ICASA 2017 : «les malades du Sida sont au Sud et les médicaments au Nord»

Article : ICASA 2017 : «les malades du Sida sont au Sud et les médicaments au Nord»
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5 décembre 2017

ICASA 2017 : «les malades du Sida sont au Sud et les médicaments au Nord»

C’est un Alassane Ouattara ému par le témoignage de la jeune Assita Ouédraogo, 20 ans, atteinte du VIH à la naissance, qui a ouvert la 19ème session de la Conférence internationale sur le Sida et les infections sexuellement transmissibles en Afrique (ICASA 2017). En ouvrant les travaux de cette rencontre scientifique internationale, lundi 4 décembre 2017 à l’Hôtel Sofitel Ivoire d’Abidjan, le président ivoirien a déclaré que «l’Afrique doit être actrice et non simple consommatrice dans le domaine de la recherche sur le VIH/Sida». En écho, la célèbre vérité de son prédécesseur, Henri Konan Bédié qui disait il y a 20 ans que «les malades du Sida sont au Sud et les médicaments au Nord»

Le président Ouattara et son épouse entourant la jeune Assita Ouedraogo (crédit : abidjan.net)

«Je m’appelle Assita Ouédraogo, 20 ans. J’ai eu le VIH/Sida à la naissance et j’ai perdu ma mère ». Ce témoignage émouvant a été l’élément phare qui a marqué la 19ème édition de l’ICASA 2017, ouverte le 4 décembre  à l’hôtel Sofitel Ivoire d’Abidjan. La cérémonie d’ouverture a été présidée par le Chef de l’Etat ivoirien, Alassane Dramane Ouattara, en présence de son prédécesseur Henri Konan Bédié, de son Premier ministre, Amadou Gon Coulibaly, de la ministre ghanéenne de l’Aviation qui représentait le président du Ghana, Nana Akufo-Addo, de plusieurs hautes personnalités ivoiriennes et africaines,  ainsi que des représentants des organismes internationaux dont le Directeur exécutif d’ONUSIDA, Michel Sidibé.

Cérémonie haut en couleur, protocolaire jusqu’à l’excès, colorée et bondée de monde, et que l’immense salle de conférence de l’hôtel Ivoire a eu du mal à contenir. Arrivé ensemble avec son prédécesseur Henri Konan Bédié, Alassane Ouattara devait d’abord lancer un message de soutien et de respect à tous les malades du VIH/Sida en Afrique, avec un hommage appuyé à la jeune Assita Ouédraogo dont le témoignage plein de courage et d’espoir avait secoué l’assistance, qui lui a réservé un standing ovation à l’issue de sa brillante intervention.

Acteur actif dans la recherche sur le VIH/Sida
«Après le 5ème Sommet Union Européenne-Afrique qu’elle vient d’abriter du 29 au 30 novembre 2017 avec la présence de 84 nations, voilà que la Côte d’Ivoire est de nouveau honorée en abritant la 19ème édition de l’ICASA ». C’est en ces termes que le président ivoirien a entamé son discours, soulignant que depuis le début de la pandémie du Sida en Afrique, il y a trente ans, 76 millions de personnes ont été infectées et 35 millions sont mortes du sida. Selon lui, cette rencontre scientifique internationale de haut niveau, saura sans doute apporter des solutions nouvelles aux défis qui se posent à l’Afrique sur ce plan, soulignant les progrès accomplis par la Côte d’Ivoire, 4ème pays au monde à avoir souscrit selon lui, aux engagements de l’ONUSIDA. «Cette pandémie constitue une véritable problématique d’actualité, en raison de son impact social et économique très négatif » devait-il souligner, indiquant que les défis posés nécessitent que les décideurs, les scientifiques et les acteurs du secteur privé, associent leurs intelligences et leurs efforts pour apporter les mesures adéquates.

Photo de famille (Crédit ; abidjan.net)

Selon Ouattara, «le défi de l’heure est lié au phénomène migratoire, la promiscuité des voyages et les abus sexuels des migrants » ajoutant que les efforts doivent se concentrer sur la mobilisation des ressources, notamment l’implication plus accrue du secteur privé dans la prévention et le traitement. Il a salué la solidarité internationale ainsi que le rôle joué par la société civile africaine dans l’accompagnement et la prise en charge des malades. Il a toutefois souhaité que «l’Afrique soit actrice et non plus simple consommatrice des résultats des recherches sur le VIH/Sida».

