aidara

Centre d’Accueil et de Réinsertion Sociale des Enfants en Conflit avec la loi (CARSEC), briser le cercle vicieux de la délinquance juvénile

Plus d’une centaine de jeunes, dont des filles, âgés entre 13 et 18 ans, incarcérés pour diverses infractions dans les « CARSEC » de Nouakchott et de Nouadhibou, probablement bientôt à Kiffa, sont minutieusement encadrés pour suivre une formation professionnelle qui les maintiendra hors du cercle vicieux de la récidive. Le Bureau Internationale du Travail (BIT) les accompagne pour se former et s’insérer dans la vie professionnelle via des entreprises prêtes à les accueillir.

Portail d’entrée du centre ouvert CARSEC de Nouakchott – Crédit Aidara

Le 17 octobre 2022, les enfants détenus au CARSEC de Nouakchott avaient rendez-vous avec les divers métiers de la pêche. En août et septembre 2022, ils avaient déjà vécu des journées de découvertes où leur ont été présentées les opportunités dans les métiers de la menuiserie et du bâtiment. Deux autres journées seront consacrées à la mécanique et à la restauration.

La bâtisse est énorme. Couleur ocre, grand portail en fer gardé par de vieux agents de sécurité. Le Mot CARSEC inscrit en grosses lettres, face à une triste ruelle dans le quartier Netteg à Basra, quartier populeux et excentrique de Nouakchott.

Une vaste cour d’intérieur, des blocs de pavillons à l’architecture ronde. La même couleur ocre, rendue moins triste par des coupoles peintes en blanc. Une infirmerie, des bureaux administratifs, des salles de réunion, d’autres pavillons lointains. Sur place, un formateur de l’Ecole Navale Centre de Qualification et de Formation aux Métiers de la Pêche (CQFMP), Zeidane Ould El Arby et deux jeunes, Ramdhane Abdel Kader et Mohamed Maouloud. Ces derniers ont suivi une formation à l’Ecole Navale, promotion 2015. Si Ramdhane est aujourd’hui patron de pêche, capitaine de sa propre pirogue, faisant travailler 3 marins, Mohamed Maouloud travaille quant à lui depuis deux ans dans un bateau turc, avec une bonne situation. « Je subviens à mes besoins et ceux de mes parents » témoigne-t-il devant des gosses émerveillés.

De Droite à Gauche : Zeidane El Arby (en costume), Ramdhane Abdel Kader et Mohamed Maouloud – Crédit Aidara

Auparavant, Zeidane Ould El Arby a pris le temps d’exposer aux groupes successifs de jeunes les divers métiers de pêche qui les attendent, s’ils le souhaitent, à leur sortie du centre. Marin pêcheur, mécanicien hors-bord, charpentier, classificateur, transformateur…Ils n’ont que l’embarras du choix. Une formation théorique d’un mois et deux mois de pratique, après une formation militaire de base d’un mois. A la clé, un certificat qui pourra aboutir à un livret maritime. Un avenir assuré et de l’argent honnête à engranger. L’avis est de Ramdhane et de Mohamed Maouloud.

Seulement, l’âge minimum pour intégrer l’académie navale est de 17 ans. Beaucoup de jeunes ont exprimé leur enthousiasme de suivre la formation, après leur peine. Les filles se sont surtout senties attirées par la classification et la transformation.

CARSEC, c’est quoi ?

Selon Sidi Mohamed Beïdi, Directeur du CARSEC, « le centre reçoit les enfants de 13 à 18 ans ; il se charge de les accueillir, de les orienter, de les former et de faire tout pour assurer leur réinsertion professionnelle à leur sortie ». Le centre a été créé, dira-t-il, suite à une expérience menée par « Terre des Hommes » au Burkina Faso et qui a été dupliquée ici.

