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Fin du projet « Prévention de l’extrémisme violent à travers l’insertion des jeunes en conflit avec la loi », l’heure du bilan

A la fin du projet « Prévention de l’extrémisme violent à travers l’insertion des jeunes en conflit avec la loi et le renforcement de l’accès aux droits et à la justice », acteurs locaux et étrangers ont tiré le bilan de leurs activités au cours d’un atelier organisé à Nouakchott du 2 au 4 août 2023. La réflexion a porté sur le défi lié à la durabilité et à la pérennité des approches développées par le projet durant ses 18 mois d’existence.

Table des officiels à la clôture – Hélène Phan et Nevissa Habiboullah (3ème et 4ème à partir de la gauche)- Crédit Aidara

Le projet « Prévention de l’extrémisme violent à travers l’insertion des jeunes en conflit avec la loi et le renforcement de l’accès aux droits et à la justice » s’achève le 13 août 2023, après 18 mois d’intenses activités entre acteurs mauritaniens (gouvernement et société civile), et partenaires techniques d’exécution, en l’occurrence l’Organisation des Nations Unies contre la Drogue et le Crime (ONUDC) et le Bureau international du travail (BIT), avec le soutien du Fonds du Secrétaire général des Nations Unies pour la consolidation de la paix.  

« Ce projet de 18 mois est mis en œuvre à Nouakchott, Nouadhibou et Kiffa. Il cible à la fois les jeunes en conflit avec la loi mineurs (15-18 ans) et adultes (18-24 ans) » selon la note conceptuelle du projet.

Atelier multi-acteurs

Du 2 au 4 août 2023 à Nouakchott, plusieurs représentants venant des départements de la Justice, de la Jeunesse, de l’Economie, des Affaires Sociales, de l’Emploi, du Travail, de la Sûreté et de la Garde Nationale, en plus du directeur général du Centre d’Accueil et de Réinsertion Sociale des Enfants en Conflit avec la loi (CARSEC), ont pris part à l’atelier de clôture du projet. Il était question de réfléchir sur la durabilité et la pérennité des approches développées.

Henri Ebelin (BIT) présente les réalisations du projet – Crédit Aidara

L’objectif de l’atelier était de promouvoir une meilleure prise en charge des besoins des enfants et jeunes en conflit avec la loi en Mauritanie, à travers la présentation des résultats du projet et une réflexion collective autour de la pérennisation de ses initiatives phares.

Quelques recommandations

Au cours de leurs recommandations, les participants ont insisté sur la nécessité d’assurer l’autonomisation de ces jeunes et leur total accès aux services de justice.

Représentants de différents acteurs – Crédit Aidara

Avec le guichet Techghil du ministère de l’Emploi, il a été relevé quelques dysfonctionnements au niveau de Nouadhibou où les moins de 18 ans n’ont pas accès aux fonds destinés à l’auto-emploi.

Parmi les recommandations, certains ont mis l’accent sur la nécessité de développer un plaidoyer fort pour introduire la culture du parrainage dans les mœurs avec appel aux philanthropes. D’autres ont plaidé pour le renforcement des capacités matérielles des CARSEC et l’augmentation du salaire des encadreurs.

L’appui psychologique des enfants et jeunes en conflit avec la loi a été sollicité, mais surtout le renforcement de l’appui accordé aux brigades des mineurs.

Un projet prioritaire pour le Ministère de la Justice

Clôturant les travaux de l’atelier, Nevissa Mohamed Houcein Habiboullah, Conseillère du Ministre de la Justice, a indiqué que grâce aux efforts conjugués des différents acteurs du projet, 59 jeunes membres d’associations ont pu suivre des stages de formation sur la prévention des crimes et la réinsertion socioprofessionnelle des jeunes en conflit avec la loi.

Forte présence de femmes – Crédit Aidara

Elle a aussi évoqué l’appui que le département de la justice a apporté aux différents CARSEC, notamment l’ouverture d’un nouveau centre d’accueil à Kiffa, ce qui, selon elle, va rapprocher les jeunes en conflit avec la loi de leurs juges naturels et de leurs familles, contribuant ainsi à leur réinsertion dans leur milieu.

