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Macron et son plan contre le séparatisme en France soulèvent l’indignation en Mauritanie

S’érigeant en régents de la gestion de l’Islam dans le monde, quelques intellectuels mauritaniens se sont permis d’invectiver le président français Emmanuel Macron, par rapport à la nouvelle loi française sur le séparatisme, notamment celui de l’islamisme radical. Ce sujet qui fait couler beaucoup d’encre en Hexagone et ailleurs, est aujourd’hui abordé avec véhémence, parfois avec violence, par quelques acteurs politiques, religieux et intellectuels mauritaniens.

La sortie du président français, Emmanuel Macron, vendredi 2 octobre 2020 lors de la présentation de son plan d’action contre les séparatismes, en particulier celui de l’islamisme radical, a créé un tsunami dans certains milieux en Mauritanie. Les observateurs placent cette sortie dans le sillage de l’élection présidentielle prévue dans 18 mois en France,  une sorte de course vers l’extrémisme politique pour couper l’herbe sous le pieds du Front National et de l’extrême droite française qui pêchent tous dans la même fange de l’islamophobie.

Macron s’attaque à l’islamisme radical

«Il convient désormais de nous attaquer au séparatisme islamiste ». C’est en ces termes que le président Emmanuel Macron a résumé son plan d’attaque contre le séparatisme en France, s’en prenant à la «ghettoisation » de certains quartiers, dû selon lui à l’absence de mixité. Les organisations islamistes auraient ainsi pu prendre le contrôle sur certaines portions du territoire français. Le passage qui semble avoir le plus fâché certains acteurs mauritaniens est celui dans lequel il déclare que «l’islam est une religion qui vit une crise partout dans le monde aujourd’hui, liée à des tensions avec les fondamentalistes ».

Une offense contre les musulmans

Mohamed Jemil Mansour a réagi aux propos du président français Emmanuel Macron sur la loi sur le séparatisme.

Mohamed Jemil Mansour, ancien président du parti islamiste proche des Frères Musulmans d’Egypte, le parti Tawassoul, première force de l’opposition mauritanienne au sein de l’Assemblée Nationale, est le premier à avoir réagi aux propos du président français Emmanuel Macron sur la loi sur le séparatisme. Sur sa page facebook du vendredi 2 octobre dernier, le leader islamiste accuse le président français d’être un indéfectible ennemi de l’Islam, trouvant que sa dernière sortie est la plus méprisante à l’égard du monde musulman. Il a appelé les pays de confession islamique à ne pas laisser passer une telle offense faite à leur religion.

Cultiver la concorde mondiale au lieu de nourrir les dissensions par surenchères politiques

Le parti Tawassoul condamne la sortie d'Emmanuel Macron sur le séparatisme.

Les invectives de Mohamed Jemil Mansour ont suivies le lendemain, samedi 3 octobre, par le communiqué publié par le parti Tawassoul  qui condamne la sortie du président français, notamment sa déclaration selon laquelle l’Islam «est une religion qui vit une crise partout dans le monde aujourd’hui». Jugeant provocateurs les propos du président français, les islamistes mauritaniens lui ont demandé de retirer sa déclaration et de présenter ses  excuses d’abord à ses propres concitoyens français, puis au milliard et trois cent millions de musulmans à travers le monde. Selon eux, l’Islam ne doit pas servir de surenchère politique pour contrer la montée de l’extrême droite.

Tawassoul considère que tout le monde, la France et le monde islamique compris, doit éviter les déclarations qui incitent à la haine et plutôt promouvoir la culture de la paix, de la concorde et du respect des diversités, loin des surenchères qui nourrissent les dissensions et l’islamophobie.      

Le deux poids deux mesures de la laïcité française

Sidi Mohamed Ould Maham.

De son côté, l’ancien ministre et ex-président du parti au pouvoir, l’Union Pour la République (UPR), Sidi Mohamed Ould Maham, a invité dans une longue lettre, le président Emmanuel Macron à faire la différence entre l’Islam en tant que religion qui véhicule un message de valeurs et d’enseignement et qui ne peut mourir, une religion qui cultive la justice, les bonnes actions, la construction de l’être humain, l’édification du monde et la primauté de la paix, à ne pas confondre avec l’expérience des musulmans et leurs actions présentes et futures. De la même manière, les habitants de cette contrée du monde, à savoir la Mauritanie, savent selon lui faire la différence entre les valeurs véhiculées par la révolution française et les méfaits de la colonisation française qui a détruit et engendré des malheurs en Algérie, au Maroc, en Syrie, sans compter les nombreuses victimes ainsi que les dégâts qu’elle a causés dans nos pays et dans d’autres points du globe.