Le Directeur en inspection – Crédit Aidara

« Le centre a été créé en 2009 et « Terre des Hommes » a continué à le soutenir jusqu’en 2012, date de création du CARSEC. Il s’agit d’un établissement public à caractère administratif, une structure décentralisée de l’Etat qui est appelée à recevoir et à gérer tous les enfants en conflit avec la loi. »

Ces enfants sont orientés, selon lui, par le Procureur compétent. Il existe 3 CARSEC au niveau du pays, deux à Nouakchott, l’un fermé et l’autre semi-ouvert, plus le centre semi-ouvert de Nouadhibou.

« Au niveau du centre semi-ouvert de Nouakchott, nous disposons de trois pavillons, deux pour les garçons et un pour les filles. Ces enfants sont formés dans divers métiers disponibles au niveau du centre, la menuiserie bois, aluminium et métallique, la mécanique, la broderie et la couture, l’informatique, avec des ateliers équipés des matériels nécessaires pour chaque métier et des formateurs » a-t-il précisé

Au niveau du centre fermé géré par le CARSEC, la sécurité est assurée par la Garde Nationale. « Les enfants qui s’y trouvent disposent d’un seul atelier de formation professionnelle, la menuiserie métallique, aluminium et bois. Mais tous les enfants reçoivent une éducation en instructions morales et religieuses, l’apprentissage du Coran, l’Arabe et le Français, etc. » a-t-il ajouté

Des enfants regagnent leur bloc après la séance de sensibilisation – Crédit Aidara

Le projet mené par le BIT au CARSEC, est un projet conjoint avec l’Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime (ONUDC) axé en grande partie sur la formation professionnelle, a précisé le Directeur. Selon lui, une étude très avancée est en cours. Elle a été commanditée auprès de l’Institut National de Promotion de la Formation Technique et Professionnelle (INAP-FTP) et permettra de déterminer les besoins du CARSEC en matière de formation professionnelle, que cela soit au niveau des programmes, des formateurs, de la certification, entre autres. Les premières conclusions de cette étude ont été présentées selon lui, la semaine passée.

« Il est envisagé le recrutement de deux conseillers à la réinsertion professionnelle à Nouakchott et à Nouadhibou qui seront chargés de prendre contact avec les enfants pour recueillir leurs besoins en matière de formation professionnelle et leurs attentes » a-t-il souligné.

Toujours selon ses dires, le BIT et l’ONUDC ont également identifié un réseau d’entreprises qui seraient prêtes à accueillir des enfants issus des centres. Ils ont aussi lancé auprès des enfants des journées de présentation de divers métiers en amenant des formateurs, mais aussi d’anciens enfants qui ont séjourné au CARSEC et qui ont réussi dans leur vie professionnelle. Une mission s’est rendue aussi à Kiffa pour voir comment ouvrir un CARSEC au niveau de cette région.

A ce jour, selon Sidi Mohamed Beïdi, le centre fermé de Nouakchott compte 105 enfants et le centre semi-ouvert 48 enfants, dont 8 filles, sans compter les 18 enfants de Nouadhibou.

« Le centre fermé de Nouakchott, sous la surveillance de la Garde Nationale, reçoit des enfants qui ont commis de graves infractions, âgés entre 16 et 18 ans. Pour les infractions moins graves et les moins de 16 ans, ils sont envoyés dans les centres semi-ouverts » a expliqué le directeur.

La journée dans les centres semi-ouverts se déroulent entre ateliers, cours pédagogiques et sport. Au niveau du centre fermé, l’aspect sécurité et les effectifs limités de la Garde Nationale, obligent les enfants à suivre des cours par groupe restreint. Enfin, au niveau des centres semi-ouverts, les enfants en fonction de leurs comportements, peuvent bénéficier d’un week-end auprès de leurs parents.

