Dans le sillage d’un dialogue postélectoral, le ministre Seydina Ali rencontre Birame Dah Abeid

Article : Dans le sillage d’un dialogue postélectoral, le ministre Seydina Ali rencontre Birame Dah Abeid
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10 juillet 2019

Dans le sillage d’un dialogue postélectoral, le ministre Seydina Ali rencontre Birame Dah Abeid

Le candidat, deuxième de l’élection présidentielle du 22 juin 2019, Birame Dah Abeid, a reçu mardi 9 juillet 2019 à son siège à Nouakchott, la visite du Ministre Porte-parole du gouvernement, Seydina Ali Ould Mohamed Khouna, accompagné du Dr.Abdallahi Ould Mine. Pour le contenu de l’entretien, nous avons recueilli les propos de Bakary Tandia, Directeur national de la campagne du candidat Birame Dah Abeid.

Après l’élection présidentielle du 22 juin 2019, une crise s’est installée qui a crée un climat de tension et de confrontation, d’arrestations et de détentions abusives. Face à cette situation, il n’y a que deux options possibles, une confrontation ouverte et directe, ou le dialogue et la négociation. Après avoir évalué la situation, la tendance générale semble être favorable à la négociation. C’est dans ce cadre que s’inscrit la rencontre ce mardi 9 juillet, entre le Ministre Porte-parole du gouvernement, Seydina Ali Ould Mohamed Khouna, accompagné du Dr.Abdallahi Ould Mine, et le président Birame Dah Abeid. Il s’agit d’une rencontre préliminaire. Dans notre position, il y a des questions fondamentales qui doivent être réglées dans le cadre de cette crise politique. Comme il s’agit d’une crise politique, la solution ne peut être que politique, parce que nous avons épuisé les voies légales de recours par rapport aux irrégularités que nous avons identifiés au cours de l’élection. Maintenant, nous sommes dans la situation postélectorale dans laquelle il y a une crise politique aiguë, dont la seule solution réside dans un règlement politique.

Droits de l’homme

Par rapport à ce constat, cela fait des décennies que nous nous battons pour la défense des droits de l’homme, la justice sociale en Mauritanie et pour une gouvernance politique effective. Le dialogue ou la négociation ne signifie pas le simple plaisir d’y aller. Nous avons des conditions qui correspondent aux aspirations des populations qui ont voté pour nous. Des conditions par rapport au processus électoral vicié. Si le pouvoir accepte les conditions que nous avons posées, nos populations seront satisfaites dans l’ensemble, et en plus, nous aurons un processus électoral qui, sans être totalement parfait, offrira cependant un certain nombre de garanties pour que les prochaines élections soient plus justes, plus claires et plus transparentes. La rencontre s’inscrit dans ce cadre.

Déportés et Passif Humanitaire

Parmi les conditions, Birame Dah  Abeid a exigé la libération de tous les détenus, arrêtés suites aux évènements postélectoraux, y compris le journaliste Ould Wedia, ainsi que la suspension de toutes les poursuites judiciaires à l’encontre des opposants en exil. il y a aussi des conditions que nous considérons comme des lignes rouges, notamment la question des déportés au Mali et au Sénégal. Cette question doit être absolument réglée. Il s’agit de citoyens mauritaniens qui ont subi des violations graves et qui vivent dans des conditions inhumaines depuis plus de trois décennies. Aucune question ne pourra avancer en Mauritanie tant que leur sort ne sera totalement apuré. Nous avons également, les tueries extrajudiciaires. Jusqu’à présent, les familles éplorées ne savent même pas où sont enterrés leurs proches, alors que ceux qui sont responsables de ces tueries sont encore vivants et connaissent là où ces corps sont inhumés. Les demandes des organisations de défense des droits de l’homme et celles des familles des victimes se sont toujours heurtées au silence du gouvernement. Si l’Etat mauritanien veut poser un acte significatif et exprimer sa bonne foi et sa volonté de régler ces questions pendantes, nous sommes prêts à lui apporter notre collaboration, parce que ces questions ont toujours figuré dans notre agenda.

