Fonds d’aide publique à la presse : pour une clé de répartition stricte !

Article : Fonds d’aide publique à la presse : pour une clé de répartition stricte !
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8 septembre 2023

Fonds d’aide publique à la presse : pour une clé de répartition stricte !

Chaque année, la distribution du Fonds d’aide publique à la presse, est précédée de campagnes souvent peu courtoises tendant à semer la zizanie et la discorde auprès des responsables chargés de la clé de répartition du fonds.

L’année 2023 ne semble pas, hélas, déroger à la règle. Certains lobbies dans le milieu de la presse, évoluant en soi-disant groupes de pression, essayent depuis quelques temps de mener une équipée sournoise contre les professionnels de la presse papier, tant francophone qu’arabophone.

Les prédateurs de la presse papier en rangs serré

L’objectif de ces lobbies est de chercher par tous les moyens à minorer cette presse papier sous des argumentaires fallacieux. Jusque-là, les acteurs susvisés se contentaient de noter sans réagir, pour éviter toute polémique malsaine.

Heureusement que les responsables chargés de la distribution de l’aide à la presse, ainsi que les cadres de la Haute autorité de la presse et de l’audiovisuel (HAPA), en commençant par leurs présidents, connaissent parfaitement le rôle et la place de cette presse qui est en réalité la pionnière de la presse indépendante en Mauritanie.

En effet, des journaux professionnels comme Le Calame, L’Authentique, Le Rénovateur, l’Eveil-Hebdo, avec leurs sites, ainsi que leurs confrères arabophones aux titres évocateurs, ont largement contribué à façonner le paysage médiatique depuis la naissance de la presse indépendante.

Ils ignorent le rôle précurseur de la presse papier en Mauritanie

En réalité, l’argumentaire avancé par ce soi-disant groupe est que « la presse écrite n’existe pas », et qu’il n’y a que leurs sites qui comptent, alors qu’ils ne représentent pas le quart du combat que la presse écrite mène depuis des décennies.

La Mauritanie privée de journaux papier depuis une semaine | Mauriweb
Vendeurs ambulants de journaux à Nouakchott – Crédit Mauriweb

Les journaux, en plus de certains sites respectables que l’on peut compter sur les doigts d’une main, sont en réalité les derniers représentants de la presse crédible en Mauritanie. Ils ont leur siège, payent un personnel même réduit, payent l’eau et l’électricité ainsi que des frais d’impression auprès de l’Imprimerie nationale. Ils contribuent à l’archivage national et constituent des supports de crédibilité dans un environnement où l’écrasante majorité des sites alimentent la désinformation, l’intox, la diffamation et la banalisation du métier.

Avec plus de 3.000 parutions pour L’Authentique, plus de 2000 pour Le Rénovateur, et autant pour Le Calame et l’Eveil-Hebdo, ces publications anciennes et respectables font la fierté de la profession. Tous ces journaux résistent vaille que vaille aux aléas de la profession.

Les novices qui se veulent plus grands que leurs devanciers

Ceux qui tentent l’aventure hasardeuse de les disqualifier, ne comptent pour les plus téméraires d’entre eux, que quelques centaines de parutions, souvent des humeurs personnelles, et sont pour la plupart de parution récente sur la scène médiatique.

RIM MEDIAS un projet français pour appuyer la presse en Mauritanie |  Saharamedias
Les journaux ont encore leurs lecteurs en Mauritanie – Crédit Saharamédia

En plus, l’Aide à la presse était initialement destinée uniquement à la presse écrite papier. Elle a été élargie ultérieurement à la presse électronique, puis aux médias audiovisuels et aux associations.

En termes de charges et d’emploi, la place prépondérante de la presse papier

Cette subvention devait, dans l’esprit du législateur mauritanien, contribuer à atténuer les défis structurels auxquels faisaient face les journaux par rapport à leurs charges fixes, location d’un siège, salaires du personnel, eau, électricité, téléphone fixe, Internet, impression…

Les difficultés conjoncturelles qui ont frappé la presse mauritanienne ces dernières années ont hélas contribué à la disparition de plusieurs titres. Ne restent aujourd’hui que quatre titres francophones anciens : L’Authentique, le Rénovateur, Le Calame et l’Eveil-Hebdo.

A défaut d’améliorer substantiellement leur existence, l’aide à la presse doit contribuer à accroitre leur productivité. Car, à leur actif, plusieurs milliers d’éditions, équivalant à des millions d’ouguiyas d’investissement pour continuer à jouer leur rôle d’avant-garde dans la diffusion de la bonne et vraie information.

Une déflation de l’espace médiatique

Née dans les années 90 pour une plus grande partie de ses acteurs, l’espace médiatique était dominé jusqu’au début 2000 essentiellement par la presse version journal papier. L’émergence des sites électroniques, la mauvaise organisation de la profession, ouverte à tout vent, sans aucun critère appliqué pour son exercice, va créer une sur-obésité médiatique qui a amené sur le marché des despérados de l’information. Des gens sans formation journalistique et dont le seul crédo est le mercenariat sans aucun respect des règles établies.

