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Taleb Sid’Ahmed, le ministre qui a décomplexé la fonction

Les Mauritaniens se sont habitués à l’image d’Epinal du ministre guindé, sans naturel, un ministre qui pense que quand on est ministre, il faut se départir du rire et même du sourire en public dans l’exercice de la fonction de ministre, éviter de sortir du périmètre délimité du costard, afficher surtout et en toute circonstance, un air grave, distant et hautain, même avec les anciens amis. Le nouveau ministre chez nous change du tout au tout, change d’amis, change de manière de parler, de marcher, de rire, change souvent d’épouse et d’habitat.

Le ministre Taleb (casquette) lors de sa tournée dans les régions du Sud (Crédit MEJS)

Débarque alors le fils des prolétaires de Mbout, un enfant né dans les faubourgs de la pauvreté, qui s’est forgé son propre destin, un bac en candidat libre, puis les grandes universités. Un ministre qui a révolutionné la fonction, avec son naturel dont il ne s’est jamais départi, son sourire contagieux, ses saluts aux poings qu’il échange avec les jeunes. Parce que c’est le nouveau style signé Taleb Sid’Ahmed, ministre de l’Emploi, de la Jeunesse et des Sports, un département qu’il a dû créer presque de toute pièce et qu’il a réchauffé, revigoré et fouetté par son dynamisme, son entrain, ses compétences. Bref, de son humanité et de son humanisme.  

Le ministre en tenue décontractée entourée de costumards (Crédit MEJS)

Contrairement aux autres ministres si prompts à quitter leur ancien taudis pour une villa huppée dans la zone résidentielle de Tevragh-Zeina, qui délaisse leurs anciens voisins pauvres pour flirter avec des gens de leur nouvelle classe, Taleb Sid’Ahmed n’a jamais quitté le populeux quartier de Riadh, gardant les mêmes contacts avec ses anciens amis et son ancien voisinage, riches comme pauvres. Il prend des selfies et embrasse avec un grand sourire, ses anciens copains. Juste au détour d’une activité publique. Qui disait que l’homme, c’est le style ?

L’éternel sourire du ministre Taleb (Crédit Sa Che)

Au départ, les Mauritaniens trouvaient qu’il était atypique, qu’il n’était pas comme les autres ministres et que quand on est ministre, on ne rit pas à tout va, on ne s’habille pas en pantalon tee-shirt basket, on ne verse pas trop dans la familiarité, surtout avec les administrés, et on ne badine pas. Quelques méchancetés sont dites sur son compte, genre ministre clown, ministre pas trop sérieux et qui ne fait pas la différence entre être ministre et être citoyen lambda. C’est aussi cela un des mauvais héritages de l’administration française. Voyez les anglo-saxons, la fonction ne les départit jamais de leur naturel, ils son relax, et pour cela, ils sont plus proches des populations. Le lourd protocole affiché par les francophones les fait rire.

Quand on est serviteur de la Nation, la moindre des choses est de cultiver la modestie et la simplicité, en se mettant au même niveau que les administrés, partager leur joie et leur tristesse, effacer toutes les barrières protocolaires superflues liées à la fonction.

Malheureusement en Mauritanie, comme dans la plupart des Etats anciennes colonies françaises, dès qu’on fait parti des «En-haut là», on se met du haut de son piédestal pour jauger la populace d’en haut, les traiter comme de simples sujets à prendre avec des pincettes, même les anciens amis. C’est pourquoi, les chutes sont toujours douloureuses.

Cheikh Aïdara


Face aux viols en Mauritanie, le monde rural invente ses « cages à filles »

Face à la recrudescence des viols jusqu’en milieu rural, les Mauritaniens ont créé des cages en fer, appellées « cages à filles » où les femmes sont enfermées pendant la nuit. À l’Assemblée, les députés ont rejetés à plusieurs reprise un projet de loi contre les viols et agressions faites aux femmes.

Face aux viols en Mauritanie, le monde rural invente ses "cages à filles".
Crédit photo : Cheikh Aîdara

Il faut dire que le démon de midi, qui décrit les appétits sexuels redoublés qui s’emparent d’hommes ou de femmes a gagné du terrain dans ce pays, surtout parmi les jeunes. Et pourtant, la réputation du pays peut prêter à confusion.

La Mauritanie, un pays de dévots ?

On parle ici d’une République Islamique. Pour qui ne connait pas ce pays musulman croirait à un pays de dévots, fait de génuflexions, chasteté, coupage de mains, flagellations et autres lapidations pour qui ne se conformerait à la loi islamique. Mais une fois à l’intérieur, on découvre un pays de cocagne où tous les plaisirs, sans s’étaler forcément à l’œil nu, débordent des huttes, des bidonvilles jusqu’aux villas.

Ici on trouve de tout, soustrait à la vigilance d’une République qui quoi que l’on dise reste intransigeante sur les interdits. Les plaisirs sont disponibles pour qui en connaît les circuits secrets : alcool, maisons closes, salles de jeu, dealers, faux monnayeurs et faussaires… On y côtoie aussi bien de faux marabouts que de faux médecins, avec une administration publique qui grouille de faux diplômés. Une ancienne ministre de la Fonction Publique parlait de 80% de faux diplômes. Une enquête aurait débutée avant d’être abandonnée. Alors, on ferme les yeux.

