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Birame Dah Abeid : «Le système déclaratif des associations concernent en premier lieu IRA dont les militants luttent depuis 10 ans pour obtenir le droit de s’associer»

Birame Dah Abeid, député et président de l’Initiative de Résurgence du mouvement Abolitionniste (IRA) a réagi rapidement au projet de loi instituant le régime déclaratif des associations, adopté mercredi 16 septembre 2020 en Conseil des Ministres. Ce projet de loi remplace la loi de 1964 jusque-là en vigueur et qui a imposé pendant 40 ans le régime de l’autorisation préalable qui permettait aux autorités d’accorder selon leurs humeurs les récépissés de reconnaissance aux organisations qu’elles toléraient, et ce en dépit des dispositions de la Constitution qui garantit le droit d’association et de réunion. IRA Mauritanie, créé en 2008 ainsi que plusieurs autres organisations et partis politiques hostiles aux différents régimes qui se sont succédé n’ont pu jamais ainsi obtenir cette reconnaissance.

Vingt quatre heures après le Conseil des ministres du mercredi 16 septembre 2020 au cours duquel a été adopté le projet de loi sur les associations instituant le régime déclaratif à la place de la loi de 1964 du régime de l’autorisation préalable en vigueur depuis 40 ans, Birame Dah Abeid, député à l’Assemblée Nationale et président du mouvement IRA, a animé une conférence de presse pour saluer cette nouvelle disposition.

«Le système déclaratif des associations concernent en premier lieu IRA Mauritanie dont les militants se sont sacrifié pendant 10 ans pour obtenir le droit de s’associer, de se rassembler et de s’exprimer» a-t-il déclaré. «Aujourd’hui nous sommes soulagés par ce projet de loi, car ce système déclaratif est un pilier de la démocratie et de l’état de droit, une condition de l’effectivité de la liberté d’association et de réunion » a-t-il ajouté, soulignant que c’est l’occasion accordée aux forces vives de contribuer à l’effort national.

Selon lui, tous ces droits consacrés par la Constitution depuis 1991 étaient interdits depuis toute une décennie et que son organisation a payé le prix fort de ce déni de reconnaissance pour que ce droit constitutionnel soit effectif pour tous les Mauritaniens. «Les militantes et les militants d’IRA ont vécu dans leur chair et leur âme les affres de la répression, torture, emprisonnement, diabolisation, pour que tous les citoyens jouissent de ce droit » a-t-il rappelé, saluant au passage les nombreux sacrifices consentis par IRA pour parvenir à ce jour de grâce.

Satisfaction donc de IRA Mauritanie face à cette décision historique qui met fin à plus de dix ans de calvaire et de non reconnaissance largement exprimé par ses dirigeants, militants et sympathisants dont les visages rayonnaient au cours de la conférence de presse. Il s’agit selon Birame d’un soulagement qui concerne tous ceux dont les dossiers de reconnaissance dorment depuis plus de dix ans dans les tiroirs du ministère de l’Intérieur sans espoir d’obtenir ce récépissé de reconnaissance devenu une épée de Damoclès que les autorités brandissaient pour justifier l’Omerta contre les mouvements ou associations dont elles ne souhaitaient pas l’existence, comme IRA ou les Forces Pour le Changement (FPC) de Samba Thiam, ex-leader des FLAM, l’une des organisations la plus diabolisée dans l’histoire du pays.

L’occasion pour Birame de saluer «l’orientation du Président de la République, Mohamed Cheikh Ghazouani, de son Premier ministre et de son gouvernement, vers les décisions qui font que les Mauritaniens recouvrent leurs droits » encourageant au passage «la parole tenue de ce gouvernement que j’exhorte à aller de l’avant dans l’octroi des droits et l’édification de la démocratie et de l’état de droit».

Birame a ensuite abordé la question palestinienne, réitérant la position de son mouvement qui reste selon lui attaché depuis sa naissance à la défense de tous les peuples opprimés, et à leur tête le peuple palestinien qui a droit à un Etat rétabli dans ses frontières de 1967 avec Jérusalem comme capitale, telles que consacrés par toutes les résolutions des Nations Unies.