Pourquoi des journées ouvertes de promotion des métiers

Les journées de promotion des métiers sont organisées à l’intention des enfants en conflit avec la loi pour leur donner des informations sur les formations disponibles et les aider à comprendre les opportunités qui s’offrent à eux pour faciliter leur intégration dans la vie active. Au total, 20 journées sont prévues durant la vie du projet qui prend fin en avril 2023. Il s’agit du projet « Prévention de l’extrémisme violent à travers l’autonomisation des jeunes en conflit avec la loi et le renforcement de l’accès aux droits et à la justice » financé par le Fonds des Nations Unies pour la Consolidation de la Paix (PBF).

Les ateliers de formation aux métiers du CARSEC – Crédit Aidara

Le responsable du projet au BIT, Henri Ebelin, souligne que ces activités sont organisées par le BIT en collaboration avec la Fondation Noura chaque mois depuis août 2022.

« Nous invitons à ces occasions des professionnels, des formateurs et des anciens apprentis dans des secteurs porteurs d’emploi à venir partager leur parcours de vie, discuter de leur profession avec les jeunes, ainsi que les initier à certains outils et procédés utilisés dans leur quotidien via des exercices pratiques » a-t-il précisé. Ces rencontres, selon lui, vont permettre aux enfants de rencontrer des professionnels des métiers et de mieux appréhender la culture de travail et sa fonction d’insertion sociale

La réinsertion en entreprise

Selon Henri Ebelin, le Patronat mauritanien a été impliqué dans le processus de formulation du projet et il a recommandé au BIT de démarcher les organisations socioprofessionnelles du secteur informel pour identifier des opportunités d’apprentissage au profit des jeunes.

Bâtiment administratif – Crédit Aidara

« À travers le recrutement de conseillers en insertion au CARSEC qui animent le volet « information – orientation – suivi » du projet et la mise en place de partenariats dynamiques avec plusieurs associations de la société civile, un réseau d’entreprises d’accueil pour les jeunes en voie de réinsertion a été constitué à Nouakchott, Nouadhibou et Kiffa et continue de se développer » a-t-il précisé.

Dans le cadre du placement d’un jeune, explique-t-il, des objectifs de formation sont fixés pour une période de 6 à 9 mois entre l’entreprise, l’apprenti et son conseiller, qui se charge du suivi de l’apprentissage avec le tuteur.

Selon Henri Ebelin, les entreprises informelles adhèrent à ce processus car elles ont l’expérience de former des jeunes dans le cadre de l’apprentissage traditionnel et elles comprennent naturellement l’enjeu social de donner sa chance à la jeunesse. En témoigne la participation active des professionnels aux journées thématiques organisées au CARSEC.

L’apport du Ministère de l’Emploi

Membre du Comité de pilotage du projet, le Ministère de l’Emploi, à travers le Guichet TECHGHIL et ses conseillers emploi, qui sont en binôme avec les conseillers réinsertion du BIT, intervient dans le coaching, le développement personnel et l’orientation des jeunes en conflit avec la loi afin de faciliter le suivi de leur dossier et les aider à s’inscrire sur la plateforme DELLIL. A 18 ans, cela leur permettra de bénéficier des services publics de l’emploi.

La cour devant le portail d’entrée – Crédit Aidara

Ainsi, selon Henri Ebellin, « des conventions sont en train d’être mises en place entre les Écoles d’Enseignement Technique et de Formation Professionnelle (EETFP) sous tutelle du ministère et les centres du CARSEC. Entre autres, ces conventions pourraient permettre d’assurer la continuité des journées de promotion des métiers et des opportunités d’emploi au-delà du projet ».

