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APEFAS, le retour de OMZO et le débat entre Rap et questions politiques et sociales en Mauritanie

L’Association ACTIMUM, créé par Adama Diallo dit OMZO du groupe de Rap Minen Tey, en partenariat avec l’Association pour la Promotion de l’Enfant et de la Femme et de l’Action Sociale (APEFAS), a organisé mardi 1er avril 2025 à Nouakchott, un atelier d’écriture et un débat sur l’impact social et politique du Rap en Mauritanie. C’était en présence d’un panel relevé, composé entres autres de, OMZO de Minen Tey qui signe son retour au bercail et le député Khally Diallo.

Affiche de l’évènement – Crédit Aidara

En termes de proximité avec le peuple, l’association APEFAS a tapé dans le mille, en s’implant dès sa création il y a neuf années, dans le très populaire quartier de 6ème, département d’El Mina à Nouakchott.  Ce centre est une véritable ruche de culture et de bienfaisance. Il intervient en particulier en milieu scolaire avec la distribution chaque année de milliers de kits aux enfants issus de milieux défavorisés.

C’est cette association de jeunes que le Rappeur Adama Diallo dit OMZO a choisi comme partenaire alors qu’il signe son come-back dans son pays natal, après un long séjour avec son groupe Minen Tey en Belgique. Dans ses bagages, il apporte une association, ACTIMUM, destiné à la formation des jeunes.

Il a organisé ainsi, mardi 1er avril 2025 au siège d’APEFAS, une matinée école pour la formation de 50 jeunes dans l’écriture et autres métiers des musiques urbaines. Le soir, un panel très relevé a été animé. Un débat sur l’impact social et politique du RAP en Mauritanie, avec l’excellente modération de MISTER X.

Un panel de 8 experts des cultures urbaines

Comme vedette de la rencontre, il y avait Adama Diallo dit OMZO du groupe Minen Tey basé en Belgique, mais qui a décidé lui de retourner en Mauritanie pour former des jeunes à travers son association ACTIMUM, mais aussi pour participer au développement socioéconomique et culturel du pays. Faisait également partie du panel, le jeune député Khally Diallo, « Le Député du Peuple » dont les sorties à l’Assemblée Nationale font la fierté des laisser pour compte de la République. Lui-même formé aux cultures urbaines, il était déjà connu depuis des années pour son engagement social à travers son association « La Marmite du Partage ».

Photo des panélistes ‘- Crédit Aidara

Le panel comptait aussi des figures emblématiques du RAP mauritanien, à l’image de Cheikh Baby directeur du festival de Hip Hop de Kaédi, Awa Bâ, cadre au Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) et Chargé de communication du groupe de RAP Diam Min Tekky, basé en Belgique.  Dans le panel se trouvait aussi Salimata Bâ de l’Association culturelle pour la lecture du défunt Zakarya Sall, mais aussi le grand intellectuel Thierno Diallo. Sans oublier le grand DESIRE ou DEZI DEZ dont l’apport dans le RAP mauritanien est indéniable. Il y avait également MAMZO D Lam Toro, un jeune rappeur de la dernière génération qui monte et enfin, le maître des lieux, Ama Tall, président de l’association APEFAS.

Consensus sur l’apport du RAP dans l’éveil des consciences et le développement socioéconomique

Indéniablement, les intervenants ont été unanimes à souligner l’apport des cultures urbaines dans la culture de la paix, de l’unité nationale et de la cohésion sociale en Mauritanie. Le Rap a aussi permis, selon eux, de remuer le cocotier et d’étaler les problèmes et les défis auxquels le pays est exposé.

Aperçu partiel du public – Crédit Aidara

Les Rappeurs mauritaniens ont en effet dénoncé tous les abus et ont abordé tous les thèmes, l’exclusion, le racisme, l’esclavage, le foncier, la corruption, le népotisme et le clientélisme, le racisme, l’immigration, etc.