De la même manière selon Ould Maham, «nous savons faire la différence entre la laïcité française qui oblige l’Etat à se mettre au dessus des dissensions religieuses et à se maintenir à équidistance entre elles, et la copie nouvelle de cette même laïcité qui prive la femme musulmane de ses droits, dont le port du hijjab, qu’il accorde pourtant aux nonnes ». Il a également fustigé la France qui adopte des lois contre l’antisémitisme, ce qu’il trouve d’ailleurs louable, mais qui prive de cette même protection les musulmans, même si leurs croyances et leurs lieux saints sont l’objet d’attaques continues, visibles et ciblées.

La France, pas un modèle de vertu politique

Sidi Mohamed Maham a mis en exergue le néocolonialisme français au nom duquel l’ancienne métropole continue de piller les richesses des pays en développement, par l’intermédiaire de ses multinationales, notamment en Afrique et au Moyen-Orient. Et de conclure, «nous ne trouvons aucune gêne à reconnaitre que nous vivons en tant que musulmans des crises multiformes, mais la majeur partie de cette crise est due à la France. Elle la nourrit par sa bénédiction et pour ses propres intérêts». Malgré tout cela, ajoute-t-il, «nous saisissons la différence entre le modèle et sa copie, ainsi que ses impacts sur le terrain. Excellence monsieur le Président, c’est sûr, vous vivez aussi vos propres crises».

Cheikh Aidara


Le G5 Sahel, l’Union européenne et la MINUSMA réunis à Nouakchott

Nouakchott a accueilli, mardi 29 septembre, la réunion tripartite entre les Nations Unies, l’Union européenne et le G5 Sahel, dans le cadre d’un arrangement technique pour la fourniture d’un appui opérationnel et logistique à la force conjointe du G5 Sahel. Alors que le Conseil de sécurité des Nations unies vient d’élargir les prérogatives de la MINUSMA, l’Union européenne, seul partenaire du G5 Sahel, promet d’injecter 400 millions d’euros, avec un focus sur les droits de l’homme.

Le G5 Sahel, l'Union européenne et la MINUSMA réunis à Nouakchott.
De Gauche à Droite : le Chef de la Minusma le Secrétaire Exécutif G5 Sahel et l’ambassadeur Délégué UE – Crédit Aidara

En plus de la Mauritanie, des délégations sont venues des quatre autres pays membres du G5 Sahel (Burkina Faso, Niger, Mali et Tchad) et de son secrétaire exécutif, Maman Sambo Sidikou, ainsi que le Chef de la MINUSMA, représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies pour le Mali, Mahamat Saleh Annadif, et l’ambassadeur en chef de la délégation de l’Union européenne en Mauritanie, SEM. Giacomo Durazzo. Nouakchott fut ainsi le lieu d’une réunion tripartite de très haut niveau.

Retrouver le maillon manquant du G5 Sahel

Comme l’a rappelé dans son discours le Chef de la MINUSMA, force de maintien de l’ordre au Mali, M.Mahamat Saleh Annadif, « cette réunion tripartite vient combler une lacune, voire un maillon qui a pu manquer au lancement de la force conjointe G5 Sahel depuis qu’elle a été initiée en février 2017« .

Il a aussi rappelé que les Nations unies n’ont pas seulement salué la mise en place du G5 Sahel en tant qu’institution en 2014, elles ont surtout salué la mise en place de cette structure comme outil de développement et de sécurité.

II a souligné l’engagement du Secrétaire général des Nations Unies à rendre opérationnelle cette force conjointe, car selon lui sa mission ne doit pas seulement concerner les seuls pays du G 5 Sahel, mais doit régler de manière globale les questions de sécurité. .

Le Chef de la MINUSMA a expliqué les difficultés au sein du Conseil de sécurité pour faire passer le message, ce qui a abouti à un minima, avec la résolution 2391 de 2017, accompagné par l’arrangement technique signé en février 2018 à Bruxelles, permettant ainsi la mise en place de ce financement par l’Union européenne, qui mandate la MINUSMA pour fournir cet appui logistique (rations alimentaires, carburant, évacuations médicales et autres).