L’accent a été surtout mis sur la formation professionnelle des jeunes, a indiqué Nevissa Habiboullah, notamment à Nouakchott et Nouadhibou, ce qui a facilité, selon elle, l’insertion de 82 jeunes filles et garçons en conflit avec la loi, à travers des stages obtenus grâce aux partenariats tissés avec quelques entreprises et centres de formation. Ceci sans compter les « Journées portes ouvertes sur les métiers » qui profitent chaque année, pendant quatre jours, à 155 jeunes en conflit avec la loi.

Elle a aussi cité l’identification de 212 jeunes incarcérés au niveau des commissariats de police et dans les prisons, avec un plan d’appui à leur profit ainsi qu’un plan d’insertion individuelle.

L’ONUDC accompagne les efforts des partenaires locaux

Auparavant, Hélène Phan, Cheffe du Bureau de l’ONUDC à Nouakchott, a mis l’accent sur la fragilité des jeunes objets du projet qui vient de s’achever et la nécessité de les appuyer pour les extirper des voies détournées de la délinquance juvénile.

Vue partielle – Crédit Aidara

Elle a mis l’accent sur l’apport important du système judiciaire, soulignant qu’il s’agit de cibles psychologiquement faibles face à la marginalisation et à la stigmatisation dont ils sont souvent l’objet, ce qui les empêche de bénéficier au même titre que les autres jeunes des mêmes opportunités de travail. D’où, dira-t-elle en substance, la nécessité d’adopter l’approche développée par le projet pour faciliter la réinsertion sociale de ces jeunes et leur réhabilitation, afin de leur permettre de participer à la vie sociale et de profiter des chances offertes par ce projet porté par le ministère de la Justice.

Communications et travaux de groupes

Les deux premiers jours de l’atelier ont été marqués par plusieurs présentations et travaux de groupes autour de trois thématiques sur les recommandations de l’étude réalisée par une consultante sur les trajectoires de vie des jeunes en conflit avec la loi et la cartographie.

Vue de la salle – Crédit Aidara

Il s’agit de recommandations relatives à la promotion du rôle des jeunes dans la résolution des conflits impliquant les enfants et jeunes en conflit avec la loi, des recommandations relatives à l’accès aux droits et à la justice, et enfin, l’inclusion et la participation socioéconomique de ces enfants et jeunes. Il a été question dans ce dernier volet de l’appui aux familles, du financement et de l’accompagnement des entreprises qui accueillent les stagiaires en provenance des CARSEC.

Parmi les communications qui ont marqué les premiers jours, le contexte du projet et les résultats de sa mise en œuvre par Nevissa Habiboullah, une présentation des CARSEC par le directeur général, Sid’Ahmed Jeddou, l’étude sur les trajectoires des enfants en conflit avec la loi, par Marie-Charlotte Bisson, consultante.

En plus de Henri Ebelin du bureau BIT Mauritanie qui a présenté le dernier jour le récapitulatif des recommandations issues des différents travaux de groupes, plusieurs associations de jeunes formés dans le domaine de la prévention des crimes et la réintégration des jeunes en conflit avec la loi, venus de Nouakchott, Nouadhibou et Kiffa, ont présenté leurs réseaux et les actions qu’ils ont menés.

Cheikh Aïdara


ONG AMAMI, renforcer la capacité de la société civile en matière de budget sensible à la nutrition

Les locaux de l’Association Mauritanienne d’Aide aux Malades Indigents (AMAMI) ont abrité jeudi 27 et vendredi 28 juillet 2023 un atelier de renforcement de capacité des organisations de la société civile sur l’analyse et le suivi budgétaire des politiques de nutrition. L’entrée en vigueur à partir de 2024 du budget programme entretient l’espoir selon les participants, car il pourrait, selon eux, remédier au flou entretenu sous l’ancien système classique de budgétisation qui empêchait toute traçabilité des allocations affectées à la nutrition.

Vue partielle des participants, présidents d’ONG et experts – Crédit Aidara

Les participants, responsables d’associations actives dans le domaine nutritionnel, ont suivi au deuxième jour de l’atelier, un documentaire sur les actions menées par l’ONG AMAMI intitulé « Réponse à l’urgence nutritionnelle au Hodh Gharbi » qui a comporté des reportages sur un Centre de récupération nutritionnelle pour la malnutrition aigüe sévère (CRENAS) au niveau d’un centre de santé, le témoignage de bénéficiaires et d’agents de terrain. La prise en charge de la malnutrition et son dépistage auprès des enfants de 6 à 59 mois, la formation d’agents et de volontaires, le diagnostic communautaire, les groupes d’apprentissage pour femmes enceintes et allaitantes, ainsi que l’amélioration de l’accès à l’eau potable, à l’hygiène et à l’assainissement. Ce sont là les différents aspects sur lesquels ont porté les actions de l’ONG AMAMI, en plus de la distribution et la formation sur les micronutriments et la formation des femmes sur l’utilisation du chlore.

