aidara

Birame Dah Abeid reçoit le Prix Cicérone en marge d’une conférence à Arpino en Italie

Après la ville de Terni où il s’est exprimé le 15 septembre dernier à la Place du Théâtre, devant un parterre de personnalités sur le combat antiesclavagiste de son organisation en Mauritanie, le député et président de l’Initiative de résurgence du mouvement abolitionniste (IRA), Birame Dah Abeid, poursuit sa tournée en Italie. Le 18 septembre 2021, il recevait le prix Cicérone en marge d’une conférence tenue dans la ville d’Arpino, sur les droits humains et les droits constitutionnels en Afrique, cas de la Mauritanie.

Birame reçoit des mains du maire d’Arpino le trophée Cicérone – Crédit IRA

Birame Dah Abeid, député et président du mouvement IRA, a tenu un discours très suivi à la mairie de Arpinum (Arpino) en Italie, le 18 septembre 2021. Ce discours précédait une conférence sur la crise du droit constitutionnel en Afrique et dans le monde arabe qu’il a animée en compagnie de Mario Patrono, professeur émérite du droit public comparé, et Giorgio Piras, professeur de philosophie classique. En toile de fond de cette conférence, une réflexion sur l’œuvre de l’homme d’Etat, homme de lettres et juriste romain, Marcus Tilluis Cicérone (106-43 avant Jésus Christ).

Birame et les deux conférenciers Mario Patrono et Giorgio Piras – Crédit IRA

Dans son intervention, Birame a brossé une biographie assez exhaustive de Cicéron, car selon lui, « on ne peut pas venir à Arpino sans parler de ce grand juriste qu’est Cicéron ». C’est une personnalité historique connue, selon lui, par son éloquence et son plaidoyer permanent en faveur du droit, qu’il oppose à la loi du plus fort. Cicéron, d’après lui, a ainsi toujours dénoncé à son époque le coup d’Etat comme mode de prise du pouvoir politique. « Le destin ambivalent de Cicéron rappelle que l’action politique d’un homme ou d’un groupe dure dans le temps et s’enracine si elle s’adosse sur des valeurs morales et de justice, comme elle s’estompe quand elle s’écarte de ses mêmes valeurs. » a souligné Birame. Selon lui, l’héritage laissé par Cicéron, parle aujourd’hui aux Africains et au monde musulman qui sont porteurs d’un cancer qui s’appelle « les coups d’Etat », rappelant dans ce cadre le triste record détenu dans ce domaine par la Mauritanie, et les évènements récents en Guinée.

Par la suite, Birame est entré dans la genèse du mouvement abolitionniste IRA dont l’objectif à ses débuts en 2008 était, d’après lui, tourné vers la défense des droits humains, sans aucune visée politique. Il a évoqué dans ce cadre le contexte particulier en Mauritanie, avec la persistance de l’esclavage et sa légitimation, ainsi que le racisme domestique de l’Etat qui prévalait à l’époque. Cela s’est traduit par ce qu’il appelle l’arme de la subversion utilisée par IRA pour combattre les dogmes obscurantistes qui font la promotion de l’esclavage et codifiaient selon lui, un mode de vie séculaire et moyenâgeux qui mettaient en servitude une partie de la population. Il a rappelé aussi les exactions que lui et ses partisans ont subi, amplifiés par les médias et soutenus par les religieux. « A la violence, nous avons répondu par la non-violence » a-t-il martelé. Il a aussi évoqué les procès et les poursuites dont ils furent objet, et la solidarité internationale qui s’en est suivi avec la création de IRA-Italie puis IRA-France et le mouvement populaire à l’intérieur.

Photo de groupe – Crédit IRA

Birame a aussi parlé de son entrée en politique avec la création de l’aile politique de son mouvement, le parti RAG, qui sera selon lui, frappé de non reconnaissance comme son pendant des droits de l’homme IRA. Il a évoqué dans ce cadre son mariage de raison avec le parti Sawab, son emprisonnement avant les législatives et son élection comme député. Puis, de sa candidature à la course présidentielle, pendant laquelle, il déclare avoir gagné les cœurs des laissés pour compte de la société ainsi qu’une partie des classes dominantes. Se disant victime d’un hold-up électoral à l’issue du scrutin de 2019, il a expliqué son rôle dans le dénouement de la crise politique qui s’en est suivi, ainsi que le processus de dialogue et de concertation que le président Ghazouani a institué par la suite avec l’ensemble de la classe politique.