Vecteur de transmission et de partage des valeurs

Pour OMZO qui s’est exprimé en Pulaar, le Hip Hop a participé à la communication et à la sensibilisation surtout en milieu jeune. Il s’agit selon lui d’un important vecteur de transmission et de partage des valeurs, un outil de conscientisation, un instrument efficace de plaidoyer auprès des décideurs, mais aussi un tremplin pour l’épanouissement de la jeunesse et un objecteur de conscience.

OMZA entouré par Khally Diallo (à droite) et Salimata Ba – Crédit Aidara

La capacité de mobilisation du RAP auprès des jeunes qui constituent plus de 70% de la population, selon lui, a ainsi poussé les hommes politiques, de la majorité comme de l’opposition, à faire appel pendant les campagnes électorales aux RAPPEURS pour cibler cet extraordinaire électorat. Les opérateurs économiques font aussi appel à leur service quand il s’agit de faire la promotion de leurs produits.

Le RAP met les mots sur nos maux

Salimata Bâ trouve pour sa part qu’elle a un impact sur le Rap comme le Rap a un impact sur elle. Le RAP l’a trouvée, selon elle, à la maison, car sa sœur ne cessait d’en fredonner. Pour Salimata, le Rappeur a su s’imposer au monde et à sa société, par son affirmation de soi, par sa démarche, ses vêtements et son vocabulaire. Puis, elle dit avoir rencontré de nouveau le RAP à l’Université, là où les Mauritaniens se rencontrent réellement, mais aussi à travers son activisme au sein du Syndicat national des étudiants de Mauritanie (SNEM). Le RAP, reconnaît-elle, met les mots sur nos maux. C’est le moyen d’expression des jeunes. Le RAPPEUR, affirme-t-elle, va droit au but là où les autres contournent la vérité.

Le RAP donne de l’espoir aux jeunes

Pour sa part, DESIRE est revenu un peu sur l’histoire du RAP en Mauritanie, faisant partie d’une des générations de précurseurs. Il trouve que la Mauritanie est un cas particulier dans le monde des cultures urbaines. Il a raconté comment il a aidé un jeune rappeur qui, désespéré, allait tenter un voyage clandestin pour rejoindre l’Europe au risque de sa vie. Aujourd’hui et sans le nommer, il dit que ce jeune fait partie actuellement des valeurs sûres qui monte et qu’il a réussi son ascension et ne pense plus prendre le risque d’une aventure en mer. Selon lui, le RAP donne de l’espoir aux jeunes. 

Thierno DIallo entouré de DESIRE (à droite) et Awa Bâ – Crédit Aidara

Il a aussi évoqué l’extraordinaire apport du NET pour la nouvelle génération de rappeurs, citant notamment ADVISER et Cheikh REFLEX, ajoutant que les meilleurs rappeurs en langue pulaar au niveau de toute la sous-région, c’est sans doute les Mauritaniens.

Le RAP aujourd’hui remplit les stades

Cheikh Baby a évoqué l’impact réel de Diam Min Tekky dans l’ascension internationale du RAP Mauritanien. Puis, il a déploré le manque de moyens et de sponsors, soulignant que chaque année il organise le Festival de Hip-Hop de Kaédi sur ses modestes et propres moyens. Ce festival offert aux jeunes de Kaédi, deuxième ville après Nouakchott en termes de consommation des musiques urbaines, dédaigne aujourd’hui, selon lui, les modestes salles du Cinéma de Kaédi et de sa Maison des Jeunes, là où tout se passait. « Aujourd’hui, les nouvelles générations, à l’image de BREMS et AUTHENTIQUE, remplissent le Stade de Kaédi » a-t-il lancé avec fierté.

