Communication sur les risques et l’engagement communautaire (CREC), un nouveau regard sur le système sanitaire

Article : Communication sur les risques et l’engagement communautaire (CREC), un nouveau regard sur le système sanitaire
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10 mai 2023

Communication sur les risques et l’engagement communautaire (CREC), un nouveau regard sur le système sanitaire

Nouakchott a abrité du 2 au 6 mai 2023 un atelier sur les Fondamentaux de la Communication sur les risques et l’engagement communautaire (CREC) et le Règlement Sanitaire International (RSI). Cette formation de haut niveau organisée par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et le Ministère de la Santé a regroupé les directeurs centraux et les directeurs régionaux, ainsi que quelques journalistes.

Aperçu d’une partir de l’audience – Crédit Aidara

Du 2 au 6 mai 2023, plus d’une trentaine de participants, en majorité cadres au Ministère de la Santé dont les directeurs régionaux à l’action sanitaires (DRAS) de plusieurs Wilayas, personnels de la cellule Education Pour la Santé (EPS) et responsables centraux, ont suivi une formation de haut niveau sur la Communication sur les risques et l’engagement communautaire (CREC).

Il s’agit d’une nouvelle approche qui s’articule autour de cinq axes : le système de communication sur les risques et l’engagement communautaire, la coordination de la communication interne et celle des partenaires, la communication publique, l’engagement communautaire et le travail avec les communautés affectées, et enfin, la perception, la gestion de la désinformation et des rumeurs.

Le rôle de la communication sur les risques

Avant l’entame de l’atelier, regard sur l’agenda – Crédit Aidara

Les participants ont été sensibilisés sur l’importance de la communication sur les risques pendant les épidémies, une fois la prise en charge améliorée, la recherche enclenchée pendant les flambées, de nouveaux vaccins introduits et le diagnostic établi. Ainsi, la communication sur les risques fait référence à l’échange d’informations, de conseils et d’opinions en temps réel entre des experts ou des responsables et des personnes confrontées à un danger (une menace) pour leur survie, leur santé ou leur bien-être économique et social. Elle comprend plusieurs étapes : la gestion de l’indignation, la communication de crise, les recommandations sanitaires et les relations avec les acteurs, le plaidoyer de précaution et la prévention.

Même si les flambées ne peuvent être évitables, la prévention des épidémies est possible, selon les experts. Pour cela, il faut détecter et répondre rapidement pour éviter l’amplification, engager les partenaires et les communautés, en prenant en compte les aspects culturels non pas pour les changer mais pour les adapter d’une manière négociée. C’est en cela que la CREC bat en brèche les approches antécédentes de la communication, telles que la communication pour le changement de comportement (CCC) ou encore la Communication pour le changement (C4D).

Robert Kalingo et la séance des travaux de groupes – Crédit Aidara

Il faudrait ensuite mettre en place des équipes pluridisciplinaires avec des anthropologues et des experts des sciences sociales.

Les approches stratégiques pour un engagement communautaire reposent sur un certain nombre de principes, dont les échanges et les conversations avec les communautés à qui il ne faut pas dicter ce qu’ils doivent faire. Il faut ainsi créer une communication bidirectionnelle par le dialogue au lieu d’utiliser des messages pour communiquer avec elles. Il s’agit aussi d’écouter leurs préoccupations pour établir la confiance et faciliter la compréhension des conseils.

La santé telle que nous devons l’appréhender

A suivre les experts, les ministères de la Santé en Afrique sont en réalité des ministères de la maladie dans leur grande majorité, car ne prenant pas en compte tous les éléments constitutifs de la santé, à savoir l’environnement, la santé animale, l’agriculture, le transport, le commerce, etc. D’où « la stagnation des indicateurs de santé et l’effondrement de la confiance entre le système de santé et les populations ainsi que les autres parties prenantes » déclarent les experts. Car selon ces derniers, « toute maladie a deux causes, une pathologique et l’autre politique ». D’où l’importance de reconsidérer le tandem Santé-Maladie, car en définitive, la santé, ce n’est pas qu’une affaire de soins, mais c’est l’ensemble des déterminants de la santé.

Etablir la confiance par une maitrise des gestes médicaux

Or, les principaux groupes des déterminants de la santé comprennent les déterminants biologiques, les habitudes de vie et de comportements, l’environnement, et le système de santé qui ne représente que 10%. La majorité des déterminants de la santé ont ainsi une dimension sociale, donc hors du système de santé.