Le G5 Sahel, l'Union européenne et la MINUSMA réunis à Nouakchott.
Une partie de la salle – Crédit Aidara

Un pas politique important

Enfin, le Chef de la MINUSMA a salué au passage la dernière résolution du Conseil de sécurité, qui selon lui, a permis cette concertation tripartite, déclarant que « l’appui des Nations Unies à travers la MINUSMA doit être coordonnée avec le Secrétariat exécutif du G5 Sahel« . Il s’agit, d’après lui, d’un pas politique extrêmement important, parce que c’est le maillon qui manquait.

« La réunion de ce matin a pour objectif de matérialiser cette décision importante prise par le Conseil de Sécurité« , a-t-il souligné.

Auparavant, le Secrétaire Exécutif du G5 Sahel, Maman Sambo Sidikou, avait évoqué les insuffisances à combler afin de rendre les opérations plus efficaces. Selon lui, l’objectif assigné aux bataillons ne peut être atteint par le système actuel. Cette réunion est pour lui une occasion de revisiter les méthodes en cours, ajoutant que le meilleur moyen d’atteindre les objectifs visés est d’impliquer les opérateurs locaux.

Le respect des droits de l’homme, la priorité

De son côté, l’ambassadeur délégué de l’Union européenne en Mauritanie a mis l’accent sur l’apport de l’Europe en termes financiers, dont une promesse de 400 millions d’euros déjà tenue, a-t-il souligné, évoquant une enveloppe de plus de 230 millions d’euros déboursée grâce à la facilité africaine de paix qui se décline selon lui en plusieurs composantes.

Il a cependant insisté sur deux aspects, le cadre de conformité qui met un accent particulier sur le respect des droits de l’homme et le soutien à l’équipe chargée de ce volet (HRDDP) de la MINUSMA. Il a souhaité que cette réunion puisse encourager la collaboration entre la force conjointe G5 Sahel, la MINUSMA et le Haut Commissariat aux Droits de l’Homme.

Les responsables ont par la suite répondu aux questions des journalistes avant de poursuivre leurs travaux en huis clos. 

Cheikh Aïdara


Contre la mortalité maternelle et néonatale, une campagne nationale sur la planification familiale

Dr. Moussa Salatou Diagana, directeur général de la Santé de la mère et de l’enfant au Ministère de la Santé, accompagné du staff de son département, et SEM. Saidou Kaboré, Représentant résident du fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA) en Mauritanie, ont procédé lundi 28 septembre au lancement officiel de la Campagne nationale sur la planification familiale. La cérémonie a eu lieu au Centre de santé de Sebkha, au milieu de dizaines de sages-femmes. Cet événement constitue la première étape contre la mortalité maternelle et néonatale, dont les indicateurs restent alarmants en Mauritanie.

La campagne nationale sur la planification familiale a réunie des dizaines de sages-femmes.
Table officielle – Crédit : Aidara

En cette année 2020, année de la sage-femme, le ministère de la Santé, avec l’appui de l’UNFPA, a procédé lundi 28 septembre au lancement d’une vaste campagne sur la planification familiale dans les trois Wilayas de Nouakchott et en Assaba.

La cérémonie a été présidée au nom du ministre de la Santé, par le directeur général de la Santé de la mère et de l’enfant, Dr. Moussa Salatou Diagana, en présence de plusieurs directeurs du département de la Santé, ainsi que le représentant résident de l’UNFPA en Mauritanie, SEM. Kaboré et ses collaborateurs. Le médecin-chef du centre de santé de Sebkha et la présidente de l’Association des sages-femmes de Mauritanie (ASFM),  Vatimetou Mint Moulaye, étaient aussi présents.

De G. à Droite : Dr.Diagana, Saidou Kaboré et Vatimetou Moulaye.
De G. à Droite : Dr.Diagana, Saidou Kaboré et Vatimetou Moulaye – Crédit Aidara

Ouvrant la cérémonie de lancement, Dr. Diagana a d’abord salué le rôle des sages-femmes, avant de brosser les réformes apportées dans la restructuration du département de la santé, comme la création d’une direction de la Santé de la mère et de l’enfant, une première, et l’autorisation au niveau communautaire de l’auto-injection du dernier contraceptif, le Sayana-Press, entre autres. « Tout cela n’aurait pas eu lieu sans votre concours, vous les sages-femmes » a-t-il déclaré, déclenchant ainsi une batterie d’applaudissements. Et de poursuivre : « c’est pourquoi je tiens à vous transmettre les félicitations du ministre de la Santé qui compte sur vous pour l’accélération de la réduction de la mortalité maternelle et néonatale en se basant sur l’espacement des naissances comme méthode porteuse« .