L’avis d’une conseillère à la réinsertion

Oumou Watt – Crédit Aidara

Oumy Watt est une jeune conseillère à la réinsertion recrutée par le BIT dans le cadre du projet destiné aux jeunes en conflit avec la loi. Géographe de formation et titulaire d’un Master en Migration et Territoire, son travail consiste à faire des diagnostics socioprofessionnels auprès des jeunes du CARSEC, au niveau du centre fermé et du centre semi-ouvert. Elle prend les informations complètes de chaque enfant, noms prénoms, lieux de résidence, nombre des membres de la famille, motif d’incarcération, s’il est condamné ou en préventive, s’il dispose d’un avocat ou non, s’il fait l’objet d’un suivi médical ou non, niveau d’études, s’il a déjà travaillé, si oui dans quel domaine, combien il gagnait, s’il a des projets en cours ou des idées de projet, qu’est-ce qu’il envisage de faire à sa sortie du centre comme formation, est-ce qu’il veut être salarié ou indépendant, etc.

Ensuite, elle accompagne les enfants en coaching et leur accorde des séances de formation en estime et confiance en soi, de développement personnel. A leur libération, elle part à la rencontre de leur famille pour leur expliquer le programme qui est mis en place pour leur réinsertion. La conseillère les aide aussi dans la recherche d’apprentissage auprès des entreprises, et si les enfants commencent à travailler, elle les suit, sur leur lieu d’apprentissage une fois par semaine. Elle dresse des fiches professionnelles.

« Certains jeunes sont très réceptifs, avec le suivi, ils pourront s’en sortir et il y a d’autres qui ne savent pas encore réellement ce qu’ils veulent faire » témoigne Oumy. Elle ajoute que « la plupart des enfants sont prêts à apprendre un métier, d’autres sont plus pressés et veulent gagner de l’argent rapidement, eu égard à leur extrême vulnérabilité ».

Fondation Noura, une habituée du milieu carcéral

Willy Edimo – Crédit Aidara

Implantée en Mauritanie depuis 1997, la Fondation Noura est une ONG dont la mission est de valoriser les personnes défavorisées, notamment en milieu carcéral, et de contribuer à leur épanouissement.

Willy Edimo, Chargé du suivi et de la réinsertion sociale au sein de la fondation, vient en appui au BIT dans le cadre du projet CARSEC. Il intervient en matière d’identification, orientation et placement dans les ateliers professionnels. Selon lui, la Fondation Noura estime que « ces personnes défavorisées possèdent des compétences et des capacités qui doivent être encouragées et développées ». L’objectif selon lui, est d’œuvrer à la rupture des cycles de rechute en faisant de la période d’incarcération, un temps de réhabilitation et de préparation de réinsertion dans la société.

Willy précise que « le temps d’incarcération devient un temps d’apprentissage profitable. Le but de ces projets est de se concentrer sur les domaines de la formation et de la réhabilitation sociale et économique. » 

Cheikh Aidara


« Journée Portes ouvertes » sur la nutrition, 878.000 personnes en insécurité alimentaire en Mauritanie

Appel aux élus et parlementaires. L’Association Mauritanienne d’Aide aux Malades Indigents (AMAMI) que préside Moulaye El Mehdi Ould Moulaye Zeine a organisé jeudi 27 octobre 2022 à la Région de Nouakchott, une « Journée Portes-Ouvertes » sur la nutrition et le plaidoyer auprès des élus », avec l’appui du Global Financing Facility (GFF).

De Dr. à G. : Directeur ACF, Président AMAMI, Présidente Région Nouakchott, Représentant UNICEF et un membre de AMAMI – Crédit Aidara

Ouvrant les travaux de la « Journée Portes-ouvertes » sur la nutrition et le plaidoyer auprès des élus, organisée le 27 octobre 2022 par l’ONG AMAMI, avec l’appui du GFF, la présidente du Conseil Régional de Nouakchott, Mme Vatimetou Mint Abdel Maleck, a dit toute la disponibilité de son institution à accompagner les efforts déployés dans le domaine de la nutrition et de l’alimentation.

Elle a indiqué que la faim et la malnutrition constituent aujourd’hui les plus grands défis auxquels est confronté le monde face à la crise alimentaire mondiale née des conséquences de la pandémie Covid-19 et la hausse des prix des produits de consommation. Elle a loué dans ce cadre les efforts déployés par les pouvoirs publics pour faire face à ce défi, à travers notamment l’approvisionnement régulier et en quantité du marché, l’appui aux éleveurs et paysans par l’achat d’aliments de bétail et d’équipements agricoles.