La Justice ferme les yeux

Mais au milieu de cette faune de malfrats, les violeurs sont les plus gros clients du système judiciaire. La loi protégeant les femmes contre les viols et les agressions sexuelles n’arrivent pas à voir le jour depuis 2016, malgré la présentation du projet à trois reprises devant les députés, la dernière tentative datant de 2020. Cette situation laisse ainsi un sursis aux violeurs, avec une Justice qui ferme souvent les yeux sur les arrangements entre familles de violeurs et familles de violées.

« Chaque jour et ses lots d’agressions sexuelles, souvent suivies de meurtre, d’enlèvement et de séquestration »

Chaque jour et ses lots d’agressions sexuelles, souvent suivies de meurtre, d’enlèvement et de séquestration de filles retrouvées plus tard jetées dans les rues. Deux cas emblématiques ont secoués récemment l’opinion publique : le viol suivi de meurtre de la jeune Khadijetou Oumar Sow en mars 2020 et récemment, celui de la jeune Moima Amar, 27 ans.

Un phénomène urbain qui touche désormais le monde rural

Ces violeurs sont de tous les profils : agents des forces de l’ordre et de sécurité, enseignants, marabouts, praticiens de la santé, chauffeurs, oncles, pères, frères, cousins, voisins, boutiquiers du coin… Sans compter les « droits de cuissage » exercés aussi bien dans le secteur public que privé, l’embauche et le maintien au poste en assouvissant les plaisirs du patron, ou la porte et la perte de l’emploi. Un chantage qui fait des ravages chez les femmes, souvent issues de milieux pauvres et déshérités.

Ce phénomène spécifiquement urbain pendant de longues décennies a gagné récemment l’arrière pays. Dans les régions de l’extrême Est, des cas de viols émergent de plus en plus dans des zones insoupçonnées comme Touil, Bousteila, Adel Bagrou…

Les populations de ces contrées lointaines, épargnées jusque-là des maux qui rongent les grandes villes, ont ainsi inventé des refuges, les « cages à filles ».

Cheikh Aîdara


Distribution de kits d’accouchements : 5 000 femmes et 25 structures de santé visées par l’opération « Halte aux décès maternels »

5 000 kits d’accouchements individuels et sécurisés vont être distribués aux femmes sans accès aux services de santé et à 25 structures sanitaires, visant à réduire la mortalité maternelle et néonatale, dont les chiffres restent alarmants. Cette opération est menée par le ministère de la Santé, avec l’appui du Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA), dans les zones de Hodh Charghi, Assaba et Guidimagha, en plus du « triangle de l’Espoir », ex-triangle de la pauvreté.

Distribution de kits d’accouchements : 5 000 femmes et 25 structures de santé visées par l’opération "Halte aux décès maternels".
Cérémonie de distribution de kits d’accouchement au Centre de santé de Riadh – Crédit photo : Aïdara

Plusieurs équipes composées de cadres du ministère de la Santé et de l’UNFPA procèdent à la distribution d’un lot de 5 000 kits d’accouchements individuels et hygiéniques destinés à 25 structures de santé dans les Wilayas du Hodh Charghi, de l’Assaba et du Guidimagha, en plus des localités situées dans le « triangle de l’Espoir ». Il s’agit de zones pauvres et éloignées, où les structures de santé sont peu performantes en termes d’équipements, de matériels et de personnels de santé en nombre suffisant et de qualité.

Les localités dont il s’agit sont, pour le Hodh Charghi, les postes de santé de Bousteila, Leweinat, Veinya, Feireni, MBerra, Mebdoua, Jebel et Aghor. En Assaba sont visés les postes de santé de Kankossa 2, Garala, Keweila, Sani, Barkeol, Daghveg, Boubaghege, R’Dheidhi, Boulehrath. Au Guidimagha, ce sont les postes de santé de Boully, Hassi Chegar Bouanz, Agoinit, Gouraye, Tachott, Meith, Bekal et Azgueilim. S’y ajoutent des localités situées dans l’ex-triangle de la pauvreté qui englobe les Moughataas de Mbout, Barkéol et Boumeid.

582 décès maternels pour 100 000 naissances

Les populations vivant dans ces espaces géographiques visés par la présente campagne de distribution de kits d’accouchement vivent dans l’extrême pauvreté et l’éloignement des structures de santé. Ces lieux sont aussi confrontés à un taux élevé de décès maternels et néonataux. Rappelons que la Mauritanie enregistre un taux de mortalité maternelle de 582 décès pour 100 000 naissances et un taux de mortalité néonatale de 54 pour 1 000 naissances (Mics, 2015). La plus grande partie de ces décès proviennent de ces régions, ciblées par la campagne.