Enrôlement biométrique et évènements 89-91

Il y a également le problème du recensement biométrique qui a mis en rade plusieurs milliers de citoyens mauritaniens qui ont le droit de disposer de leurs pièces d’état-civil et de circuler librement dans leur pays. C’est un droit fondamental, car il est inacceptable qu’un Mauritanien ne puisse disposer de ses papiers. Il s’agit d’une situation créée par le gouvernement et il n’est pas permis de demander aux citoyens d’assumer les conséquences d’actes administratifs mal ficelés pris par le gouvernement. C’est au gouvernement de prouver que quelqu’un n’est pas Mauritanien au lieu que ce dernier soit amené à prouver qu’il est Mauritanien, d’où une double victimisation. Il y a d’autre part la loi d’amnistie de 1993 qu’il faut absolument abroger car il constitue une barrière illégale pour empêcher qu’une enquête soit menée sur les tueries des années 90. Il s’agit de restaurer la mémoire des victimes et permettre de régler cette question une fois pour tout. Car le Passif humanitaire, le recensement biométrique et la question des déportés constituent la pierre angulaire de toutes les questions fondamentales des droits de l’homme en Mauritanie. Ces questions ne peuvent pas fondre comme glace au soleil et elles continueront à être posées tant qu’une solution définitive ne n’y mettra pas fin. Il faudra au gouvernement avoir le courage politique et moral ainsi que la sagesse totale pour attaquer ces questions qui sont celles de tous les Mauritaniens. S’il y a une volonté politique de les régler, les Mauritaniens vont se joindre les coudes pour aider le gouvernement à les résoudre, parce qu’il s’agit de problèmes de justice sociale et de dignité humaine. Toute personne éprise de justice et de liberté, n’hésitera pas à se joindre à tout effort tendant à rétablir toutes ces injustices ici évoquées.

Elections générales anticipées

Il y a plusieurs autres problèmes avancés, tels que le volet politique, qui veut qu’on ait demandé l’organisation d’élections générales anticipées pour prendre en compte la volonté politique des masses qui s’est largement exprimée lors de l’élection présidentielle écoulée. Il faut que cette nouvelle volonté populaire se reflète au sein du Parlement, des communes et des conseils régionaux.

Répartition équitable des richesses

Sur le plan économique, il faut que les ressources naturelles soient exploitées d’une manière responsable et la manne qui en sera tirée soit également répartie d’une manière rationnelle pour que tous les Mauritaniens puissent profiter des revenus générés par ces ressources naturelles. Il est inacceptable qu’une poignée de personne jouissent à eux seuls de toute cette manne et que l’écrasante majorité de la population croupisse dans la pauvreté et la misère.

Promotion des cultures nationales
Sur le plan culturel, la Mauritanie est une société multiethnique et multiraciale. Il faut que cette diversité se reflète au niveau de toutes les institutions. Il n’y a pas de raison qu’une seule communauté domine et monopolise les institutions de l’Etat. La question des langues nationales est également fondamentale et doit être traitée.

Grosso modo, les conditions posées par Birame Dah Abeid à ses interlocuteurs touchent à toutes les questions sociale, politique, économique et culturel. Parmi ces conditions, il y a celles qui sont des lignes rouges et sans l’acceptation desquelles, il n’y aura pas de négociation. Ce sont les questions des droits de l’homme, les déportés, l’état-civil, le Passif humanitaire.

Réponse des émissaires

Les émissaires du pouvoir, le Ministre Ould Mohamed Khouna et son accompagnant, se sont montré ouverts à toute négociation. Ils ont embrassé l’idée de l’ouverture au dialogue. D’une manière générale, ils ont déclaré que par rapport aux points soulevés par le président Birame Dah Abeid, ils les acceptent et sont prêts à travailler sur les questions qu’il a avancées. Ils ne sont pas entrés dans les détails à ce stade préliminaire. Il va falloir mettre sur pied des commissions techniques pour développer un agenda pour la négociation.

Ambitions politiques
Nous avons évoqué d’une manière générale les ONG et les partis politiques dont les demandes de reconnaissance sont bloquées afin que toutes puissent jouir de leur droit. Par rapport à la situation actuelle, Birame Dah  Abeid, est un opposant indépendant qui ne dispose pas encore d’un cadre juridique pour se mouvoir et nous sommes en train dans ce cadre d’explorer d’autres options, qu’il serait prématuré de commenter pour le moment.

Propos recueillis par Cheikh Aïdara

 

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