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Première activité du nouveau Commissaire aux droits de l’homme : « la Mauritanie a enregistré un bond qualitatif dans la lutte contre l’esclavage »

Pour sa première sortie officielle depuis sa nomination le 26 mai 2021, le nouveau Commissaire aux Droits de l’Homme, à l’Action Humanitaire et aux Relations avec la Société Civile, M. Cheikh Ahmedou Ould Ahmed Salem Ould Sidi, a présidé une rencontre sur la loi 2015-031 incriminant l’esclavage et réprimant les pratiques esclavagistes. Cette activité a été organisée le 8 juin 2021, en collaboration avec le Bureau Mauritanie du Haut-commissariat des Nations Unies pour les droits de l’homme et le Projet Bridge du BIT.

« La Mauritanie a enregistré un bond qualitatif dans la lutte contre l’esclavage et toutes ses formes contemporaines, ce qui a été hautement apprécié par l’ensemble des partenaires et des acteurs actifs dans le domaine » a-t-il souligné.

La rencontre s’est penchée sur l’application de la Loi 2015-031 et les mesures prises par la Mauritanie pour consolider l’arsenal juridique et institutionnel relatif à la lutte contre l’esclavage. Il a rappelé dans ce cadre la ratification par le pays des plus importantes conventions internationales des droits de l’homme, l’adoption d’une loi incriminant les pratiques esclavagistes ainsi que la création de tribunaux spécialisés dans ce domaine et l’adoption d’une loi sur l’aide judiciaire.

Dans son intervention, le Commissaire a souligné que son département a adopté un plan d’action national pour éradiquer le trafic des personnes dans toutes ses formes, y compris le travail forcé.

Il a ajouté que les dispositions sont prises dans le cadre de ce plan d’action national pour réaliser une étude sociologique spécialement destinée à cerner le phénomène du travail précoce et du travail forcé pour établir un diagnostic sur sa dynamique, ses causes, ses manifestations et les solutions pour y mettre fin.

La rencontre s’est déroulée en présence du Ministre de la Justice, du Commissaire adjoint aux droits de l’homme, du Chef du bureau du Haut-commissariat des Nations Unies pour les droits de l’Homme à Nouakchott et du Président de la Commission nationale pour les droits de l’homme.

Cheikh Aïdara


A propos des nominations au Commissariat aux droits de l’Homme : Ould Boukhreïss cible d’une campagne mensongère

Quelques sites arabophones, deux en réalité, ont évoqué les récentes nominations que l’ex-Commissaire aux Droits de l’Homme, à l’Action Humanitaire et aux Relations avec la Société Civile, M. Mohamed El Hassen Ould Boukhreïss, a opéré au sein de son département, avant sa nomination comme Ministre de l’Hydraulique et de l’Assainissement.

Les commentaires tissés autour de ces nominations ont poussé ces sites à aller jusqu’à accuser le Commissaire de pratiques délictuelles.

Un site, en particulier « El Ilam » a poussé le bouchon trop loin en faisant accompagner l’information par un commentaire sans équivoque où il associe ces nominations au « vent de corruption et de gabegie qui règne », selon ses propres termes.

Interrogé à ce propos, une source proche du Commissariat aux Droits de l’Homme a affirmé que Ould Boukhreïss a tout simplement pourvu le nouvel organigramme et n’a fait que confirmer des employés qui occupaient les mêmes postes ou qui n’avaient pas de fonctions. « Il s’agit de l’opérationnalisation du nouvel organigramme avec la nomination des chefs de service et chefs de division, après les nominations des conseillers et directeurs en janvier dernier. Aucun employé n’a été recruté. » Et d’ajouter : » Ce mouvement a concerné uniquement le personnel en service au Commissariat avant la nomination de M. Boukhreiss en 2019« .

Et de poursuivre : « Boukhreïss a laissé un excellent souvenir au Commissariat sur les plans des réformes, des réalisations, des acquis pour le personnel et des avancées multiformes. Et ce n’est pas la désinformation qui ternira son bilan et sa bonne réputation ».

Mais en fait la désinformation, la calomnie gratuite et les campagnes de diffamation prennent de plus en plus de l’ampleur dans un milieu de la presse où la bonne graine se mêle inextricablement à l’ivraie.

