Coalition de l’Alternance, une campagne sous le sceau de la censure

Article : Coalition de l’Alternance, une campagne sous le sceau de la censure
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10 mai 2023

Coalition de l’Alternance, une campagne sous le sceau de la censure

Sélibaby, Kaédi, Aleg. La campagne de la Coalition de l’Alternance menée à coups de course par son icône, Birame Dah Abeid, candidat pour la députation sous le drapeau du parti Sawab et sous la houlette de la Coalition de l’Alternance qui compte un certain nombre de mouvements ainsi que le parti non encore reconnu RAG, a été ponctuée de censures sur la tranche gratuite offerte par les médias publics. Un bras-de-fer avec la Haute Autorité de la Presse et de l’Audiovisuel (HAPA), gendarme de la communication, sur les « ce qu’il ne faut pas dire » que le leader abolitionniste se refuse à respecter.

Soirée à Kaédi – Crédit Aidara

De Néma à Aleg, en passant par Aïoun, Kiffa, Sélibaby et Kaédi, la campagne de la Coalition de l’Alternance, au discours frontal sur le champ de la compétition électorale contre le parti au pouvoir, INSAF, l’a privé des tranches d’antennes gratuites sur les médias publics, notamment la télévision nationale.

Après l’incident d’Atar où le micro de la télévision Mouritaniya a été littéralement arrachée des mains du leader de la Coalition de l’Alternance, Birame Dah Abeid, après un discours centré sur la communauté harratine, la censure a également frappé les discours de Kiffa, Sélibaby et Aleg, avec chaque fois, une montée d’un cran sur l’échelle de la provocation, selon la cotation établie par la HAPA.

Kiffa et la virulente attaque politique

A Kiffa et face à une marée humaine, Birame Dah Abeid a prononcé le discours le plus virulent contre le pouvoir du Président Ould Ghazouani et son entourage qu’il a qualifié de détourneurs de biens publics et de fossoyeurs de la démocratie.

Halte de Mbout – Crédit Aidara

A Kiffa où pas moins de sept membres du gouvernement mènent une campagne électorale sans commune mesure, le challenge est d’autant plus crucial pour le parti INSAF qu’il s’agit là de la région d’origine du président Ghazouani et de plusieurs de ses ministres.

S’attaquer au fief traditionnel des icônes de la région, Lemrabott Ould Benahi, ministre du Commerce, et Kaba Ould Elwa, l’un des dinosaures du système de Maaouiya Ould Taya, semble relever de la gageure de prime abord, tant ces deux hommes y mènent depuis des lustres la pluie et le bon temps. C’est pour avoir nommément cité ces personnalités, d’avoir décrit leur mainmise politique dans la région comme étant d’essence tribale, et d’y avoir associé le président de la HAPA, que ce discours a été censuré.

Ici, Birame Dah Abeid a ouvertement défié l’autorité politique du président Ghazouani, celle de son pouvoir et de ses partisans, leur promettant une défaite magistrale à l’issue du scrutin du 13 mai prochain et lors de la présidentielle de 2024.

Sélibaby et le syndrome de 1989

Dans la capitale du Guidimagha où le meeting de la Coalition de l’Alternance a connu une affluence monstre, Birame Dah Abeid, a rappelé les douloureux évènements de 1989 et le rôle joué par l’actuel président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), Dah Ould Abdel Jelil, alors gouverneur de la région.

Meeting de Sélibaby – Crédit Aidara

Birame a repris les accusations contre Dah Ould Abdel Jelil relatives au rôle qu’il aurait joué dans les pogromes qui s’étaient déroulées au Guidimagha à cette époque, et les exactions qui y ont été commises sur plusieurs personnes, dont plusieurs ont perdu la vie, tandis que la grande majorité a été déportée, dépossédée et spoliée de son identité, de ses troupeaux de bétail et de ses biens.

Devant son refus d’enlever le nom de Dah Ould Abdel Jelil dans cette séquence, la HAPA a censuré le discours du leader abolitionniste et de sa non diffusion sur les médias publics.

Kaédi et le général Meguet

Troisième censure de la tranche d’antenne du parti Sawab à Kaédi où le nom du général Meguet a été mentionné. Ancien directeur de la Sûreté Nationale, ancien Chef d’Etat-major des armées, aujourd’hui recyclé en homme politique comme probable président de la prochaine Assemblée Nationale en tant que tête de liste pour la députation sur la liste nationale du parti INSAF, Ould Meguett est poursuivi par des accusations de génocidaire lors des évènements de 89-91, alors qu’il était encore jeune capitaine. L’affaire de l’officier Tambedou dont la mort à Inal serait amputée au général Meguett a été citée à titre d’exemple.

Meeting de Kaédi – Crédit Aidara

Le général Ould Meguet a beau démenti ces accusations, mais des soupçons nourris par plusieurs témoignages de rescapés continuent de peser sur lui. C’est pour avoir soulevé cette question lors du discours prononcé à Kaédi, capitale du Gorgol, que Birame Dah Abeid, a été de nouveau censuré.