Cheikh Aïdara


Pénurie d’eau à Nouakchott, les bidons jaunes réapparaissent

Depuis mercredi 9 septembre, l’eau du robinet ne coule plus dans plusieurs Moughataas de Nouakchott alimentées par l’Aftout Essahili qui prend ses sources du barrage de Manantali à partir du Fleuve Sénégal.  Le ministre de l’Hydraulique et son homologue de l’Energie sont montés au front pour expliquer les raisons de la coupure et promettre que l’eau coulera de nouveau incessamment.

«Le gouvernement est intervenu dès l’interruption de l’alimentation en eau de la ville de Nouakchott pour détecter les origines de la panne survenue sur la centrale qui régule l’eau de Manantali ». C’est en ces termes que le ministre de l’Hydraulique et de l’Assainissement, M.Sid’Ahmed Ould Mohamed s’est prononcé sur sa page facebook sur la panne qui a coupé l’alimentation en eau potable depuis mercredi 9 septembre dernier  dans plusieurs départements de Nouakchott.

«Les autorités s’occupent du problème qui sera résolu bientôt d’une manière définitive » a-t-il écrit, avant de préciser que l’origine de la panne est électrique, que les techniciens l’ont déjà identifié et sont entrain de le résoudre d’une manière définitive.

A noter que seules les zones alimentées par l’Aftout Essahili sont touchées par le manque d’eau, les zones alimentée par l’ancien réseau d’Idini sont épargnées.

Retour à la normale pour l’eau potable

De son côté, le ministre de l’Energie, du Pétrole et des Mines, M. Abdessalam Ould Mohamed Saleh, a déclaré que le retour au cours normal pour l’alimentation en eau potable de Nouakchott va prendre quelques temps. Le ministre qui faisait sa première apparition publique depuis sa nomination il y a un mois voulait, selon lui, apaiser l’inquiétude des populations et leur fournir des explications sur l’origine du problème qui est dû selon lui à des perturbations sur le réseau électrique au niveau du barrage de Manantali qui alimente la centrale d’alimentation en eau située à 180 Km de la Capitale. Les dérèglements climatiques dus essentiellement aux forte pluies qui se sont abattues sur le pays, notamment dans la région du Trarza où se situe le barrage, sont d’après lui la source de cette panne. Il a précisé que les techniciens de la Société nationale de distribution de l’eau (SNDE) sont sur le terrain pour résoudre le problème avec l’appui de la Société nationale industrielle et minière (SNIM). Il a ajouté que l’eau reprendra son chemin pour alimenter Nouakchott, à raison de 5000 mètres cubes l’heure, mais que «ce retour prendra encore quelques temps »

Cette panne dans l’alimentation de Nouakchott en eau potable a plongé plusieurs quartiers dans la soif quasi permanente depuis quelques jours. Une aubaine pour les charretiers revendeurs d’eau dans les futs de 100 litres qui ont triplé ou quadruplé leur prix. S’alimentant dans les quartiers épargnés, ceux encore alimenté par l’ancien réseau Idini, le prix du baril d’eau a franchi dans certain quartier la barre des 1.000 anciennes ouguiyas, alors qu’il se vendait à 200 ou 300 ouguiyas anciennes.

Une canicule sans précédent

Cette flambée du prix de l’eau dans des quartiers populaires où le revenu moyen est dérisoire s’ajoute aux difficultés quotidiennes auxquelles ses populations sont déjà confrontées. Nouakchott croulant sous le poids d’une canicule sans précédent, l’eau est devenue une précieuse denrée pour laquelle les familles pauvres se saignent même s’il faut sauter quelques repas et réduire les autres consommations non essentielles comme les crédits téléphones qui bouffent la plupart de leurs revenus.

Le lycée militaire a en tout cas suspendu ses cours ce vendredi 11 septembre dès 8 heures du matin à cause de l’absence d’eau potable. Les élèves ont été libérés et invités à rejoindre leur famille.

Cheikh Aidara


10.000 volontaires d’ici 2024, un programme du Ministère de l’Emploi soutenu par le Système des Nations Unis

«Nous disposons actuellement de 4.600 volontaires sur l’ensemble du territoire et nous projetons d’en recruter 10.000 au cours de la période 2020-2024». Cette déclaration du Ministre de l’Emploi, de la Jeunesse et des Sports, M.Sid’Ahmed Taleb, prononcée au cours d’une cérémonie organisée dans les locaux de son département lundi 14 septembre 2020, a précédé de peu la signature du Programme National de volontariat pour le Développement Durable en Mauritanie, soutenu par le PNUD, l’UNFPA, l’UNICEF et l’OMS.