Birame a parlé des bons rapports qu’il entretient avec le Chef de l’Etat et dit fonder son espoir de voir ses ambitions se réaliser aux termes de la prochaine échéance. Selon lui, la réalisation de ses objectifs dans le domaine des droits humains, de la lutte contre l’esclavage et des multiples problèmes encore en instance en Mauritanie, passe nécessairement par la prise du pouvoir exécutif d’une manière légale et démocratique.

A la fin de son discours et de la conférence sur le thème « Liberté c’est la faculté de Vivre comme on veut », Birame a reçu des mains de Renato Réa, maire de la ville d’Arpino, le Prix Cicérone. La conférence qui l’avait réuni sur le plateau avec deux autre éminents professeurs, Mario Patrono et Giorgio Piras, était modéré par l’assesseur culturel Nicolo Casinelli, en présence du vice-président du Conseil régional Mauro Buschchini et une pléthore de professeurs. Avaient assisté également à la rencontre Yacoub Diarra, Président de IRA-Italie et son épouse Ivana, mais aussi l’épouse de Birame Dah Abeid, Leïla Ahmed.

Cheikh Aïdara


Intervention très suivie de Biram Dah Abeid à Ternie en Italie

Le député et président du Mouvement abolitionniste(IRA) Birame Dah Abeid actuellement en Europe a prononcé hier sa première allocution au cours de ce séjour sur le vieux continent.

Ce discours chaudement applaudi a eu pour cadre la ville italienne de Ternie, qui accueille les artistes, activistes des droits de l’Homme et hommes politiques, qui soutiennent IRA-Mauritanie dans sa lutte pour les droits humains, l’Etat de droits et le développement en Mauritanie.

La foule qui se pressait pour écouter cette allocution était constituée d’artistes,  d’intellectuels,  de défenseuses de droits humains, et par toute la communauté de militants de IRA Italie, la plus ancienne d’Europe.

C’est donc sous un tonnerre d’applaudissement et devant un amphi archicomble, que le député et leader du mouvement abolitionniste IRA a remercié d’emblée toute l’assemblée et plus particulièrement cette organisation pour « son soutien dès le début et son soutien pour toujours. »

« Les premières oreilles attentives à notre cause, je les ai trouvées en Italie »

Et il entra dans le vif du sujet en prononçant le discours que voici : «  Au début de mon combat et en 2009, lorsque je suis venu en Europe pour la première fois les premières oreilles attentives à notre cause, je les ai trouvées en Italie. D’abord en la personne d’Ivana Dama. Ensuite tous les autres Antonio, Marco…sans oublier les gens du parti radical, les gens de Amnesty, sans oublier les universitaires.

Ainsi l’Italie a constitué le premier foyer en Europe, en Occident, en dehors de la Mauritanie qui soutenait notre cause à nous.

« Nous étions interdits en Mauritanie. Nous étions pourchassés, diabolisés »

Nous étions interdits en Mauritanie. Nous étions pourchassés, diabolisés. On nous interdisait de nous réunir. On nous interdisait d’aller contacter les gens et leur parler. Nous étions traînés devant les tribunaux dans des procès d’opinion, des procès politiques. Et les jeunes hommes qui me suivaient dans cette lutte étaient torturés. Torturés dans les cachots de la police mais aussi publiquement.

Yacoub en connaît quelque chose. Il a subi un mois de torture dans un commissariat de police. Personne ne savait où il se trouvait. Il n’avait aucun soutien. Il était battu, martyrisé, privé de manger, privé de boire, privé de sommeil.

Leila aussi a été a plusieurs reprises agressée. Ella été défigurée par une bombe lacrymogène. Elle a perdu beaucoup de sang. Et depuis lors elle met des lunettes pour corriger sa vision.

Ces gens ont été aussi lourdement éprouvés par les agressions de la police.

30 policiers dans la rue ont fait subir à Leila une séance publique de tabassage devant les caméras.

