10 juin 2016

«Mohamed Ould Abdel Aziz va-t-il lâcher réellement le pouvoir ?»

Mhd Abdel Aziz

 

Malgré les dispositions claires de la Constitution mauritanienne qui verrouillent définitivement toute possibilité pour Mohamed Ould Abdel Aziz de briguer un troisième mandat et malgré ses récentes déclarations (par presse internationale interposée) dans lesquelles il affirme n’avoir pas l’intention d’aller au-delà de son deuxième mandat, l’opposition radicale reste sceptique. Elle soupçonne des subterfuges, quelques entourloupettes et des fenêtres dérobées. Pourtant, certains de ses partisans proposent de l’aider à quitter le pouvoir et à réaliser un exploit dans l’alternance pacifique, ce qui porterait son nom au panthéon de la démocratie mauritanienne.

Avant-même les incidents provoqués par quelques ministres de la République et qui avaient provoqué un tollé généralisé sur la possibilité d’un troisième mandat, le président Mohamed Abdel Aziz n’a eu de cesse, selon ses alliés, de proclamer sa ferme intention de respecter la Constitution mauritanienne et de s’en tenir à deux mandats, c’est à dire à quitter le pouvoir en 2019. Dans une interview accordée à AFRIKA 24, le président il avait déclaré sans ambages qu’il «ne briguera pas de troisième mandat » et qu’il «quittera le pouvoir à la fin de son second quinquennat».Il le répète à nouveau dans deux entretiens récents, dont l’un est à lire dans le journal français l’Opinion, il affirme que l’idée du troisième mandat n’est que le fruit de l’imagination de l’opposition et qu’il n’a jamais eu l’intention d’aller au-delà de 2019, terme de sa dernière législature.

Ses détracteurs soutiennent cependant qu’entre-temps, il y a eu la pression du mandat finissant et l’idée intenable de lâcher un pouvoir chèrement acquis, au prix de deux coups d’Etat successifs. Selon eux, il y a surtout la peur de devoir rendre des comptes. Il a exercé au cours des dix dernières années un pouvoir unilatéral et centralisé au cours duquel des abus pourraient lui être reproché. L’opposition le soupçonne d’avoir profité de ses charges pour bâtir une fortune considérée comme l’une des plus importantes du pays, elle lui reproche aussi d’avoir aidé ses proches à s’enrichir et à investir tous les segments de l’économie nationale, sans compter des dossiers énigmatiques, non encore dépoussiérés, qui pourraient bien l’être une fois qu’il serait hors du pouvoir.

Plusieurs ministres de la République ont évoqué la nécessité pour le président d’achever des chantiers à long terme, au-delà de son deuxième mandat. D’autres ministres insinuent la possibilité pour le peuple, seul détenteur de la souveraineté, de changer la Constitution pour permettre au président de faire un troisième mandat. L’opposition pense que ces paroles sont des ballons d’essai commandités directement par Mohamed Ould Abdel Aziz pour tâter la réceptivité d’une telle idée au sein de l’opinion. Constitutionnalistes chevronnés, juristes jongleurs, commentateurs et analystes se succèderont ainsi pendant des semaines sur les différents plateaux de télévisions et dans les studios de radio, remplissant des pages dans les journaux et les sites, pour décortiquer le «pourquoi et le comment d’une possible révision constitutionnelle qui pourrait permettre ou empêcher Mohamed Abdel Aziz à briguer un troisième mandat ».

Ainsi, les pronostiqueurs et autres prospecteurs politiques n’ont pas hésité à prédire que le président allait couper la poire en deux et annoncer sa décision de briguer un troisième mandat. Il n’en fut rien mais l’idée qu’il lança à propos de la dissolution du Sénat fut interprétée par l’opposition comme une alerte confirmative de son intention d’attaquer le mandat présidentiel par le plus subtile des subterfuges. Car, paroles de constitutionnalistes, cette mesure allait toucher plus d’une vingtaine d’articles de la Constitution, y compris ceux qui sont relatifs au mandat justement. En réponse à cette velléité détournée de piper les cartes, l’opposition organisa une manifestation monstre, la plus imposante dans l’histoire politique du pays, tandis que des boucliers se dressèrent aussi bien au niveau national qu’international. Et, comme pour mettre fin à toute cette polémique, Mohamed Abdel Aziz s’adressa alors à la presse internationale, pour déclarer son intention de lâcher le pouvoir à la fin de son présent mandat.

Mais des hommes politiques comme Moustapha Ould Bedredine de l’Union des Forces du Progrès (UFP) restent encore non convaincus. Dans une interview à la télévision, Ould Bedredine déclare que l’opposition est septique par rapport aux propos de Mohamed Abdel Aziz relatifs à son intention de ne pas briguer un troisième mandat. L’argumentaire avancé est qu’il est difficile de concevoir qu’un homme qui a tout sacrifié pour arracher le pouvoir en 2007 par la force, et qui a démontré une hargne sans précédent pour le conserver, puisse décider tout bonnement de tout lâcher aussi aisément. Selon Ould Bedredine cette attitude pourrait cacher des scénarios occultes par lesquels Ould Abdel Aziz tenterait de contrôler le pouvoir qui lui succédera à distance, ou de revenir par une porte politique dérobée.Il s’est toutefois déclaré soulagé d’entendre Ould Abdel Aziz affirmer qu’il ne briguerait pas de mandat supplémentaire et qu’il partirait en 2019.

Il y a surtout ceux, côté majorité présidentielle, qui pensent qu’il faudrait aider Mohamed Abdel Aziz à quitter le pouvoir. C’est l’avis de Mohamed Ould Babana, député du parti Union Pour la République (UPR parti au pouvoir), dans une interview qu’il avait accordée la semaine dernière à un périodique local, il a en effet affirmé que la priorité aurait dû être de profiter de la situation actuelle pour aider le président de la République à quitter le pouvoir. Il a évoqué ce moment crucial où il a eu le courage de donner la chance à la Mauritanie de vivre à la fin de son mandat une alternance pacifique au pouvoir qui restera sans nul doute dans les annales du pays mais aussi du monde démocratique libre.

 

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