Khally Diallo (à gauche), Baby Cheikh (au milieu) MAMZLO D (à droite) – Crédit Aidara

La révolution linguistique du RAP mauritanien

Thierno Diallo que quelqu’un a comparé à une bibliothèque ambulante, est revenu sur l’impact linguistique que le RAP a su imposer. Auparavant, dit-il, c’était le RAP en Wolof qui dominait en Mauritanie. Aujourd’hui, ajoute-t-il, les jeunes ont su travailler leur texte au point d’imposer les autres langues nationales comme le Pulaar, le Soninké ou le Hassaniya. Ce qui a apporté, selon lui, un réel impact sur le plan identitaire et culturel.

Il a souligné au passage la différence entre le discours intellectuel et le discours plus populaire du RAP qui a permis une véritable révolution des consciences. Avec des mots simples accessibles et la hargne qui l’accompagne le message du Rappeur passe plus au niveau populaire que le discours pompeux et pédant, selon Thierno Diallo. 

Certes, il trouve intéressant le caractère révolutionnaire du RAP, basé souvent sur des revendications identitaires, celles de la contestation de l’ordre établi, mais il trouve que pour que l’impact politique soit plus porteur, ce discours doit se départir d’un certain niveau de dénigrement à outrance. Il trouve qu’aujourd’hui, les jeunes Rappeurs mauritaniens vivent de leur travail contrairement aux anciens, car il a créé un environnement économique plus vaste, avec les bigmakers, les techniciens du son et de la lumière, les graffiteurs, etc.

 Chaque génération et son apport

Le RAP a beaucoup contribué au développement social et politique en Mauritanie, selon MAMZO D, notamment, précise-t-il, sur le plan de la sensibilisation. D’après lui, chacune des générations de RAP en Mauritanie a apporté sa pierre à l’édifice.

Il souligne qu’en 2011, l’idée déclencheur de la révolution apportée par la nouvelle génération a été déclenchée par Diam Min Tekky, avec les problèmes liés à la nationalité et à la célébration du 28 novembre.

Vue partielle de l’assistance – Crédit Aidara

Pour Ama Tall, le RAP a beaucoup changé le monde, notamment en Mauritanie, dans le domaine de la prise de conscience des populations face à leurs réalités. Il a cité l’écho qu’a eu la chanson « Ndiyam » (l’eau) de Diam Min Tekky, « Miskine » (le pauvre) du groupe Oulad Leblad.

L’essentiel, selon lui, c’est d’éviter de verser dans la violence ou de céder à l’impulsivité, mais de véhiculer la culture de la paix et de contribuer au développement du pays.

Quand Rapper était un crime

Awa Bâ a brièvement rappelé que le député Khally Diallo a été Manager de Diam Min Tekky et qu’il doit servir d’inspiration pour la nouvelle génération. Elle a rappelé les combats des précurseurs, comme Military Underground, Minen Teyi, Diam Min Tekky dans la dénonciation de fléaux comme la corruption et la malgouvernance. C’était du temps, rappelle-t-elle, où les Rappeurs ne faisaient pas le RAP pour de l’argent mais pour défendre des idéaux et dénoncer les injustices contre les opprimés. Ils ont permis à leur génération de porter leurs maux et de les comprendre, comme ceux liés au processus du vote.

Cette période était surtout marquée, d’après Awa, par l’oppression exercée par l’Etat sur les Rappeurs, avec ses lots d’arrestation, d’emprisonnements, de concerts interrompus et de pourchasses dans les ruelles et sur les grandes avenues.

Les Rappeurs doivent viser les hautes sphères de décision

Selon le député Khally Diallo, le RAP peut être considéré comme un outil de socialisation et une arme politique. IL est surtout né, selon lui, des souffrances vécues dans les Ghettos, aux USA d’abord, puis dans le monde. Dans le contexte mauritanien, trouve-t-il, le RAP a traversé toutes les épreuves vécues par le pays, de Maaouiya à nos jours, en passant par le CMJD et Aziz.