« Au bout de dix ans, on a subi dix sept (17) procès politiques, des procès d’opinion, de 2009 à 2019 »

J’ai cité la violence physique qu’ont subie Yacoub et Leila parce que ce sont les seuls militants présents ici aujourd’hui.

Des dizaines d’autres jeunes femmes, jeunes hommes ont subi aussi autant de maltraitance, d’exactions de tortures ; autant de violences et d’humiliations.

Au bout de dix ans, on a subi dix sept (17) procès politiques, des procès d’opinion, de 2009 à 2019. Des dizaines de militantes et de militants ont été blessés, handicapés à vie parfois. Des dizaines de nos militants ont été condamnés à des peines qui arrivent à 15 ans de prison parfois. Nous avons été presque sous un blocus dans notre quartier, le quartier de PK, le quartier où se trouve ma maison qui a été visité par Ivana, par Marco. Donc nous avions été mis à l’écart de la vie nationale pendant 10 ans. Nos militants ne pouvaient pas travailler, ni dans le secteur public ni dans le secteur privé. Ils ne pouvaient pas aller à l’intérieur du pays. Nous étions fichés, surveillés. La vie était dure. C’était une prison qui s’ajoute à l’autre prison qu’on visitait de manière récurrente. Au bout de dix ans j’ai fait 4 prisons insalubres dans des lieux différents (Nouakchott, Rosso, Aleg) et même pour mes amis (Nouakchott, Aioun, Bir Moghrein…) Tout le pays était une prison pour IRA, pour Biram et ses militants. Parce qu’on a décidé d’affronter l’esclavage qui sévit dans nos milieux depuis plus de 1000 ans. Et l’esclavage a été pratiqué avant l’islam mais il a été renforcé par les enseignements islamiques des castes et des groupes dominants. Des enseignements qui ont été instrumentalisés pour légitimer, codifier et pratiquer l’esclavage. La population esclave et les castes d’esclavage chez nous sont parmi le peuple depuis plusieurs générations, depuis plusieurs siècles.

« La réaction des groupes dominants qui bénéficient de l’esclavage et de l’Etat qu’ils dominent était une réaction très dangereuse »

On a voulu casser la chaîne. On a voulu rompre la chaîne. C’est pourquoi nous nous sommes levés. On a décidé de faire la subversion contre une idéologie sociale, d’un code de vie, d’un code d’honneur basé sur l’esclavage. C’est pourquoi l’ambition était grande. Les défis étaient grands. Et la réaction des groupes dominants qui bénéficient de l’esclavage et de l’Etat qu’ils dominent était une réaction très dangereuse, une réaction de destruction. Ils voulaient nous détruire. Ils voulaient nous éradiquer parce que nous sommes en train de changer leur mode de vie c’est-à-dire que nous avons décidé de faire entrer les esclaves dans l’humanité. Toute cette idéologie que nous combattons signifie que l’humanité n’est pas faîte pour l’esclavage.

« Nous avons choisi la non violence  mais avec une fermeté sur les principes »

Et pour bien maîtriser l’esclave et l’exploiter il faut le sortir de l’humanité. Et en le sortant de l’humanité on utilise des moyens inhumains, des moyens violents, physiquement, moralement et intellectuellement. Le choc entre nous et eux était un choc violent. Et pour atténuer la violence de ce choc, nous avons choisi la non violence  mais avec une fermeté sur les principes. Une détermination, une attaque par les mots, par des idées qui les oblige à réagir. Ils ont réagi en décidant de me condamner à mort. Une fois Yacoub et moi nous étions dans le lot des condamnés. Mais cette confrontation on la gère à l’image de la gestion que Gandhi et Martin Luther King ont faîte pour leurs bourreaux. C’est pourquoi on a aidé les esclaves à se relever, à se sentir des humains, à développer l’espoir, à prendre le chemin de la liberté. Nous les avons aidés à faire des pas vers la liberté. Mais pas seulement les esclaves, nous avons aussi aidé les bourreaux par notre démarche morale, par nos principes de fraternité. Mais par notre détermination dans les principes, sur la justesse de cette cause cela a fait que beaucoup de membres du groupe dominant ont révisé leurs calculs. Ils ont revu leur copie vis-à-vis de nous. Ils ont revisité la conception qu’ils se faisaient de nous. Nous nous sommes imposés donc par notre force de caractère moral. Nous nous sommes imposés par l’espoir que nous avons fait naître chez les plus faibles. Nous nous sommes imposés parce qu’on a mobilisé les plus faibles et les plus nombreux. Nous les avons convaincu. En dehors du principe moral on a impacté sur la société ; un impact politique parce que on a utilisé la démocratie où ce qui nous ai donné comme manque de liberté dans une démocratie contrôlée du temps du dictateur Aziz, la démocratie qu’il a bien contrôlé, des portions de liberté lui ont échappé et nous les avons saisi en tant qu’opportunistes humanistes.

