GÉNOCIDE DES TUTSIS : TOUS LES HUTUS NE SONT PAS DES ASSASSINS

Article : GÉNOCIDE DES TUTSIS : TOUS LES HUTUS NE SONT PAS DES ASSASSINS
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8 avril 2024

GÉNOCIDE DES TUTSIS : TOUS LES HUTUS NE SONT PAS DES ASSASSINS

Tous les Hutus ne sont pas des assassins dans le génocide au Rwanda. C’est ce qu’a utilement rappelé le Tribunal Pénal International pour le Rwanda.

Facade du TPIR – Source Wikipedia

Maroufa Diabira, ancien Bâtonnier de Mauritanie, ancien Directeur du Bureau des Droits de l’homme des Nations Unies au Burundi et François Roux, avocat honoraire, ancien Chef du Bureau de la Défense au Tribunal Spécial pour le Liban (2009-2018) ont publié ensemble un écrit sur le génocide des Tutsis au Rwanda, sous le titre « Génocide des Tutsis : tous les Hutus ne sont pas des assassins »

Ils reprenaient par-là les propos des juges du Tribunal Pénal International pour le Rwanda où l’affaire a été portée en 1995, soit une année après les massacres qui se sont déroulés entre le 1er janvier 1994 et le 31 décembre 1994 au Rwanda, et dont le nombre de morts est estimé à 800.000 personnes tuées. Certains soutiennent qu’il y a plus d’un million de morts.

La défense procède à ses propres enquêtes sur place

Maroufa Diabira et François Roux ont été commis d’office pour assister l’ancien maire de la commune de Mabanza, préfecture de Kibuye, Ignace Bigilishema, accusé de génocide. La commune qu’il dirigeait est proche des sinistres collines de Bissessero où les massacres les plus horribles ont eu lieu.

Les deux avocats ont alors choisi deux enquêteurs, un Tutsi et un Houtou pour les aider dans leurs démarches. Avec leurs assistants, les deux avocats étaient la deuxième équipe de défenseurs à se rendre sur place au Rwanda. Ils étaient également la première équipe à se rendre au Rwanda à plusieurs reprises pour tenter de comprendre et d’entendre de nombreux témoins. Cette démarche s’explique par le fait que le Tribunal Pénal International travaille sur le modèle anglo-saxon, où il appartient à la défense de faire elle-même ses propres enquêtes car il n’y a pas de juge d’instruction.

Selon les deux avocats, la situation semblait volatile et un jour, ils furent avertis par le nouveau préfet de Kibuye qu’il ne pouvait pas garantir leur sécurité. Car, selon lui, une décision du Tribunal dans un autre dossier avait déplu à la population en colère.

De retour de mission, Maroufa et François déposent une requête pour solliciter un « transport sur les lieux » convaincus que sans cela, le Tribunal ne pourra pas juger équitablement. Ils estiment que la demande était osée, mais que la Chambre présidée par le juge Norvégien, Erick Möse y fait droit.

Ils affirment que pour la première fois devant ce Tribunal, les juges se déplacèrent pendant trois jours sur tous les lieux visés dans l’accusation, dont les collines de Bissessero. Cela tourna à la confusion pour l’équipe du Procureur, soutiennent-ils en substance.

Acquittement non prévu et inattendu

Quelques mois plus tard, affirment les deux avocats, le Tribunal Pénal International pour le Rwanda acquitte leur client, Ignace Bagilishema de tous les chefs d’accusation. Ce qui fut une surprise, notent-ils, car l’acquittement n’était pas prévu dans le statut du Tribunal.

Selon eux, la communauté internationale, sans doute tellement culpabilisée de son inaction pendant le génocide des Tutsis, avait oublié les fondamentaux du procès équitable et désignait les suspects comme des « présumés coupables ».

Ils expliquent que ce fut un véritable panique qui s’empara du Tribunal qui se demandait « que faire d’un acquitté ? ». Au surplus, disent-ils en substance, le Procureur fit immédiatement appel.

Asile en France

Les deux avocats racontent qu’il leur a fallu beaucoup d’imagination, avec l’aide du greffier Adama Dieng, pour permettre à leur client de demeurer en liberté en France, accueilli dans une communauté Emaus.

Un an plus tard, poursuivent-ils dans leur récit, la Chambre d’Appel confirma à l’unanimité l’acquittement de Ignace Bagilishema.

« Avec les mêmes intervenants, plus la médiation de l’Ambassadeur Stéphane Hessel auprès des autorités françaises, nous obtiendrons l’autorisation pour Ignace Bagilishema de revenir s’installer en France » rapportent-ils.

Non à la stigmatisation des Hutus

Diabira Maroufa et François Roux ont déclaré qu’avec la même équipe de défense, notamment leurs deux enquêteurs, le Tutsi et le Hutu, ils accompagneront successivement deux autres accusés dans un plaidoyer de culpabilité. « Non comme auteurs de génocide, mais pour non-assistance à personne en danger pour n’avoir pas su ou pu empêcher la commission de crimes » expliquent-ils.

Ils obtiendront en plus, de la part de la Procureure Carla Del Ponte, un non-lieu pour deux autres accusés, dont le Commandant directeur de l’Ecole Supérieure Militaire de Kigali.

En conclusion, Maroufa et François affirment que jamais après, ils n’ont accepté cette thèse surréaliste et révisionniste développée par certains de « double génocide » au Rwanda.

Ils soulignent que cette longue expérience et assistance juridique devant le Tribunal Pénal International pour le Rwanda, les a conduits à insister pour que l’ensemble des Hutus ne soient pas stigmatisés comme « génocidaires ».

Ils estiment que comme dans la « Liste de Schindler », nombreux sont ceux qui ont résisté à la folie meurtrière, devenant pour certains, des héros ainsi que l’a rappelé Jean Hatzfeld dans son ouvrage paru chez Gallimard « Là où tout se tait ».

Diabira Maroufa et François Roux déclarent avoir profité de la célébration du trentenaire du génocide des Tutsis au Rwanda qui a eu lieu le 7 avril 2024, pour faire un rappel durant ces « temps de commémoration de l’infamie » sur le triste génocide, car pour eux, « c’est la condition de la paix retrouvée ».

Cheikh Aïdara

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