Extrême gauche (expert) 2ème à partir de la gauche Moulaye Mehdi – Crédit Aidara

Moulaye Mehdi Moulaye Zeine, président de l’ONG AMAMI et de la plateforme SUN Nutrition de la société civile, a rappelé par ailleurs, les actions de sensibilisation et de plaidoyer menées auprès des parlementaires le 27 octobre 2022 sur la nutrition. « 11% des enfants mauritaniens souffrent de maigreur dans les zones rurales et périurbains » a-t-il souligné.

 Le plaidoyer budgétaire

La première journée de l’atelier a été marquée par une communication présentée par un des experts sur le plaidoyer budgétaire.

Jeunes filles représentants des associations – Crédit Aidara

L’expert a détaillé dans sa présentation les éléments de base du plaidoyer budgétaire, notamment la compréhension de son processus, avant d’aborder en profondeur la stratégie de plaidoyer budgétaire, disséquant sa conception, sa formulation, sa mise en œuvre et son suivi-évaluation.

Ainsi, le plaidoyer budgétaire est, selon lui, « une démarche d’influence structurée et conduite par une organisation ou un groupe de personnes sur les politiques budgétaires ». Il permet d’agir pour une priorisation de la nutrition et la sécurité alimentaire dans l’agenda politique national. Il a défini et expliquer la terminologie budgétaire, le budget, la loi de finances, la nomenclature budgétaire et ce que veut dire lignes budgétaires.

Mokhtar Diallo (2ème à partir de la gauche) – Crédit Aidara

Parmi les éléments de base du plaidoyer budgétaire, l’expert a cité quelques préalables à assimiler, tels que l’environnement juridique, politique et financier, le système de financement de la nutrition, la maîtrise des documents politiques nationaux relatifs à ce secteur, le processus d’élaboration du budget et son cycle, la connaissance du calendrier budgétaire.

Il a également cité comme préalable la réalisation d’une analyse des forces et faiblesses, des opportunités et menaces devant être pris en compte dans le plaidoyer. Ainsi, il est important, selon lui, de bien connaître le cycle budgétaire qui se décline en 4 étapes : formulation par l’Exécutif du projet de budget sur la base d’une proposition du Ministère des Finances, l’adoption du projet de loi de finances en conseil des ministres puis sa discussion à l’Assemblée nationale. En cas d’adoption, le budget entre en vigueur généralement le 1er janvier de l’année suivante. La dernière étape est l’exécution du budget par les différents allocataires (ministères, services et institutions publics).

Vue partielle des participants – Crédit Aidara

C’est à partir de la compréhension de ce processus et le suivi des amendements ainsi que des audiences publiques qu’intervient la conception de la stratégie de plaidoyer.

Une bonne stratégie de plaidoyer budgétaire doit comprendre, selon l’expert, une analyse de la situation sur la nutrition et la sécurité alimentaire suivi d’une analyse budgétaire. Deuxième étape, la formulation des objectifs de plaidoyer, l’identification des cibles et alliés, les activités à mener, les argumentaires et les prévisions budgétaires. Troisième étape, la mise en œuvre par la production de supports et l’exécution des activités prévues. Enfin, dernière étape, le suivi-évaluation des activités réalisées et des résultats obtenus.

Analyse budgétaire de la nutrition

Durant la deuxième journée, le vice-président de la plateforme GFF de la société civile mauritanienne, a présenté une communication sur l’analyse budgétaire de la nutrition, se félicitant de l’existence d’un plan d’investissement GFF (Global Financing Facility) adopté par la Mauritanie.

Alioune Diop (1er à partir de la droite) – Crédit Aidara

Il a procédé à la définition de certains concepts clés, tels que les concepts spécifiques à la nutrition qui s’attaquent aux causes et les concepts sensibles, ou causes sous-jacentes qui s’attaquent aux conséquences. Il a mis en exergue l’importance liée à la connaissance de l’environnement du marché alimentaire, les chaînes de valeur riches en nutriments, ainsi que les critères de l’USAID pour une bonne alimentation (biofortifié, légumineuses, source animale, racines et tubercules).