Le député Khally DIallo – Crédit Aidara

Khally Diallo déclare qu’à l’Assemblée Nationale, le reproche lui est souvent fait par rapport à ses déclarations crues qui percent la vérité sans s’alourdir de simagrées, un discours sans filtre ni démagogie. Ils ne savent pas, dit-il, qu’il est le fruit des musiques urbaines et du Hard RAP. Le Hip-Hop, précise-t-il, restitue le message tel qu’il est et non comme on veut l’entendre. Il exorcise les maux et heurte le conventionnellement admis.

Selon Khally, « le RAP nous a permis de sortir le politique des salons feutrés pour le mettre sur l’espace public ». Ce fut le cas à toutes les époques, en particulier sous Ould Taya, souligne-t-il.  De son temps, raconte-t-il, nul ne pouvait rapper sans aller en prison.

Khally Diallo est partisan d’un engagement politique des RAPPEURS qui doivent viser selon lui, les plus hautes sphères de décision, là où le destin du peuple est engagé. Il a donné l’exemple de certains Rappeurs comme Kyagulari Ssentamu qui a débuté sa carrière dans les années 2000 sous le nom de scène Bobi Wine. Il est devenu leader de l’opposition ougandaise et bête noire du régime du président Yuweri Museveni dont il fut le principal adversaire lors de la présidentielle de 2021.

Cheikh Aïdara


COMMUNIQUE RELATIF A L’ANNONCE DES RESULTATS DU CONCOURS DES MEILLEURS ARTICLES DE PRESSE ORGANISE PAR AJAL EN PARTENARIAT AVEC LE PROJET WACA MAURITANIE

L’Association des Journalistes mauritaniens Amis du Littoral (AJAL), en collaboration avec le Projet d’Investissement de Résilience des Zones Côtières en Afrique de l’Ouest section Mauritanie (WACA Mauritanie), a participé ce lundi 10 mars 2025 à la cérémonie de remise des Prix des Meilleurs Articles de Presse qu’ils ont organisé ensemble. C’était en marge de la Cérémonie d’inauguration de 3 brèches du littoral de Nouakchott présidée par Son Excellence, Madame la Ministre de l’Environnement et du Développement Durable, en présence de ses collègues de la Pêche et des Domaines ainsi que des autorités administratives et sécuritaires de Nouakchott.

Les lauréats dont les noms suivent ont été primés au cours de cette journée. Ce concours, le premier du genre organisé par AJAL, a vu la participation de plusieurs journalistes francophones et arabophones de la presse écrite. Il a été lancé en novembre 2024.

Lauréats de la presse francophones :

1er : Mohamed Ould Sneiba
2ème : Bakary Guèye
3ème : Ousmane Doucouré

Lauréats de la presse arabophone :

1er : Moustapha Mohamed Abdallahi
2ème : Izza Mint Abidine
3ème : Abdou Ahmed Salem

Le Président

Dieh Moctar Cheikh Saad Bouh dit Cheikh Aïdara


Tortures et traitements cruels, inhumains ou dégradants, le Mécanisme national forme les acteurs judiciaires et sociaux

Le Mécanisme National de Prévention contre la Torture (MNPT) a lancé mardi 18 février 2025 un atelier interrégional de formation et de sensibilisation des responsables judiciaires et sécuritaires, en plus des médias et de la société civile sur les instruments juridiques nationaux et internationaux relatifs à la torture et autres pratiques cruelles, inhumaines ou dégradantes.

Vue partielle de l’assistance (forte présence d’officiers de police)- Crédit Aidara

Accroître la visibilité du MNPT et faire connaître ses missions auprès des responsables judiciaires et sécuritaires, ainsi qu’à la société civile et aux médias ! Tel est l’objectif visé à travers l’atelier qui a réuni le mardi 18 février 2025 à l’Académie diplomatique les acteurs concernés au niveau des trois Wilayas de Nouakchott et Dakhlet-Nouadhibou. Cela dans un contexte qui s’inscrit dans le cadre de la coopération entre le Mécanisme et le Fonds Spécial du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants (OPCAT).

