Mohamed Abdel Aziz renonce à un 3ème mandat et ouvre un boulevard vers une transmission pacifique du pouvoir

Article : Mohamed Abdel Aziz renonce à un 3ème mandat et ouvre un boulevard vers une transmission pacifique du pouvoir
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16 janvier 2019

Mohamed Abdel Aziz renonce à un 3ème mandat et ouvre un boulevard vers une transmission pacifique du pouvoir

En stoppant net les tentatives entreprises par certains députés pour la révision de la Constitution dans ses articles limitatifs du mandat présidentiel à deux, Mohamed Abdel Aziz vient de lever toute équivoque sur son intention de briguer un troisième mandat, ce qui ouvre la voie vers une transmission pacifique du pouvoir en 2019 en Mauritanie.

Le Président Mohamed Abdel Aziz

Le peuple mauritanien, rongé depuis des jours par le doute sur le 3ème mandat du Président Mohamed Abdel Aziz, a été pris de court ce mardi 15 janvier 2019 par le communiqué de la Présidence de la République mettant fin aux initiatives prises par un grand nombre de députés de la majorité, pour amender la Constitution en ses articles 26, 28 et 99 limitant et verrouillant le nombre de mandat du président de la République.  En effet, le communiqué stipule que «Son Excellence le Président de la République rappelle sa position constante qu’il avait déclinée dans de nombreuses occasions, en l’occurrence sa détermination à respecter la Constitution du pays et son rejet de tout amendement constitutionnel portant atteinte aux articles 26, 28 et 99 de la Constitution », et de poursuivre «de ce fait, Son Excellence le Président de la République appelle à mettre fin à toutes les initiatives relatives à la révision des articles de la Constitution susmentionné ».

Pr. Lô Gourmo, vice-président du parti de l’opposition Union des Forces du Progrès (UPF) a écrit sur sa page facebook : «l’opposition démocratique doit présenter au peuple, au plus vite, sa vision de l’alternance, son programme de gouvernance pour l’ étape qui s’ouvre au pays avec le départ de M. Ould Abdel Aziz, s’appuyant sur la nécessité de panser les plaies et de réconcilier les mauritaniens en tournant la page des déchirements, tout en amorçant un véritable processus de développement inclusif au bénéfice particulièrement des déshérités et des laissés pour compte, et de la grande majorité des mauritaniens en général ».

Nana Mint Mohamed Laghdaf, député et icône de l’opposition, cadre du parti Rassemblement des Forces Démocratiques (RFD), a également écrit : «je crois sincèrement qu’il faut féliciter les honorables députés issus du camp du pouvoir qui ont catégoriquement refusé de comploter contre la Constitution. Cette attitude hautement patriotique mérite toutes nos félicitations. On ne doit jamais être solidaire de son camp pour comploter contre le texte fondamental du pays et contre le principe essentiel de la démocratie que représente l’alternance démocratique».

Pour MBareck Ould Beyrouk, conseiller à la Présidence de la République et soutien indéfectible de Mohamed Ould Abdel Aziz : «Il a fallu cette déclaration solennelle pour qu’ils (les Mauritaniens : ndlr) puissent enfin accepter ce qui pour eux a toujours été impensable. Il est vrai qu’en Afrique on meurt souvent en s’accrochant au pouvoir si on en est pas délogé par des soldats.  Il est vrai que plusieurs thuriféraires du régime ont appelé avec forces démonstrations à un troisième mandat. Il est vrai qu’une majorité de députés de la majorité s’était organisée pour une modification du texte constitutionnel. Mais l’homme est demeuré inébranlablement respectueux de la Constitution et de la parole qu’il a donnée. Je l’ai répété pourtant plusieurs fois à mes amis de la majorité comme de l’opposition: Ould Abdel Aziz est trop fidèle à lui-même pour se renier, mais on riait de moi, on me traitait d’idéaliste».

Dane ahmed Ethmane, député de la majorité s’est aussi exprimé. «Remerciements au Président de la République pour son respect de la Constitution. Sage décision», a-t-il écrit sur son mur.

Pendant que d’aucuns s’inclinent devant la clairvoyance de Mohamed Abdel Aziz, saluant en lui le garant de la Constitution, respectueux du serment contenu dans l’article 29 de ne «point prendre ni soutenir, directement ou indirectement, une initiative qui pourrait conduire à la révision des dispositions constitutionnelles relatives à la durée du mandat présidentiel et au régime de son renouvellement, prévues aux articles 26 et 28 de la présente Constitution», d’autres trouvent que Mohamed Abdel Aziz a renoncé à une tentative pour un 3ème mandat qu’il  aurait suscité et soutenu, face à la forte opposition au sein de son propre camp, s’il n’a été poussé dehors par l’Armée.

Quelques soient les supputations et les arguments avancés pour expliquer la décision prise par le Président Mohamed Abdel Aziz, la Mauritanie s’achemine pour la deuxième fois de son histoire, vers une transmission pacifique du pouvoir. La première fois c’était en 2007, lors des élections présidentielles clôturant une courte transition politique consécutive au coup d’état du 6 août 2005 ayant mis fin au long règne de Maaouiya Ould Sid’Ahmed Taya. A l’époque, la junte militaire au pouvoir, le Comité Militaire pour la Justice et la Démocratie (CMJD), sous la houlette du défunt Ely Ould Mohamed Vall, avait organisé des présidentielles où les candidats étaient tous hors du pouvoir. Une expérience démocratique qui avait tourné court, alors que le monde entier saluait un exemple à suivre. En 2009, le régime de Sidi Ould Cheikh Abdallahi qui n’avait duré que quelques mois, a été renversé par Mohamed Abdel Aziz qui l’avait pourtant porté au faîte du pouvoir. Après plus de dix ans de règne, ce dernier vient ainsi de décider de remettre le pouvoir en jeu, au cours  de consultations cruciales prévues en juin 2019. Comme en 2007 où il avait pesé de tout son poids pour l’élection de Sidi Ould Cheikh Abdallahi, Aziz sera-t-il neutre dans sa propre succession ? N’a-t-il pas lui-même affirmé qu’il quittera le pouvoir mais pas la politique et qu’il soutiendra un candidat ? Une affirmation qui fait germer aujourd’hui l’idée d’un dauphin qu’il s’attèlera à hisser sur le fauteuil qu’il lui abandonnera.

Cheikh Aïdara

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