La Mauritanie post-2019 recherche leader politique désespérément

Article : La Mauritanie post-2019 recherche leader politique désespérément
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17 janvier 2018

La Mauritanie post-2019 recherche leader politique désespérément

Alors que la Mauritanie s’achemine vers des lendemains politiques incertains, alternance ou 3ème mandat présidentiel en 2019, une seule question taraude les partenaires internationaux et les Mauritaniens : quel leader politique pour succéder à Mohamed Abdel Aziz ?

Forte répression de la police contre les militants d’IRA (Photo IRA)

Le peuple mauritanien croupit dans la misère et la pauvreté, ne sachant à quel Saint se vouer, mené en bateau par un régime politique rompu dans la manipulation, la torpeur des acteurs de l’opposition laisse une large manœuvre aux hommes du système. Eux ne se privent plus, spoliant les biens de l’Etat, se partageant le gâteau national, les prébendes, les marchés de gré-à-gré, les postes administratifs et les postes électifs, contrôlant le patronat, muselant les syndicats vindicatifs et la presse indépendante. Vaincue, la rue mauritanienne est devenue un large cimetière de silence et de soumission, où seuls dansent et chantent les loups-garous jamais rassasiés. Jamais une pointe de pitié pour les affamés de la République. Pire, ils se sont enhardis au milieu de ce désert des vaincus. Le terrain de la contestation a été abandonné par une opposition laminée, vieillissante, aplatie, dont les dirigeants cherchent à éviter le contact dans l’implacable combat politique que mène le régime mène. Résultat, ceux au pouvoir demandent toujours plus : la poursuite de la politique de sape, le maintien ad aeternam de leur homme-providence…

Qui relèvera le défi politique

Aujourd’hui la situation est dramatique. La question principale, pour les Mauritaniens comme les partenaires internationaux, est de savoir ce qu’il adviendra de la Mauritanie post-2019. Sur quel président futur reposer l’avenir de ce pays, après Mohamed Abdel Aziz ? Le leader providentiel semble en ce moment introuvable.

Doit-on le dénicher dans le camp de la majorité présentielle actuelle ? Qui ? Un gradé à la retraite ou un civil assez conscient des enjeux nationaux et internationaux ? Des noms ont été brandis, comme Moulaye Mohamed Lagdaf, Ahmed Ould Baya, Ghazwani

Doit-on le chercher dans les rangs de l’opposition dite modérée, ou dans celui de l’opposition dite radicale ?

Selon des confidences, les partenaires de la Mauritanie sont très inquiets de ce manque de leadership politique actuel en Mauritanie pour la relève après 2019.

Ahmed Ould Daddah ne pourra plus se présenter aux élections pour limite d’âge et a toujours refusé d’annoncer sa retraite politique, ce qui aurait permis peut-être de faire émerger un leader, comme Ahmed Hamza, qui aurait bien pu redonner espoir et souffle au RFD, déserté par la plupart de ces militants.

Idem pour Messaoud Ould Boulkheïr, atteint par la limite d’âge politique, et qui s’est lui aussi toujours cramponné à la tête de l’APP, ne laissant aucune chance aux jeunes cadres de son parti d’émerger, à l’image d’Ahmed Ould Samba.

Mohamed Ould Maouloud de l’UFP aurait pu faire un bon candidat. Mais son parti manque d’audience et n’a jamais pu engranger des scores significatifs dans toutes les consultations électorales qui se sont passées, bien que son parti soit le creuset de cadres aux expériences politiques avérées.

Les Islamistes ? Après le départ du charismatique Jemil Mansour, aucun candidat potentiel de ce parti proche des frères musulmans n’a assez de punch, ni de passé politique pour convaincre les Mauritaniens, et les partenaires internationaux s’en méfient.

L’opposition possède-t-elle l’homme providentiel ?

Reste peut-être Birame Dah Abeid. Un candidat qui ferait bien l’affaire de la communauté internationale. Son combat est soutenu par la quasi majorité des organisations de défense des droits de l’homme aussi bien au niveau des Nations Unies qui lui avaient décerné son Prix des droits de l’Homme en 2013, qu’au niveau européen, où le Parlement Européen, à plusieurs reprises, lui a ouvert ses portes et ses podiums.  Seulement, il risque d’être handicapé sur le front intérieur. La frange maure, celle qui détient tous les leviers du pays, ne voudrait certainement pas d’un activiste qu’elle considère hostile à sa communauté. Et une grande frange des Harratines et de Négro-africains dont la cause fonde pourtant le combat du mouvement IRA qu’il préside, ne voterait pas pour lui, pour plusieurs considérations. D’abord, beaucoup de Harratines plombés encore par des siècles de complexe et de soumission préfèreraient se courber devant un maure que devant un Hartani comme eux. Et une large frange des Négro-africains, pour des raisons historiques, ne voudraient pas également être dirigés par un Hartani.