« Nous avons utilisé peu de moyens pour dominer moralement la campagne politique »

Nous avons profité de ces petites portions de liberté démocratique pour entrer en compétition politique. Entre nous et Marco était présent pendant la campagne présidentielle. Ils ont vu comment nous avons utilisé peu de moyens pour dominer moralement la campagne politique pour gagner les cœurs des personnes épris de justice et nous sommes sortis vainqueurs.

Mais le pouvoir arbitraire a décidé autrement. Nous avons laissé passer pour éviter les morts, pour éviter l’effusion de sang car notre objectif c’est l’humanité. Ce sont les hommes. Ce sont les femmes. Ce sont les enfants. Et on ne peut pas les servir en les tuant. Ou en les laissant mourir ou en participant dans un conflit qui peut tuer ne serait-ce qu’une seule personne. C’est notre principe de base.

Mais, l’impact que nous avons eu sur la société est un impact moral, un impact social, un impact idéologique, mais un impact politique parce que en matière de démocratie, c’est le vote qui constitue un indicateur de performance et nous sommes la première force électorale en Mauritanie.

En nous donnant la liberté le successeur de Aziz a fait une première action positive

Notre projet suit son cours mais l’environnement politique a changé.

Le président qui nous a tend réprimé est maintenant derrière les barreaux.

Son successeur nous tend la main. Il nous a tendu une main nous lui avons tendu deux mains parce que nous voulons la paix. Et nous sommes sûrs que dans la paix nous allons gagner. La pratique de l’esclavage perdure. Les victimes de l’esclavage continuent à souffrir comme avant. Mais le président actuel a décidé de cesser d’arrêter et de faire souffrir les militants anti-esclavagistes. Et il a dit qu’il est prêt à discuter avec nous. Il est prêt à nous laisser libres de nos mouvements et de mener nos activités. Il est prêt à nous laisser avoir des partis et des organisations reconnus. Il dit qu’il est prêt à nous écouter. Il dit qu’il ne s’interpose pas car nous on gagne des élections.

C’est ça le changement qu’il a apporté. Mais il n’a pas encore apporté un changement sur l’esclavage, sur les pratiques esclavagistes, sur l’égalité sociale. Mais étant donné qu’il a donné cette liberté qui était confisquée, nous considérons que c’est quelque chose de positif et que c’est une première action positive. De ce fait la liberté et la paix qu’il a données nous allons les utiliser pour que nous arrivions qu pouvoir et régler à la racine la question de l’esclavage, la question de la discrimination raciale, la question de la démocratie, la question de la justice sociale. C’est ça notre ambition. »

Notons qu’aux côtés de Birame il y avait son épouse  et compagne de lutte Leila Ahmed Hmaida. Le public avait auparavant visionné  le documentaire sur le combat d’IRA et Birame Dah Abeid en Mauritanie, un film documentaire réalisé par l’universitaire et cinéaste Italien natif de la ville de Terni, Marco Piantoni.

Bakari Guèye

Source : https://initiativesnews.com/intervention-tres-suivie-de-biram-dah-abeid-a-ternie-en-italie/


Communiqué de presse : La nouvelle directrice régionale prend ses fonctions au bureau régional de l’Afrique de l’Ouest et du Centre de l’UNFPA

Dakar, Sénégal – 3 septembre 2021 : Suite à sa nomination par la Directrice Exécutive du Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA), Dr. Natalia Kanem, la nouvelle Directrice Régionale du Bureau régional de l’Afrique de l’Ouest et du Centre de l’UNFPA Mme Argentina Matavel Piccin a pris fonction à Dakar, au Sénégal, en remplacement de M. Mabingue Ngom, affecté à d’autres fonctions.