Echanges protocolaires

Dans le discours d’ouverture qu’il a prononcé à l’occasion, Dr. Bekaye Ould Abdel Maleck, ancien ministre et président du MNPT a rappelé que la Mauritanie fait partie des premiers pays arabes et africains à avoir ratifié la Convention des Nations Unies contre la torture en 2006 et le protocole facultatif qui lui est rattachée en 20012, d’où la mise en place du Mécanisme National de Prévention de la Torture (MNPT) conformément aux dispositions de l’article 17 du Protocole facultatif.

Dr. Bekaye Abdel Maleck président du MNPT – Crédit Aidara

Il a par la suite indiqué que l’objectif du présent atelier est d’accroître la visibilité du MNPT auprès des différents acteurs nationaux, notamment l’appareil judiciaire et sécuritaire, ainsi que la presse et la société civile, tout en leur faisant connaître son mécanisme de fonctionnement et les missions qui lui sont assignées. Cela, conformément aux engagements internationaux pris par l’Etat mauritanien dans le domaine de la lutte contre la torture.

Pour sa part, Teresa Albero, Représentante du Bureau du Haut-commissariat des Nations Unies pour les droits de l’homme en Mauritanie, avait au prélable, jugé à sa juste valeur les efforts déployés par le pays dans la protection et la promotion des droits de l’homme. Elle a ajouté que les Nations Unies sont obligées, à travers le fonds spécial du protocole facultatif de la Convention contre la torture, d’apporter tout son appui au MNPT afin qu’il puisse mener à bien sa mission dans l’éradication de la torture.

Mme Teresa Alberto Bureau Haut-Commissaire des droits de l’Homme – Crédit Aidara

Selon elle, la présence dans la salle d’officiers de la police judiciaire ainsi que des membres de la société civile et des journalistes, prouve l’engagement constant de la Mauritanie dans le renforcement et la protection des droits humains, ces acteurs cités représentant à ses yeux l’appareil judiciaire et les protecteurs de la loi.

Quid du Protocole Facultatif

Mme Teresa Alberto a parlé dans son discours des règles de protection des personnes privées de libertés, en évoquant quelques règles adoptées par le droit international sur la torture, comme la Règle Mandela aux dispositions générales, la Règle Bangkok (protection des enfants mineurs) et la Règle Beijing (protection des femmes prisonnières).

Convention, Protocole et prisonniers

Trois panels ont été organisés durant l’atelier avec le concours de plusieurs experts et praticiens du droit. Tous ont porté sur le cadre juridique national et international de prévention de la torture, avec des spécificités.

1er Panel – Crédit Aidara

Le premier panel, qui a porté sur la Convention, le Protocole facultatif et les prisonniers, a été animé par Sidi Mohamed Sidebe et Brahim Yacoub Cheikh SIdiya sur la convention contre la torture, suivi d’une intervention de l’ancien ministre de la Justice, Haimoud Ould Ramadhan sur le Protocole facultatif et enfin, la communication sur la protection des personnes privées de liberté par Mohamed Lemine Abdel Hamid. Le tout sous la modération de Mohamed El Ghaith Omar, magistrat.

Dans ce premier panel, quelques dispositions de la Convention sur la torture ont été passés en revue, telles que l’interdiction faite aux agents de pratiquer la torture sur un détenu même si l’ordre vient d’un supérieur hiérarchique. Il en va de même de l’interdiction d’extradition d’un individu dans un pays où il risque de subir la torture, de même que l’obligation faite aux pays partis de condamner et de criminaliser les actes de tortures commises par un agent, ainsi que l’obligation d’ouvrir des enquêtes sur tous les cas présumés de torture.