Du contexte médiatique en Mauritanie

La création du Fonds d’aide publique à la presse en 2009 était une parade mise en place par le régime de Mohamed Abdel Aziz, pour palier la suppression décidée par un arrêté du Premier Ministre, Yahya Hademine, des subventions et publicités publiques que les patrons de presse parvenaient à négocier avec les administrations.

De quelques centaines de journaux, sites et associations, le fonds d’aide à la presse, bien que l’enveloppe soit doublée pour 2023, allait ainsi devenir une convoitise des nouveaux venus sur le marché. Comble d’ironie, ils cherchent à en exclure, les journalistes professionnels, détenteurs d’une longue expérience et formation dans le métier et dans son exercice au cours des deux ou trois décennies passées. Tout l’enjeu est là, et la cagnotte disponibles, n’est pas suffisante pour tout le monde, en l’absence d’une loi sur la presse, dont les conclusions confiées à une commission tardent encore à sortir des tiroirs du gouvernement depuis trois ans. Ce qui montre la puissance des lobbies non journalistes qui ont infesté le milieu et qui savent qu’ils seraient mis hors circuit si une telle loi était votée et promulguée.

Tout, sauf une presse forte et dévelopée

Depuis le début de l’expérience démocratique à nos jours, les régimes successifs en Mauritanie ont tous cherché à casser l’émergence d’une presse libre et prospère. D’où le noyautage que la profession a subi durant toute son expérience, avec l’émergence de plusieurs mercenaires de la plume, dont le rôle était de dévoyer la profession et rendre ses acteurs ainsi que leurs productions non crédibles. Aux « peshmergas » des années 90-2000, allaient succéder les manipulateurs de l’information à l’ère numérique. La suppression de l’accès aux abonnements et publicités publiques qui avaient commencé à enrichir certains médias indépendants et les rendre plus aptes à mener leur mission de dénonciation, allait ainsi laisser la place à un fonds scélérat dont la répartition n’est qu’une forme de souffle éphémère de vie à une presse poussée d’année en année à la paupérisation et à la clochardisation. C’est pourquoi, beaucoup de patrons de presse réclament un retour à l’ordre ancien des abonnements et publicités publiques, devenues depuis 2009 la chasse gardée de la presse publique, gavée à coups de milliards d’ouguiyas pour leur budget annuel.

C’est vrai qu’au temps de sa splendeur, la presse indépendante avait joué un rôle central dans l’évolution de la démocratie, l’éveil citoyen et la prise de conscience des populations sur les enjeux sociaux, économiques et culturels.

Le tarissement des sources de financement de la presse, a ainsi réduit les rédactions à un statut de tributaires d’un rachitique fonds de la presse, des miettes divisées entre un pléthore de sites, radios, télévisions, journaux, associations, dont la majorité n’existe plus que sur papier. Sans compter que près de 60% de l’enveloppe vont aux services très médiocres de l’imprimerie nationale et une grande partie aux formations, sans compter la part de lion que se partagent les membres de la commission de distribution pourtant sensés être des bénévoles sans droit à des subsides.

Les journaux sont l’ossature de la presse écrite indépendante.

Aussi, les fonds qui sont destinés aux journaux ne sont qu’une juste rétribution de leur effort entrepreneurial.

Cette clé de répartition, dont une infime partie leur est destinée chaque année, loin de couvrir leurs charges colossales, devrait en réalité traduire le fruit de leur contribution dans l’instauration de la démocratie et de la pluralité de l’information, dans la lutte contre la gabegie et la corruption, les atteintes aux droits de l’homme, à la bonne gouvernance politique et économique.

Ce combat, les journaux papiers le mènent depuis l’avènement de la démocratie dans les années 90, dans le sillage du discours de La Baule.

Une répartition dévoyée du fonds de la presse

La section Mauritanie de l'Union de la Presse Francophone se choisit une  nouvelle direction - Thaqafa - Thaqafa
La presse francophone en Mauritanie – Crédit Aisara

Certes, il y a eu beaucoup de dévoiement dans l’attribution de l’aide à la presse. Normalement, les radios et télévisions privées appartenant à des hommes d’affaires, ainsi que les associations de presse ne devaient pas figurer dans la liste des attributaires. Il est également hors de questions de considérer les bloggeurs (animateurs de pages Facebook) comme des journalistes, car ils ne le sont pas, l’aide étant en principe destinée aux seuls organes de presse, ce qui n’est pas leur cas.

D’autre part, la qualité de membres de la commission d’aide à la presse, fondée sur le bénévolat, ne doit nullement s’associer à une quelconque rétribution. Les salaires qu’ils s’octroient sur le dos de la loi constituent une ponction illégale sur les fonds publics.

Assainir le Comité chargé du fonds d’aide publique à la presse

C’est là où doit se situer le vrai combat pour assainir la gestion du fonds d’appui à la presse.

Enfin, l’Aide à la presse ne doit pas aiguiser l’appétit de certains pseudos défenseurs d’une certaine préférence stupide brandie par des prêcheurs en eaux troubles qui se jouent aux donneurs de leçons.

La presse qu’elle soit arabophone, francophone, ou en langues nationales, électronique, audiovisuelle ou sur papier, doit être respectée dans sa diversité, tels que consacrée par la loi sur la presse et les textes juridiques la régissant dans le cadre du pluralisme médiatique.

Cheikh Aïdara

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