La mortalité maternelle et néonatale reste alarmante en Mauritanie.
Les femmes bénéficiaires – Crédit Aidara

Avant, le Représentant Résident de l’UNFPA avait également tenu à féliciter les sages-femmes qui selon lui, travaillent souvent dans des conditions difficiles. Il les a encouragé à poursuivre le combat, car il permet de sauver des vies de femmes, de filles et de nouveau-nés. Et de rappeler que l’UNFPA, à la suite du ministère de la Santé qui a décidé de lancer cette campagne sur la planification familiale, a décidé d’accompagner le département, soulignant que l’essentiel est fait par le ministère de la Santé et à ses côté la société civile, et que son institution n’est là que pour apporter un appui technique et un appui sur certains axes. Il a salué au passage le ministère de la Santé qui, malgré les contraintes liées à la pandémie du Covid-19, a œuvré au maintient et à la continuité des services.

Des efforts pour un service de santé de qualité

Dans l’allocution qu’elle a prononcée à l’occasion, Mme Vatimetou Mint Moulaye a mis l’accent sur les efforts déjà fournis par les sages-femmes pour que chaque femme ait accès à des services de santé de qualité, promettant que la corporation qu’elle représente déploiera encore beaucoup plus d’efforts pour consolider les acquis et sauver davantage de mères et de nouveau-nés de morts évitables. Elle a salué le geste du ministère de la Santé et de l’UNFPA qui a permis de distribuer des blouses neuves aux sages-femmes en marge de la cérémonie, promettant de généraliser la distribution aux quatre sites de son association à Nouakchott, saluant au passage le Ministère et l’UNFPA pour les 700 blouses destinées aux sages-femmes exerçant à l’intérieur du pays.

Les sages-femmes.
Les sages-femmes – Crédit Aidara

Après le centre de santé de Sebkha, centre de référence en matière de santé de la reproduction au niveau national, les deux délégations, celle du ministère de la Santé et celle de l’UNFPA, se sont dirigées vers le Centre d’Arafat Ibn Sina.

Une campagne jusqu’au 26 novembre

A rappeler que la campagne nationale sur la planification familiale s’étendra du 26 septembre au 26 novembre. Cet évènement piloté par quatre ONG nationale, SOS Esclaves, Jeunesse A l’Heure d’El Mina, Fédération mauritanienne des handicapés et l’Association des Sages-femmes de Mauritanie  au niveau des trois Wilayas de Nouakchott, et par l’Association des Femmes Volontaires du Développement en Assaba, est marqué par des journées de sensibilisation et des journées sur sites pour l’offre de produits contraceptifs.

L’objectif est de recruter quelques 700 nouvelles femmes pour la planification familiale et la formation de 400 prestataires de services.

Témoignages

Vatimetou Mint Moulaye, Présidente ASFM

"La planification familiale et l’espacement des naissances contribuent à réduire de 30% la mortalité maternelle et néonatale."

«Je suis très ravie et très contente, d’abord parce que l’année 2020 est l’année des sages-femmes, ce qui nous encourage davantage et ensuite, cette campagne va au profit de femmes aux besoins non satisfaits en matière d’espacement des naissances. On parle de 33 % de besoins non satisfaits en matière de contraception en Mauritanie. Elle va aussi contribuer à la réduction de la mortalité maternelle et néonatale, les expériences et les études ayant démontré que la planification familiale et l’espacement des naissances contribuent à réduire de 30% la mortalité maternelle et néonatale. Nous, les sages-femmes, nous ne ménagerons aucun effort pour la réussite de cette campagne pour qu’aucune femme ne meurt plus en donnant la vie».

Loubane Mint Ahmed, demandeuse de service PF

«Je suis venue soigner mes enfants, mais je profite de l’occasion pour inviter les femmes à adopter l’espacement des naissances pour leur santé et celle de leurs enfants. Personnellement, je suis une méthode de planning depuis plusieurs années et cette campagne m’offre l’occasion d’en savoir beaucoup plus sur les nouvelles méthodes de contraception, en particulier le Sayana-Press dont j’ai entendu parler ».

Cheikh Aïdara


Birame s’attaque au pouvoir judiciaire

Au cours d’une conférence de presse organisée lundi 28 septembre 2020 dans un nouveau siège de l’organisation antiesclavagiste IRA qu’il préside dans le populeux quartier de PK 10, Birame Dah Abeid, député à l’Assemblée Nationale, a fustigé le pouvoir judiciaire qui ne suit pas selon lui, le mouvement réformateur introduit par le président de la République, Mohamed Cheikh Ghazouani dans la gouvernance politique, à travers l’indépendance des pouvoirs et la consolidation de l’Etat de droit.