La Convention donne également le droit aux citoyens victimes de torture de porter plainte et aux autorités d’engager une procédure d’enquête sur cette base. Sont également prévu les droits à l’indemnisation pour tortures et l’interdiction de soutirer des aveux sous la torture, aveux qui ne seront pas retenus devant les autorités judiciaires et qui constitueraient en eux-mêmes des preuves de torture contre ses auteurs.

A rappeler que la Convention des Nations Unies sur la torture a été adoptée par l’Assemblée générale le 10 décembre 1984 et elle est entrée en vigueur le 26 juin 1987. Cette phase sera suivie par la création du Comité contre la torture (CAT) qui prévoit des examens périodiques des Etats partis à la convention. Le Protocole facultatif a été adopté en 2002. Tout Etat qui ratifie ce protocole facultatif doit ainsi mettre en place un mécanisme national de prévention de la torture.

Ce Protocole facultatif a la même force de loi que la convention qu’il complète et simplifie dans sa mise en œuvre.

Vue partielle de l’assistance en premier plan le président du MNPT (costume sombre) – Crédit Aidara

Ainsi, le MNPT est un organe indépendant dont les membres sont protégés par une immunité dans l’exercice de leur fonction. L’indépendance du MNPT est partielle sur le plan administratif et totale sur le plan organique. Les rapports du MNPT sont tenus au secret tant que l’Etat n’en divulgue publiquement une partie.

Dans le cadre des prisons et des prisonniers, les trois règles qui régissent le droit international s’articule autour des règles générales de Mandela, les règles relatives aux enfants mineurs de Bangkok et celles relatives aux femmes prisonnières de Beijing.

A rappeler que la Convention des Nations Unies sur les prisonniers de 1955 révisée en 2011 est celle qui a donné naissance en 2015 à la Règle Mandela.

Loi nationale, MNPT, procédures pénales et emprisonnement

Le 2ème panel, modéré par Mohamed Chérif Bari, a été animé par le procureur Ahmed Abdallahi El Moustapha, le président du MNPT, Dr. Bekaye Abdel Maleck, le magistrat Mohamed Ghaith Omar et le magistrat Haroune Amar Ideighbi.

2ème Panel – Crédit Aidara

Dans ce panel, le président du mécanisme a évoqué la triangulation dans laquelle se fonde la mission de son institution, dans cette relation tripartite entre le MNPT, le CAT et l’Etat mauritanien. Selon lui, le mécanisme n’est pas une force contre l’Exécutif, mais au contraire, il est son partenaire et son conseiller dans le domaine de ses compétences, à savoir la prévention de la torture dans tous les lieux de détention. C’est un rapport de dialogue et de concertation qui lie les deux parties :

Sur le plan national, la lutte contre la torture est régie par la Loi n° 033-2015, alors que le MNPT a été instituée selon la Loi n°034-2015.

Ainsi, le MNPT se définit comme un organe supérieur indépendant et spécialisé. Son existence est liée à la ratification par la Mauritanie du Protocole facultatif de la Convention des Nations Unies contre la torture. Il a mis en exergue que la Mauritanie, contrairement à beaucoup de pays, a mis la barre de son engagement très haut, en refusant d’intégrer son mécanisme dans une de ses institutions, préférant en faire un organe indépendant et hors de son emprise directe.

Le MNPT opère des visites inopinées dans les centres de détention sur l’ensemble du territoire national. Il s’entretient directement avec les détenus, les régisseurs et tous les acteurs responsables des prisons ainsi que les agents et les officiers de la police judiciaire.

La définition de la torture circonscrit ainsi son aire dans le cadre restreint des lieux de détention. Ainsi, les tortures pratiquées hors de ces lieux, par exemple lors d’une manifestation publique, ne rentrent pas dans la définition.