Mme Matavel arrive de l’Asie, où elle a dirigé le bureau de l’UNFPA en Inde. Elle fut la Représentante Résidente de l’UNFPA en Côte d’Ivoire de 2017 à 2019. Dans ses propres mots, “mon arrivée à Dakar signifie un retour à la maison…. Je suis une fille de l’Afrique, prête à donner sa contribution pour l’accélération des trois résultats transformateurs et les objectifs de développement durables”.

Ressortissante du Mozambique, Mme Matavel Piccin a plus de 25 ans d’expérience dans la conduite de programmes dans des contextes de développement et humanitaires complexes dans le système des Nations Unies et le secteur non-gouvernemental. Depuis qu’elle a rejoint l’UNFPA en 2006, Mme Matavel a été représentante au Botswana, en Mongolie, au Bangladesh, en Côte d’Ivoire et en Inde. Elle a réussi à repositionner l’agenda de la Conférence Internationale pour la Population et le Développement (CIPD) dans les priorités nationales, a dirigé la stratégie, la vision et la planification des activités et a forgé et entretenu des alliances et des partenariats stratégiques.

Avant l’UNFPA, elle a occupé des postes de direction au Mozambique et aux États-Unis pour World Vision International, une ONG humanitaire et de développement de premier plan.

Tout au long de sa carrière, Mme Matavel a été une ardente défenseuse des droits, de l’accès et des choix pour tous, en particulier pour les femmes et les filles. En se concentrant sur ceux qui sont le plus laissés pour compte, elle a mené des programmes visant à améliorer la qualité des soins de santé en renforçant les professions de sage-femme, en améliorant les soins obstétriques d’urgence et les soins aux nouveau-nés, ainsi que la prévention et la réponse à la violence sexiste.

Pour ses contributions, Mme Matavel a été honorée du Polar Star Award par le Gouvernement Mongol et s’est vu décerner la médaille d’officier de l’ordre national du mérite par le Gouvernement de Côte d’Ivoire.

Mme Matavel est titulaire d’une maîtrise en développement international de l’American University, Washington, DC, ainsi que d’un Certificat vers une maîtrise exécutive en gestion des politiques publiques de l’Institut de politique publique de l’Université de Georgetown (GPPI), Washington, DC.

Contact :

Jacob Enoh Eben | Conseiller régional en communications | UNFPA WCARO | Dakar, Sénégal

Tel: +221 33 859 8228

Cell: + 221 77 358 6662 | eben@unfpa.org


Dernière Plateforme de lutte contre les violences basées sur le genre : Nouadhibou, ses ports et sa population hétéroclite bouclent la boucle

Nouadhibou ferme, ce 31 août 2021, le long processus d’installation de plateformes multisectorielles de lutte contre les violences basées sur le genre, que le Ministère des Affaires Sociales, de l’Enfance et de la Famille (MASEF), avec l’appui du Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA), a entamé depuis le 8 août 2021 dans les 15 capitales régionales du pays.

Vue de la table officielle – Crédit Aidara

« Rien qu’au cours de ce mois, nous avons recensé près de 80 cas de viol à Nouadhibou » affirme Hawa Bâ, Sage-femme, Point Focal Santé de la Reproduction à la Direction régionale de la Santé à Nouadhibou et membre de la plateforme multisectorielle de lutte contre les Violences Basées sur le Genre (VBG) qui vient d’être installée. Parmi les victimes, des jeunes filles et des garçons, selon elle.

Ce témoignage a été recueilli en marge de la cérémonie d’installation de la Plateforme multisectorielle de lutte contre les violences basées sur le genre dans la Capitale économique, le 30 août 2021. Il s’agit de la 15ème et dernière plateforme dans une longue liste qui a englobé depuis le 8 août 2021, toutes les Wilayas du pays.

