Le Premier Ministre devant les députés, la moitié vide du verre

Article : Le Premier Ministre devant les députés, la moitié vide du verre
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1 février 2021

Le Premier Ministre devant les députés, la moitié vide du verre

Le Premier ministre, Mohamed Ould Bilal a présenté vendredi 29 janvier 2021 la déclaration de politique générale du gouvernement devant l’Assemblée Nationale. Un programme ambitieux pour l’année en cours, mais qui n’a pas convaincu tous les députés. De la majorité à l’opposition, les griefs ont été nombreux sur les défis que le gouvernement n’a pas pu relever au cours de l’année 2020. Sur tous les plans.

C’est une routine qui revient au mois de janvier de chaque année. Le Premier ministre, Mohamed Ould Bilal, a égrené pendant plus de deux heure d’horloges, le vendredi 29 janvier dernier, comme une litanie, les réalisations de son gouvernement pendant l’année 2020 et les perspectives pour l’année 2021.

Des chiffres, des certitudes martelées avec force, des promesses de vie meilleure pour les Mauritaniens. Un récital qui dure depuis que la Mauritanie est indépendante et que chaque gouvernement lègue à son héritier, alors que la désolation sonne à tous les compartiments de la vie politique, sociale, économique et culturelle du pays.

Les griefs contre le gouvernement

Sur le plan diplomatique, les Mauritaniens de l’extérieur doivent compter sans leurs ambassades et consulats, implantés dans les pays amis et frères et qui semblent rouler pour des raisons qui sont loin de leurs préoccupations. La double nationalité que la diaspora n’a cessé de réclamer depuis des lustres n’est pas encore dans l’agenda des gouvernants. Aucune facilité non plus pour leur état-civil et celui de leur famille. Pas de facilité aussi pour bénéficier d’une assurance sociale pour la retraite, ni pour l’installation définitive au pays pour ceux qui le souhaiteraient. Pas d’aide non plus pour les Mauritaniens en difficulté à l’étranger.

L’indécision des autorités mauritaniennes dans le conflit du Sahara, entre le Polisario et le Maroc, notamment durant la crise du passage de Guerguerat, a été fortement critiquée comme point faible de la diplomatie mauritanienne.

L’éducation nationale continue d’être un facteur d’inquiétude. L’école républicaine, que les Mauritaniens appellent encore de tous leurs vœux, reste inaccessible. L’enseignement continue d’être un facteur de division entre riches et pauvres, un obstacle contre l’unité nationale et la cohésion sociale. Les protestations ont redoublé. Celles des étudiants de plus de 25 ans contre le refus de leur accorder un banc à l’université. Celles des enseignants qui se plaignent de salaire de misère et des conditions de travail difficiles, tout comme l’insuffisance dans les infrastructures et les ouvrages scolaires.

En matière de gouvernance, la transparence reste un vœu pieux, selon plusieurs députés. La présence au plus haut niveau de l’Etat de personnes visées dans le dossier de l’enquête parlementaire est pour eux la preuve tangible que le gouvernement protège les prédateurs des biens publics. Certains députés ont dénoncé la persistance des pratiques néfastes des précédents pouvoirs, tels que les passations opaques des marchés publics, les nominations à caractère tribal et népotiste, l’absence de justice, la non application par les départements publics des décisions judiciaires, le non-respect de la hiérarchie des lois (une circulaire pouvant défaire une loi par exemple).

C’est surtout dans le domaine des libertés publiques que le gouvernement de Mohamed Ould Bilal a été le plus critiqué. Le comportement des forces de l’ordre dans leurs rapports avec les manifestants pacifiques, depuis l’arrivée au pouvoir de Ghazouani, est considéré comme le plus féroce jamais enregistré en Mauritanie. Le passage à tabac des manifestants sur la place publique, est devenu monnaie courante. Les étudiants, les habitants de Tivirit, les créanciers de Cheikh Ridda, les enseignants prestataires, le personnel de santé indépendant, entre autres, en ont été les victimes les plus emblématiques.