De droite à gauche : Représentant UNFPA, Représentant PNDUD, Ministre Emploi, SG Ministère Emploi (Crédit Aidara)

Le département de l’Emploi, de la Jeunesse et des Sports a abrité lundi 14 septembre 2020, la cérémonie de signature du partenariat ente le Ministère de l’Emploi, de la Jeunesse et des Sports, représenté par le Ministre Sid’Ahmed Taleb, et le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) par le biais de son représentant, M.Anthony Ngororano, en présence du Représentant du Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA), SEM. Saidou Kaboré, portant sur le financement de l’ambitieux Programme National de volontariat pour le Développement Durable en Mauritanie.

Ce programme, selon Sid’Ahmed Taleb, est le fruit d’un processus entamé depuis quelques mois et qui aboutit aujourd’hui à la signature des documents de base à travers lesquels le PNUD s’engage à accompagner son département dans la concrétisation de l’engagement du Président Ghazouani. Celui-ci, rappelle-t-il, avait parlé lors de sa campagne présidentielle de son programme «Watanouna» qui repose sur l’engagement citoyen et la nécessité pour la jeunesse de s’impliquer dans le progrès du pays, sa stabilité et sa cohésion sociale.

Cette déclaration a été ponctuée d’une salve d’applaudissements déclenchée par une vingtaine de jeunes volontaires arborant des tuniques jaunes barrées du mot «Watanouna» et qui avaient assisté à la cérémonie. «Ils sont actuellement 4.600 sur l’ensemble du territoire », précisera le ministre, ajoutant qu’ils sont en train de faire un travail remarquable, en commençant par les campagnes de sensibilisation sur les gestes barrières contre la Covid-19, la distribution de l’aide alimentaire dans les quartiers défavorisés, et depuis l’ouverture des classes, l’encadrement et l’aide des populations dans les zones ravagées par les intempéries, sans compter la veille communautaire, grâce à l’aide de l’UNICEF et de l’OMS dont l’apport a permis, d’après le ministre, d’allouer des allocations à 1.200 jeunes volontaires.

Les jeunes volontaires du mouvement « Watanouna » – Crédit Aidara

Le ministre s’est félicité du portage par les agences des Nations Unies de cet ambitieux programme qui représente un volet phare dans le programme global du Chef de l’Etat, car il entre, selon lui,dans la conception qu’il à de  la jeunesse, laquelle dira-t-il, est complètement déboussolée et sans espoir, confrontée qu’elle est aux défis du chômage, de l’exclusion et de la délinquance, alors qu’elle représente 60 % de la population.

Ce difficile héritage serait ainsi à l’origine du package de projets que le département de l’Emploi serait en train de concevoir et d’exécuter, tel que «Mon Projet-Mon Avenir», le programme «Mon Métier» par la valorisation des métiers, le programme adéquation formation et emploi. «A cela devra s’ajouter, les valeurs de l’engagement citoyen et civique, car une nation qui n’est pas soudée et qui ne promeut pas les valeurs de la participation et de la cohésion sociale ne peut pas aller de l’avant» a-t-il avancé.

Ainsi, selon M.Sid’Ahmed Taleb, «ce programme pour le volontariat et le développement durable vient à point nommé pour concrétiser un des engagements importants du Président de la République et porté par le gouvernement, à savoir le renforcement de l’unité nationale et l’ancrage chez les jeunes de l’esprit d’engagement communautaire».

Auparavant, le Représentant Résident du PNUD, SEM. Anthony Ngororana, avait salué l’engagement du ministère de l’Emploi en faveur de la jeunesse, notamment dans le renforcement de ses capacités. Selon lui, «ce programme s’inscrit dans les actions prioritaires de la Stratégie de croissance accélérée et de prospérité partagée (SCAPP) ainsi que dans le programme du Chef de l’Etat, « Taahoudati».