La chute des valeurs et l’éclatement des liens sociaux comme facteurs de violences

Le Wali Mouçaid-Crédit Aïdara

Annonçant l’installation officielle de la plateforme, le Wali Mouçaid Chargé des Affaires Politiques et Sociales de la Wilaya de Dakhlet-Nouadhibou, M. Moustapha Ould Mohamed El Mokhtar, a affirmé que le respect des droits humains est l’un des piliers essentiels de la religion musulmane qui honore l’Homme sur terre et sur mer. « En tant que musulman, il nous est recommandé de nous entraider. La religion nous interdit le bien, le sang et l’honneur du musulman, notre frère » a-t-il cité, puisant ses sources du Coran et de la Sunna. Il a cependant relevé l’apparition de formes de violences étrangères à nos valeurs et dont les principales victimes sont les femmes et les jeunes filles. Ces violences seraient dues selon lui, à l’éclatement des liens sociaux et des cellules familiales, le relâchement du rôle des parents dans l’éducation des enfants. « Tous ces éléments réunis parmi d’autres, sont à la source des formes de déviance observées chez les jeunes, notamment la délinquance juvénile, la création de bandes criminelles organisées, le tout boosté par l’utilisation de plus en plus répandue des substances psychotropes » a-t-il cité.

Le Wali a aussi mis en exergue comme facteurs multiplicateurs des violences, la mondialisation, la situation économique difficile et la chute des pouvoirs d’achat, dont les effets se traduisent aujourd’hui par la fragilité sociale et la chute des valeurs de la société mauritanienne qui donnait une place de choix à la femme. Selon lui, sans l’union des forces, toute lutte est vouée à l’échec. « Nous saluons l’initiative prise par le MASEF de créer un cadre de concertation et de coordination réunissant les départements de l’Etat et la société civile, avec la femme comme cible de protection » a-t-il mentionné. Et de poursuivre, « c’est dans ce cadre qu’intervient l’organisation de cet atelier d’installation de la Plateforme multisectorielle de lutte contre les VBG à Nouadhibou et dont j’ai l’honneur d’annoncer officiellement la mise en place ». Ce cadre regroupe les acteurs clés intervenants dans ce domaine, la Direction régionale à l’Action Sociale qui assure la présidence, les départements de l’Education, la Santé, la Justice, les Affaires Islamiques, la Police, la Gendarmerie et la société civile.

Pendant deux jours, les 30 et 31 août 2021, les 15 membres de la plateforme ont suivi une formation complète sur les VBG, mais surtout, sur le rôle et le fonctionnement de ce cadre de coordination. Cette formation a été dispensée par Mme Neya Mint Hally, Experte auprès du MASEF.

Les violences sur le genre, entre silence, stigmatisation et honte

M. Seynath Aidara-Crédit Aidara

M. Seynath Aidara, Représentant adjoint de l’UNFPA Mauritanie, a pour sa part indiqué que « la violence à l’égard des femmes et des filles constitue l’une des violences des droits humains les plus répandues, les plus persistantes et les plus dévastatrices dans le monde ». Ces violences demeurent également, selon lui, l’une des moins signalées à cause du silence, de la stigmatisation et du sentiment de honte qui l’entourent.

« Les chiffres sont alarmants, plus de 750 millions de femmes et de filles dans le monde ont été mariées avant leur 18ème anniversaire, plus de 200 millions de filles ont subi une mutilation génitale féminine, 71% des victimes de la traite humaine dans le monde, sont des femmes et des filles » a-t-il illustré.

Pour M. Seynath Aidara, la promesse des Objectifs de Développement Durable (ODD), « Ne laissez personne de côté » ne peut être remplie sans mettre fin aux violences à l’égard des femmes et des filles. Selon lui, pour que les ODD auxquels les Nations du monde ont adhéré soient atteints et aient des résultats significatifs, des mesures doivent être prises pour briser le cycle de la violence qui prive des millions de femmes et de filles de leurs droits fondamentaux et de leurs capacités à contribuer au progrès économique et social de leur nation.

Il a saisi l’occasion pour saluer les efforts fournis par le gouvernement mauritanien dans la lutte contre les violences faites aux femmes et aux filles. « La mise en place des 15 plateformes multisectorielles de lutte contre les violences basées sur le genre dans le pays en est une parfaite illustration » a-t-il souligné. Il a appelé les participants à conjuguer leurs efforts pour sensibiliser l’opinion nationale sur les dangers liés aux violences sexistes et sexuelles, le mariage des enfants, les mutilations génitales féminines, la traite et le travail des jeunes filles, les violences domestiques et physiques, pour ne citer que celles-là.