Il faut dire que le métier de journaliste est de plus en plus dévoyé en Mauritanie, la porte étant grande ouverte à des aventuriers de toute sorte qui ont envahi le milieu et qui jouent de plus en plus des rôles de despérados à la solde de quelques milieux occultes. Cette campagne qui vise le Commissaire ressemble fortement à celles qui fleurissent ici et là ces temps-ci, allant jusqu’à toucher les forces de défense et de sécurité.

Cheikh Aïdara


Développement durable, capital humain, autonomisation des femmes… Le Forum de Bamako a tenu ses promesses

La 21ème édition du Forum de Bamako, lieu d’échanges annuels, s’est tenue du 20 au 22 mai 2021, avec la participation de délégations venues de la Mauritanie, du Sénégal, du Niger, du Burkina Faso et du Tchad. Au menu, « Démographie, Paix et Sécurité au Sahel » sous les auspices du Bureau Régional du Fonds des Nations Unies pour la Population pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre (UNFPA WCARO) et plusieurs partenaires.

Vue des participants

Comme chaque année, la 21ème édition du Forum de Bamako, a drainé des personnalités venues du Sahel. Région en proie à des fragilités diverses, le Sahel est au cœur de la contribution de l’UNFPA aux réflexions et aux solutions destinées à atténuer ces fragilités. C’est dans ce cadre qu’a été mis en œuvre cette initiative sur « la démographie, la paix et la sécurité » pour susciter les échanges et la réflexion sur ce sujet central.

Ouverture officielle

L’ouverture officielle du Forum de Bamako pour l’édition 2021 a été marquée par des échanges, des discours, suivies de deux sessions. La première session technique sur les consultations nationales menées autour des monographies de la Mauritanie, du Sénégal, du Mali, du Niger, du Burkina Faso et du Tchad, et la deuxième sur la Jeunesse et la Migration.

M. Soussourou Dembele

Ouvrant les travaux, le Ministre de l’Economie et des Finances du Mali, M. Soussourou Dembélé, a souligné que « cette rencontre est une grande opportunité pour les décideurs politiques et les techniciens du développement, sur les questions portant sur le triptyque « démographie, paix et sécurité »». Selon lui, cette rencontre est importante, car elle participe à l’amélioration de la planification budgétaire des gouvernements du Sahel, surtout dans un contexte de crise politique, humanitaire et sécuritaire.

M. Mabingue NGom

« Nous voici de nouveau à Bamako pour parler de démographie, de paix et de sécurité », avait déclaré auparavant, le Directeur régional de UNFPA WCARO, M. Mabingue Ngom, qui a salué les initiateurs du Forum de Bamako, en l’occurrence son président, Abdallah Coulibaly. Selon lui, l’édition de 2020 avait permis de jeter les bases de la réflexion sur cette problématique, mais aussi de nouer des partenariats solides qui ont permis d’obtenir de résultats probants. « Nous sommes aujourd’hui ici, pour continuer le dialogue politique que nous avons engagé l’année dernière autour de cette question lors des consultations nationales, mais également lors du symposium de haut niveau organisé le 2 décembre » a-t-il poursuivi.

M. Mabingue Ngom estime que c’est pour asseoir une analyse fondée sur des données et des évidences sur la situation au Sahel, que l’UNFPA et les gouvernements de la région ont opté pour une approche novatrice qui consiste à apporter un nouveau narratif et à jeter un nouveau regard sur les faits, les évidences et faire des propositions pour un Sahel résilient, et engager un dialogue politique de haut niveau sur le lien entre « Démographie, Paix et Sécurité ».

Les Secrétaires généraux des Ministères de la Jeunesse du Burkina Faso et du Tchad, M. Doukouré Jean Philipe et Mohamed Ndonga Christian, ainsi que le Secrétaire général du ministère de la Population du Niger, M. Mahamadou Issaka Kamaye, ont mis l’accent sur l’importance des thèmes abordés, notamment le capital humain, l’investissement dans la jeunesse, ainsi que l’incidence de la dynamique de la démographique sur la paix et la sécurité au Sahel.

