Gestion clinique des viols : les survivants ont besoin d’une bonne qualité de prise en charge médicale

Article : Gestion clinique des viols : les survivants ont besoin d’une bonne qualité de prise en charge médicale
Crédit:
28 février 2021

Gestion clinique des viols : les survivants ont besoin d’une bonne qualité de prise en charge médicale

Pendant cinq jours, du 22 au 26 février 2021, une dizaine de prestataires de services de santé du Trarza, du Guidimagha et de Nouakchott, ont suivi une formation sur la prise en charge des survivants de violences sexuelles. Cette session organisée par le Ministère de la Santé, avec l’appui du Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA) a été animée par des experts de haut niveau.

Table officielle à l’ouverture de l’atelier – Crédit Aïdara

Après la formation des assistantes sociales des régions sinistrées par les inondations de septembre 2020, notamment le Trarza et le Guidimagha, et la formation sur la prise en charge psychosociale des violences basées sur le genre (VBG) qui s’est déroulée du 15 au 17 février 2021, le Ministère de la Santé a enchaîné sur une troisième formation. Avec l’appui de l’UNFPA, celle-ci a ciblé les prestataires de santé, notamment médecins et sages-femmes des mêmes régions, le Trarza et le Guidimagha, en plus de Nouakchott, sur la gestion clinique des viols. Elle s’est déroulée du 22 au 26 février 2021. Ces deux formations sont un prélude au déploiement des cliniques mobiles dans les régions touchées.

La formation vise à améliorer la qualité de l’offre de services de gestion clinique des cas de viols et autres violences basées sur le genre. Elle a pour objectif de renforcer les capacités des soignants en matière de prévention et de prise en charge des survivant.e.s de violences sexuelles, à travers l’intégration d’autres services, comme l’appui psychosocial, l’appui légal, la réintégration socio-économique des victimes.

Des prestataires mieux outillés

Les aspects les plus importants de la formation sur la gestion clinique des viols ont été développés par deux formateurs. Il s’agit de M. Mathias Gakwerere, expert formateur en santé de reproduction, consultant à l’UNFPA et par Mme Aminetou MBourou Kamara, facilitatrice et sage-femme à la Direction mère et enfant (service de santé de la reproduction, mortalité maternelle, infantile et adolescent (SRMNIA)), du Ministère de la Santé.

Vue partielle des participants – Crédit Aïdara

La formation a porté sur la préparation et l’examen médical des survivant.e.s de violences sexuelles, et la connaissance des outils pour l’anamnèse, c’est-à-dire les antécédents médicaux et l’historique de la victime. Elle a aussi porté sur les directives à suivre pendant l’examen physique et la création du dossier médical. L’accent a surtout été mis sur les consignes pour recueillir les preuves médico-légales lors de l’examen médical et les consignes de rédaction du certificat médical. Les formateurs ont beaucoup insisté sur ces points, avec à l’appui des vidéos de présentation et des discussions engagées au cours de la session.

La gestion du choc et du stress post-traumatique

La préparation psychologique des victimes, en général sous le choc traumatique de l’agression, est jugée cruciale dans la prise en charge. Cette préparation doit permettre de recueillir le consentement écrit de la survivant.e, et l’examen médical doit être minutieux et précis.

Vue partielle des participants – Crédit Aidara

L’intervention via vidéo du psychologue Brahim Khlil est venue éclaircir des aspects psychiques et neuropsychologiques des survivant.e.s. Ces derniers sont souvent soumis, selon lui, à un stress post-traumatique, qui fait l’objet d’une prise en charge. Il a également évoqué les risques de grossesse et d’infections et maladies sexuellement transmissibles (IST). D’où l’urgence, selon lui, de la prise en charge médicale et préventive des survivant.e.s de viol.

Pour le cas spécifique des enfants, Brahim Khlil souligne, « ce qu’il faut savoir avant de développer le protocole, c’est l’obligation de rapporter les cas d’abus, de détenir un exemplaire du protocole, de connaître les lois spécifiques aux violences sexuelles, ainsi que les aspects liés au corps et à la croissance de l’enfant, mais surtout les techniques d’entretien avec les enfants. » Dans les cas d’abus répétitifs, « il faut identifier l’auteur et voir les autres enfants à risque dans la famille », explique-t-il.

Le dispositif minimum d’urgence (DMU)

Le dispositif minimum d’urgence (DMU) est celui qui s’applique aux victimes de catastrophes ou de drames causés par l’homme ou par la nature, tels que les conflits armés, les catastrophes naturelles. Selon Mathias, les violences basées sur le genre, notamment les violences sexuelles, augmentent considérablement dans de pareilles circonstances.

Exercice pratique sur mannequin – Crédit Aidara

D’où la disponibilité à cet effet de kits selon les niveaux d’intervention. Ainsi, le DMU en situation de crise vise cinq objectifs :

  • la mise en place d’une coordination d’urgence,
  • la prévention des violences basées sur le genre,
  • la réduction des risques de transmission contre les IST/VIH
  • la discussion sur la PPE (prophylaxie postexposition),
  • la prévention contre la mortalité maternelle, néonatale et infantile, la planification de services de santé sexuelle et reproductive (SSR)

Ce qui suppose, selon Mathias, la mise à disposition d’une base de données sur les services de santé disponibles et sur la planification de la SSR.

