Elle exfiltre sa fille de 5 ans pour empêcher sa grand-mère de l’exciser

Article : Elle exfiltre sa fille de 5 ans pour empêcher sa grand-mère de l’exciser
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13 novembre 2021

Elle exfiltre sa fille de 5 ans pour empêcher sa grand-mère de l’exciser

Mme B.S, une jeune femme de 33 ans originaire de la Vallée, est parvenue par une et mille acrobaties à faire fuir sa fille de 5 ans, D.H, pour empêcher sa grand-mère paternelle de l’exciser.

« Ma belle-mère fait tout pour exciser ma petite fille et mon mari s’est impliqué dans cette histoire. » C’est par ces mots que B.S entame son histoire, une épreuve qui l’a poussée à faire fuir sa fille, D.H 5 ans, de Nouakchott. « Je ne veux pas que ma fille connaisse le calvaire que moi-même je vis, car je suis passée par là » raconte-t-elle. Selon B.S, à cause de l’excision qu’elle a subie à bas âge, elle n’a jamais connu le bonheur dans son foyer. « Mes trois enfants, je les ai conçus presque dans une série de viol conjugal, car je n’éprouvais aucun désir à cause de ma frigidité. Mon mariage a été un échec sur ce plan, et je ne veux pas que ma fille vive le même sort » plaide-t-elle,

Mme B.S

B.S a toujours vécu à Nouakchott, avec sa fille, D.H née en 2016. Mais, la grand-mère paternelle de la petite tient coûte que coûte à l’exciser. La coutume doit être respectée, selon elle. Avec un niveau scolaire assez avancé, B.S a tout fait pour convaincre sa mère et sa famille des conséquences médico-sociales et psychologiques des mutilations génitales féminines (MGF). En vain. A Nouakchott, elle a dû déjouer à plusieurs reprises des tentatives d’enlèvement de la petite pour l’amener au village et la faire exciser.

Stressée par un drame qui risque de s’abattre à chaque instant sur sa fille, B.S a saisi dans un moment de désespoir une ONG spécialisée sur ces questions, l’Association des Femmes Educatrices pour la promotion des droits humains dirigée par Sonia Khayrallah. Celle-ci allait prendre le dossier en main. Mais les conséquences d’une poursuite judiciaire contre sa belle-mère, eu égard à la pénalisation par la Mauritanie des MGF, et la pression d’une partie de sa famille, finirent par lui faire renoncer à cette option.

La petite D.H

Interrogée à ce propos, B.S affirme vivre un véritable cauchemar au point qu’elle ne dort plus. « A chaque instant, je me réveille en pleine nuit, en sueur, et je tâte la place où se couche ma fille pour me rassurer qu’elle est à côté de moi » soutient-elle. Même le jour, elle ne quitte pas sa fille d’un iota. « Je suis tout le temps obnubilée par l’idée qu’on peut me l’enlever à tout instant. Je vis dans un stress permanent » ajoute-t-elle.

Ultime solution trouvée par B.S, sur le conseil d’une partie de ses parents, exfiltrer sa fille et ses deux autres enfants hors du pays, à défaut d’avoir pu plier la grand-mère et une part non négligeable de la famille restée au village. C’est ce qu’elle a fini par faire, aidée par plusieurs cousins qui lui ont facilité l’obtention d’un visa et les moyens de transports par avion. La mère et ses enfants se sont envolés il y a quelques jours, direction l’Europe. Elle croit que cette fois le cauchemar est désormais derrière elle.

Il faut noter que la Mauritanie vient d’installer des plateformes multisectorielles de lutte contre les violences basées sur le genre dans les quinze régions du pays, avec l’appui du Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA). Les mutilations génitales féminines viennent en tête des violences contre lesquelles ces plateformes placées sous l’égide du Ministère des Affaires Sociales, de l’Enfance et de la Famille (MASEF) et ses directions régionales vont lutter avec une batterie de mesures pénales très répressives.

De l’avis de plusieurs organisations de la société civile actives dans le domaine, il a été constaté une recrudescence des MGF ces derniers temps, avec le recul des campagnes de sensibilisation, surtout dans les régions de la Vallée du Fleuve Sénégal, notamment au Brakna, Gorgol et Guidimagha.

Les estimations officielles parlent d’un taux de plus de 60% de MGF en Mauritanie. Elles touchent en général les fillettes de 0 à 13 ans, et parfois plus.

Cheikh Aïdara

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