Soixantième anniversaire d’indépendance de la Mauritanie, entre joie festive et deuil embastillé

Article : Soixantième anniversaire d’indépendance de la Mauritanie, entre joie festive et deuil embastillé
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29 novembre 2020

Soixantième anniversaire d’indépendance de la Mauritanie, entre joie festive et deuil embastillé

La police a arrêté plus d’une trentaine de personnes au soixantième anniversaire d’indépendance de la Mauritanie, célébrée en grande pompe le 28 novembre 2020. Comme chaque année, les Mauritaniens fêtent différemment cette journée, entre la joie festive des uns et le deuil des autres.

Manifestation pour réclamer justice le 28 novembre – Crédit Aidara

Pour les Négro-mauritaniens, le 28 novembre a cessé d’être l’anniversaire de l’indépendance de la Mauritanie. C’est une journée sombre, à la veille de laquelle, vingt-huit personnes auraient été exécutées en 1991, dans la base militaire d’Inal. Aujourd’hui, les veuves, les orphelins et les militaires rescapés de ces années de braise ont tenu à célébrer cette journée à leur manière. À quelques encablures d’une parade militaire à laquelle tout le gotha de la République assiste, avec des officiers supérieurs accusés d’avoir trempé dans ces exécutions sommaires. La police a maté la marche organisée à partir du rond point Madrid, et arrêté plus d’une trentaine, avant de les conduire dans différents commissariats de Nouakchott.


Une parade et un discours prometteur

À quelques mètres de la mêlée entre forces de l’ordre d’une part et rescapés de l’autre, la fête de l’indépendance bat son plein sur la grande avenue de l’ancien aéroport. Devant la tribune officielle où trône le président Mohamed Cheikh Ghazouani, les troupes drapées de leurs plus beaux atours paradent avec panache, sous les applaudissements de la foule. L’image de deux Mauritanie parallèles, l’une fêtant dans la joie et l’allégresse l’anniversaire de l’indépendance et l’autre, portant le deuil et la tristesse.

La foule au rond point Madrid – Crédit Aidara

Ces douloureux évènements des années 1989-1991 continuent de plomber une unité nationale brisée. Les gouvernements successifs, tous d’obédience militaire, ont compté sur le temps, y voyant le seul moyen de purger la conscience de milliers de Négro-africains. Ces derniers réclament un devoir de mémoire, de justice et de réparation, pour régler ce qu’il est convenu d’appeler le «Passif Humanitaire».

Certes, il y a eu les efforts du gouvernement du défunt président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, qui avait jeté les prémisses d’une solution. Ce dernier avait aussi, pour la première fois, présenté les excuses de l’Etat mauritanien pour toutes les exactions commises entre 1989 et 1991. Mais un coup d’état militaire l’a rapidement détrôné, après quinze mois à la présidence de la République. Il y a aussi eu Kaédi et les indemnisations sommaires de quelques victimes, mais la question du «passif humanitaire » reste entière.

Dans son discours prononcé pour l’occasion, le président Ghazouani dit avoir pris des mesures sociales d’envergure. Mais les vrais problèmes de la Mauritanie sont ceux qui minent l’unité nationale. À savoir l’esclavage, et les exactions commises contre les Négro-mauritaniens, qui restent tabous.

Cheikh Aidara

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