Ce processus devrait aboutir, selon lui, sur des résultats dont les effets doivent se mesurer à court ou à moyen termes, avec à la clé une stratégie devant définir des objectifs à atteindre.

Vue partielle des participants – Crédit Aidara

Il a défini par la suite ce que doivent être les bonnes pratiques en matière nutritionnelle, les interventions ciblées qui sont un ensemble d’actions pour réaliser ce résultat, ainsi que les indicateurs de sortie qui comportent une évaluation des produits, biens et services obtenus d’une part, et d’autre part, les données pour les indicateurs. Il s’agit notamment des indicateurs de résultat dont les effets à court ou à moyen termes doivent déterminer le nombre d’interventions à entreprendre pour une activité.

Le paradoxe de l’abondance

Il a été constaté qu’il y a réellement des paradoxes en Mauritanie, notamment dans les régions les plus pluvieuse du pays qui enregistrent les plus forts taux de malnutrition. L’explication pourrait provenir d’un problème de comportement lié à de vieilles habitudes alimentaires, selon les explications de l’expert.

Le rôle du plaidoyer dans l’action de la société civile

Moulaye Mehdi (1er à droite sur la rangée de droite – Crédit Aidara

Ce thème a été abordé par un cadre expert du Ministère de la Santé, complété par la suite par un un autre expert.

Selon le premier, il est important dans le plaidoyer de définir au préalable les cibles, les moyens, les objectifs et la finalité, mettant en exergue le rôle de la société civile dans le plaidoyer ainsi que les efforts à entreprendre par cette dernière pour dissiper les défis liés à la mauvaise compréhension des responsables publics. Ces derniers croient dans une grande mesure, selon lui, que la société civile les dépouille de leurs prérogatives sans comprendre le rôle complémentaire et celui de partenaire que joue la société civile dans l’action gouvernementale.

Les types de plaidoyer

Il a par la suite défini les types de plaidoyer, le plaidoyer de sensibilisation et de mobilisation sociale et le plaidoyer lobbying. Il a enfin salué l’évolution du budget qui de classique va se décliner dès 2024 sous forme de budget programme, ce qui va donner, selon lui, plus de visibilité sur les allocations dédiées à la nutrition.

La présentation et l’analyse des données comportent selon lui plusieurs niveaux. Un premier niveau, allocations en lien avec la nutrition, un deuxième niveau sur les tendances temporelles et un troisième sur la dimension géographique, le tout devant définir le Profit Pays qui décrit l’ensemble des investissements publics alloués à la nutrition.

Un des intervenants s’est contenté pour sa part de livrer diverses définitions du plaidoyer, ainsi que les outils de communication à mettre en œuvre pour atteindre l’objectif recherché, à savoir convaincre le partenaire à accompagner le projet présenté.

Par la suite, les participants ont suivi un bref aperçu sur le Global Financing Facility (GFF), qui a financé cette activité et que la Mauritanie a rejoint en novembre 2019. La Plateforme GFF de la société civile, qui a déjà consommé deux mandats, regroupe aujourd’hui 484 associations.

Cheikh Aïdara


Emploi domestique, vers un plan de professionnalisation et de valorisation

Longtemps considéré comme dégradant, exclu du système formel du marché du travail et sans cadre juridique qui le protège, l’emploi domestique non qualifié en Mauritanie est en phase de professionnalisation et de valorisation. C’est ce que l’atelier des 27 et 28 juillet 2023, organisé à Nouakchott sous l’égide du Ministère de l’Action Sociale, avec l’appui du Bureau International du Travail (BIT) a abordé, en présence des acteurs concernés.

De Dr. à G. Mark, conseiller juridique, suivi de la conseillère Genre et de la Directrice de la Famille – Crédit Aidara

Des « boys » et des « bonnes » diplômés ! Cette perspective sera bientôt une réalité en Mauritanie, dans un marché de l’emploi domestique qui absorbe des milliers de femmes et d’hommes, masses informes et non reconnues. La professionnalisation du secteur est en cours d’élaboration sur la base d’une phase pilote lancée en 2022 et qui est en cours à Kiffa, Aïoun et Teyarett.

