Développement durable, capital humain, autonomisation des femmes… Le Forum de Bamako a tenu ses promesses

Article : Développement durable, capital humain, autonomisation des femmes… Le Forum de Bamako a tenu ses promesses
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31 mai 2021

Développement durable, capital humain, autonomisation des femmes… Le Forum de Bamako a tenu ses promesses

La 21ème édition du Forum de Bamako, lieu d’échanges annuels, s’est tenue du 20 au 22 mai 2021, avec la participation de délégations venues de la Mauritanie, du Sénégal, du Niger, du Burkina Faso et du Tchad. Au menu, « Démographie, Paix et Sécurité au Sahel » sous les auspices du Bureau Régional du Fonds des Nations Unies pour la Population pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre (UNFPA WCARO) et plusieurs partenaires.

Vue des participants

Comme chaque année, la 21ème édition du Forum de Bamako, a drainé des personnalités venues du Sahel. Région en proie à des fragilités diverses, le Sahel est au cœur de la contribution de l’UNFPA aux réflexions et aux solutions destinées à atténuer ces fragilités. C’est dans ce cadre qu’a été mis en œuvre cette initiative sur « la démographie, la paix et la sécurité » pour susciter les échanges et la réflexion sur ce sujet central.

Ouverture officielle

L’ouverture officielle du Forum de Bamako pour l’édition 2021 a été marquée par des échanges, des discours, suivies de deux sessions. La première session technique sur les consultations nationales menées autour des monographies de la Mauritanie, du Sénégal, du Mali, du Niger, du Burkina Faso et du Tchad, et la deuxième sur la Jeunesse et la Migration.

M. Soussourou Dembele

Ouvrant les travaux, le Ministre de l’Economie et des Finances du Mali, M. Soussourou Dembélé, a souligné que « cette rencontre est une grande opportunité pour les décideurs politiques et les techniciens du développement, sur les questions portant sur le triptyque « démographie, paix et sécurité »». Selon lui, cette rencontre est importante, car elle participe à l’amélioration de la planification budgétaire des gouvernements du Sahel, surtout dans un contexte de crise politique, humanitaire et sécuritaire.

M. Mabingue NGom

« Nous voici de nouveau à Bamako pour parler de démographie, de paix et de sécurité », avait déclaré auparavant, le Directeur régional de UNFPA WCARO, M. Mabingue Ngom, qui a salué les initiateurs du Forum de Bamako, en l’occurrence son président, Abdallah Coulibaly. Selon lui, l’édition de 2020 avait permis de jeter les bases de la réflexion sur cette problématique, mais aussi de nouer des partenariats solides qui ont permis d’obtenir de résultats probants. « Nous sommes aujourd’hui ici, pour continuer le dialogue politique que nous avons engagé l’année dernière autour de cette question lors des consultations nationales, mais également lors du symposium de haut niveau organisé le 2 décembre » a-t-il poursuivi.

M. Mabingue Ngom estime que c’est pour asseoir une analyse fondée sur des données et des évidences sur la situation au Sahel, que l’UNFPA et les gouvernements de la région ont opté pour une approche novatrice qui consiste à apporter un nouveau narratif et à jeter un nouveau regard sur les faits, les évidences et faire des propositions pour un Sahel résilient, et engager un dialogue politique de haut niveau sur le lien entre « Démographie, Paix et Sécurité ».

Les Secrétaires généraux des Ministères de la Jeunesse du Burkina Faso et du Tchad, M. Doukouré Jean Philipe et Mohamed Ndonga Christian, ainsi que le Secrétaire général du ministère de la Population du Niger, M. Mahamadou Issaka Kamaye, ont mis l’accent sur l’importance des thèmes abordés, notamment le capital humain, l’investissement dans la jeunesse, ainsi que l’incidence de la dynamique de la démographique sur la paix et la sécurité au Sahel.

M. Eugène Kongnyuy

Le Représentant Résident de l’UNFPA au Mali, M. Eugène Kongnyuy a salué pour sa part l’esprit d’équipe qui a animé démographes, techniciens de la paix et de sécurité qui ont toujours travaillé séparés auparavant et qui ont décidé d’œuvrer ensemble pour produire l’excellent document sur « Démographie, Paix et Sécurité ». Si chacun travaille seul, selon lui, on pourra gagner un match, mais pas le championnat. « En Afrique et au Sahel, nous avons plutôt besoin de gagner le championnat, d’où l’exigence de travailler en équipe » a-t-il affirmé.

M. Kabiné Komara

S’exprimant au nom du président du Forum de Bamako, l’ex-Premier ministre de Guinée, Kabiné Komara, a loué le rôle de l’UNFPA dans l’élaboration de la Feuille de route de l’Union africaine de 2017 sur le thème « Tirer pleinement du dividende démographique en investissant dans la jeunesse ». Cette feuille de route constitue aujourd’hui, selon lui, une référence pour les pays de la région. « C’est une fierté d’avoir l’UNFPA dans cette 21ème édition » a-t-il souligné.