Des alternatives au monde carcéral

L’approche intellectuelle du magistrat Ideighbi a retenu l’attention par son originalité dans le contexte mauritanien, tirant ses réflexions de penseurs tels que Durkheim, César Picario ou encore Mark Hensel sur les fins et aboutissants de la pratique carcérale. Selon le magistrat, l’emprisonnement ne serait pas une simple punition individuelle, mais un coup porté à la société toute entière, préférant à l’incarcération traditionnelle telle que pratiquée à nos jours, d’autres formes de privations de liberté alternatives, comme le bannissement, l’assignation à résidence, l’opprobre public, les travaux d’utilité publique, entre autres.

Forte présence des officiers de police – Crédit Aidara

Selon lui, l’emprisonnement tue l’individu, entraîne la récidive et crée un certain « fonctionnariat » de la délinquance, sans apporter la solution recherchée, celle de l’intégration des hors-la-loi dans la société. D’où, dira-t-il, l’évolution de plusieurs Etats vers la transformation des lieux de détention en centres de rééducation et de professionnalisation.

Il a indiqué qu’en Mauritanie le monde carcéral est surpeuplé, selon le dernier recensement en milieu pénitencier, qui évoque le chiffre de 2.000 prisonniers, avec 700 de plus qu’en 2015.

Des OPJ de la gendarmerie – Crédit Aidara

Il a par la suite, dénoncé la non application du contenu d’une ordonnance de 1970 toujours en vigueur sur le dossier du prisonnier. Celui-ci doit indiquer son nom prénom lieu de naissance, filiation, profession, état de santé, numéro de l’arrêt de condamnation ou du déferrement, motif de l’emprisonnement ou de la condamnation, état moral, etc. Ce dossier doit suivre le détenu dans les changements de son statut et l’accompagner dans ses transferts. « Est-ce que toutes ces procédures sont suivies ? » s’est-il demandé, expliquant que dans la pratique, les cross des jugements se perdent souvent sans laisser de traces.

Les participants ont suivi ensuite le dernier panel avant la clôture de l’atelier marqué par le discours du président du MNPT et celui de la Représentante du Bureau du Haut-commissariat des Nations Unies pour les droits de l’homme.  

Cheikh Aïdara


Dialogue politique, Birame refuse de participer au simulacre

Face aux informations qui circulent sur la tenue imminente d’un dialogue entre les acteurs politiques sur les questions de l’heure, telles que le passif humanitaire, l’esclavage et la lutte contre la corruption, le député Birame Dah Abeid a dit « NIET » face ce qu’il considère être un « simulacre destiné à contourner les vrais problèmes du pays ».

La récente tournée du président du parti islamiste Tawassoul, Hamadi Ould Sidi Mokhtar, également Chef de file de l’opposition démocratique, auprès de certains leaders politiques, comme Mohamed Ould Maouloud, président de l’Union des Forces du Progrès (UFP) et le député Birame Dah Abeid, a relancé l’idée du dialogue politique que le président Mohamed Cheikh Ghazouani avait annoncé il y a un an, repris en septembre puis en novembre 2024 par son Premier ministre Mokhtar Ould Djay et le porte-parole du gouvernement, Houssein Ould Meddou.

Le « Niet » de Birame Dah Abeid

Pour le député et antiesclavagiste Birame Dah Abeid, président de l’Initiative de Résurgence du mouvement Abolitionniste (IRA), deuxième durant les trois dernières présidentielles, 2014, 2019 et 2024, l’idée même de circonscrire ce dialogue aux candidats de la dernière présidentielle est un non-sens. « Les élections sont terminées et il n’y a plus de candidats » a-t-il déclaré.

Selon lui, ce dialogue est un « simulacre destiné à contourner les vrais problèmes et préserver les intérêts d’un système corrompu qui cherche une légitimation ».

L’une des raisons centrales du refus de Birame Dah Abeid est l’absence de toute garantie quant à la transparence du dialogue proposé, surtout l’implication du Ministère de l’Intérieur en tant que superviseur de cette action. Pour lui, ce département est « responsable des fraudes électorales massives lors de toutes les consultations organisées depuis 2019 ». Il l’accuse aussi d’être le responsable dans la non-transparence des recensements à vocation électorale.