L’atelier des 27 et 28 juillet 2023 sur « le développement des compétences professionnelles dans les métiers du secteur de l’emploi domestique », organisé à Nouakchott par le Ministère de l’Action Sociale, de la Famille et de l’Enfance (MASEF), avec le concours du BIT, vise à promouvoir le travail décent, la santé et la sécurité au travail, ainsi que l’amélioration de la gouvernance des relations de travail dans l’emploi domestique en Mauritanie.

La nouvelle stratégie de l’OIT

Mark Ninerola – Crédit Aidara

Dans son intervention, Mark Ninerola, Coordinateur national du Projet Bridge en Mauritanie, a précisé que « le 15 juin 2023, l’OIT lance une nouvelle stratégie pour assurer un travail décent aux travailleurs et travailleuses domestiques », dans un contexte marqué par l’augmentation de la demande mondiale dans ce secteur.

Il a exposé l’appel lancé par le Directeur général de l’Organisation internationale du Travail (OIT), Gilbert Hungbo, à l’occasion de la Journée internationale des travailleurs domestiques, le 16 juin 2023, demandant à tous les pays de ratifier la Convention 189 de 2011 sur le travail domestique. 

Cette stratégie au niveau mondial vise, selon lui, à fournir des statistiques dans chaque pays sur le nombre d’acteurs du secteur de l’emploi domestique et leur part dans le marché de l’informel, ainsi que les caractéristiques de ses acteurs, l’analyse du cadre juridique et réglementaire régissant le secteur, et la mise en œuvre d’un plan d’action de réalisation des objectifs visés.

Vue partielle des participants – Crédit Aidara

Mark Ninerola a indiqué que la contribution des travailleurs domestiques est souvent sous-estimée, rappelant le rapport publié en 2021 par l’OIT, révélant que 81% des travailleurs domestiques étaient employés de manière informelle, en raison de lacune dans la couverture juridique ou dans sa mise en œuvre.

Pourtant, souligne-t-il en substance, leur rôle dans les ménages, dans la société et dans l’économie est indéniable. Ils sont à la base des familles, pour qui ils préparent à manger, prennent soin de leur domicile et gardent leurs enfants, s’ils ne les élèvent et les éduquent.

Etat des lieux du secteur domestique en Mauritanie

Avec le concours du BIT, le MASEF accompagne déjà les associations de femmes travailleuses et de ménages employeurs dans trois Moughataas pilotes, Teyarett (Nouakchott-Est), Kiffa (Assaba) et Aïoun (Hodh Gharbi) dans un processus de concertation et de dialogue social. Cette démarche pourrait contribuer à renforcer la cohésion sociale et l’inclusion socioéconomique des couches de la population.

Vue partielle des participants – Crédit Aidara

Dans cette perspective de mise à échelle de l’expérience, une étude qualitative de diagnostic est en cours pour établir l’état des lieux en matière de principes et droits fondamentaux au travail (PDFT), identifier et analyser les contraintes et les opportunités, identifier les préoccupations, besoins et priorités des acteurs, ainsi que les opportunités et pistes d’intervention.

Valoriser le métier de domestique

L’analyse en cours va permettre de mieux comprendre les besoins en compétences dans les activités liées à l’emploi domestique. Elle devrait déboucher sur la valorisation du travail dans le secteur et un moyen d’extirper de la précarité les populations exerçant les métiers domestiques.

Selon Mark Ninerola, « il s’agit d’élaborer et de mettre en œuvre un plan de développement des compétences pour renforcer les capacités des personnes déjà en activité » et évoluer vers la formalisation du métier de domestique pour aboutir à une reconnaissance du secteur dans la nomenclature des emplois reconnues en Mauritanie.

Autonomisation des acteurs de l’emploi domestique

Mme Lebneik Mint Soulé, Directrice de la famille, de la promotion féminine et du genre, au niveau du MASEF, a fait une présentation sur l’autonomisation. Elle a mis l’accent sur l’importance de l’autonomisation des femmes en tant qu’actrices du développement, appelant à surpasser les obstacles qui entravent cette autonomisation, tels que l’analphabétisme, la pauvreté, la déperdition scolaire, le poids des traditions, le non accès aux financements et le mariage des enfants, entre autres.

Lebneik Soule durant sa présentation – Crédit Aidara

Pour surmonter ces obstacles, des mesures doivent être prises selon elle, tels que la culture des droits, la lutte contre les violences faites aux femmes, l’accès aux tribunaux, la formation professionnelle et le renforcement de l’entreprenariat féminin.