Une loi contre la stigmatisation est en vigueur en Côte d’Ivoire

Auparavant, la ministre ivoirienne de la Santé et de l’Hygiène Publique, Dr.Raymonde Goudou-Coffie, qui assure en même la Vice-présidence de l’ICASA 2017, devait rendre hommage à la Première Dame de Côte d’Ivoire, Mme Dominque Ouattara, en sa qualité d’ambassadrice de bonne volonté d’ONUSIDA pour la lutte contre le sida et marraine de la conférence, ainsi que le président Henri Konan Bédié, pour leurs engagements en faveur de la lutte contre cette maladie. Et de rappeler que du temps où il dirigeait le pays, Bédié avait rappelé, lors de son discours de l’ICASA en 1997, que «les malades sont au Sud et les médicaments au Nord » pour inciter les Africains à se lancer dans la recherche et la fabrication des médicaments pour soulager leurs malades.  Selon elle, des progrès significatifs ont été enregistrés dans le domaine du diagnostic, et que depuis 2010, le traitement par antirétroviraux a été beaucoup allégé. «Le taux de prévalence en Côte d’Ivoire est de 2,7 % » indiquera-t-elle, soulignant qu’une loi de protection et de répression contre la stigmatisation des porteurs du VIH/Sida a été également promulguée.

«L’Afrique a fait des efforts, mais les défis restent »
Le président d’ICASA, Dr.Ihad Ahmed Abdelrahmane, devait à son tour prononcer un bref discours dans lequel il rappelait que lors de l’AWARDS accordé par l’ONU à la Société africaine anti-SIDA qu’il préside pour ses efforts en faveur de la lutte contre le VIH/Sida, l’ancien Secrétaire général Kofi Annan avait déclaré que «les résultats, c’est bon, mais il faut redoubler les efforts ». Selon lui, l’ICASA est une plateforme pour renforcer les financements nationaux en faveur de la lutte contre la pandémie et les maladies pernicieuses comme l’hépatite.

Photo de la salle (Crédit abidjan.net)

Le Directeur Exécutif d’ONUSIDA, Michèle Sidibé, abondera dans le même sens, lorsqu’il souligna que le monde connaît de profondes mutations, citant la montée du terrorisme, l’éclatement de plusieurs nations, la montée du nationalisme, les changements climatiques, et l’extraordinaire révolution démographique, mais aussi la baisse de l’Aide publique au développement. «Autant de facteurs qui doivent nous amener à revoir nos stratégies » dira-t-il. Il a rappelé à ce titre les paroles de l’ancien président Henri Konan Bédié, lorsqu’il disait que «les malades sont au Sud mais les médicaments au Nord » ainsi que les paroles de l’ex-président français Jacques Chirac, lors de la 10ème édition de l’ICASA, qui soulignait que «le combat contre le Sida doit être mené sur plusieurs fronts  et toute l’histoire de la lutte contre cette maladie est une histoire d’innovation».

Pour Michèle Sidibé, l’Afrique a accompli d’énormes progrès depuis lors, soulignant la baisse du nombre de personnes vivant avec le VIH-Sida, qui est passé à 14 millions de personnes, dont 6 millions sous traitement antirétroviraux et une chute de 45% des infections, dont 65% de réduction des enfants nés avec le Sida. «Nous ne devons pas relâcher notre engagement et dormis sur nos lauriers, même si le Sida est aujourd’hui encerclé partout sur le continent » soulignera Michèle Sidibé.

Selon lui, «une fille sur trois en Afrique est mariée  avant l’âge de 18 ans » et que ces filles mariées à cet âge précoce sont plus exposées au VIH/Sida que celles qui ne le sont pas. «Les hommes ne contrôlent pas leur statut et se font soigner trop tard », déplora-t-il, ajoutant que ce sont les «hommes âgés qui épousent des jeunes filles qui leur transmettent la maladie et ces dernières une fois libre, la transmettent aux hommes plus jeunes». Et de marteler «évitons les solutions à deux vitesses, car seuls 42% des hommes vivant avec le VIH/Sida connaissent leur statut et seuls 35% ont accès aux traitements ».

La cérémonie a été animée par une troupe folklorique locale et s’est achevée par une photo de famille.

Cheikh Aîdara
Abidjan

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