Idriss Deby Itno-Mohamed Abdel Aziz / UPR-MPS : des similitudes sur les deux rives du Sahara

Article : Idriss Deby Itno-Mohamed Abdel Aziz  / UPR-MPS : des similitudes sur les deux rives du Sahara
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26 février 2017

Idriss Deby Itno-Mohamed Abdel Aziz / UPR-MPS : des similitudes sur les deux rives du Sahara

Le Tchad comme la Mauritanie sont des pays trait d’union, entre l’Afrique du Nord et l’Afrique noire. Ils font plus d’un million de kilomètres chacun. L’un s’ouvre sur la mer et l’autre tire son nom d’un lac. Ils ont la même configuration  géographie, région désertique, espace semi-aride et savane soudanaise. Les deux pays ont été le berceau de grands empires. De tradition bédouine et agropastorale, ils ont abrité des circuits commerciaux transsahariens vieux de plusieurs millénaires.

Tous les deux ont été colonies françaises et ont accédé la même année à l’indépendance en 1960. Tous les deux sont devenus pays pétroliers presqu’en même temps, au début des années 2000. Ils partagent le même niveau de pauvreté, parmi les pays les moins développés du continent et comptent chacun autant de coups d’état militaire. Tous les deux pays ont des populations arabes et des populations d’origine africaine. Le Tchad compte des dizaines d’ethnies et de langues parlées pour 11, 63 millions d’habitants, alors que la Mauritanie n’abrite que quatre communautés linguistiques pour une population d’environ 4 millions d’habitants. Si la Mauritanie est à cent pour cent musulmane, le Tchad compte des minorités chrétiennes et païennes.

Tous les deux sont arrivés au pouvoir par coup d’Etat. Mais si Idriss Deby Itno est au pouvoir depuis vingt-sept années, et qu’il cumule cinq mandats après avoir fait sauter le verrou des deux mandats fixés par la Constitution de 1996, son cadet de quatre années, Mohamed Abdel Aziz lui n’est effectivement président de la Mauritanie que depuis huit années. Et il a juré de ne pas modifier la Constitution, ce qui lui aurait permis de se présenter pour un troisième mandat. Ainsi, si Idriss Deby itno ne pense pas encore à un remplaçant, Mohamed Abdel Aziz a promis de céder le pouvoir en 2019.

Idriss Deby tout comme Mohamed Abdel Aziz se considèrent comme les gendarmes du Sahel et se sentent irremplaçables dans la lutte contre le terrorisme dans la région. Ils ont tous les deux la confiance des partenaires africains et européens.

Mais à NDjaména tout comme à Nouakchott, la voix des chefs de file de l’opposition, Saleh Kebzado du Tchad et Ahmed Ould Daddah de la Mauritanie ne sont pas écoutés quand ils martèlent à coups de saison aux partenaires économiques des deux pays, en particulier la France, «d’être de plus en plus exigeants sur la gouvernance économique, le respect des droits humains face à un régime qui a acculé la population à une paupérisation croissante et excelle dans la gestion patrimoniale de l’État ».

Mais en Mauritanie comme au Tchad, Mohamed Ould Abdel Aziz et Idriss Deby continuent d’être adulés par leurs alliés qui les décrivent comme des «guerriers », vantant leur bravoure et leur témérité face aux épreuves. Si au Tchad, Deby s’est entouré des membres de sa tribu, les Zagawas, le même reproche est fait à Mohamed Abdel Aziz accusé d’avoir tout confié à ses proches, de la tribu des Oulad Besbâa, en particulier la faction de sa famille.

Mais dans l’exercice du pouvoir politique, les deux hommes se ressemblent comme deux frères siamois, tout comme se confondent les deux partis au pouvoir, le Mouvement Patriotique du Salut (MPS) au Tchad, parti né d’une rébellion armée, et l’Union Pour la République (UPR) issu de l’ancien PRDS, de Mauritanie.

En Mauritanie, il est reproché à Mohamed Abdel Aziz d’exercer un pouvoir personnel et de gérer le pays d’une manière patrimoniale, avec une armée de  proches et de laudateurs. Pareil au Tchad où l’Etat vient d’interdire un mouvement citoyen dénommé le MECI qui se veut le pendant tchadien du «Balai citoyen » au Burkina Faso ou du mouvement «Y’en a marre » au Sénégal.

Ce rassemblement de l’ensemble des forces vives du Tchad, qui regroupe des syndicats, des partis de l’opposition, les organisations de défense des droits de l’homme les plus représentatifs, les intellectuels et les journalistes fait peur au pouvoir tchadien. Le Mohamed Ould Maham du Tchad, qui s’appelle Mahamat Zen Bada, Secrétaire général du parti au pouvoir, le MPS, versus UPR,  de monter au créneau en fustigeant les fondateurs du MECI, accusés de «chercher à déstabiliser le régime ». Le couperet ne tardera pas à tomber. Le ministre de l’Administration du territoire et de la gouvernance locale, le pendant de notre Ministre de l’Intérieur, Bachar Ali Souleymane, de décréter l’interdiction de toutes les activités du MECI sur l’ensemble du territoire national, trouvant illégal l’attelage entre «des personnalités et des organisations dont les champs d’action sont différents ».
Les protestations de la classe politique et de la société civile tchadiennes ressemblent à s’y méprendre à celles de notre propre classe politique et de notre société civile, dans leur dénonciation de ce qu’ils considèrent être les manifestations d’un «recul de la démocratie » et la consolidation de la «dérive du pouvoir ».

Le président de la Ligue tchadienne des droits de l’homme, Dobian Assingar dans une sortie de fustiger le pouvoir qui interdit «aux organisations de la société civile de se réunir, de manifester et de tenir des réunions, alors que des organisations acquises à sa cause, comme le MPS, peuvent tenir réunion et organiser des conférences sans être inquiétés ».
Pour les opposants, la décision du ministre «est nulle et de nul effet » par rapporté aux textes de loi qui garantissent la liberté d’association. Tiens, comme nous, ils ont un texte datant de 1962 instituant les associations. Suite à cette réplique, Dobian Assingar est interpellé, interrogé par quatre commissaires de police et un inspecteur sur deux griefs : rébellion contre la puissance publique et atteinte à la cohésion nationale. On pense entendre nos propres autorités. Puis, comme chez nous, les membres du MECI sont pris en filature, débauchés et harcelés.
Comble de toutes les similitudes, le président Idriss Deby Itno, réunit son clan, et menace d’interdire les syndicats membres de MECI.
A rappeler, pour conclure, que tous les deux présidents, Mohamed Ould Abdel Aziz et Idriss Deby Itno, ont  présidé aux destinées de l’Afrique en assurant la présidence de l’Union Africaine. Mais si Mohamed Ould Abdel Aziz adore les bolides et s’émeut devant les accélérations d’une Benne 19/24 massacrées de loin, Deby Itno languit devant un chameau bien racé.

Cheikh Aïdara

 

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