M. Eugène Kongnyuy

Le Représentant Résident de l’UNFPA au Mali, M. Eugène Kongnyuy a salué pour sa part l’esprit d’équipe qui a animé démographes, techniciens de la paix et de sécurité qui ont toujours travaillé séparés auparavant et qui ont décidé d’œuvrer ensemble pour produire l’excellent document sur « Démographie, Paix et Sécurité ». Si chacun travaille seul, selon lui, on pourra gagner un match, mais pas le championnat. « En Afrique et au Sahel, nous avons plutôt besoin de gagner le championnat, d’où l’exigence de travailler en équipe » a-t-il affirmé.

M. Kabiné Komara

S’exprimant au nom du président du Forum de Bamako, l’ex-Premier ministre de Guinée, Kabiné Komara, a loué le rôle de l’UNFPA dans l’élaboration de la Feuille de route de l’Union africaine de 2017 sur le thème « Tirer pleinement du dividende démographique en investissant dans la jeunesse ». Cette feuille de route constitue aujourd’hui, selon lui, une référence pour les pays de la région. « C’est une fierté d’avoir l’UNFPA dans cette 21ème édition » a-t-il souligné.

Sessions techniques

Cette session a porté sur le cadre théorique et les regards croisés sur les facteurs de fragilité, ainsi que les perspectives en matière de politiques publiques.

Pr. Alioune Sall

Le Pr. Alioune Sall, sociologue et spécialiste de la prospective en Afrique, Directeur exécutif de l’Institut des Futurs Africains, a présenté l’ouvrage « Démographie, Paix et Sécurité au Sahel ». Selon lui, l’ouvrage vise un double objectif : d’abord un souci de clarification conceptuelle et analytique en ayant à l’esprit qu’un axiome bien posé est à demi résolu, ensuite, la contribution de l’UNFPA dans l’amélioration de la situation au Sahel.

Il a développé les quatre parties de l’ouvrage, la partie définitions et concepts, la partie concernant la situation présente du Sahel, une partie concernant les avenirs possibles pour le Sahel avec trois scénarii possibles, une tendancielle, une d’adaptation et un scénario catastrophe. Enfin, la dernière partie qui répond à la question de savoir quelles politiques publiques pour que le scénario souhaitable devienne réalité.

Le Pr. Alioune Sall a ensuite rappelé les recommandations du symposium virtuel du 2 décembre 2020 qui a été consacré à l’ouvrage.

La monographie de la Mauritanie

Dr. Sidi Mohamed Zenvour, Directeur de la Stratégie de Croissance Accélérée et de Prospérité Partagée (SCAPP) 2016-2030, au Ministère des Affaires Economiques et de la Promotion des Secteurs Productifs, a présenté la monographie « Démographie, Paix et Sécurité » de la Mauritanie, mettant en exergue ses objectifs. Il s’agit d’abord, selon lui, de répondre à la forte demande sociale à travers le partage des fruits de la croissance, ensuite, assurer une gouvernance économique, administrative, environnementale et financière.

M. Sidi Mohamed Zenvour

Il a rappelé qu’avant le présent forum de haut niveau de Bamako, la Mauritanie avait organisé le 17 mai 2021, des consultations nationales. Il a souligné que malgré les efforts consentis pour la création d’opportunités économiques, de lutte contre la pauvreté et l’exclusion politique, les défis restent énormes, comme dans le reste du Sahel.

Selon lui, les objectifs des consultations nationales tenues à Nouakchott avaient pour objectif, de promouvoir l’appropriation et l’internalisation des conclusions de la monographie « Démographie, Paix et Sécurité », apporter des contributions aux implications politiques des défis qui y sont liés, formuler des recommandations pour soutenir la conception des politiques et programmes innovants, fournir un cadre de réflexion sur les principaux défis thématiques spécifiques au pays.

Cinq panels ont été organisés, a-t-il expliqué en substance, un panel par acteur (administration, société civile, partenaires, jeunesse, secteur privé). Il a ensuite énuméré les trois groupes de résultats qui ont été dégagés, dont le constat amer d’une forte croissance démographique et d’une forte fertilité, avec l’accent sur l’extrême jeunesse de la population (60% ayant moins de 25 ans), ainsi que le difficile arbitrage entre budget défense et sécurité, et budget pour le développement social et économique.