Beaucoup d’efforts déployés, mais les défis persistent

La Présidente de la Région a remercié au passage la Coopération espagnole et les gouvernements des collectivités locales élues d’Afrique pour leurs efforts dans le cadre de la nutrition, mais aussi l’ONG internationale Action Contre la Faim (ACF) avec laquelle son institution est en partenariat pour l’accès des populations vulnérables de Nouakchott à l’alimentation.

Vue partielle de la salle – Crédit Aidara

Auparavant, le président de l’ONG AMAMI, Moulaye El Mehdi Moulaye Zeine avait campé le décor de la rencontre en remerciant le Conseil Régional de Nouakchott et sa présidente pour les activités de proximité qu’ils mènent auprès des populations. Il a cité en exemple la Caravane Santé qui a sillonnée toutes les Moughataas de la Capitale, mais aussi les efforts déployés pour l’accès des populations vulnérables à l’eau et l’électricité.

« A partir de 2023, le Ministère de la Santé va prendre en charge à 100% l’achat des Aliments Thérapeutiques Prêts à l’Emploi (ATPE), alors que le gouvernement prend déjà en charge 75% de ces produits » a-t-il indiqué. Sachant que les ATPE sont destinés à lutter contre la malnutrition des enfants, le président de l’ONG AMAMI a requis dans ce cadre l’aide des parlementaires pour faire passer le budget alloué à cet effet, pour alléger la souffrance de milliers d’enfants mauritaniens confrontés à ce fléau.

Vue partielle de la salle avec des députés et élus – Crédit Aidara

Il a également remercié l’UNICEF pour son accompagnement dans la lutte contre la malnutrition à travers ses appuis constants au Ministère de la Santé par le biais des centres de récupération nutritionnelle, mais aussi ses appuis dans le domaine de l’eau, l’assainissement et l’hygiène (Wash). Il a remercié aussi le GFF pour son appui permanent à la lutte contre la malnutrition et a renouvelé son plaidoyer auprès de cette institution, partenaire de premier plan, pour davantage de soutien dans ce cadre.

Des participants dont certains de la société civile – Crédit Aidara

Intervenant au cours de la rencontre par visioconférence, M. Guy Bokongo, responsable national des politiques et du plaidoyer chez PATH en République démocratique du Congo (RDC), conseiller technique du GFF OSC et membre du comité de pilotage du GFF OSC du pays, a procédé à une brève présentation du GFF, tout en remerciant au passage les députés. Il a exprimé la disponibilité du GFF à accompagner les efforts du gouvernement et de la société civile mauritanienne dans leurs efforts de lutte contre la malnutrition.

Guy Bokongo en visioconférence – Crédit Aidara

Tour à tour, le Représentant de l’UNICEF et le Directeur Pays d’ACF se sont exprimés pour évoquer la situation nutritionnelle en Mauritanie et les appuis que leurs institutions ne cessent d’apporter au gouvernement. C’est ainsi que le Représentant de l’UNICEF parlera du nombre élevé d’enfants mauritaniens souffrant de malnutrition, évoquant le chiffre de 30.000 par an, soit 11% de la population. Il a souligné l’intérêt d’investir dans la nutrition, car pour chaque dollar dépensé dans ce cadre, selon lui, c’est 16 dollars que le pays gagne en termes de retombées économiques. Son souhait, dira-t-il, c’est qu’à l’horizon 2030, il y ait Zéro enfant mauritanien souffrant de malnutrition.

Séquence du documentaire réalisé par AMAMI au Hodh Gharbi – Crédit Aidara

Les participants à la journée ont suivi par la suite un documentaire réalisé par l’ONG AMAMI intitulé « Réponse à l’urgence nutritionnelle au Hodh Gharbi » où des équipes de bénévoles de l’ONG se sont déployés à Koubenni pour distribuer des kits alimentaires aux structures de santé et procédé à des séances de sensibilisation sur la nutrition auprès des populations.