Il a ajouté que le présent programme pour lequel cette cérémonie de signature est organisée n’est que la suite de la phase pilote exécutée entre 2014 et 2017 entre le défunt Ministère des Affaires Economiques et du Développement et le Programme des Volontaires des Nations Unis et qui avait conduit au recrutement de 55 volontaires qui avaient été dispatchés dans plusieurs institutions dont le programme Tadamoun et le Ministère de la Santé.

Le ministre de l’Emploi (2ème à partir de la gauche) entouré des deux Représentants UNFPA et PNUD et de jeunes volontaires – Crédit Aidara

Seulement, a-t-il souligné en substance, le présent programme est encore beaucoup plus ambitieux dans son ciblage, dans le nombre de bénéficiaires et dans la responsabilisation de la jeunesse regroupée au sein d’un corps de volontariat. Et d’ajouter que plus de 10.000 jeunes sont ciblés dans ce programme sur l’ensemble du territoire national. L’objectif selon lui est de créer un cadre juridique pour encadrer cette nouvelle orientation, mettre en place un dispositif spécial pour les volontaires, appuyer les structures publiques et les communautés.

Cela devrait justifier selon lui, la mobilisation urgente de tous les acteurs dans la riposte contre la pandémie de Covid-19. Il a enfin invité d’autres partenaires à s’impliquer dans ce programme pour couvrir le gap de 2 milliards requis par le programme et permettre de recruter encore plus de jeunes, soulignant que le PNUD et le Programme des Volontaires des Nations Unies participent déjà à hauteur de 55.000 dollars US, soit 1.306.000 MRU.

De son côté, SEM. Saidou Kaboré, Représentant Résident de l’UNFPA, dans le même sillage que son homologue du PNUD, a ajouté que ce programme devrait à termes «contribuer à faire de sorte que la Mauritanie atteigne les Objectifs de Développement Durable (ODD) à l’horizon 2030 ». Selon lui, «les filles et les garçons sont la cheville ouvrière du développement de tout pays».

S’adressant aux jeunes massés dans la salle, il leur lança, «c’est en cela qu’en jouant le rôle de volontaires, vous êtes le fer de lance, parce que pour être volontaire, il faut d’abord le vouloir, être engagé et pouvoir contribuer dans ce programme dans l’atteinte de l’ensemble des objectifs, notamment participer à sauver des vies et participer au développement du pays».

Avaient assisté à la cérémonie, le staff du Ministère de l’Emploi, de la Jeunesse et des Sports, dont le Secrétaire général du Ministère, ainsi que les staffs du PNUD et de l’UNFPA.

Témoignages de jeunes volontaires

Youma Mint Alioune de Teyarett 

«Ce programme est très important pour nous les jeunes, en ce sens qu’il nous permet de renforcer nos capacités, nous montre une nouvelle voie de participation à l’œuvre commune, nous donne conscience surtout que nous sommes utiles et que nous pouvons autrement participer au développement de notre pays d’une manière bénévole et désintéressée. Il nous a surtout appris que l’argent n’est pas tout et que le don de soi surclasse tout, car personnellement le sentiment du devoir accompli et la satisfaction que je lis chez ceux à qui nous apportons de l’aide est pour moi la plus belle des récompenses».

Houceine Ould Cheikh

«Ce programme nous a permis de nous engager dans des actions utiles, telles les campagnes de sensibilisation que nous avons menées auprès des populations pour leur apprendre les gestes barrières contre la pandémie du Covid-19, ainsi que les autres actions que nous avons menées auprès des communautés comme la distribution des denrées alimentaires aux familles pauvres éprouvées par le confinement, Ce programme nous a surtout appris le sens de l’engagement citoyen et civique, l’amour de la patrie et l’importance de la solidarité sociale. Nous souhaitons seulement que le ministère de l’Emploi consolide cette expérience et que les partenaires poursuivent leur généreux appui».

Cheikh Aïdara


Birame Dah Abeid adhère à la démarche du président de la République.

Dans l’interview qu’il nous a accordée, Birame Dah Abeid, député à l’Assemblée Nationale et président de l’Initiative de résurgence du mouvement Abolitionniste (IRA), revient sur l’actualité, avec la tournée du président Ghazouani à l’Est, l’affaire des imams hratine, la rencontre entre le président de l’UPR et celui des FPC et la loi sur les violences basées sur le genre, ainsi que d’autres questions brûlantes de l’heure.