Plusieurs autres intervenants ont animé cette session, l’activiste Bintu Zahara Sakor, Dr. Issa Larba Kobyagda, DG de l’Economie et de la Planification du Burkina Faso, Dr. Aruna Sougané, DG de l’Institut national de la statistique du Mali et Dr. Mainassara Asouman, DG du Plan et des Prospectives du Niger.

Autonomisation des femmes

Le panel sur l’autonomisation des femmes, puissant levier de la formation du capital humain, a été animé par plusieurs femmes, dont d’anciennes ministres, et a été modéré par l’ancien Premier ministre de Guinée, M. Kabiné Komara.

Mme Keïta Fatimata Sango de la société civile malienne a insisté sur l’importance d’investir dans le développement humain des femmes. Toutes les approches de développement n’ont pas pu aboutir, car l’autonomisation des femmes n’a pas été prise en compte d’une manière optimale, a-t-elle dit en substance. « L’autonomisation des femmes va de pair avec le développement » a-t-elle insisté. Elle a relevé certains obstacles qui empêchent les femmes d’atteindre leur plein potentiel, citant les obstacles économiques, la difficulté d’être tout simplement femme dans les sociétés africaines, l’accès aux financements, aux crédits et aux garanties.

Pour Mme Gakou Salimata Fofana, ancienne ministre du Mali, l’autonomisation des femmes ne peut trouver une meilleure entrée que les sciences. Elle a souligné que « pour arriver à l’autonomisation des femmes, il faut passer par l’éducation et surtout par les sciences qui sont la clé du développement ».

Quant à Mme Doris Djatou Oudou, jeune femme leader du Bénin, « quand on parle d’autonomisation des femmes, c’est d’abord un processus par le biais duquel la vie d’une femme se transforme et passe d’une situation dans laquelle elle avait des pouvoirs limités, vers une situation où elle dispose des mêmes pouvoirs que l’homme ».

Mme Maïmouna Bangoura, économiste et membre de la société civile de Guinée, s’est interrogée, « 25 ans après Beijing, qu’est-ce qui a bougé ? ». Pour elle, sans l’accent sur la solidarité féminine, rien ne peut avancer pour réussir une autonomisation réussie de la femme, soulignant que cette problématique doit être au cœur de la question intergénérationnelle.

Ex-fonctionnaire du PNUD et ancienne ministre du Mali, Mme Keïta Adangou, qui gère un bureau d’études, a d’abord rappelé quelques dates internationales, le Sommet de Rio, les OMD puis les ODD, comme des dates fortes par lesquelles la communauté internationale s’est engagée pour un avenir meilleur pour tous. Elle a énuméré les maux dont souffre le Sahel, les conflits, les catastrophes naturelles et les économies fragiles qui font de cette région l’une des plus pauvres au monde. Elle a poursuivi en citant les crises humanitaires, sociales, culturelles et sécuritaires, les réseaux criminels, la famine, le terrorisme, l’explosion démographique soutenue par de fortes natalités, la migration des jeunes, la radicalisation et les problèmes de gouvernance. Selon Mme Keïta, « la solution à ces différents défis passe nécessairement par l’autonomisation de la femme », en soutenant les entreprises dirigées par les femmes et en investissant dans le développement de leurs capacités et de leurs compétences, mais également dans l’éducation des filles et leur maintien dans le milieu scolaire.

Mme Fanta Coumba Karambe, Ingénieur en réseau informatique et télécommunication du Mali, est revenue sur la définition du capital humain et celle de l’autonomisation des femmes, affirmant que « quand la femme est autonome, cela se répercute sur l’éducation des enfants, leur santé et sur le bien-être familial ».

Le dialogue intergénérationnel

Un panel sur le « Dialogue intergénérationnel » a été organisé par l’UNFPA en marge de la 21ème édition du forum.

S’exprimant à cette occasion, M. Mabingue Ngom a déclaré que la priorité est d’accentuer la dynamique d’investissement majeur dans les jeunes. « Aujourd’hui, ce dialogue a pour nous une réelle valeur ajoutée et nous ne ménagerons aucun effort pour apprendre des conclusions qui en seront tirées dans le but de servir les jeunes » a-t-il insisté. Il a ajouté que l’intention est de prendre des actions concrètes qui favoriseront les facteurs de transformation générationnelle vers les jeunes. « Nous voulons aussi que leurs points de vue et leurs aspirations puissent être pris en compte afin d’améliorer nos programmes » a-t-il mentionné.