S’exprimant au nom des députés, El Khalil Nahwi a dit toute la disponibilité de ses collègues à appuyer la nutrition, demandant toutefois plus d’informations sur la situation de référence pour évaluer l’évolution du pays par rapport à ses indicateurs, ainsi que des comparatifs avec les pays de la région et des autres pays du monde.

Des indicateurs alarmants

Une communication sur l’état de la nutrition en Mauritanie a été présentée par un consultant. Il évoquera les engagements nationaux et internationaux du pays dans le domaine de la nutrition, citant en particulier le Plan stratégique multisectoriel sur la nutrition adoptée par la Mauritanie. Il a déploré au passage le faible niveau d’allocation pour la nutrition, qui représente à peine 1% du budget de l’Etat, loin des 6% contenus dans les engagements internationaux du pays.

Khalil Nahwi député – Crédit Aidara
Intervention d’une député – Crédit Aidara

Le consultant a déclaré que les indicateurs sur la nutrition en Mauritanie sont pareils à ceux observés dans des pays en guerre comme le Mali, avec des chiffres inquiétants sur la quasi-totalité des régions du pays. Citant l’enquête SMART 2021, 5 régions du pays sont à 15% de malnutrition aigüe pour une moyenne nationale de 12%, et 2% de malnutrition grave. Il s’agit du Guidimagha, Gorgol, Hodh Charghi, Hodh Gharbi, notamment, avec 21 Moughataas dans une situation critique de malnutrition.

Les députés en avant-garde de la rencontre – Crédit Aidara

« C’est pourquoi un fort plaidoyer doit être mené auprès des décideurs, notamment les parlementaires, afin que des fonds substantiels soient accordés à la nutrition » a commenté le consultant. Selon lui, la malnutrition chronique, avec un indicateur situé entre 20 et 30% sévit dans 6 Wilayas, dont les deux Hodhs, l’Assaba, le Gorgol, le Guidimagha. Il a indiqué aussi que le sous-poids ravage toutes les Wilayas hormis le Trarza, précisant que si de très bonnes performances ont été enregistrées dans certaines Wilayas en matière d’allaitement maternel exclusif (75 à 80%), beaucoup d’autres Wilayas restent à la traîne.

Forte présence d’élus de l’Assemblée Nationale – Crédit Aidara

L’urgence d’un fort plaidoyer auprès du gouvernement, des élus, de la société civile et des partenaires au développement s’explique ainsi, selon les acteurs de la nutrition, par la situation grave de l’insécurité alimentaire qui sévit, avec 878.000 personnes concernées, soit 20% de la population, pour l’année 2022, contre 460.000 en 2021. De quoi activer, selon eux, le caractère multisectoriel de la nutrition et plaider pour l’accroissement des investissements dans le domaine alimentaire et nutritionnel.

Cheikh Aïdara


Association de Défense des Droits des Femmes (ADDF), large sensibilisation à Nouakchott-Nord sur les dangers de l’excision

L’Association de Défense des Droits des Femmes (ADDF) que préside Mme Oumoulkheiry Kane a déposé, le jeudi 27 octobre 2022, ses valises à Nouakchott-Nord qui couvre Dar-Naïm, Teyarett et Toujounine. Objectif, sensibiliser les populations sur les dangers de l’excision et promouvoir les droits des filles et des femmes. Cette campagne couvrira les trois Wilayas de Nouakchott.

