Sayana Press, la méthode contraceptive qui décolle en Mauritanie
C’est un véritable plan de bataille que les autorités sanitaires mauritaniennes, avec l’appui du Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA), ont mis en place pour l’introduction et la mise à l’échelle du Sayana Press ou DMPA-SC. Il s’agit d’un nouveau type de contraception injectable qui élargit l’accès et les options en matière de planning familial.
Camp de MBerra, plus de 1.300 kilomètres de Nouakchott. La mission conjointe Programme national de santé de la reproduction (PNSR) et UNFPA en visite sur les lieux en septembre 2019 avait constaté que ce camp de réfugiés maliens qui regroupe quelques 14.000 familles pour une population de 57.000 personnes, est le point de convergence des agences des Nations Unies et quelques organisations internationales comme, World Vision, Oxfam, MSF ou Alima. La mère, le nouveau né, santé de la reproduction, nutrition…Autant de sujets de prédilections qui explique ce télescopage d’humanitaires dans cet endroit excentré, à 60 kilomètres de la frontière malienne. De l’autre coté, l’insécurité règne et explique la présence d’autant de réfugié depuis plus de sept ans.
Sayana Press, jusqu’au plus lointain des hameaux
Le taux d’accouchement au Camp de Mberra est des plus élevés en Mauritanie, d’où une place centrale accordée au programme de planification familiale au niveau des deux centres de santé, celui de l’Etat et celui de l’ONG Alima ainsi que ses quatre postes de santé, mais aussi au niveau de la maternité mise en place par l’Association Mauritanienne pour la Promotion de la Famille (AMPF) avec l’appui de l’UNFPA. Le Sayana Press vient d’y faire son entrée, certes timide encore, mais en progression, selon Fatimata NDim, sage-femme. «Les femmes du camp, surtout leur conjoint, étaient au départ réticentes à la PF. Mais tous ont compris l’intérêt de l’espacement des naissances pour leur survie, celle de leurs enfants et l’épanouissement de la famille. Le Sayana Press est de plus en plus demandé, grâce à sa commodité et à sa facile administration » témoigne-t-elle.
C’est le même engouement du côté du centre de santé géré par Alima où Dicko Pape Birame, sage-femme témoigne de l’engouement des femmes réfugiées pour le Sayana Press dès les premiers counceling. «La pullule est la méthode que les femmes préfèrent ici. Elles sont réfractaires aux injectables. Mais lorsque nous leur avons expliqué le caractère facile et commode du Sayana Press, certaines ont accepté de l’essayer, Depuis, la demande augmente de jour en jour» commente-t-elle.
Dans cette bataille pour le planning familial au Camp de Mberra, le rôle des relais communautaires est primordial. C’est le cas de Marième Mohamed, réfugiée malienne Touarègue qui, selon le témoignage du personnel du Poste de santé n°3 où elle opère, «son apport a été déterminant dans le recrutement des femmes pour la planification familiale et la santé de la reproduction en général». Marième Sall, sage-femme explique, «nous sommes avec des réfugiés qui étaient profondément pronatalistes. Avec des relais comme Marième Mohamed, un changement de comportement est en marche. Les femmes acceptent d’accoucher dans les centres de santé et même à demander elles-mêmes une méthode de contraception, dont de plus en plus le Sayana Press».
Que cela soit dans la région des deux Hodhs, en Assaba ou encore au Guidimagha ou au Gorgol, là où la mission PNSR/UNFPA s’est rendue, les sages-femmes ont fait l’éloge du Sayana Press. Pour Fatimetou Fah, sage-femme au Centre de Santé d’Aïoun, capitale du Hodh Gharbi, «le Sayana Press est en tout cas commode pour nous prestataire, car il combine le médicament contraceptif et l’aiguille en un seul dispositif».
L’offensive des autorités pour le Planning familial
Soucieuses de respecter leurs engagements internationaux, notamment avec le Partenariat de Ouagadougou (PO) depuis 2011 et le Family Planning 2020 en juillet 2012, les autorités mauritaniennes doivent inclure 39.000 utilisatrices additionnelles dans le programme de contraception moderne, soit 5% de leur contribution du résultat du PO qui est de recruter 2, 2 millions d’utilisatrices additionnelles en 2020.
Selon le Coordinateur du PNSR, Dr. Sidi Mohamed Abdel Aziz, «dans le cadre du repositionnement de la PF, pour réduire la mortalité maternelle et profiter du dividende démographique, notre pays a pris des engagements ambitieux au niveau national et international». Il ajoute que l’usage de la contraception moderne reste cependant faible malgré les efforts du gouvernement et de ses partenaires. «De 10% en 2010, la prévalence contraceptive a sensiblement augmenté à 17, 8% en 2017, mais les besoins non satisfaits restent élevés, 33%» » déplore-t-il.
L’Etat mauritanien a dû ainsi s’inspirer des progrès spectaculaires du Sayana Press au Sénégal, au Burkina Faso, au Bénin et au Togo pour envoyer des équipes du PNSR s’inspirer de leur expérience. En effet, l’utilisation des contraceptifs injectables devient de plus en plus populaire dans la prévention des grossesses, sans compter qu’elle offre aux femmes une protection commode, intime et discrète, tout en facilitant l’auto injection à celles qui le souhaitent. «Les résultats positifs ressortis dans les rapports d’évaluation de l’introduction de produits contraceptifs injectables au niveau des pays pilotes ont motivé la Mauritanie avec l’appui de l’UNFPA à mobiliser 36.804 ampoules de Sayana Press en 2018, et élaborer son plan d’introduction de Sayana Press pour les années 2019-2020 » explique Bocar MBaye, Chargé de Programme SPSR/PF à UNFPA Mauritanie.
L’intérêt de la Mauritanie pour le Sayana Press a poussé le Secrétaire général du Ministère de la Santé, Ahmed Jidou Zeine, à mettre en place par note de service en date du 6 juin 2019, un comité technique de coordination et de suivi de l’introduction et de la mise à échelle de la molécule DMPA-SC présidé par la Directrice Santé de Base et Nutrition au Ministère de la Santé et composé de 14 membres dont le Coordinateur du PNSR et certains de son staff, en plus des partenaires et de la société civile.
Ce comité devra suivre la mise en œuvre du Plan d’introduction du Sayana Press 2019-2020. Ce plan prévoit le renforcement de capacités de 569 acteurs sur le Sayana Press d’ici fin décembre 2020, le recrutement de 39.000 nouvelles utilisatrices, la disponibilité du Sayana Press à 100% dans les formations sanitaires, etc.
Dans sa phase pilote, le Sayana Press est introduit au niveau des cinq régions les plus vulnérables en termes de mortalité maternelle et néonatale du pays, à savoir le Hodh Charghi, le Hodh Gharbi, l’Assaba, le Gorgol et le Guidimagha, en plus du Brakna.
Cheikh Saad Bouh Dieh Moctar dit Cheikh Aidara
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