M. Kabiné Komara, pour qui le Forum de Bamako est le Davos africain, est revenu sur la Feuille de Route de l’Union africaine de 2017 qui est selon lui, « la boussole d’action dans le domaine du dividende démographique et de l’investissement dans la jeunesse ». Selon lui, « le fait que depuis deux ans, M. Mabingue Ngom s’acharne à faire en sorte que dans le Sahel, cette prise de position soit connue, vulgarisée, intégrée et appropriée, est à saluer ». Il a déclaré que depuis 25 ans, l’Afrique progressait avec un taux de croissance positif, mais depuis l’année dernière, ce taux a reculé à cause de la pandémie Covid-19, rendant les moyens des Etats du Sahel moins suffisants. C’est la raison, selon lui, de la rencontre récente de Paris pour un new deal et pour un changement de paradigme pour l’Afrique, par rapport à la façon d’aborder ses économies, à travers la révision des dettes et la recherche de nouveaux moyens.

M. Chaka Magassa

Pour M. Chaka Magassa, Secrétaire général du Ministère de la Femme du Mali, « le présent panel se veut un dialogue intergénérationnel entre la nouvelle génération et ses aînés ». Elle permettra, d’après lui, de mieux appréhender les liens entre développement durable et capital humain, ainsi que le profit qui peut en être tiré. « De nos jours, la formation du capital humain est devenue une priorité au-delà de nos frontières » a-t-il précisé.

De son côté, M. Amadou Diarra, Secrétaire général du Ministère de la Jeunesse du Mali, président de la séance, il a affirmé que « l’un des objectifs de cette rencontre sur le dialogue intergénérationnel, c’est de permettre aux jeunes d’atteindre leur plein potentiel tout en maintenant les relations avec leurs aînés, toute chose qui pourrait permettre d’éviter les conflits de génération ».

Migration des Jeunes et transition au Sahel

Cette session a abordé les problèmes des données sur la migration au Sahel, le financement et les investissements extérieurs. Les discussions ont porté sur la migration des jeunes et l’explosion des budgets de défense et de sécurité, face aux dépenses pour le développement.

Très techniques, cette session présentée par des experts en la matière, Mme Térésa Talo, Coordinatrice régional du projet UNFPA, Mme Clémence Schweitzer, Coordinatrice 4 MMI et MMC, ainsi que Mme Alicia de l’Université Berkley et de l’Initiative OASIS.

Cheikh Aïdara


Journée internationale pour l’élimination de la fistule obstétricale, « la chasse aux survivantes, une priorité absolue en Mauritanie »

La défaillance du système de santé, les mariages précoces et le taux peu élevé de la contraception, expliquent certains aspects de la forte prévalence de la fistule obstétricale en Mauritanie. Ce constat a été dégagé en marge de la célébration, le 23 mai 2021 par visioconférence, de la Journée internationale pour l’élimination de la fistule obstétricale, avec la participation du Ministère de la Santé et du Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA).

La Mauritanie, à l’instar de la communauté internationale, a célébré dimanche 23 mai 2021, la Journée internationale pour l’élimination de la fistule obstétricale, sous le thème : « les droits des femmes sont des droits humains, nous devons éliminer la fistule obstétricale maintenant ».

@Crédit Aidara

Mettre en place de nouvelles stratégies adaptées au contexte Covid-19

Ouvrant les travaux de la journée, qui se sont déroulés par visioconférence, le Directeur de la Santé Mère et Enfant au Ministère de la Santé, Dr. Diagana Moussa, a d’emblée déclaré que « la fistule obstétricale, au-delà de cette terrible blessure physique, est une atteinte à la dignité intrinsèque de la femme ». Selon lui, les femmes qui en souffrent, la plupart très pauvres, sont souvent condamnées à la dépression, à l’isolement social et à une aggravation de la pauvreté.

Dr. Diagna Moussa

« Consacrer une journée à la fistule obstétricale, c’est permettre de rappeler et de sensibiliser à la difficulté d’accès aux soins de santé maternelle, mais aussi c’est lutter contre la morbidité et la mortalité maternelle et néonatale d’une façon générale » a-t-il souligné. Pour lui, c’est surtout lutter contre la violation des droits fondamentaux de ces femmes. Le thème, comme celui de cette année, « les droits des femmes sont des droits humains, nous devons éliminer la fistule obstétricale maintenant » ne peut être mieux choisi et plus actuel, a-t-il ajouté en substance.

