Face aux viols en Mauritanie, le monde rural invente ses « cages à filles »

Article : Face aux viols en Mauritanie, le monde rural invente ses « cages à filles »
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25 septembre 2020

Face aux viols en Mauritanie, le monde rural invente ses « cages à filles »

Face à la recrudescence des viols jusqu’en milieu rural, les Mauritaniens ont créé des cages en fer, appellées « cages à filles » où les femmes sont enfermées pendant la nuit. À l’Assemblée, les députés ont rejetés à plusieurs reprise un projet de loi contre les viols et agressions faites aux femmes.

Face aux viols en Mauritanie, le monde rural invente ses "cages à filles".
Crédit photo : Cheikh Aîdara

Il faut dire que le démon de midi, qui décrit les appétits sexuels redoublés qui s’emparent d’hommes ou de femmes a gagné du terrain dans ce pays, surtout parmi les jeunes. Et pourtant, la réputation du pays peut prêter à confusion.

La Mauritanie, un pays de dévots ?

On parle ici d’une République Islamique. Pour qui ne connait pas ce pays musulman croirait à un pays de dévots, fait de génuflexions, chasteté, coupage de mains, flagellations et autres lapidations pour qui ne se conformerait à la loi islamique. Mais une fois à l’intérieur, on découvre un pays de cocagne où tous les plaisirs, sans s’étaler forcément à l’œil nu, débordent des huttes, des bidonvilles jusqu’aux villas.

Ici on trouve de tout, soustrait à la vigilance d’une République qui quoi que l’on dise reste intransigeante sur les interdits. Les plaisirs sont disponibles pour qui en connaît les circuits secrets : alcool, maisons closes, salles de jeu, dealers, faux monnayeurs et faussaires… On y côtoie aussi bien de faux marabouts que de faux médecins, avec une administration publique qui grouille de faux diplômés. Une ancienne ministre de la Fonction Publique parlait de 80% de faux diplômes. Une enquête aurait débutée avant d’être abandonnée. Alors, on ferme les yeux.

La Justice ferme les yeux

Mais au milieu de cette faune de malfrats, les violeurs sont les plus gros clients du système judiciaire. La loi protégeant les femmes contre les viols et les agressions sexuelles n’arrivent pas à voir le jour depuis 2016, malgré la présentation du projet à trois reprises devant les députés, la dernière tentative datant de 2020. Cette situation laisse ainsi un sursis aux violeurs, avec une Justice qui ferme souvent les yeux sur les arrangements entre familles de violeurs et familles de violées.

« Chaque jour et ses lots d’agressions sexuelles, souvent suivies de meurtre, d’enlèvement et de séquestration »

Chaque jour et ses lots d’agressions sexuelles, souvent suivies de meurtre, d’enlèvement et de séquestration de filles retrouvées plus tard jetées dans les rues. Deux cas emblématiques ont secoués récemment l’opinion publique : le viol suivi de meurtre de la jeune Khadijetou Oumar Sow en mars 2020 et récemment, celui de la jeune Moima Amar, 27 ans.

Un phénomène urbain qui touche désormais le monde rural

Ces violeurs sont de tous les profils : agents des forces de l’ordre et de sécurité, enseignants, marabouts, praticiens de la santé, chauffeurs, oncles, pères, frères, cousins, voisins, boutiquiers du coin… Sans compter les « droits de cuissage » exercés aussi bien dans le secteur public que privé, l’embauche et le maintien au poste en assouvissant les plaisirs du patron, ou la porte et la perte de l’emploi. Un chantage qui fait des ravages chez les femmes, souvent issues de milieux pauvres et déshérités.

Ce phénomène spécifiquement urbain pendant de longues décennies a gagné récemment l’arrière pays. Dans les régions de l’extrême Est, des cas de viols émergent de plus en plus dans des zones insoupçonnées comme Touil, Bousteila, Adel Bagrou…

Les populations de ces contrées lointaines, épargnées jusque-là des maux qui rongent les grandes villes, ont ainsi inventé des refuges, les « cages à filles ».

Cheikh Aîdara

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