Sous l’ère Ghazwani, l’injustice décuple d’intensité, cas des 150 familles de Sélibaby déguerpies au profit des riches commerçants de la ville

Article : Sous l’ère Ghazwani, l’injustice décuple d’intensité, cas des 150 familles de Sélibaby déguerpies au profit des riches commerçants de la ville
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22 janvier 2020

Sous l’ère Ghazwani, l’injustice décuple d’intensité, cas des 150 familles de Sélibaby déguerpies au profit des riches commerçants de la ville

Ils s’appellent Sayed Ould Moustapha, Vatimetou Mint Ahmed El Hadj, MBoirika, Kelly Sow…et ils viennent de perdre vingt ans de vie en tant que citoyen de la République. Le tort des 150 familles de Sélibaby, installées depuis 2001 par l’Etat mauritanien aux termes d’un lotissement et disposant de titre de propriété, est qu’ils sont pauvres, sans défenses. La société ISKAN, face à la démission des autorités administratives et de l’Etat mauritanien, a décidé de les déloger pour installer sur leur terrain les riches commerçants de la ville.

C’est la nuit et ces femmes déguerpies vivent leur première nuit sous les étoiles après la destruction de leur habitat (Crédit Seyed)

Comment comprendre que le programme politique du Chef de l’Etat, Mohamed Cheikh Ghazwani axé sur la priorité accordée aux plus démunis et aux exclus, soit dévoyé par les autorités qui sont sensées appliquer sur le terrain l’esprit de ce programme.

De deux choses l’une, soit Son Excellence Monsieur Mohamed Cheikh Ould Ghazwani veut impulser la dynamique de changement souhaitée par le peuple mauritanien et dans ce cadre il doit se débarrasser de tous les piliers de l’injustice de la décennie sombre de son prédécesseur, soit son discours sert juste pour la consommation et dans ce cadre on comprendrait parfaitement sa volonté à maintenir le même système d’iniquité qui a prévalu durant les dix années passées.

Cette deuxième option semble malheureusement prendre le dessus, et le cas des 150 familles de Sélibaby, délogées par la société ISKAN pour attribuer leurs terrains aux riches commerçants de la ville, viendrait corroborer cette thèse.

En effet, selon Sayed Moustapha, porte-parole des familles éplorées, «les responsables de la société ISKAN sont venus il y a plusieurs mois pour dégager les artères dans le cadre de la restructuration de la ville de Sélibaby après les inondations de l’hivernage dernier. Tout ce qu’il y a de plus normal aux yeux des habitants qui, à l’instar des autres habitants de la ville, étaient prêts à se soumettre aux tracés des routes. Mais quel ne fut leur surprise quand ils surent qu’en réalité, ISKAN cherchait à les faire déguerpir purement et simplement pour donner leur terrain aux commerçants».

Les habitants déguerpis ont pourtant été légalement installés sur les lieux par l’Etat aux termes d’un lotissement datant de 2001 et chaque famille avait reçu un permis d’occuper. Essentiellement composé de nomades maures, peuls, soninkés et haratines, les habitants restaient à Sélibaby durant toute l’année scolaire pour suivre la scolarité de leurs enfants et pendant l’hivernage partaient soit pour cultiver la terre ou faire paître leurs animaux. La plupart n’ont pas de moyens pour construire, si ce n’est des habitats de fortune selon chacun les moyens dont ils disposent.

Il y deux ou trois jours, des agents de la société ISKAN accompagnés de la force publique sont descendus sur les lieux, ont saccagé les habitats des 150 familles, saisis tout leur immobilier, battus et arrêter plusieurs femmes, dont certaines sont encore à la police. Selon un responsable de la société ISKAN joint au téléphone et qui a requis l’anonymat, «la décision de faire déguerpir ces familles de Sélibaby est tout a fait légale, car il est bien stipulé dans le permis d’occuper que l’occupant doit mettre en valeur le terrain qui lui est attribué dans un délai de deux ans, sous peine de le perdre. Or, ces gens sont là depuis vingt ans et n’ont rien investi pour valoriser leur propriété. Dans ce cadre, il est tout à fait normal que l’administration attribue ces terrains à des personnes capables de les mettre en valeur dans le délai prescrit».

Face à ce qu’ils considèrent être une flagrante injustice, les familles se sont rendues auprès des autorités administratives, Wali et Hakem, sans trouver le recours attendu. Face à la démission de l’Etat par rapport à ses actes et à sa responsabilité de protection des plus pauvres et des plus démunis devant la cupidité des plus forts, les populations se sont adressées aux autorités judiciaires.

Il est certain qu’au moment où les Etats luttent contre l’extrémisme violent et les tensions sociales nés de la mal gouvernance qui engendre injustice et iniquité, de tels actes ne concourent ni à la paix civile ni à la concorde nationale. La justice, la justice, c’est le fin mot de l’espoir par l’arrivée au pouvoir en juillet 2019 de Mohamed Cheikh Ghazwani.

Cheikh Aïdara

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