A Dar-Naïm, la campagne a connu une forte affluence – Crédit Aidara

Le quartier Teyssir, aux confins de la Moughataa de Dar-Naïm, zone excentrée sur la route d’Akjoujt, a été le théâtre, jeudi 27 octobre 2022, d’une campagne de sensibilisation contre l’excision et pour la promotion des droits des filles et des femmes. Cette activité, menée par l’ONG ADDF avec le soutien du gouvernement allemand, a été marquée par la tournée en caravane menée dans la journée au niveau des trois Moughataas de Nouakchott-Nord, Dar-Naïm, Teyarret et Toujounine. La soirée, une tente dressée dans la cour d’une école dans le quartier Teyssir a accueilli une cérémonie officielle.

L’occasion pour la présidente de l’ONG ADDF, Mme Oumoulkheïry Kane, d’annoncer le lancement d’une série de caravanes qui vont sillonner les trois Wilayas de Nouakchott dans le cadre de la mise en œuvre d’un projet de promotion et de protection des droits des femmes en Mauritanie, avec le soutien de la République Fédérale d’Allemagne.

Mme Oumoulkheïry Kane lors de son discours – Crédit Aidara

« Notre pays a réalisé des progrès importants en matière de développement humain, de promotion des droits humains et d’égalité de sexe » a-t-elle souligné. Elle a ajouté que « ces progrès témoignent d’une volonté politique réelle, car la Mauritanie a ratifié les principales conventions internationales en faveur des droits humains et de l’équité genre »

Seulement, selon la présidente de l’ADDF, le pays reste confronté à des défis sociaux à caractère culturel et traditionnel, mais aussi des défis économiques traduits par un manque d’opportunités pour les femmes, sans compter les défis législatifs liés à l’absence de protection spécifique des droits des filles et des femmes.

Forte présence de l’Ambassade d’Allemagne et la GIZ (le conseiller politique en chemise blanche) – Crédit Aidara

C’est ainsi que la contribution de l’Allemagne à notre pays se traduit, selon elle, par le projet « Promotion des Droits des Filles et des Femmes et de lutte contre l’excision en Mauritanie », dont l’objectif est de protéger l’intégrité physique de ces deux franges contre toutes formes de pratiques traditionnelles néfastes, comme les Mutilations Génitales Féminines (MGF) en particulier, et à promouvoir leurs droits.Un projet porté par l’ADDF sur le terrain de la sensibilisation.

Selon la présidente de l’association, « la sensibilisation pour le changement de comportement est une activité pertinente qui prend du temps, mais reste le moyen le plus efficace pour la lutte contre l’excision et toute pratique traditionnelle contraire aux droits humains. »

La présidente de l’Observatoire des droits des femmes – Crédit Aidara

La caravane sur les trois Wilayas de Nouakchott, lancée à partir de Dar-Naïm, sera ainsi l’occasion, selon Mme Oumoulkheïry Kane, de vulgariser la Fatwa que des Ulémas mauritaniens avaient émis en 2010 sur le caractère non religieux de l’excision, ainsi que la déclaration signée par le corps médical sur les dangers médico-sanitaires liés à cette pratique traditionnelle néfaste.

La soirée s’est achevée en beauté par des sketchs sur l’excision, l’humour avec Big Baba et la musique avec des artistes rappeurs.

Ambiance assurée et messages déchiffrés sur les droits des femmes – Crédit Aidara

A souligner que la rencontre s’est déroulée en présence du conseiller politique de l’Ambassade d’Allemagne, de deux représentants de la Coopération allemande (GIZ), d’un représentant du Commissariat aux Droits de l’Homme, de la présidente de l’Observatoire national des droits des femmes et des filles, ainsi qu’un nombreux public, dont un grand nombre d’adolescentes et adolescents, ainsi que des mères de familles.

Il faut rappeler que la cérémonie qui vient d’être organisée marque en principe la deuxième phase du projet dont le lancement officiel a eu lieu le 28 juillet 2022 à l’hôtel Azalaï à Nouakchott.