Mme Lebneik a ensuite énuméré les différentes stratégies mises en place par le MASEF pour assurer l’autonomie économique et sociale des femmes, la stratégie nationale de promotion féminine, la stratégie nationale d’institutionnalisation du genre, la stratégie nationale de protection sociale, etc.

Elle a par la suite présenté des données sur l’évolution de la population mauritanienne de 1965 à nos jours, avec une proportion plus élevée des femmes (50,5% de la population), le pourcentage des femmes dans le parlement, de O% en 1992 à 20,3% en 2016, avec un recul par rapport à 2013 (25,2%) et 2004 (22,1%), un fort taux de chômage des femmes, 23 % contre 11% d’hommes en milieu urbain, 10,5% contre 5,8% en milieu rural.

Des compétences pour lutter contre le travail forcé

Henri Ebelin du bureau BIT en Mauritanie a expliqué que le travail domestique est plus exposé au travail forcé qu’aucun autre secteur, avançant des facteurs de risques liés aux carences juridiques, à l’application des lois et à la gouvernance politique. Il a aussi avancé des facteurs liés à la migration, aux modes de recrutement et à la nature informelle du secteur domestique, mais aussi la pauvreté, la problématique liée au genre et la vulnérabilité des employés domestiques souvent issus de milieux défavorisés.

Vue partielle des participants – Crédit Aidara

C’est pourquoi, explique-t-il en substance, seules les compétences acquises peuvent prémunir les acteurs du secteur domestique aux risques liés au travail forcé. L’OIT a identifié, selon lui, trois moyens dans ce cadre, une sensibilisation sur les formes et risques d’exploitation au travail, la formation aux droits humains et aux droits du travail, entre autres.

En Mauritanie, a-t-il précisé, le projet Bridge a mis en place l’approche compétences à travers une étude qui a été lancée pour analyser le marché du travail domestique à Nouakchott, Kiffa et Aïoun en mettant en parallèle les compétences recherchées par les employeuses avec les compétences existantes au niveau des travailleurs, à travers le dialogue social.

Il devrait résulter de cette étude, un plan de développement des compétences conforme à la demande du marché du travail domestique.

Le plan pilote testé au cours des ateliers organisés a permis ainsi, selon Henri Ebelin de réunir 25 partenaires sociaux à Kiffa et 40 à Teyarett.

Cette première phase a ainsi eu pour résultat, l’élaboration d’une mini convention régissant les relations de travail dans l’emploi domestique, adopté par les employeuses et les travailleuses à Nouakchott et à Kiffa.

La deuxième phase en cours va porter sur la collecte des données à Nouakchott, Kiffa et Aïoun et la formulation d’un plan de développement des compétences (PDC).

Du travail domestique

M. Kassougué du bureau du BIT Mauritanie a donné une définition large du travail domestique qui englobe selon l’Arrêté 1797 du Ministère du Travail : « tout salarié embauché au service du foyer et des travaux attachés à la maison : boy, bonne, cuisinier, maître d’hôtel, nurse, berger, chauffeur, gardien, jardinier, etc. »

Vue partielle des participants – Crédit Aidara

Citant les constats partagés, le travail domestique serait un travail non qualifié, ne nécessitant aucune compétence, ni formation spécialisée. Il n’est pas pris en charge dans l’offre de formation et d’emploi, il n’est soumis à aucune réglementation, livrant les employés aux humeurs de leurs employeurs. Les acteurs, en général des femmes et filles vulnérables, sont souvent issus de milieux serviles, de la migration ou de l’exode rural.

Les travailleurs domestiques doivent pourtant disposer de compétences avérées en matière de cuisine, de propreté et de soins pour enfant, ce qui requiert une formation, souvent acquise dans le tas au sein de leur famille d’origine. Mais la plupart des travailleurs domestiques mauritaniens disposent de peu de compétences.

La professionnalisation du secteur du travail domestique, selon Kassougué, va faire entrer les acteurs dans le salariat, donc la contractualisation formelle, à améliorer la qualité des services auprès des foyers et ainsi relever le niveau de rémunération des acteurs, grâce à un emploi diplômant ou certifié par un centre de formation reconnu.