Il a réitéré la disponibilité de son institution, l’UNFPA, à apporter son soutien nécessaire en matière de prévention et de prise en charge des violences basées sur le genre afin que les femmes et les enfants, notamment les filles, soient en mesure de revendiquer leurs droits et soient protégées de la violence.

Directrice Régionale Action Sociale-Crédit Aidara

Auparavant, la Directrice de la Promotion de la Famille, de la Femme et du Genre auprès du MASEF, Mme Lebneik Mint Soule et la Directrice régionale à l’Action Sociale de Dakhlet-Nouadhibou, Mme Vowghoum Mint Ahmed Salem, s’étaient exprimé pour expliquer l’importance de la plateforme dans la lutte contre les violences faites aux femmes et aux filles au niveau du pays et à Nouadhibou, en particulier. La rencontre s’est déroulée en présence du Directeur de cabinet du Wali de Dakhlet-Nouadhibou, assurant l’intérim du Préfet de Nouadhibou, M. Cheikh Ould Mohamed Hassen, Mme Khadijetou Cheikh Lô, Chargée de Programme Genre et M. Bâ Mamadou Chargé de Communication à l’UNFPA.

Mme Khadijetou Lô-Crédit Aidara

Au cours des débats, certains intervenants ont mis en exergue le caractère particulier de Nouadhibou, ville économique, avec ses industries minières, ses ports et ses usines de pêche. Mais aussi, ville cosmopolite, avec des flux de migrations forts, certains venant des villes de l’intérieur du pays, avec également des centaines de migrants africain, asiatiques et d’autres nationalités. Ce qui fait de Nouadhibou, la deuxième ville la plus exposée aux violences et au banditisme après Nouakchott, la Capitale.

Cheikh Aïdara

Témoignages

Mme Lebneik Mint Soule, Directrice de la Promotion de la Famille, de la Femme et du Genre auprès du MASEF

 » La mise en place des plateformes multisectorielles de lutte contre les violences faites aux femmes et aux filles par le MASEF est une réponse face à l’ampleur de plus en plus grande des violences qui constituent un phénomène étranger à notre société qui vouait un respect particulier aux femmes et aux filles. La nature quotidienne de ces violences a poussé le ministère des Affaires Sociales à réfléchir à une solution pérenne pour y mettre fin, et c’est justement l’objet de ces plateformes qui constituent un cadre multisectoriel englobant l’ensemble des acteurs qui interviennent dans le domaine. Après cette première étape qui a ciblé les 15 capitales régionales, les étapes suivantes vont concerner les Moughataas, puis les communes, pour rapprocher ces cadres des populations et des cibles « .

Mme Hawa Bâ, Sage-femme, Point Focal SR à la Direction régionale de la Santé à Nouadhibou, membre de la plateforme

 » Je remercie le MASEF et l’UNFPA pour avoir mis en place cette plateforme et cette formation qui nous a permis d’accumuler de nouvelles connaissances et pratiques dans la prise en charge des survivants(es). Lorsque je travaillais à la PMI (service Protection Maternelle et Infantile : ndlr), une survivante qui se présentait avec une réquisition, le document transitait par le médecin avant qu’on ne passe à l’interrogatoire et à la consultation et on renvoyait le tout de nouveau chez le médecin. Même si j’ai quitté la PMI, j’ai appris qu’il y a eu des changements. Maintenant, les survivantes doivent voir un gynécologue pour la signature et la confirmation. La plateforme va changer la donne, car maintenant, les cas de VBG sont automatiquement transférés vers les membres de la plateforme et ces cas sont discutés en coordination avec les autres membres pour sa prise en charge. Il faut dire qu’il y a toutes les formes de violences à Nouadhibou, notamment les viols des petites filles et des garçons. Près de 80 cas ont été recensés rien qu’au cours du présent mois d’août et les victimes appartiennent à toutes les classes sociales, en particulier les populations vulnérables de la périphérie« .