Le Rénovateur : Le président Mohamed Cheikh Ghazouani, s’est rendu dans les zones sinistrées du Hodh Charghi pour soutenir les populations. Que vous inspire cette démarche et en quoi diffère-t-elle de celles menées, par le passé ?

Birame Dah Abeid : la tournée que SEM. Mohamed Cheikh Ghazouani a effectuée dans les zones sinistrées de l’Est représente une nouveauté, tant dans l’approche que dans la démarche, de la part du sommet de l’autorité en Mauritanie. Elle intervient dans une période non électorale ; l’on ne dira pas qu’il est parti récolter des voix. Les thèmes abordés sont également sans équivoque. Il n’a pas attaqué l’opposition ou de présumés ennemis de l’Etat, comme cela se faisait du temps de Maaouiya Ould Sid’Ahmed Taya ou de Mohamed Abdel Aziz qui ont toujours instrumentalisé les tournées politiques pour fustiger leurs adversaires politiques ou créer des ennemis imaginaires, en usant de la théorie du complot, afin d’abuser le peuple.

Plus intéressant encore, le sérail partisan de Nouakchott, notamment la classe des politiciens et notables, les hommes marchands d’influence, les affairistes en gravité perpétuelle autour du pouvoir, ainsi que le personnel administratif – tous si prompts à vider la capitale pour accueillir le président de la République – ces gens n’ont pas pollué l’événement. Ils ne furent conviés, ni convoqués pour aller serrer la main du Chef de l’Etat à sa descente d’avion. Ainsi, il a été mis fin aux rassemblements tribaux très coûteux et dont la seule finalité était de magnifier les dinosaures locaux aux yeux du peuple, lequel ne faisait qu’entrevoir le visiteur, de loin, sans pouvoir lui transmettre ses doléances.

Vous constaterez que les administrations n’ont pas été vidées comme du temps de Maaouiya ou de Ould Abdel Aziz, de cette aristocratie politique, tribale et bureaucratique de Nouakchott qui s’était habituée à faire bonne figure lors des fêtes carnavalesques. J’exprime ma reconnaissance, au Président de la République, d’avoir refoulé les applaudisseurs, alors privés de l’occasion de remplir les travées d’accueil folklorique. Bien au contraire, il a su offrir, aux population locales, l’opportunité de dire leurs doléances et de se faire entendre directement par lui.

Le Rénovateur : vous avez rencontré les imams de Nouakchott, venus vous poser leur différend avec le Ministère des Affaires Islamiques. Qu’en est-il réellement ?

Birame Dah Abeid : en vérité, il s’agit de Hratin, professionnels du culte en Mauritanie. Ils se sentent floués, lésés et exclus du recrutement de 800 imams et muezzins, tel qu’organisé par le Ministère des Affaires Islamiques. Selon leurs allégations, le ministre leur a annoncé l’embauche de 400 imams et de 400 muezzins ; il aurait précisé qu’en vertu des orientations du Chef de l’Etat, un quota de 200 est accordé aux haratine, au titre de la discrimination positive.

Mais à la fin du processus, le quota de 200 n’a pas été respecté. Finalement, seuls 42, parmi eux, seront sélectionnées. Ils se sentent trompés et discriminés et prétendent que le ministre n’a pas, non plus, été magnanime à leur égard. Depuis plusieurs mois, ils tentent de régler ce problème à l’amiable et en interne, mais l’attitude de la tutelle leur a semblé méprisante. J’ai compilé les informations fournies par eux et je leur en ai demandé davantage ; ils comptent me transmettre le complément la semaine prochaine, tout en préparant une rencontre avec les journalistes. Après consolidation du dossier, je compte l’adresser au Chef de l’Etat, au Premier ministre et au Ministre de tutelle. Vous savez bien que la religion reste le monopole d’une caste, qui en vit, au sens d’un gagne-pain, depuis des siècles. Là aussi, une réforme profonde s’impose et sera sans doute l’un des chantiers les plus délicats du mandat en cours. Le département des affaires islamiques dispose d’un budget colossal, dont l’opacité de gestion découle des privilèges accordés à la corporation de l’Invisible. Il n’est plus question de fermer les yeux sur de telles faveurs. Les mauritaniens qui sont soif, faim, souffrent du défaut d’assurance-maladie et de la banqueroute de l’école publique, sont en droit d’exiger la justification des dépenses.