Sessions techniques

Cette session a porté sur le cadre théorique et les regards croisés sur les facteurs de fragilité, ainsi que les perspectives en matière de politiques publiques.

Pr. Alioune Sall

Le Pr. Alioune Sall, sociologue et spécialiste de la prospective en Afrique, Directeur exécutif de l’Institut des Futurs Africains, a présenté l’ouvrage « Démographie, Paix et Sécurité au Sahel ». Selon lui, l’ouvrage vise un double objectif : d’abord un souci de clarification conceptuelle et analytique en ayant à l’esprit qu’un axiome bien posé est à demi résolu, ensuite, la contribution de l’UNFPA dans l’amélioration de la situation au Sahel.

Il a développé les quatre parties de l’ouvrage, la partie définitions et concepts, la partie concernant la situation présente du Sahel, une partie concernant les avenirs possibles pour le Sahel avec trois scénarii possibles, une tendancielle, une d’adaptation et un scénario catastrophe. Enfin, la dernière partie qui répond à la question de savoir quelles politiques publiques pour que le scénario souhaitable devienne réalité.

Le Pr. Alioune Sall a ensuite rappelé les recommandations du symposium virtuel du 2 décembre 2020 qui a été consacré à l’ouvrage.

La monographie de la Mauritanie

Dr. Sidi Mohamed Zenvour, Directeur de la Stratégie de Croissance Accélérée et de Prospérité Partagée (SCAPP) 2016-2030, au Ministère des Affaires Economiques et de la Promotion des Secteurs Productifs, a présenté la monographie « Démographie, Paix et Sécurité » de la Mauritanie, mettant en exergue ses objectifs. Il s’agit d’abord, selon lui, de répondre à la forte demande sociale à travers le partage des fruits de la croissance, ensuite, assurer une gouvernance économique, administrative, environnementale et financière.

M. Sidi Mohamed Zenvour

Il a rappelé qu’avant le présent forum de haut niveau de Bamako, la Mauritanie avait organisé le 17 mai 2021, des consultations nationales. Il a souligné que malgré les efforts consentis pour la création d’opportunités économiques, de lutte contre la pauvreté et l’exclusion politique, les défis restent énormes, comme dans le reste du Sahel.

Selon lui, les objectifs des consultations nationales tenues à Nouakchott avaient pour objectif, de promouvoir l’appropriation et l’internalisation des conclusions de la monographie « Démographie, Paix et Sécurité », apporter des contributions aux implications politiques des défis qui y sont liés, formuler des recommandations pour soutenir la conception des politiques et programmes innovants, fournir un cadre de réflexion sur les principaux défis thématiques spécifiques au pays.

Cinq panels ont été organisés, a-t-il expliqué en substance, un panel par acteur (administration, société civile, partenaires, jeunesse, secteur privé). Il a ensuite énuméré les trois groupes de résultats qui ont été dégagés, dont le constat amer d’une forte croissance démographique et d’une forte fertilité, avec l’accent sur l’extrême jeunesse de la population (60% ayant moins de 25 ans), ainsi que le difficile arbitrage entre budget défense et sécurité, et budget pour le développement social et économique.

Plusieurs autres intervenants ont animé cette session, l’activiste Bintu Zahara Sakor, Dr. Issa Larba Kobyagda, DG de l’Economie et de la Planification du Burkina Faso, Dr. Aruna Sougané, DG de l’Institut national de la statistique du Mali et Dr. Mainassara Asouman, DG du Plan et des Prospectives du Niger.

Autonomisation des femmes

Le panel sur l’autonomisation des femmes, puissant levier de la formation du capital humain, a été animé par plusieurs femmes, dont d’anciennes ministres, et a été modéré par l’ancien Premier ministre de Guinée, M. Kabiné Komara.

Mme Keïta Fatimata Sango de la société civile malienne a insisté sur l’importance d’investir dans le développement humain des femmes. Toutes les approches de développement n’ont pas pu aboutir, car l’autonomisation des femmes n’a pas été prise en compte d’une manière optimale, a-t-elle dit en substance. « L’autonomisation des femmes va de pair avec le développement » a-t-elle insisté. Elle a relevé certains obstacles qui empêchent les femmes d’atteindre leur plein potentiel, citant les obstacles économiques, la difficulté d’être tout simplement femme dans les sociétés africaines, l’accès aux financements, aux crédits et aux garanties.

Pour Mme Gakou Salimata Fofana, ancienne ministre du Mali, l’autonomisation des femmes ne peut trouver une meilleure entrée que les sciences. Elle a souligné que « pour arriver à l’autonomisation des femmes, il faut passer par l’éducation et surtout par les sciences qui sont la clé du développement ».

Quant à Mme Doris Djatou Oudou, jeune femme leader du Bénin, « quand on parle d’autonomisation des femmes, c’est d’abord un processus par le biais duquel la vie d’une femme se transforme et passe d’une situation dans laquelle elle avait des pouvoirs limités, vers une situation où elle dispose des mêmes pouvoirs que l’homme ».

