Décès de la Première Dame de Mauritanie : l’exceptionnel combat de Marième Daddah

Article : Décès de la Première Dame de Mauritanie : l’exceptionnel combat de Marième Daddah
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18 février 2023

Décès de la Première Dame de Mauritanie : l’exceptionnel combat de Marième Daddah

La Première Dame de Mauritanie, Marième Daddah, née Marie-Thérèse Gadroy, est décédée le 12 février 2023 dans un hôpital militaire à Nouadhibou, près de vingt-ans après la disparition de son mari, Me Mokhtar Ould Daddah, premier chef d’Etat de la Mauritanie (1960-1978), disparu le 14 octobre 2003 à Paris.

De G. à Dr. Marième Daddah, Mokhtar Ould Daddah, Bios Diallo – Crédit Bios Diallo (avec son autorisation)

Sa disparition n’est nullement passée inaperçue, dans un pays où l’actualité battante et chaude était toute tournée vers le procès historique de l’ancien président Mohamed Abdel Aziz et de son régime. Elle l’a surclassée, le temps d’un deuil que chaque Mauritanien, les anciens notamment, a porté pendant plusieurs jours.

L’écrivain et homme de lettres, Bios Diallo, lui a consacré un hommage émouvant, rappelant sa rencontre avec celle que les Mauritaniens appelaient affectueusement « Madame la Présidente ». Cela s’était passé à Nice, en France, en février 1999 alors qu’il travaillait pour Jeune Afrique Economie.

Une rencontre, dit-il en substance, où ils avaient évoqué ensemble, « avec des mots emprunts d’humanisme Sélibaby (où le président s’était rendu) et Nouakchott où des homonymes portent leurs noms ».

Dr. Maïmouna Mint Mokhtar, une des nombreuses filleules de la Première Dame, raconte dans un long témoignage en arabe comment elle a pu reprendre l’école au Collège des jeunes filles à Nouakchott, après qu’elle en fut retirée par sa mère et sa grand-mère de Boutilimit, ville natale du président Mokhtar. « Comment veux-tu encourager les filles à poursuivre leurs études si tes propres parents s’y opposent ! » avait-elle lancé à son mari.

Ce fut un long combat, dira Dr. Maïmouna Mint Mokhtar, entre son père qui voulait qu’elle reprenne ses cours et ses mères qui trouvaient incongrues qu’une jeune fille soit délaissée seule à Nouakchott. Finalement, son père l’amena à la présidence, qui était en fait, une petite maison sans étage où elle occupa la place réservée aux hôtes de passage.

Elle évoque une femme déterminée à accompagner son mari dans l’édification et la construction d’un pays dont la capitale venait juste de naître entre deux dunes de sable. Les crèches qu’elle a ouvertes, l’usine de tapisserie qu’elle avait aidé à installer, ses cours en civisme qu’elle animait pour construire des hommes de demain amoureux de leur patrie, ses animations radiophoniques, sa supervision sur les films qui devaient être projetés dans les salles de cinéma, pour qu’aucune séquence nuisible ne puisse être passée. Une dame qui a servi la Mauritanie, accompagné la promotion et le combat des femmes, jusqu’à la chute dramatique de Mokhtar Ould Daddah, une soirée du 10 juillet 1978, quand des militaires le renversèrent et embarquèrent vers la prison de Oualata, alors qu’elle assistait à un séminaire à Dakar.

Jeune Afrique, sous la plume de l’écrivain MBareck Ould Beyrouk, lui a consacré une page en rappelant sa première arrivée à Nouakchott, accompagnant son mari qui venait de se lancer dans un grand défi, bâtir un Etat où tout manquait, et où plus de 90% de la population était nomade. Une nouvelle République dont la capitale venait juste de sortir du sable.

La prière funéraire organisée à la mosquée Ibn Abass de Nouakchott sur sa dépouille fut le lieu d’une large communion. Des dizaines de Mauritaniens ont tenu à lui rendre un dernier hommage avant que son corps ne soit conduit à Boutilimit pour y être mis sous terre à côté de son mari.

Mais le récit de sa vie restera une longue épopée qui sera certainement gardée jalousement dans la mémoire collective des Mauritaniens. Les dernières séquences furent marquées par l’exil de son mari en France, après un bref passage en Tunisie. Là, où Mokhtar Ould Daddah créa en 1980 l’Alliance pour une Mauritanie Démocratique (AMD), avant d’être autorisé en 2001 à retourner au pays et de se retirer de la vie politique.

Après son décès, Marième crée la Fondation Mokhtar Ould Daddah pour entretenir la mémoire de son mari. Le couple Daddah a eu trois enfants, Mohamedenne, Ezzedine et Faïza.

Cheikh Aïdara

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