Le Rénovateur : quelle lecture globale faites-vous de la rencontre entre le président de l’UPR et le président des FPC ?

Birame Dah Abeid : J’en ai une lecture positive. La Mauritanie est appelée à sortir, assez vite, de la situation, de la confrontation -si ce n’est du face-à-face ethnique – où les pouvoirs successifs l’ont enfermée. L’initiative doit venir du Président de la République et du pouvoir. L’ouverture que le président Mohamed Cheikh Ghazouani a entamé est louable mais ne peut trouver son sens complet si elle manque d’atteindre les victimes et survivants des injustices et des marginalisations cumulées, comme nos compatriotes négro-mauritaniens et Hratin.

Samba Thiam est l’un des dirigeants historiques, voire l’un des fondateurs des Forces de Libération Africaines de Mauritanie (FLAM) dont il incarnait la figure de proue, pendant plus de vingt ans. Il a effectué son retour au pays et décidé d’intégrer la politique locale, en assumant le devoir et le droit d’être un compétiteur, selon la Constitution et nos lois ordinaires. A ce titre, il a décidé de créer un parti ; il en a déposé les instruments, en bonne et due forme, au ministère de l’Intérieur. Sa formation mérite la reconnaissance et la garantie d’agir pour persuader et prétendre au suffrage universel, à égalité des autres acteurs de la compétition.

Aussi, je ne puis dire que du bien, de la démarche entamée par l’UPR. Je garde espoir que le président Mohamed Cheikh Ghazouani tienne sa promesse de réconcilier les Mauritaniens, les intégrer et permettre à chacun de savourer son humanité entière.  Je m’attends à ce que la question globale du «passif humanitaire», soit à l’ordre du jour, pour dépasser le stade du déni et de la discorde. Il est temps d’édifier l’opinion et la jeunesse, sur les disparitions forcées, les assassinats collectifs, la torture, le caractère raciste des radiations dans la fonction publique, les expropriations, les déportations. Il est plus que temps d’achever le retour des réfugiés, encore suspendus au Sénégal et au Mali. La vérité amère des violations de la dignité humaine de 1986 à 1991 ne saurait rester dans les limbes de l’oubli. Elle a valeur pédagogique et préventive. Ne pas la publier et refuser d’abroger la loi d’amnistie de 1993 constituent une insulte à l’unité nationale et une illustration de la citoyenneté périphérique.

Le Rénovateur: beaucoup se demandent pourquoi Birame Dah Abeid a déserté l’Assemblée Nationale depuis plusieurs mois ?

Birame Dah Abeid : en effet, je me suis absenté tous ces mois de l’Assemblée nationale car le parti au pouvoir dispose d’une majorité automatique. Donc, il n’y a aucun espoir qu’un projet du gouvernement soit bloqué par une opposition si minoritaire. C’est pourquoi, j’ai privilégié la démarche qui consiste à m’adresser directement à l’Exécutif et à son chef. Je pense que c’est à partir de là, que nous pouvons obtenir des concessions, des orientations et des décisions favorables à nos revendications.

Le Rénovateur : mais vous perdez là une précieuse tribune, surtout sur les questions cruciales discutées au sein de l’hémicycle ?

Birame Dah Abeid : sur le plan affectif et symbolique dans la ligne des coups d’éclats, c’est peut-être vrai. Cependant, ma méthode assure plus de résultats, au profit de la population, de la démocratie et des droits de l’homme, à l’inverse de celle résonnante et redondante, de la dénonciation à tout-va.

Le Rénovateur : on parle beaucoup ces derniers temps de départs de militants de votre mouvement IRA, comment l’expliquez-vous ?