Il a précisé que pour atteindre cet objectif, d’éliminer la fistule obstétricale d’ici 2030, c’est maintenant qu’il faut agir. Même la pandémie de Covid-19, ne doit pas, selon lui, nous détourner de cet objectif. « Cette pandémie a mis à rude épreuve nos systèmes de santé. Elle a malheureusement affecté les soins essentiels de santé maternelle et reproductive » a-t-il illustré.

Dr. Diagana estime que la pandémie Covid-19 a surtout entraîné le report des programmes de réparation des fistules jugés non urgents par les hôpitaux dont les ressources ont été réaffectées à la prise en charge des cas de Covid-19. Ce qui doit susciter de nouvelles stratégies pour éviter l’amoncellement des cas de fistules obstétricales, estime-t-il.

« Le Programme Prioritaire Elargi du Président de la République, grâce à une subvention substantielle allouée à l’amélioration de la qualité des soins obstétricaux et à l’accessibilité des femmes enceintes à ces soins, permet non seulement de contribuer à l’éradication de la fistule, mais aussi à l’insertion sociale des femmes pauvres qui en sont atteintes » a déclaré le Directeur de la Santé Mère et Enfant.

La récente participation de la Première Dame à une rencontre régionale de haut niveau en est aussi une illustration, d’après lui. Il a affirmé qu’au niveau du département de la Santé, l’adoption d’une Stratégie pour l’élimination de la fistule obstétricale, constitue un grand pas vers l’élimination de ce fléau. Toujours au niveau du département, rien n’a été épargné, a-t-il ajouté en substance, pour la continuité des actions d’amélioration des soins de santé maternelle et infantile pendant cette pandémie. « Dans ce cadre, les programmes de réparation des fistules obstétricales qu’entreprend notre département, avec notre partenaire l’UNFPA, ne devrait plus souffrir de retard » a-t-il conclu.

L’UNFPA, partenaire stratégique dans la lutte contre la fistule

Le Représentant Résident de l’UNFPA en Mauritanie, SEM. Saidou Kaboré, avait auparavant souligné que le thème retenu cette année, pour la célébration de la Journée mondiale de la fistule obstétricale, « nous interpelle quant à l’urgence à mettre en commun nos efforts pour mettre fin à ce phénomène ». Plus techniquement, il explique que la fistule obstétricale est une grave blessure subie par les femmes lors de l’accouchement. Il s’agit selon lui, d’une perforation de la filière pelvi-génitale causée par un travail prolongé ou obstrué. Non traitée, elle peut entraîner des infections, des maladies, voire l’infertilité, a-t-il fait remarquer.

Fistuleuse guérie (Kankossa)- Crédit Aidara (photo archives)

Selon M. Kaboré, les victimes en Mauritanie se comptent parmi les filles et les femmes les plus vulnérables, démunies, vivant dans les localités les plus enclavées, avec un accès très limité à des services de santé de qualité. « Pendant que le Monde entier dénombre chaque année, 50 000 à 100 000 nouveaux cas, la Mauritanie compte 150 à 300 nouveaux cas » a-t-il rappelé.

Il a salué dans ce cadre les efforts déployés par le gouvernement mauritanien, à travers notamment la prise en charge chirurgicale et l’offre de chirurgie de réparation à 635 femmes porteuses de fistules, l’intégration de la fistule obstétricale dans les maladies indigentes avec l’accès à la gratuité de la prise en charge, y inclus la réinsertion socioéconomique des femmes traitées et guéries de la fistule obstétricale. Mais les défis restent encore nombreux face aux cas additionnels, a-t-il regretté.

La prévention reste selon lui le moyen le plus efficace pour stopper définitivement la fistule en Mauritanie. Il a salué dans ce cadre les multiples campagnes menées à travers le pays malgré la « tempête » de Covid-19, campagnes auprès des centres de santé pour le maintien de l’offre de services de qualité de planification familiale et de réparation des fistules obstétricales au profit des femmes issues de milieux vulnérables. Il a salué aussi les efforts menés par les équipes du Ministère de la Santé, mais surtout l’intervention de la Première Dame, Dr. Mariam Fadel Dah, en faveur de l’élimination de la fistule obstétricales au cours de la rencontre de Haut Niveau pour l’élimination de ce fléau.