Birame Dah Abeid (en costume) entouré de son staff – Crédit Aidara

«L’indépendance de la justice, un vœux pieux que le pouvoir de Mohamed Cheikh Ghazouani a instauré, est malheureusement utilisée par les juges pour servir les esclavagistes et les milieux d’influence, au détriment de la primauté du droit et de la justice». C’est autour de cette attaque contre le pouvoir judiciaire en Mauritanie, que le député et président de l’Initiative de résurgence du mouvement abolitionniste (IRA), Birame Dah Abeid, a introduit la conférence de presse qu’il a animée lundi 28 septembre 2020 au PK 10 à Nouakchott.

Selon lui, seuls les pauvres et les sans appuis subissent les foudres de la justice mauritanienne, les nantis, les fils des grandes tribus et les milieux d’influence étant assurés de l’impunité, quelle que soit la gravité des crimes commises. Et de citer trois cas de viol qui ont secoué cette année 2020 l’opinion publique, dont l’un suivi de grossesse sur mineur et un autre suivi de meurtre dont les auteurs ont été soit soustraits à la justice, soit innocentés ou en voie d’être absous par la formule magique consacrée, «transgression des interdits d’Allah », une porte ouverte à l’impunité.

Journalistes et militants avec la même attention – Crédit Aidara

Il s’agit notamment, cite-t-il en substance, du cas du commandant de la brigade de gendarmerie de Touil au Hodh Gharbi, Mohamed Taleb Ould Mohamed Mokhtar accusé d’avoir enceinté sa bonne de 12 ans, Toutou Mint Kaber. Après deux mois de détention préventive, il bénéficiera d’une liberté provisoire délivrée par un magistrat de la Cour Suprême, ce qui lui a permis de quitter tranquillement le pays, laissant derrière lui une famille éplorée, une gosse qui a donné naissance à un bébé qui n’a pas survécu, avec tout le traumatisme psychologique et les douleurs de l’enfantement.

Le deuxième cas est celui d’un fils d’une grande famille maraboutique vénérée, Hattab Ould Youba Zeine, accusé lui aussi d’avoir violé et enceinté une fille qu’il était censé soigné, Enne Mint Mousse. Celui-là ne sera même pas insculpé ni arrêté, sous le poids de l’influence de sa famille et de sa tribu.

Le troisième cas est celui de Moima Mint Mohamed Amar, violée puis tuée froidement. Selon Birame, les inculpés se sont vus accusés de «transgression des interdits d’Allah», une formule souvent utilisée par les magistrats quand ils cherchent à absoudre un crime sexuel.

Par contre, dira-t-il, trois jeunes issus des classes serviles à Adel Bagrou sont aujourd’hui jugés après une incarcération de 8 mois sur une simple accusation de tentative de viol par une femme, dont les motifs purement politiques découlent d’un règlement de compte pour punir les familles de ces jeunes pour avoir voté pour Birame Dah Abeid, lors des dernières présidentielles.

Fustigeant l’appareil judiciaire et son iniquité dans un pays qui se réclame «Phare de l’Islam et terre des hommes pieux», il est honteux dira Birame qu’une pareille justice puise perdurer avec des magistrats qui défigurent son image et  transgressent les dispositions de la loi. Aussi, ajoutera-t-il, le dossier de l’enquête parlementaire sur la décennie de gabegie est-il entré dans une zone d’ombre une fois transmis à la justice, alors que le Parlement a rempli en toute impartialité sa mission de contrôle sur l’action du gouvernement passé et que le pouvoir Exécutif a décidé de ne pas s’immiscer dans le travail de la justice. 

Mais face à la dérive des magistrats, dont l’indépendance semble être confisquée au profit des puissants de ce pays, Birame Dah Abeid en appelle au Président de la République pour soigner le «bras gangréné » de son pouvoir, par la convocation urgente du Haut Conseil de la Magistrature afin d’examiner les dérives des magistrats et d’apporter les correctifs nécessaires. Il en va, selon lui, de la préservation de la paix civile et de la cohésion sociale qui ne peuvent être maintenues qu’à travers l’instauration d’un système judiciaire soucieux de l’application de la loi dans toute sa rigueur et dans toute son impartialité sans considération de classe, d’origine ou d’appartenance.

Cheikh Aïdara