25 octobre 2017

La PF Islamique, oui ça existe !

«Les contraceptifs doivent être exclusivement réservés aux couples mariés » et «toutes les dispositions du texte doivent être conformes à la Charia islamique». C’est avec ces amendements apportés à la très controversée loi sur la Santé de la Reproduction, que le texte définitif est enfin sorti de l’ornière des parlementaires mauritaniens.

A Nouadhibou lors d’une formation sur la pose du Dispositif Intra Utérin du Post-Partem (Photo Aidara)

En effet, c’est au cours d’une plénière tenue à l’Assemblée nationale que le projet de loi relatif à la santé de la reproduction a été adopté, après les amendements apportés aux articles 6, 22, 25 et 17 dudit projet de loi pour en préciser certains concepts. A la clé, la PF islamique.

Même si les acteurs de la société civile sont peu satisfaits de ce projet de loi, loin de celui qu’ils avaient proposé, ils font contre mauvaise fortune bon cœur. «Qu’il y ait une loi sur la SR en Mauritanie, c’est déjà un succès. Après, on verra » a déclaré l’un d’entre eux.

Le texte est en effet resté depuis des années enfermé dans les obscurs tiroirs de la République et ce n’est que le 16 octobre 2016 qu’il a été adopté en Conseil des ministres. Ce texte présenté une première fois au Parlement sera rejeté. Les Islamistes montent au créneau et fustigent une loi qui «ouvre la voie à la dépravation des mœurs », selon l’envolée enflammée de Toutou Mint Taleb Navé, député du parti islamiste Tawassoul qui pointe du doigt les articles 7, 9 et 17 qu’elle juge dangereux. Dangereux , dira-t-elle, parce que «leurs charges sont nocives pour nos valeurs » dans la mesure selon elle, où ses articles prônent l’enseignement de l’éducation sexuelle dans les écoles, encouragent les jeunes à utiliser les préservatifs et à avoir accès à des informations relatives aux méthodes contraceptives, à exiger des centres de santé de mettre les produits contraceptifs à la disposition des jeunes et des adolescents. Les Islamistes s’élèvent également contre la publicité sur le planning familial, la contraception et ses produits.

En circoncisant l’utilisation des produits de la contraception aux seuls couples mariés, la nouvelle loi sur la SR semble ignorer qu’en Afrique subsaharienne, moins de 15% seulement des femmes mariées utilisent un contraceptif et que le recours à ces produits par les femmes célibataires, sexuellement actives et en âge de procréer, est au moins deux fois plus élevés. L’utilisation des préservatifs permettraient surtout de protéger les adolescentes et les jeunes femmes de grossesses non désirées, telles les grossesses qui surviennent suite à un viol, avec les chiffres alarmants de ce crime en Mauritanie. Que dire des dizaines de bébés abandonnés souvent dans des décharges publiques sous le manteau de la nuit, des infanticides…

Cette loi qui exclut également toute publicité ou information publique sur la planification familiale, sur la contraception et sur ses méthodes risque de réduire drastiquement le rôle des médias dans la prise de conscience des populations et leur éducation sociale.

Au cours de cette plénière, le ministre de la Santé, Pr. Kane Boubacar, a souligné que le projet de loi sur la SR vise à définir la santé reproductive en tant qu’un ensemble de méthodes et de techniques qui contribuent à améliorer la santé de la femme et de l’enfant. Il peut surtout s’enorgueillir d’avoir tenu la promesse faite à ses partenaires, notamment la Représentante de l’UNFPA en Mauritanie, Mme Cécile Compaoré lors de leur rencontre du 30 août 2016, peu après le rejet du projet de loi par le parlement. Il lui avait promis que le texte sera adopté. Le gouvernement mauritanien pourra certainement alors bénéficier des possibilités offertes par l’Initiative H6 pour la réduction de la mortalité maternelle, néonatale et infantile qui regroupe l’UNFPA, l’UNICEF, l’OMS, ONUSIDA, ONUFEMMES et Banque Mondiale.

Ce projet de loi constitue avant tout en engagement de la Mauritanie dans le cadre du Projet SWEDD pour l’autonomisation des femmes et le dividende démographique, dont l’un des créneaux est la pleine responsabilisation de la femme, y compris dans son libre choix à fixer le nombre d’enfants qu’elle désire.

Cheikh Aïdara

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