La Stratégie nationale et ses recommandations

Chargé de modérer la visioconférence, Dr. Sidi Mohamed Abdel Aziz, Chef de service santé maternelle, néonatale, infantile et adolescent à la Direction de la Santé Mère et Enfant, a fait une brève présentation de la Stratégie nationale de 2020 pour l’élimination de la fistule obstétricale ainsi que ses recommandations.

Il a souligné que la fistule obstétricale est une maladie invalidante qui touche profondément l’aspect psychique, physique et social de la femme. Elle est surtout due, selon lui, à la défaillance du système de santé qu’une enquête SONU menée en 2020 a permis de détecter au niveau des maternités du pays. Dans la plupart de ces structures, en particulier les centres de santé, il a été remarqué, d’après lui, que ces derniers ne délivraient pas les Soins néonataux d’urgence (SONU B). Pourtant, fait-il remarquer, il s’agit d’une priorité nationale et l’élément essentiel pour lutter contre les fistules obstétricales.

L’équipe de « Equilibre et Population » à l’hôpital Mère et Enfant de Nouakchott en 2016 pour réparer les fistules-Crédit Aidara

L’autre cause des fistules qu’il a citée, le mariage précoce qui continue de sévir, malgré l’existence d’une loi qui l’interdit ainsi que son décret d’application. Il y a également, comme autre cause, cite-t-il en substance, le taux peu élevé de la contraception, qui est seulement de l’ordre de 17% (MICS 2015). Autre cause, un système de référence nationale peu efficace, la fistule restant selon lui, une affaire de travail obstétrique en premier lieu. Le retard dans le référencement des femmes, vivant souvent dans des lieux éloignés et le retard dans leur prise en charge, sont d’après Dr. Sidi Mohamed, l’une des causes de complication débouchant le plus souvent sur une fistule.

La Stratégie nationale pour l’élimination de la fistule obstétricale a dégagé ainsi plusieurs recommandations sur la base d’une analyse situationnelle. Parmi ces recommandations, celle qui élève la fistule au rang de problème de santé publique, la mise en place d’une équipe formée chargée de la prise en charge chirurgicale des cas. Dr. Sidi Mohamed a ainsi félicité les médecins qui prennent déjà en charge les fistuleuses, au niveau de l’hôpital Cheikh Zayed et de l’hôpital Mère et Enfant de Nouakchott, au niveau de l’hôpital de Kiffa, et bientôt, souligne-t-il en substance, au niveau des hôpitaux d’Aïoun et de Sélibaby.

La Stratégie recommande également, selon Dr. Sidi Mohamed, le recensement de toutes les femmes porteuses de fistules, évoquant un projet de recherches de ces victimes avec le concours de l’UNFPA et du SWEDD. Elle recommande aussi l’élaboration d’un plan d’action nationale de lutte contre la fistule obstétricale qui doit inclure les trois principales composantes, à savoir, la prévention, la mise en place d’un système de santé efficace et l’élimination définitive du mariage des enfants, avec un accent sur l’évacuation à temps des femmes en évitant le long travail à l’accouchement, l’éducation des prestataires de santé, en particulier les accoucheuses qui opèrent dans des contrées reculées.

Autre recommandation, le relèvement des plateaux techniques de certaines structures de santé, les séances d’IEC au niveau de tous les centres de santé, l’élargissement du forfait obstétrical et la prise en charge de toutes les femmes, de l’accouchement jusqu’au post-partum. Enfin, l’élaboration d’une base de données commune, la création d’un service de santé communautaire et le lien à opérer entre la stratégie et les mécanismes de prévention secondaire, comme les réseaux SONU.

A noter que la séance de visioconférence a vu la participation du Directeur de la Qualité au Ministère de la Santé, celle de la Directrice de la Médecine hospitalière. Côté UNFPA, il y avait Dr. Boutou Mohamed El Kory et Brahim Vall Ould Mohamed Lemine, entre autres.


Cheikh Aïdara