. Ce sera le début d’un calvaire qui a duré une année au cours de laquelle je me déplaçais avec des béquilles. Je restais toute la journée debout. Je ne pouvais pas m’asseoir sans déclencher selles et urines. Pendant tout ce temps, mon mari ne m’a jamais abandonnée. C’est lui-même qui lavait mes habits et me faisais des couches, avant d’aller au travail. Ma famille aussi est restée très solidaire et ne m’a jamais abandonnée. J’ai été guérie après avoir subie quatre opérations. J’avais, selon les médecins, une fistule compliquée (fistule vésico-vaginale : Ndlr sage-femme). Aujourd’hui, grâce à l’aide du PNSR et de l’UNFPA, ma vie a changé».

Koueidi Sidi Niang, 34 ans, originaire de Kaédi (Gorgol)

«Je me suis mariée à l’âge de 26 ans et j’ai quatre enfants. J’ai eu la fistule lors de l’accouchement pour mon troisième enfant à l’hôpital de Kaédi. Pourtant, on m’avait averti dès mon deuxième enfant. On m’avait demandé de revenir après le baptême mais par négligence, je  ne suis pas revenue. Et après l’accouchement pour mon troisième enfant, j’ai constaté la perte d’urines et de selles. Je ne savais pas ce qui m’arrivait. Je suis restée dans cet état pendant cinq ans. C’est ainsi que le PNSR m’a repérée et je fus conduite à Nouakchott, au Centre de santé de Sebkha où je fus prise en charge. Je n’ai jamais rencontré de problème. Suivie médicalement et nourrie avec une tante, j’ai été opérée par des blancs (les chirurgiens de l’ONG Equilibre et Population : ndlr). J’ai subi trois opérations avant d’être complètement guérie. Pendant tout ce temps, mon mari est resté avec moi, jusqu’à l’instant où je vous parle. Lui et ma famille ne m’ont jamais abandonnée».

Marième Mint Mohamed, 26 ans, originaire de Oualata (Hodh Charghi)

«Je me suis mariée à l’âge de 17 ans. Au début, après accouchement pour mon premier enfant à l’hôpital de Néma, je perdais involontairement mes urines et mes selles. Je changeais mes habits tous les instants et je passais le temps à pleurer. Je suis restée comme ça pendant cinq longues années de souffrance et de honte. Je ne savais pas que c’était une maladie. C’est après que ma mère a pris contact avec le PNSR qui m’a amenée à Nouakchott, à l’Hôpital Mère et Enfant. Une seule opération a suffi et j’ai été guérie. La plus grande joie de ma vie. Je remercie le PNSR, l’UNFPA, Mimi, Aïssata Diop, les chirurgiens qui m’ont soignée».

Cheikh Aïdara

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