Il a ensuite développé les types de kits prévus à chaque niveau de la chaîne sanitaire, du poste de santé à l’hôpital régional, en passant par les centres de santé et les hôpitaux départementaux.

SEM. Saidou Kaboré remettant son certificat à une participante – Crédit Aidara

TEMOIGNAGES

Mathias Gakwerere, Expert et formateur en Santé de la Reproduction, Consultant UNFPA

« La formation a porté sur la gestion clinique des viols. Cette formation a abordé le rôle que jouent les services de santé en tant que porte d’entrée pour la prise en charge holistique de survivant.e.s des viols. Cela implique le mécanisme de référencement vers les autres services dont les survivants auront besoin. Par exemple, certains auront besoin d’assistance légale, une assistance psychosociale et/ou un appui économique pour assurer une bonne résilience et une meilleure réintégration dans la société. Tout doit se faire dans le respect du choix des survivants et une bonne collaboration entre tous les intervenants selon les cas. Nous espérons que les prestataires qui ont été formés durant cette session vont servir comme de bons catalyseurs pour l’amélioration de la qualité de prise en charge de viols en Mauritanie ».

Aminetou MBourou Kamara, sage-femme à la Direction Santé Mère et Enfant (Ministère de la Santé), service SRMNIA

« Je suis facilitatrice dans cette formation sur la gestion clinique des viols. Nous avons pu mener cette formation avec un groupe très motivé à acquérir de nouvelles connaissances sur les violences sexuelles. La transmission du savoir, grâce au formateur principal, M. Mathias s’est bien déroulée. J’avoue qu’il s’agit d’une problématique qui mérite d’être combattue. Les viols qui se répandent dans notre pays, n’épargnent personne. De la fillette de 2 ans à la vieille de 70 ans, ces victimes méritent une prise en charge sérieuse. J’invite le ministère de la Santé et ses partenaires à conjuguer leurs efforts afin que ce fléau des viols soit éradiqué. Heureusement, le pays s’est doté d’un protocole national de prise en charge des violences basées sur le genre depuis 2019 et d’un protocole de la loi nationale sur les anti-reproductifs dans laquelle sont condamnés les auteurs de violences faites aux femmes ».

Marième Diop, sage-femme d’Etat, surveillante à la maternité du Centre hospitalier de Rosso (Trarza)

« Il s’agit d’une formation très importante qui va renforcer nos capacités, surtout la prise en charge des survivants des VBG. Nous ne recevons pas beaucoup de cas, parce que nous sommes à l’Hôpital régional de Rosso. C’est la dernière chaîne du processus. Mais nous avons demandé à ce qu’il y ait un protocole standardisé de prise en charge des VBG dans toute la région. C’est notre souhait ».

Seyide Mint El Khalil, sage-femme d’Etat, cellule de prise en charge des VBG, Hôpital Mère et Enfant de Nouakchott

« Cette formation a amélioré mes compétences dans la prise en charge des VBG, surtout les survivants des violences sexuelles. Concrètement, ce que j’ai appris c’est l’accueil, la patience dans la collecte de l’information et toutes les subtilités de l’entretien avec les survivants. Sans précipitation et avec empathie. C’est donc en gros, tous les outils nécessaires pour la mise en confiance des survivants de manière à ce qu’ils soient disposés à donner leur consentement et à raconter avec aisance leur drame ».

Daly Sall, sage-femme d’Etat et point focal SR DRAS de Sélibaby (Guidimagha)

« Cette formation a été vraiment au top. Nous avons acquéri beaucoup de connaissances que moi personnellement je vais mettre en application une fois sur le terrain. Ce que j’ai surtout appris c’est la prise en charge et la prévention des VBG, surtout les cas de viol. En tant qu’employée à la Direction régionale à l’action sanitaire (DRAS) je suis moins en contact avec ces cas de viol. Mais cette formation va me servir dans l’appui aux autres collègues qui sont confrontés souvent à ces cas. Nous disposons de cartes que l’on distribue aux différentes structures. Cela qui nous permet de coordonner avec le personnel de santé et faciliter le référencement des cas de ce genre »

Wade Maïmouna, sage-femme d’Etat, Centre de santé de Ghabou (Guidimagha)

« J’ai acquis beaucoup d’expérience avec cette formation. Maintenant, arrivée au centre de santé où j’exerce, je pourrai prendre en charge les survivants de viols. Nous sommes toujours confrontés à ce genre de situation dans nos pratiques de tous les jours. J’ai appris beaucoup sur la prise en charge des survivants de violences sexuelles, notamment l’écoute et le suivi des cas».

Cheikh Aïdara

REPORTAGE PHOTOS

Photo des participants et du staff du Ministère de la Santé et de ‘l’UNFPA – Crédit Aidara
Dr. Boutou remettant son certificat à une participante – Crédit Aidara
Partagez

Commentaires