Cette démarche, d’après lui, va injecter sur le marché de l’emploi, des travailleurs domestiques qualifiés, augmenter l’offre de formation dans le secteur, étendre géographiquement l’exercice d’un métier qui ne ferait plus honte et accroître la capacité organisationnelle des organisations socioprofessionnelles à mobiliser autour de la structuration et de la formalisation de la pratique du métier.

Partenaires de mise en œuvre

Vue partielle de la salle – Crédit Aidara

Le projet de développement des compétences professionnelles dans les métiers du secteur de l’emploi domestique mobilise, outre le MASEF et le BIT, d’autres acteurs, tels que le Ministère de l’Emploi, à travers l’agence Techghil, l’INAP, mais aussi le Centre de formation et d’autonomisation des femmes (CFAF), ex- Centre de formation et de promotion féminine relevant du MASEF.

Ouverture officielle

L’ouverture officielle de l’atelier sur « le développement des compétences professionnelles dans les métiers du secteur de l’emploi domestique » a été lancée par la Conseillère chargée du Genre au MASEF, en présence du conseiller juridique du ministère et de la directrice du CFAF.

Cette dernière, Mme Seyida Jeireb a présenté une communication sur son centre qui a été créé en 1974, avec 15 antennes régionales et des équipes de formation mobile. Le centre qui envisage d’intégrer une formation sur le travail domestique, à partir de la nouvelle stratégie, forme des jeunes filles, la plupart victimes de déscolarisation, dans 24 spécialités.

Cheikh Aïdara

Témoignages

Conseillère chargée du Genre

« Il faudrait organiser un nouveau dialogue social et procéder à la mise en œuvre du cadre juridique existant afin que tous les acteurs, employeuses et travailleuses, en soient imprégnés »

Vatimetou Mint Selman, représentante des employeuses de domestiques, Kiffa

« Cette stratégie vient à point nommé, car en général les ménages au niveau de Kiffa recrutent une bonne et se rendent compte après qu’elle ne connaît rien aux travaux ménagers et ne dispose d’aucune compétence. C’est pourquoi, il est nécessaire que les travailleurs domestiques, mais aussi les employeuses, soient formées car ces dernières ignorent également comment elles doivent traiter leurs employées, et empiètent souvent sur leurs droits. Depuis que l’annonce a été faite à Kiffa de l’existence de la cellule, mise en place par le MASEF et le BIT, les demandes affluent. Nous disposons d’un bureau composé de représentants des travailleuses, des employeurs et de l’autorité. Nous gérons les travailleuses, sur présentation de leur carte d’identité et nous savons pour quel ménage elles travaillent, nous les aidons dans la formulation du contrat du travail et nous pouvons suivre leur situation. Ce qui leur offre une garantie solide, et pour les employeuses de savoir à qui elles ont affaire. Ce n’est pas comme avant, où les familles ne savaient pas l’identité réelle de celles qu’elles engagent ».

Aïchetou Mint Bilal, représentante des femmes travailleuses domestiques, Kiffa

« Mon rôle est de sensibiliser les travailleuses domestiques, sur leur mission et son importance. Nous avons déjà commencé à sensibiliser dans les quartiers de Kiffa et nous demandons aux travailleuses de ne pas accepter un emploi sans passer par notre bureau. Nous enregistrons leur carte d’identité et leur numéro de téléphone dans nos registres, ce qui nous permet d’être informé de leur situation et en cas de différend avec leurs employeurs, nous les aidons à régler le problème. C’est une double garantie aussi bien pour les travailleuses que pour les employeuses. L’employeuse saura que la bonne qui lui est confiée dispose d’un contrat de travail, avec un salaire défini à l’avance et ses jours de repos. La formation envisagée va nous permettre, employeurs comme travailleurs, d’acquérir des compétences ».

Hasnya Mint Lemrabott, représentante de l’autorité

« Cette expérience est vraiment la bienvenue, car cela fait quelques mois à Kiffa que la sensibilisation est presque complète. Nous avons réuni les employeuses et les travailleuses et nous avons entamé des dialogues fructueux. Il faut reconnaître que le travail domestique comme beaucoup d’autres domaines est resté pendant longtemps géré dans la pagaille et le désordre. Les employeuses ne donnaient aucune importance aux travailleuses et ces dernières également ne prenaient pas leur métier au sérieux. Avec cette nouvelle stratégie, nous nous sommes organisés et nous discutons de tous les points dans un parfait consensus. Depuis, les demandes pleuvent, chacun nous demande l’adresse de notre siège. Les employeuses sont surtout excitées à l’idée qu’il va y avoir des domestiques formées et spécialisées et elles sont demandeuses de ce genre de compétences. Je crois que cela va contribuer à améliorer les salaires, qui varient pour le moment entre 15.000 et 25.000 anciennes ouguiyas. Avec les formations professionnelles annoncées, les salaires vont certainement s’améliorer ».