Birame Dah Abeid : le tintamarre orchestré autour de ces départs supposés massifs est un désir que certains prennent pour des réalités, mais ils vont déchanter. L’ancien président Mohamed Abdel Aziz, durant toute sa décennie, a financé, encouragé et soutenu, au travers des médias, des services de renseignement et des moyens de la puissance publique, des défections, plus ou moins gonflées, au sein du mouvement. Vous connaissez le résultat, au cours des élections présidentielles de 2014 et de 2019. Nous perdons parfois des militants en vue et en gagnons beaucoup, parmi les anonymes. Cette dynamique contradictoire se poursuivra mais n’entamera en rien l’accumulation des forces jusqu’au stade critique où la demande d’égalité et de partage dictera l’agenda de l’Etat. Cet aboutissement est inéluctable à nos yeux et nous travaillons sur le long terme afin d’en accélérer la réalisation, sans violence. Que certains partent maintenant, demain ou reviennent plus tard, n’y change rien.

Le Rénovateur : par rapport à la reconnaissance de IRA et du parti RAG, quel espoir pour leur reconnaissance avec le nouveau projet de loi en gestation sur les associations ?

Birame Dah Abeid : en effet, le nouveau projet de loi sur les associations repose sur le régime déclaratif d’où le renforcement de la paix civile et du contrôle démocratique, initiés par le Président de la République Mohamed Cheikh Ghazouani ; je pense que de nombreux mouvements et partis politiques, dont les nôtres, seront reconnus parce que nous représentons la Mauritanie de demain, c’est-à-dire le pays de l’égalité, du travail et du mérite.

Le Rénovateur : on entend de moins en moins parler d’esclavage, surtout avec votre mouvement. Cela veut-il dire que ce problème est résolu ?

Birame Dah Abeid : ce problème n’est pas du tout réglé et reste épineux. Il continue de perdurer, car des milliers de personnes sont encore exploitées, humiliées et maintenues dans l’ignorance et le fatalisme. Des domestiques, femmes et enfants surtout mais aussi des hommes, demeurent attachés aux familles des maîtres ; ils travaillent sans être payés et très peu détiennent des pièces d’état-civil. Bien léger et complaisant, celui qui oserait nous vendre la thèse éculée des « séquelles » en voie d’extinction. Jusqu’à ce jour, en termes d’actes forts, notamment de la part de la justice, nous n’entrevoyons de progrès. C’est pour cette raison que nous privilégions la concertation avec le sommet de l’Etat au lieu d’aller à la confrontation.

Le Rénovateur: une affaire de viol suivi de meurtre a secoué récemment Nouakchott. En tant que député, que pensez-vous de ce phénomène d’autant plus que le projet de loi sur les violences basées sur le genre n’est pas encore voté ?

Birame Dah Abeid : ce meurtre suivi de viol est extrêmement violent, douloureux et révoltant. Il nous interpelle, d’abord par son atrocité et la facilité avec laquelle les présumés auteurs l’ont exécuté. Il démontre que la criminalité contre les femmes, n’est plus l’apanage des repris de justice et des habitués du milieu carcéral. Maintenant, des personnes issues de la classe moyenne, journalistes et activistes des droits de l’homme, habitués à la fréquentation de de hautes personnalités, semblent impliquées dans cet homicide. Hélas, par esprit de corps, des bloggeurs et défenseurs des droits de l’homme prennent la défense de ces présumés responsables, pourtant arrêtés sur les lieux, avec la victime.

Je pense plus que jamais que nous devons nous engager dans la lutte contre les violences faites aux femmes et aux filles, y compris dans le cadre conjugal. Nul n’a le droit de s’opposer au mariage d’une fille majeure ni de lui imposer un époux. Nul n’a le droit de marier une mineure, quand bien même elle accepterait son conjoint, à moins de modifier la loi pour autoriser la majorité sexuelle et maritale à 15 ans. Nous devons également mener une véritable bataille contre les obscurantistes et les zélateurs de la domination masculine, qui se cachent derrière la religiosité, pour autoriser qu’un homme frappe son épouse ou sa fille, les affame, humilie ou prive de leurs droits élémentaires. La loi de protection des femmes et des filles contre toute forme de violence doit être votée et massivement, sans réserve ni atténuation du texte par des amendements de pure hypocrisie. En ce sens, je suis féministe et l’assume, sans ambiguïté. Je ne désespère de convaincre les parlementaires ainsi que le ¨gouvernement.

Propos recueillis par

Cheikh Aïdara