Aleg et l’armée

A Aleg, capitale de la Wilaya du Brakna, lors du meeting organisé à la tribune centrale, Birame Dah Abeid a de nouveau mis les petits plats sur les grands. Cette fois, il s’est évertué à laver le blason terni de l’armée par ses officiers qui ont selon lui enfreint la règle sacro-sainte de la non implication des militaires actifs dans les affaires politiques.

Il soutient que l’armée doit respecter son droit de réserve et se tenir à équidistance des joutes politiques, déplorant l’implication explicite de plusieurs généraux et officiers supérieurs dans la campagne actuelle et dans les campagnes qui l’ont précédée au profit du parti au pouvoir, comme le parti INSAF.

Aleg et le meeting de la coalition – Crédit Aidara

Revenant sur les évènements de 1989 et la fameuse loi d’amnistie de 1993 qu’il considère comme un aveu de culpabilité, Birame a déclaré que les officiers cités et sur lesquels continuent de peser des soiupçons, à l’image de Ould Meguet, doivent s’affranchir de cette loi et déclarer leur disponibilité à répondre à toute plainte déposée contre eux devant les juridictions nationales. C’est à ce prix seulement, selon lui, qu’ils pourront enfin s’affranchir des soupçons qui continuent de les poursuivre.

Il ne s’est pas épargné cette fois encore de rappeler l’implication de l’ancien Wali du Guidimagha et actuel président de la CENI dans les évènements de 1989 et les soupçons de massacre qui pèsent sur le général Ould Meuguet, l’un de ses adversaires politiques dans la présente compétition électorale. Pour avoir nommément cité ces personnalités, le discours de Birame ne pouvait pas passer dans les médias publics selon la HAPA.

Le méga meeting de Nouakchott sera-t-il censuré ?

A Nouakchott, le pool de l’alternance a organisé mardi 9 mai un méga meeting qui a réuni près d’un millier de personnes au siège du parti IRA à l’ilot K. Un meeting qui a réuni les principaux leaders de la coalition, Abdessalam Horma, président du parti Sawab, Oumar Ould Yali, président du parti RAG en gestation et plusieurs de leurs cadres.

Discours de Birame à Nouakchott – Crédit Aidara

Plusieurs orateurs se sont succédé sur le micro pour galvaniser la foule et lui rappeler son devoir le 13 mai prochain, c’est-à-dire voter utile et pour l’alternance au pouvoir ;

Le président du parti Sawab, Abdessalam Ould Horma, a salué dans son intervention toute cette jeunesse venue répondre à l’appel de l’alternance, rappelant que contrairement à d’autres partis comme le parti INSAF, elle n’a pas été soudoyée, ni corrompue, ni mue par un quelconque sentiment tribal pour être là. Il a rappelé également le raz-de-marée humain qui a ponctué la tournée de la coalition dans toutes les régions du pays, mettant en garde la CENI contre toute passivité devant la fraude électorale.

meeting Nouakchott – Crédit Aidara

Dans son intervention phare, Birame Dah Abeid, est revenu sur ses attaques millimétrés contre le pouvoir, avec un rappel de la trilogie des trois Mohamed, Ould Abdel Aziz, Ould Bouamatou et Ould Ghazouani, trois anciens élèves du système Taayiste qui se sont partagés, selon la, la richesse et le pouvoir, avant que l’inimitié ne dénoue leurs liens d’amitié.

Abdessalam Horma – Crédit Aidara

Il a déclaré que ces élections communales, régionales et parlementaires ne sont que le prélude d’une bataille plus décisive, celle de la présidentielle de 2024. Selon lui, la véritable confrontation actuelle oppose deux clans, celui du système destructeur héritier du pouvoir militaire qui dirige le pays depuis 1978 et qui s’appuie sur un système bâti sur la gabegie, le mensonge et l’hypocrisie et celui d’un clan aux mains propres et qui œuvre pour la refondation d’une Mauritanie nouvelle qui aspire au développement du pays et au bien-être de sa population.

Il a déclaré que tous ses candidats sont issus du bas peuple, la fille d’un martyr d’Inal, une ancienne esclave, des fils et filles de pauvres. Il a promis qu’il les fera entrer tous dans l’hémicycle du Parlement, à la tête des communes du pays et des conseils régionaux.

Vu que Birame n’a pas dérogé à la règle de l’indexation, en citant notamment des noms, celui de Ghazouani, du Premier ministre, du ministre de l’Intérieur, Ould Houerthi, du Directeur de cabinet de Ghazouani, Ismaël Cheikh Ahmed, celui du ministre de l’Elevage Ould waghef, le meeting de Nouakchott pourrait être soumis à la guillotine de la HAPA. En attendant de voir le meeting de Nouadhibou prévu ce mercredi 10 mai et celui de Rosso pour la clôture le 11 mai.

Cheikh Aïdara

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