Cette confusion au sein des ministères de santé des pays surtout francophones d’Afrique, qui continuent de parler d’assurance maladie, alors qu’il est temps d’évoluer vers l’assurance santé, plus usité dans les pays anglo-saxons, dénote ainsi de la mauvaise compréhension de la dimension santé dans ces pays. « Nous ne vaincrons ni le SIDA, ni la tuberculose, ni le paludisme, ni aucune autre maladie infectieuse qui frappe les pays en développement, avant d’avoir gagné le combat de l’eau potable, de l’assainissement et des soins de santé de base » avait déclaré Koffi Annan, ancien Secrétaire Général des Nations Unies.

Les rumeurs, une arme fatale à désamorcer

Parmi les principaux ennemis des départements de la santé, les rumeurs, telles celles qui s’étaient répandues en République Démocratique du Congo (RDC) lors de la crise Ebola. « Ils pulvérisent Ebola dans le marché et font des expérimentations sur nous ». Cette rumeur répandue dans la population contre le personnel de santé avait provoqué la mort de médecins et de personnels de l’OMS sur le terrain.

Utilisation des médias sociaux

« Lorsque le corps n’est pas lavé, le mort n’entrera pas au Paradis ». C’est une autre rumeur qui s’était aussi répandue en RDC, où les corps des victimes d’Ebola n’étaient pas lavés par peur de la contamination.

Parce qu’elles sont nocivement chargées, les rumeurs peuvent contrecarrer les efforts du Ministère de la Santé et produire des effets catastrophiques pour les communautés et les organisations. En situation d’urgence, elles peuvent menacer des vies. Par exemple, en Guinée, l’ignorance autour de la maladie Ebola avait provoqué la mort de 8 personnes et au moins 21 blessés. C’est pourquoi, le Ministère de la Santé doit mettre en place un système de veille pour surveiller les médias traditionnels, les médias sociaux, comme facebook qui concentre 70% des audiences, mener des enquêtes et installer un numéro vert.

Dans ce cadre, les participants ont été formés dans l’élaboration des messages, un travail qui requiert l’intervention d’une équipe pluridisciplinaire. L’élaboration d’un message est régie par les 3C (Contenu, Contexte, Connexion (relations)).

La RSI, normes de l’OMS

Le Règlement Sanitaire International (RSI) dans sa dernière version de 2005 est le moyen commun établi par l’OMS pour assurer la protection de la population mondiale contre les menaces qui pèsent sur la santé publique. Ainsi, les Etats sont tenus de notifier à l’OMS une gamme potentielle étendue d’évènements, prenant en compte le concept une seule santé. Les maladies à potentiel épidémique peuvent être d’origine humaine, animale ou provenir de l’environnement.

L’engagement communautaire

Le RSI a pour but de réduire ou d’éliminer les sources de propagation de l’infection, d’améliorer la surveillance sanitaire et la réponse aux urgences sanitaires dans les ports et aéroports et autour de ceux-ci, prévenir la dissémination des vecteurs, entraver le moins possible les voyages et les échanges internationaux.

Les principales obligations des Etats signataires imposées par le RSI sont ainsi, désigner un Point Focal National chargé en permanence d’assurer les échanges d’informations avec l’OMS, évaluer les évènements de santé publique, répondre aux sollicitations de l’OMS, développer, renforcer et maintenir les capacités nationales dans la détection, l’évaluation et la réponse contre les risques.

Dans le RSI, la CREC occupe la 10ème place avec trois indicateurs et un système de cotation de la capacité nationale, à savoir, le système CREC en situation d’urgence, la coordination pour le RSI dans les fonctions du point focal national et la promotion du RSI, la participation communautaire. La dernière évaluation du RSI en Mauritanie date de février 2023 lors d’un atelier à Nouakchott.

De G. à Dr. Kalingo, Houeto et Barry (OMS Dakar), Dr. Luigi et Kissima (OMS Mauritanie) – Crédit Aidara
Mme la Représentante de l’OMS Mauritanie et le Directeur Adjoint de la Santé Publique – Crédit Direction Education Santé

Il faut souligner que la formation sur la CREC a été assurée par une équipe d’experts de l’OMS, basé à Dakar, Rodrigue Barry, ancien journaliste, Responsable de la CREC au niveau du Hub des urgences de l’OMS, Pr. David Houeto, médecin et consultant, Professeur titulaire à l’Université Parakou (Bénin), le seul africain spécialiste d’un cours spécial dénommé « Promotion de la Santé » et Robert Kalingo, chargé de communication.

La clôture de l’atelier a été marquée par la présence de la Représentante résidente de l’OMS en Mauritanie, Dr. Ndiaye Charlotte Faty et du Dr. Abdallahi Bouhabib, Directeur adjoint de la Santé Publique.

Cheikh Aïdara
Avec le REMAPSEN (Réseau des Médias Africains pour la Promotion de la Santé et de l’Environnement)

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