Cas de Souvi Ould Cheine, le collectif de défense dénonce une forfaiture

Lors de sa dernière réunion il y a quelques jours, le Haut Conseil de la Magistrature, sous la présidence de Mohamed Cheikh Ghazouani, a affecté le juge d’instruction Ahmed Bezeid Ould Ahmed Naji en charge de l’enquête sur le meurtre de l’activiste Souvi Ould Cheine, assassiné en février 2023 dans les locaux du commissariat de Dar Naim 2 à Nouakchott.

Selon les avocats de la défense, cette mesure va fortement entraver les procédures en cours, étant entendu que le nouveau magistrat risque de prolonger l’enquête puisqu’il lui faudra du temps pour s’imprégner des tenants et aboutissants du dossier, explique-t-il.

Les avocats dénoncent un acte contraire aux règles établies dans un état de droit, soutenant qu’un juge assis ne peut être affecté que sur sa demande ou en cas de fortes contraintes. Ils précisent que le juge a été dessaisi sans son consentement et sans qu’un motif valable ne soit avancé, sinon l’empêcher de conduire l’enquête jusqu’au bout.

En effet, les avocats de la défense soutiennent que depuis qu’il a pris en charge cette enquête, le juge a fait preuve de professionnalisme et de probité morale, et que les procédures étaient conduites en toute impartialité et transparence.

Me Ely a ainsi dénoncé une tentative d’entraver l’action de la justice, s’étonnant que ce soit la plus haute instance judiciaire du pays, le Haut conseil de la magistrature sous la présidence de Mohamed Cheikh Ghazouani, le Président de la République, qui ait pris une décision contraire aux principes en vigueur dans un état de droit. Me Ely a clairement déclaré que cette décision serait motivée par le fait que le principal suspect dans cet assassinat ignoble commis dans un commissariat de police, c’est la Direction de la Sûreté Nationale.

Cette déclaration a été faite lors d’une conférence de presse que le collectif de la défense a animée le mercredi 19 juillet 2023.

Me Yacoub Diallo, un des doyens du barreau, trouve que cette réunion du Conseil de la Haute Magistrature avait, en toute apparence un seul objectif, dessaisir le juge d’instruction, pour l’empêcher de poursuivre l’excellent travail qu’il avait engagé dans l’enquête, avec un professionnalisme, une impartialité et une transparence saluée par tous ses confrères.

Me Bah, Me Jemila et Me El Id, ont abondé dans le même sens, fustigeant une malencontreuse démarche incompréhensible de la part du Haut conseil de la magistrature qui risque de lui enlever toute crédibilité et de salir l’image du système judiciaire en Mauritanie.

Ils ont exhorté le président Mohamed Cheikh Ghazouani à revenir sur cette décision et de laisser l’enquête suivre son cours normal sans ingérence dans le travail du magistrat qui conduit cette affaire depuis son début.

En effet, plusieurs sources parlent de pressions qui ont été exercées sur le juge pour orienter l’enquête qui pourrait déboucher sur un scandale qui risque d’éclabousser tout l’appareil d’état. Certains soutiennent en effet que la Police nationale ne serait pas tout à fait innocente dans cette affaire.

D’autre part, certains trouvent suspects les sommes colossales que l’Etat a versé aux ayants droits. Le Président Ould Ghazouani leur aurait envoyé par émissaires interposés la somme de 14 millions d’ouguiyas, sans compter les montants versés par des proches du pouvoir, tels que le Patronat mauritanien qui aurait déboursé plusieurs millions aux lendemains de la disparition de Souvi, sans compter d’autres supposées bonnes volontés dont certains ont déclaré prendre en charge les frais de scolarité des enfants du défunt jusqu’à leur majorité.

Aux dernières nouvelles, toutes ces sommes d’argent ont créé des zizanies au sein de la famille de Souvi, notamment ces deux épouses qui n’auraient rien reçu des montants alloués.

Cheikh Aidara