Conscient de cette absence de leadership dans les rangs de l’opposition qui risque de laisser libre-court à un candidat qui pourrait sortir des rangs de l’actuel pouvoir, qu’il soit le président sortant dans un hara-kiri constitutionnel pour un 3ème mandat ou un homme de paille auquel les moyens de l’Etat, aussi bien financiers qu’humains seront mis à disposition, Birame Dah Abeid tente depuis son retour en Mauritanie de susciter un large front unique oppositionnel. C’est dans ce cadre qu’il s’est entretenu avec tous les leaders politiques, du FNDU à l’opposition modérée. Il tente aussi de rallier une bonne frange de l’élite religieuse et sociale de la frange arabe pour corriger l’image de cette communauté à son égard.

En attendant que l’opposition mauritanienne sorte de sa longue léthargie, Birame poursuit en solitaire son défi face au régime de Mohamed Abdel Aziz. Son mouvement IRA occupe présentement seul le terrain de la contestation sociale et politique. Jamais, militants de parti politique ou de mouvement des droits de l’homme en Mauritanie ne se sont autant sacrifiés que ceux du mouvement IRA, où les hommes et les femmes versent tous les jours ou presque, le même prix du sang et de la liberté.

Le 3 janvier 2018, le mouvement avait organisé une marche pacifique. Celle-ci s’est terminée avec plusieurs blessés et des arrestations.

Le 15 janvier 2018, la marche pacifique organisée par IRA pour dénoncer l’arrestation de ces deux militants, Abdallahi Maatalla Saleck et Moussa Birame, ainsi que celle de plusieurs autres prisonniers politiques, a été fortement réprimée. Plusieurs militants ont succombé sous la sauvage exaction des forces de l’ordre. Beaucoup de blessés et plus d’une dizaine d’arrestation dont la propre fille de Birame Dah Abeid et son gendre. En effet, Aïcha Birame, la fille de Birame Dah Abeid et Abou Diop, son mari, font partie des militants d’IRA passés à tabac et incarcérés dans les commissariats de Nouakchott suite à la marche du lundi 18 janvier dernier. Abou Diop en est sorti avec un repos médical de sept jours et une blessure grave au niveau de l’urètre et des parties génitales. Tous les prisonniers ont été libérés après deux jours de garde-à-vue avec des menaces policières si jamais ils recommenceraient. Au cours d’une conférence de presse organisée par IRA, quelques militants libérés ont livré des témoignages poignants, indiquant leur volonté ferme à poursuivre leur combat pacifique contre le régime de Mohamed Abdel Aziz.

https://mondafrique.com/mauritanie-violente-repression-contre-militants-anti-esclavag

Le 3 janvier 2018, le mouvement avait organisé une autre marche pacifique. Plusieurs blessés et des arrestations.

https://www.chezvlane.com/Marche-pacifique-reprimee-Communique-IRA-Mauritani

Aujourd’hui la Mauritanie est à la croisée des chemins, avec un pouvoir qui compte poursuivre sa chevauchée solitaire, tuant l’idéal démocratique dont les Mauritaniens s’étaient réjoui en 2005, suite au coup d’Etat qui avait mis fin à vingt et une année de dictature implacable de Ould Taya. La période de grâce n’aura hélas duré que deux ans, avec la présidentielle de 2006 qui porta Sidi Ould Cheikh Abdallahi pendant deux ans au pouvoir, avant que la Mauritanie ne retombe sous la coupole des généraux après le coup d’Etat de 2008. Une deuxième ère de dictature s’ouvrait alors, mais cette fois avec un régime au radicalisme féodalo-nationalo-esclavagiste avéré, doublé d’une tendance très forte au rigorisme salafo-wahabite qui effraie tous les démocrates, notamment les défenseurs des droits de l’homme et les anti-esclavagistes.

 

Cheikh Aïdara

 

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