Le temps m’a volé le Dakar de mon enfance

Article : Le temps m’a volé le Dakar de mon enfance
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15 décembre 2018

Le temps m’a volé le Dakar de mon enfance

Cela fait deux bonnes décennies que je ne suis pas venu au cœur vivant de la capitale sénégalaise, Dakar-Plateau. Ce Dakar des gratte-ciel, des administrations, des banques et des affaires. L’Avenue Pompidou grouille de monde en cette matinée du samedi 14 décembre 2018, alors que les relents de Noël commencent déjà à embaumer l’air. L’hôtel Pullman, ce vieux Téranga rajeuni, garde dans ses replis l’histoire de plus d’un demi-siècle de prestige. C’est ici que les plus grandes personnalités du monde descendaient, avant que d’autres hôtels plus jeunes, plus pimpants et plus majestueux ne lui ravissent la vedette, à l’instar du Méridien Président, rebaptisé King Fahd, ou le Terrou-Bi, pour ne citer que ceux-là parmi une dizaine d’autres.

Le mythique cinéma El Mansour à Grande Dakar (Crédit Aidara)

Dakar centre-ville est même devenu une vieille ringarde. Alors que ces hauts lieux de la bourgeoisie sénégalaise d’antan, se replient doucement pendant la nuit, dans son manteau de silence, le jour, elle garde encore toute sa fraîcheur, celle des foules convergeant vers les ministères, ou vers le mythique marché Sandaga et sa bruyance matinale. Ah, le marché Sandaga ! Cet endroit, véritable Mecque des randonneurs à la recherche d’articles bon marché, n’est plus que l’ombre de lui-même depuis le dernier incendie qui a décimé des dizaines de commerce. Beaucoup ont été ruinés par ce désastre, mais Sandaga conserve malgré tout encore toute sa magie. L’heure n’est plus à l’importé. Les Sénégalais savent innover et la grande Fabrique Artisanale de Sandaga, en est une illustration. Ici, on trouve des ballots de tissu et du cousu. Des boubous de cérémonie et des tenues deux pièces que même la jeunesse aime arborer. C’est devenu la mode ambiante.

la grande Fabrique Artisanale de Dakar (Crédit Aidara)

Mais la vie à Dakar se passe désormais ailleurs, hors de ce mythique Dakar-Plateau. Des zones champignons ont essaimé un peu partout. Désormais, le centre-ville de Dakar ne détient plus l’apanage du chic. Le prestige s’est déconcentré. On parle des Almadies, dominés par les deux collines des Mamelles. Ici crèche la crème de Dakar. On parle également de Fann Résidence, Sicap Plateau, le quartier des affaires, les Parcelles Assainies, Point E, l’un des plus anciens quartiers de Dakar, Mermoz, l’un des plus jeunes.

Mais pour retrouver le Dakar de mon enfance, il faut se rendre à Grand Dakar, à quelques jetées du stade Demba Diop et du mythique cinéma El Mansour. Cette commune de Dakar, qui s’étend de l’avenue Bourguiba à la rocade de Fann-Bel Air, a été créée en août 1949, sur décision du maire de Dakar de l’époque, Amadou Lamine Gaye. Ici se trouve la plus vieille église de Dakar, la paroisse catholique Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, fondée en 1955. Mais le quartier où je suis né a totalement changé. Les dunes de sable de mon enfance ont disparu sous le béton et l’asphalte.  Même les odeurs des étalages de banane des Poulo-Fouta, se sont dissipées, emportées dans les méandres du passé. Les dunes de sable aussi, ont été refoulées au tréfonds de l’écorce terrestre par des décennies de violation, sous le coup des marteaux-piqueurs et des immeubles qui m’ont volé mon enfance.

Cheikh Aïdara

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