Un organe neutre de supervision

Pour que le dialogue politique envisagé soit acceptable, il faudrait selon Birame Dah Abeid identifier d’abord les acteurs crédibles et influents bien connus sur la scène nationale.

Il faudrait ensuite définir par un mécanisme démocratique, un organe neutre de supervision capable de gérer le processus en toute neutralité entre les divers acteurs, opposition comme parti au pouvoir. Les résolutions finales du dialogue doivent ensuite revêtir un caractère décisionnel et non de simples recommandations laissées à la discrétion du pouvoir qui en fera ce qu’il veut.

Appel au dialogue

Depuis son accession au pouvoir en 2019, le président Ghazouani a initié plusieurs dialogues qui ont tourné autour de sujets d’intérêt national, certains ayant même porté sur le processus démocratique et électoral, sur les partis politiques, sans que les résultats de ces dialogues n’aient abouti à des solutions concrètes. 

Toutes ces initiatives pilotées par le Ministère de l’Intérieur se sont d’ailleurs déroulées sans aucune concertation préalable avec l’opposition. Toutes ont été houleuses, critiquées et pourfendues, et jamais avec consensus.

Pourtant, en septembre 2024, le Premier ministre Mokhtar Ould Djay avait appelé à un « dialogue politique franc et inclusif » sur l’initiative du pouvoir, prouvant une fois de plus l’unilatéralisme dénoncé par l’opposition. Cette volonté de Ghazouani à relancer un dialogue en panne entre les acteurs politique a été réitérée par le porte-parole du gouvernement Houssein Ould Meddou en novembre 2024.

En effet, Ould Djay avait appelé à ce dialogue pour « mener à bien des réformes fondamentales, notamment la révision du Code électoral pour renforcer la participation, la transparence et la crédibilité des élections ».

Des résultats au profit du système

Lors de la présentation de la Déclaration de politique générale du gouvernement devant l’Assemblée nationale en janvier 2025, il a même insisté sur le fait que « ce dialogue sera inclusif, abordant les véritables problèmes du pays et visant à répondre aux aspirations des citoyens ». Ce dialogue devra porter entre autres, selon sa déclaration, sur le renforcement de l’Etat de droit, la réduction des disparités sociales, la lutte contre les vestiges de l’esclavage et les réformes structurelles ainsi que la lutte contre la corruption. A aucun moment, il n’a parlé du Passif humanitaire, qui constitue pourtant le véritable problème de l’unité nationale et de la cohésion sociale, car il y a des familles, des veuves et des orphelins qui continuent de réclamer justice.

Houssein Ould Meddou avait ajouté, parlant du dialogue politique, que « les mesures pratiques dans ce sens ont été entamées » et que ce dialogue s’inscrit « dans le fil droit du discours prononcé par le président Mohamed Cheikh Ghazouani il y a plus d’un an ».

En mars 2024 déjà, le Ministère de l’Intérieur avait lancé au Palais des Congrès de Nouakchott les Journées nationales de concertation sur la préparation des élections présidentielles et le développement de la gouvernance démocratique.

Toutes les revendications formulées par l’opposition, révision de la liste électorale et de la composition de la Commission électorale indépendante, entre autres, afin d’assurer la transparence des élections lors de ces assises ont été rejetées. Résultats, les élections présidentielles du 29 juin 2024 sont considérées par nombre d’observateurs comme les plus frauduleuses de l’histoire politique du pays, et même plusieurs partis de la majorité présidentielle l’avaient dénoncé.

Pour ne pas simplifier les termes du dialogue en perspective, la classe politique continue de rejeter le projet de loi sur les partis, ce qui constitue un véritable frein pour la sérénité du débat politique.

Cheikh Aïdara