L’opération en cours vient ainsi consolider les efforts des autorités sanitaires, avec l’appui de leurs partenaires et en particulier l’UNFPA, qui depuis plusieurs années lutte pour réduire le taux des décès maternels et néonataux. La mise en place du Système national de surveillance des décès maternels constitue dans ce cadre un des outils de veille pour suivre de près ces indicateurs et pour en connaître les causes au cas par cas.  

Un forfait obstétrical devenu moins cher

Parmi les axes fixés par les autorités sanitaires pour réduire la mortalité maternelle et néonatale figure la réduction du prix de l’accès aux services de santé de la reproduction, à travers le forfait obstétrical. De 9 500 MRO requis pour ce forfait auprès des femmes enceintes pour avoir le droit à des services complets de maternité, y compris les frais d’accouchement et la césarienne, le prix a été réduit à 4 000 MRO, la différence étant subventionnée par la Délégation générale à la solidarité nationale et à la lutte contre l’exclusion (TAAZOUR). Parmi ces femmes désormais abonnées à ce nouveau forfait, l’UNFPA prend en charge 11 500 d’entre elles, désormais dispensées de toutes dépenses liées à la maternité, frais d’accouchement et césarienne compris.

L’étape suivante, qui est l’autre contribution de l’UNFPA à la réponse nationale pour la réduction de la mortalité maternelle et néonatale, est l’équipement de 13 centres de santé de référence, afin de renforcer leur plateau technique pour l’offre en soin obstétrical néonatal d’urgence (SONU) de qualité.

S’inspirer de l’étranger pour avancer

L’ambition des autorités sanitaires est de rapprocher le plus près possible les soins de santé de la reproduction des populations, notamment pour les femmes enceinte.

Les autorités seraient encore mieux inspirées si elles tiraient leçons d’expériences qui ont réussies ailleurs, comme les « Waiting House » à Madagascar, des logements construits par l’État ou par les communes à côté des centres de santé, afin d’y accueillir les femmes enceintes dans leurs derniers mois de délivrance et vivants dans des zones éloignées. Ou encore, le recensement de toutes les femmes enceintes dans les villages et hameaux reculés, avec un planning  de leur date d’accouchement, pour permettre au personnel de santé d’aller assister celles qui ne se présenteraient pas à la date prévue de leur délivrance.

Cheikh Aïdara


Aya Saleh, 20 ans, morte en donnant la vie

Au cours d’une conférence de presse animée jeudi 17 septembre 2020, le député et président du mouvement IRA, Birame Dah Abeid, a abordé la thématique liée à la mortalité maternelle, surtout en milieu rural. « Des milliers de femmes meurent dans le monde rural en donnant la vie, du fait de la négligence, de l’éloignement des structures de santé et l’accès à une maternité sans risques » a-t-il déclaré, au détour d’un drame qui le frappe personnellement.

Photo d’illustration

Il s’agit du décès survenu la veille, de sa nièce, Aya Saleh, 20 ans, morte en laissant derrière elle un bébé prématurément orphelin, plongeant toute une communauté et toute une famille dans le deuil et la désolation.

« Etant donné que toutes les structures de santé sont totalement délabrées, il n’y a aucun programme de l’Etat qui prévoit la santé de la femme et les cas nombreux de suivi des grossesses dans le monde rural » a-t-il regretté. Selon lui, dans ces milieux souvent éloignés des centres urbains, il n’y a ni structure sanitaire ni personnel de santé encore moins de matériels.

Revenant sur le drame qui l’a frappé, il a précisé que sa nièce a accouché seule, aidée par les femmes du village, de la manière dont lui-même est née depuis 54 ans, avec des accoucheuses coutumières et des moyens rudimentaires, alors que la Mauritanie est indépendante depuis 60 ans.

«Ma nièce est morte lors de son transport vers Rosso, à 45 kilomètres de son village où elle avait entamé son accouchement » a précisé Birame, soulignant l’éloignement des centres de santé des populations et des victimes éventuelles.

Fléau

Combien de femmes et de filles rendent l’âme en voulant donner la vie dans l’ignorance des services publics, s’est-il indigné en substance. « Nous comprenons qu’avant 2019, la gabegie, les vols et les détournements étaient de mise, mais quelle politique maintenant pour stopper l’hécatombe et le carnage, en mettant fin à la multiplication des orphelins, des enfants dont les mères sont mortes alors qu’ils sont en bas âge, s’est-il indigné, appelant à la mise en place par le gouvernement actuel d’une véritable politique publique, en commençant d’abord par donner des réponses à toutes les familles endeuillées dans tous les coins du pays par le manque d’assistance médicale aux femmes et aux filles qui veulent donner la vie.

Selon lui, tous les villages et campements en Mauritanie sont menacés de perdre des filles et des femmes, et que la réaction doit être au niveau des défis, réclamant une réaction rapide des pouvoirs publics face à ce fléau.

A rappeler que la Mauritanie affiche l’un  des taux les plus élevés dans la sous-région en matière de mortalité maternelle, 580 pour 100.000 naissances vivantes. A titre comparatif, ce taux est de 140 en Algérie, 371 au Burkina Faso, 375 au Sénégal, 190 au Maroc et 62 en Tunisie.

C.A