Cheikh Aïdara


Fièvre de la Vallée du Rift, un tueur silencieux à éliminer à grandes doses de sensibilisation

La Mauritanie est devenue depuis 1987 un lieu de villégiature de la Fièvre de la Vallée du Rift qui vient de frapper le pays depuis août 2022 avec plus d’une dizaine de morts chez les humains et plusieurs centaines de morts chez le bétail. Le Ministère de la Santé et le Ministère de l’Elevage épaulés par l’OMS et la FAO essayent d’endiguer le mal. Seulement, l’aspect sensibilisation-information à travers les acteurs du secteur pastoral, ainsi que l’implication de la société civile, est jugé indispensables pour arrêter ce tueur silencieux.

Des animaux en transhumance à un puits au Trarza – Crédit Aidara (archives)-

C’est en août 2022 que les premiers cas de Fièvre de la Vallée du Rift ont été signalés en Mauritanie, pays qui a déjà subi des vagues d’invasion en 1998, 2003, 2010, 2012, 2015 et 2020, après une première apparition en 1987. Cette zoonose virale africaine, affecte principalement les animaux domestiques ruminants (bovins, moutons, chèvres, chameaux, etc.) Elle peut se transmettre aux humains par l’exposition à un animal infecté, ou à un produit animal contaminé, parfois par piqure moustiques. Elle se manifeste comme une fièvre, souvent hémorragique chez l’animal et parfois (1 à 3 % des cas) chez l’homme.

La rescousse internationale

Face à la gravité de la maladie et le nombre croissant de cas mortels aussi bien au niveau des animaux que des populations, avec 17 morts enregistrés dont une fille à Atar, les pouvoirs publics ont fait appel à la FAO qui a dépêché début octobre 2022 trois experts, en plus de l’aide apportée par l’OMS. Les experts de la FAO ont rencontré toutes les parties prenantes, autorités sanitaires et cadres de l’Elevage, fédération d’éleveurs, marchés à bétail, etc.

L’Institut National de Recherches en Santé Publique (INRSP) laboratoire de référence, a déjà procédé à plusieurs tests, dont celui effectué le 29 septembre 2022 sur 131 personnes avec 30 cas positifs.

Le Comité de crise présidé par le Premier ministre a ainsi insisté sur le volet sensibilisation des éleveurs et des populations, appelant à plus de vigilance dans la consommation du lait et de la viande.

Impliquer la société civile

A côté des mesures prises par les autorités dans le domaine du dépistage et du diagnostic, mais aussi par rapport aux mesures préventives visant à isoler les animaux malades et les vaccins distribués aux éleveurs, la société civile s’est aussi fortement impliquée dans cette opération.

C’est ainsi qu’un groupe d’ONGs regroupant AMAMI, ActionDev, LCP, GAMM, ADIG, GLOBE et AJPED, ont publié le 19 octobre 2022 un communiqué où elles ont demandé aux pouvoirs publics et aux partenaires de développement « de venir en aide à une population dont la nourriture est essentiellement constituée des produits d’origine animale viande et lait. ». Selon ces organisations, « cette maladie a un impact négatif sur la situation alimentaire et nutritionnelle des populations vulnérables du pays, en particulier les femmes et les enfants déjà fragilisée par les effets du COVID-19, la flambée des prix et les changements climatiques. » Leur rôle dans la sensibilisation et l’information des pasteurs et des populations peut constituer, selon les observateurs, un grand tournant dans la lutte contre la maladie.

Coopération régionale

La nature nomade des populations ouest-africaines, notamment les populations mauritaniennes, porte encore les risques à grande échelle plus probante et inquiétante. En effet, les experts sont d’avis que les déplacements des troupeaux à la recherche d’eau et de pâturage, surtout la transhumance transfrontalière non contrôlée, peuvent augmenter davantage les risques de contamination entre les pays, cas de la Mauritanie, du Mali et du Sénégal. D’où les appels au renforcement de la coopération interrégionale pour la surveillance, la prévention et la lutte contre la maladie de la Fièvre de la Vallée du Rift.

Cheikh Aïdara