Afrique de l’Ouest et du Centre, Mabingue Ngom et ses troupes font reculer les frontières du non-développement

Article : Afrique de l’Ouest et du Centre, Mabingue Ngom et ses troupes font reculer les frontières du non-développement
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9 novembre 2019

Afrique de l’Ouest et du Centre, Mabingue Ngom et ses troupes font reculer les frontières du non-développement

Quand il fut nommé en 2013 à la tête du Bureau Régional du Fonds des Nations-Unies pour la Population (UNFPA), tourelle avancée que le siège à New York venait d’implanter au cœur de la capitale sénégalaise, Dakar, pour couvrir les 23 pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre, Mabingue Ngom venait d’être parachuté dans une zone occupée par une pléiade d’ennemis. En effet, il devait affronter une vaste région confrontée à divers facteurs de fragilité et d’instabilité, traversée par des conflits, des sècheresses cycliques, des catastrophes naturelles démultipliées par les crises mondiales et des gouvernances tatillonnes.

Un vaste champ à conquérir

Les ennemis auxquels devait faire face le Bureau Régional de l’UNFPA pour l’Afrique de l’Ouest du Centre (WCARO) dès son implantation avaient pris entièrement possession de ces terres hostiles. Ils ont pour nom, mortalité maternelle, néonatale et infanto-juvénile, mariage des enfants, super fécondité, déscolarisation des filles, violences basées sur le genre, marginalisation des jeunes, mutilations génitales féminines, mal gouvernance, us et coutumes désuets, et d’autres maux à ne plus finir qui rendaient hypothétique le développement de ce demi-continent où vivent plus de 350 millions d’habitants sur une superficie de plus de 12 millions de kilomètres carrés.

Ajoutés à cette forêt d’ennemis à abattre, une croissance démographique forte qui absorbe la grande partie de la croissance économique, ne laissant que peu pour le développement, une population majoritaire qui vit avec moins de 1, 25 dollars US par jour, plus de 11 millions exposés à la famine, 5 millions d’enfants malnutris, 600.000 femmes mourant chaque jour de causes évitables de grossesse, 42% de filles qui quittent l’école avant le secondaire et 18% de femmes seulement ayant accès à la planification familiale.  

La tâche semblait d’autant plus difficile que les armes étaient inégales et les effectifs des deux camps disproportionnés. D’un côté, une armée ennemie aussi nombreuse, durablement installée et fortifiée que les troupes de Judas et de l’autre, un bataillon en gestation, mal préparée et non encore outillée.

La stratégie de containment

A la tête d’un Etat-major serti de compétences, Mabingue Ngom allait vite lever des armées de fantassins jusque-là endormies par l’inertie si propre aux Sahéliens, fabriquer de nouvelles armes, peaufiner des stratégies efficientes et mettre en place un plan de bataille que les généraux les plus avertis n’auraient pu imaginer.

L’une des stratégies mises en place, dont le nom lui est désormais associé, est le Dividende Démographique qui est un concept économique basé sur l’accélération économique à travers la baisse rapide de la fécondité et l’évolution ultérieure de la structure par âge de la population. Mabingue Ngom devient ainsi le champion du dividende démographique qu’il s’évertuera pendant ces six années à la tête du Bureau régional de l’UNFPA à plaider auprès des gouvernements de l’Afrique de l’Ouest et du Centre..

Résultat, le projet SWEDD, Autonomisation des Femmes et Dividende Démographique au Sahel, un modèle de développement qui suppose un investissement plus important dans la santé, l’éducation, la formation et l’emploi des jeunes. Ce projet constitué au départ de 6 pays, puis aujourd’hui de 7 commence à faire des émules et à attirer de plus en plus de candidats.