La période Ould Ghazouani a été marquée par le nombre important de protestations. Du jamais vu dans l’histoire du pays. Selon le ministre de l’Intérieur, pas moins de 30 manifestations ont lieu par jour dans le pays. Les autorités estiment que c’est le signe de la démocratie, sauf que la répression policière a dépassé l’entendement, d’après les observateurs. Pour l’opinion publique mauritanienne, les images de manifestants matraqués, trainés sur le bitume, sont insoutenables. Il y a deux jours, un policier a giflé un étudiant lors d’une manifestation

Sur le plan économique, l’autosuffisance alimentaire demeure un sujet de préoccupation pour les Mauritaniens, effrayés par la hausse vertigineuse des prix des denrées de première nécessité et la baisse du niveau de vie. Les contreperformances du Ministère du Développement Rural ont été pointées du doigt, surtout face à la faiblesse de la production agricole du pays et l’ampleur des injustices infligées aux petits paysans. L’expropriation des terres de culture au profit des hommes d’affaires, des notables et des chefferies dans la Vallée, est dénoncée par plusieurs députés qui y voient une source de tension sociale.

Le pillage des richesses naturelles, notamment les produits halieutiques, est revenu dans plusieurs interventions des députés, qui ont réclamé l’élaboration d’une nouvelle stratégie de pêche avant qu’il ne soit trop tard. Ils pointent du doigt les sociétés chinoises, turques et certains armateurs nationaux qui utilisent la surpêche, la pêche des juvéniles et l’utilisation de techniques de capture interdites dans tous les pays soucieux de la préservation de leurs ressources. Le Gouverneur de Nouadhibou a adressé aux autorités une lettre dans ce sens où il tire la sonnette d’alarme.

Sur le plan des droits de l’homme, les dossiers épineux restent encore non résolus, selon plusieurs députés qui dénoncent la persistance des pratiques esclavagistes, le non-règlement du Passif humanitaire, celui des déportation et tueries de 1989-1991.

Ils dénoncent aussi la répression brutale et barbare des manifestations pacifiques garanties par la Constitution, ainsi que les mauvaises conditions des prisons en Mauritanie.

Les insuffisances du système de santé, notamment la faible qualité des soins de santé, l’insuffisance des structures et de personnels qualifiés, ont été soulevées au cours du passage du Premier ministre.

Des acquis ont été réalisés

Les députés ont cependant salué les avancées réalisées par le gouvernement au cours de l’année 2020. C’est le cas de l’apaisement de la situation politique avec les couloirs de concertation que le président Mohamed Cheikh Ghazouani a ouvert avec les leaders de l’opposition. Ces derniers continuent cependant de réclamer un dialogue politique qui leur est refusé durant les dix années de son prédécesseur. Une réunion de concertation dans ce sens a eu lieu au domicile de Messaoud Boulkheir, président du parti Alliance Populaire Progressiste (APP).

C’est le cas aussi de l’adoption de la loi sur les associations qui a été largement approuvée par tous les acteurs sociaux. En effet, l’adoption du régime déclaratif a été jugée plus conforme à la Constitution et aux traités internationaux ratifiés par la Mauritanie que les dispositions de la loi de 1964 qui a imposé pendant plus de quatre décennies le régime de l’autorisation qui permettait d’exclure aux faciès les associations non désirées par les tenants du pouvoir.

C’est surtout les performances dans la gestion de la pandémie Covid-19 qui ont été les plus marquantes. La Mauritanie est en effet parmi les pays qui ont été les moins affectés par le virus. Le gouvernement s’est aussi distingué dans les mesures d’accompagnement pour atténuer les effets de la pandémie sur le plan social.

Il en est ainsi dans les dispositions prises à l’encontre des retraités dont les pensions ont été doublées et ramenées par mois et non plus par trimestre. Il en va également du recul de l’âge de la retraite à 63 ans et non 60 ans.

Les distributions de cash à l’intention de plus de 200.000 ménages les plus vulnérables à travers le pays, les virements mensuels à l’intention des couches les plus affectées, notamment les enfants multi handicapés, la prise en charge électricité-eau pour cause de Covid à plusieurs centaines de milliers de familles pauvres…Autant d’actions sur le plan social qui ont été bien magnifiées par les élus du peuple.

Les efforts réalisés, et qui sont en cours, dans la lutte contre le chômage des jeunes, avec la création de 20.000 emplois, à travers des insertions directes ou des projets financés sur fonds publics en 2020, ont été largement salués.

Ainsi, les  déployés dans la lutte contre la pandémie Covid-19 ont fait l’objet d’un quasi plébiscite de la part des députés de l’Assemblée Nationale qui ont salué les efforts dans le maintien de la crise sanitaire dans un état tolérable malgré les pics enregistrés sous la deuxième vague du virus.

Cheikh Aïdara

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