Mme Maïmouna Bangoura, économiste et membre de la société civile de Guinée, s’est interrogée, « 25 ans après Beijing, qu’est-ce qui a bougé ? ». Pour elle, sans l’accent sur la solidarité féminine, rien ne peut avancer pour réussir une autonomisation réussie de la femme, soulignant que cette problématique doit être au cœur de la question intergénérationnelle.

Ex-fonctionnaire du PNUD et ancienne ministre du Mali, Mme Keïta Adangou, qui gère un bureau d’études, a d’abord rappelé quelques dates internationales, le Sommet de Rio, les OMD puis les ODD, comme des dates fortes par lesquelles la communauté internationale s’est engagée pour un avenir meilleur pour tous. Elle a énuméré les maux dont souffre le Sahel, les conflits, les catastrophes naturelles et les économies fragiles qui font de cette région l’une des plus pauvres au monde. Elle a poursuivi en citant les crises humanitaires, sociales, culturelles et sécuritaires, les réseaux criminels, la famine, le terrorisme, l’explosion démographique soutenue par de fortes natalités, la migration des jeunes, la radicalisation et les problèmes de gouvernance. Selon Mme Keïta, « la solution à ces différents défis passe nécessairement par l’autonomisation de la femme », en soutenant les entreprises dirigées par les femmes et en investissant dans le développement de leurs capacités et de leurs compétences, mais également dans l’éducation des filles et leur maintien dans le milieu scolaire.

Mme Fanta Coumba Karambe, Ingénieur en réseau informatique et télécommunication du Mali, est revenue sur la définition du capital humain et celle de l’autonomisation des femmes, affirmant que « quand la femme est autonome, cela se répercute sur l’éducation des enfants, leur santé et sur le bien-être familial ».

Le dialogue intergénérationnel

Un panel sur le « Dialogue intergénérationnel » a été organisé par l’UNFPA en marge de la 21ème édition du forum.

S’exprimant à cette occasion, M. Mabingue Ngom a déclaré que la priorité est d’accentuer la dynamique d’investissement majeur dans les jeunes. « Aujourd’hui, ce dialogue a pour nous une réelle valeur ajoutée et nous ne ménagerons aucun effort pour apprendre des conclusions qui en seront tirées dans le but de servir les jeunes » a-t-il insisté. Il a ajouté que l’intention est de prendre des actions concrètes qui favoriseront les facteurs de transformation générationnelle vers les jeunes. « Nous voulons aussi que leurs points de vue et leurs aspirations puissent être pris en compte afin d’améliorer nos programmes » a-t-il mentionné.

M. Kabiné Komara, pour qui le Forum de Bamako est le Davos africain, est revenu sur la Feuille de Route de l’Union africaine de 2017 qui est selon lui, « la boussole d’action dans le domaine du dividende démographique et de l’investissement dans la jeunesse ». Selon lui, « le fait que depuis deux ans, M. Mabingue Ngom s’acharne à faire en sorte que dans le Sahel, cette prise de position soit connue, vulgarisée, intégrée et appropriée, est à saluer ». Il a déclaré que depuis 25 ans, l’Afrique progressait avec un taux de croissance positif, mais depuis l’année dernière, ce taux a reculé à cause de la pandémie Covid-19, rendant les moyens des Etats du Sahel moins suffisants. C’est la raison, selon lui, de la rencontre récente de Paris pour un new deal et pour un changement de paradigme pour l’Afrique, par rapport à la façon d’aborder ses économies, à travers la révision des dettes et la recherche de nouveaux moyens.

M. Chaka Magassa

Pour M. Chaka Magassa, Secrétaire général du Ministère de la Femme du Mali, « le présent panel se veut un dialogue intergénérationnel entre la nouvelle génération et ses aînés ». Elle permettra, d’après lui, de mieux appréhender les liens entre développement durable et capital humain, ainsi que le profit qui peut en être tiré. « De nos jours, la formation du capital humain est devenue une priorité au-delà de nos frontières » a-t-il précisé.

De son côté, M. Amadou Diarra, Secrétaire général du Ministère de la Jeunesse du Mali, président de la séance, il a affirmé que « l’un des objectifs de cette rencontre sur le dialogue intergénérationnel, c’est de permettre aux jeunes d’atteindre leur plein potentiel tout en maintenant les relations avec leurs aînés, toute chose qui pourrait permettre d’éviter les conflits de génération ».

Migration des Jeunes et transition au Sahel

Cette session a abordé les problèmes des données sur la migration au Sahel, le financement et les investissements extérieurs. Les discussions ont porté sur la migration des jeunes et l’explosion des budgets de défense et de sécurité, face aux dépenses pour le développement.

Très techniques, cette session présentée par des experts en la matière, Mme Térésa Talo, Coordinatrice régional du projet UNFPA, Mme Clémence Schweitzer, Coordinatrice 4 MMI et MMC, ainsi que Mme Alicia de l’Université Berkley et de l’Initiative OASIS.

Cheikh Aïdara

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