Le projet SWEDD a permis à cet effet au WCARO de déclencher un autre levier, celui du Partenariat qui a permis de lever des fonds de 295 millions de dollars US, grâce au concours de la Banque mondiale. D’ailleurs un important ouvrage intitulé «Goal 17 – Le partenariat : une démarche privilégiée de l’UNFPA dans la transformation de l’Afrique et du monde » vient d’être publié. Il est préfacé par le président du Niger, Mahamadou Issoufou et la Vice-Secrétaire générale des Nations Unies, Mme Amina Mohamed. Il répond au souhait des dirigeants du monde réunis lors du Sommet des Nations Unies en 2015 par rapport à l’ODD 17 «Renforcer les moyens de mettre en œuvre le partenariat mondial pour le développement et le revitaliser ».

Le projet MUSKOKA créé en 2010, vient renforcer cette tendance à nouer des partenariats et qui permet au fonds français de financer les activités de quatre agences des Nations Unies, UNFPA, OMS, ONU-Femmes et UNICEF pour des intervention à haut impact en matière de santé maternelle, néonatale, infantile et des adolescents dans huit pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre.

«Put Young People First» ou «Pas un pas sans les jeunes» est l’autre grande innovation que le Bureau Régional a initié et qui met les jeunes au cœur de la problématique du développement. Un réseau dénommé AFRYAN sera crée dans ce sillage et regroupe aujourd’hui de jeunes leaders à travers l’Afrique de l’Ouest et du Centre. Une véritable révolution institutionnelle et structurelle en a découlé au sein des Etats et les révisions politiques en matière de développement dans ces pays prennent désormais en compte les jeunes, impliqués dorénavant dans les politiques qui les concernent.

Ce même stratagèmes de mise en réseau a impliqué aussi les leaders religieux et notables, les communicateurs traditionnels, les hommes de média. Une vaste cavalerie que le Bureau Régional a placée à l’avant-garde de ses bataillons pour traquer les pratiques obsolètes, les mentalités rétrogrades, les fausses interprétations religieuses et les contre-vérités.

S’appuyant sans doute sur l’adage qui veut que «derrière chaque grand homme se cache une femme », le Bureau Régional a fortement impliqué les Premières Dames comme ambassadrices du dividende démographique. Elles étaient fortement présentes à Abidjan en 2017, puis à la 29ème session ordinaire de la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’Union africaine et ont dit oui pour la transformation des vies, en particulier celle des jeunes, des adolescentes et des femmes, oui pour l’investissement dans la santé, la planification familiale, l’éducation et l’emploi, non aux VBG et au mariage des enfants.

Dans cette bataille du dividende démographique qui est l’arme conventionnelle phare du Bureau Régional, les décideurs politiques et la société civile ont été également fortement sollicités sous la tente du QG de commandement érigé sur la colline au-dessus duquel les combats font rage.

Et sur ce fronton qui surplombe le champ de batailles, le général Mabingue Ngom scrute avec satisfaction l’avancée de ses troupes qui ont conquis kilomètre par kilomètre les vastes étendues de terre que l’ennemi déserte à reculons, mais pas totalement vaincus.

Le prochain plan de la bataille

Fier de ces premières victoires mais aussi soucieux de la résistance encore farouche de l’ennemi, Mabingue Ngom scrute l’horizon, la CIPD 25, ce Sommet extraordinaire qui mobilisera du 12 au 14 novembre 2019 à Nairobi (Kenya) l’Etat-major mondial des forces d’appui. Les agendas étalés sur la carte de commandement sont légions, l’Afrique que Nous Voulons en 2063, les ODD en 2030, avec en 2021 les Trois Zéros à réaliser, Zéro décès maternels évitables, Zéro VBG et Zéro besoin non satisfait en matière de planning familial. Au cœur de tout ce dispositif, la Feuille de route pour la transition démographique. A cet effet, le Directeur régional a déjà déclaré en perspective de cette rencontre que «la célébration cette année du cinquantième anniversaire de l’UNFPA et celui du vingt-cinquième anniversaire de la CIPD représentent pour la communauté internationale une occasion unique de s’appuyer sur le cadre proposé par la CIPD et de s’engager pleinement à réaliser un programme visionnaire en matière de santé et de droits sexuels et reproductifs et ce, en ne laissant personne en rade» 

Cheikh Aïdara

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