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Forum des jeunes au Cap-Vert, éducation de qualité et emploi décent au cœur des débats

La ville de Mindelo, Sao Vicente, Cap-Vert, a abrité du 13 au 15 juillet 2023, le 3ème Forum annuel des jeunes de l’Afrique de l’Ouest et du Sahel sur le thème « Autonomiser les jeunes femmes et les jeunes hommes par une éducation de qualité, un travail décent et des solutions innovantes afin de rendre la prévention des conflits plus efficace pour maintenir la paix et la sécurité dans la région ». Notre compatriote, Bâ Bocar, vice-président de l’Union panafricaine de la jeunesse, y a présenté une communication.

Photo des participants – Crédit Bocar B. (avec son autorisation)

Des centaines de jeunes, hommes et femmes, originaires de 17 pays d’Afrique de l’Ouest et du Sahel, des représentants du gouvernement cap-verdien, des organisations régionales, des entités des Nations Unies et plusieurs partenaires techniques et financiers se sont réunis pendant trois jours à Mindelo au Cap-Vert, pour faire le point sur la mise en œuvre de l’agenda des jeunes, paix et sécurité. Ils ont formulé aux termes de leur rencontre, le 15 juillet 2023, des recommandations sous formes de solutions innovantes et intégrées à travers la promotion du leadership des jeunes et leur implication dans la prévention des conflits et la consolidation de la paix et la sécurité dans la région.

Implication des jeunes

Image d’un panel de jeunes – Crédit Bocar B.

Pendant trois jours, les jeunes de l’espace CEDEAO et du Sahel ont eu des échanges sur les mesures à prendre afin de mettre en place une éducation de qualité pouvant déboucher sur un emploi décent pour une meilleure intégration des jeunes femmes et hommes dans la prévention des conflits, la consolidation de la paix et le développement.

L’Appel de Mindelo qui a été adopté à l’issue de la rencontre a permis aux jeunes d’avancer des recommandations pertinentes pour leur autonomisation à travers l’éducation de qualité et l’accès à un emploi décent.

Panel animé par Bâ Bocar

Bocar Bâ, vice-président de l’Union panafricaine de la jeunesse – Crédit Bocar B.

Au cours des foras organisés à l’occasion, notre compatriote Bâ Bocar a animé la deuxième journée du forum à travers un panel portant sur le thème, « jeunesse, paix et sécurité en Afrique de l’Ouest et dans les régions du Sahel : initiatives pour un engagement des décideurs nationaux et régionaux en faveur d’une éducation de qualité, un travail décent et des solutions innovantes pour créer des sociétés plus inclusives, pacifiques, équitables et prospères ».

Ouverture officielle

A noter que l’ouverture du forum a été marqué par un échange de discours entre le Premier ministre cap-verdien, M. Ulisses Correira da Silva et le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel, M. Léonardo Santos Simao.

Photo de quelques jeunes avec Bocar Bâ (au milieu costume noir) – Crédit Bocar B.

Parrainages

Il faut souligner que le 3ème forum des jeunes femmes et hommes pour la paix et la sécurité en Afrique de l’Ouest et au Sahel a été organisé par le Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel (UNOWAS), en coopération avec la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et le gouvernement du Cap-Vert. Ces forums annuels des jeunes est inscrit dans l’agenda des Nations Unies. Les précédentes éditions ont été organisées au Burkina Faso en décembre 2018 et au Nigéria en décembre 2021.

Cheikh Aïdara


Le « K » alias Seyidina Alioune Diallo, un retour au hip-hop engagé après une parenthèse onusienne

Depuis 2016 consultant, puis responsable de communication pour plusieurs projets du Bureau international du travail (BIT) en Mauritanie, Seyidina Alioune Diallo a rompu les amarres en juin 2023, pour revenir à ses premiers amours, le hip-hop. Avec son groupe Maxi révolution composé de Hamady Diop dit Soldier Hems, Lamine Ardo Ba dit Military Mind et le « K », un groupe qui lui a permis de se distinguer en 2011, lors du 5ème festival Assalamalekum, en remportant le deuxième place du concours Assalamalekum découverte après ZIZA, et la participation du groupe à l’édition suivante en 2012.

L’exil

Il a rejoint un des membres de groupe et ami d’enfance, Soldier Hems, installé depuis quelques années à Bruxelles. Ce nouveau fronton, ils comptent le bâtir tous les deux à partir de la capitale bruxelloise.

L’enfance

Seydina Diallo – Crédit Aidara

Seyidina Alioune Diallo, alias « K » et Soldier Hems, se sont lancés très jeunes dans les faubourgs de Nouakchott, les deux, enfant de l’Ilot A , dans leur passion, le hip-hop. Ils ont partagé tout, la musique, l’école, et surtout cette rage de mettre à nue les abus dans leur pays.

Dans le feu de l’action

Leurs textes sont percutants. Ils se défendent de verser dans la violence, mais prônent la défense de la justice, l’équité et l’égalité entre les citoyens mauritaniens. Ils s’inscrivent ainsi dans la dénonciation des droits bafoués, n’hésitant pas égratigner au passage les politiques mal conçues du pouvoir de Nouakchott. Selon le « K », « La provocation reste parfois le seul moyen pour attirer l’attention des autorités mauritaniennes »

« Sur scène, ils crient leur colère, voguent au gré de leur flow. Avec des idées très bien vissées, … Maxi Révolution ne sait pas caresser l’Etat dans le sens du poil et surtout n’a même pas froid aux yeux et le fait savoir » faisait remarquer le journaliste culturel Babacar Ndiaye dans un article publié dans Cridem le 3 juin 2011.

Forcé de partir

Seyidina Alioune Diallo a assisté avec douleur, il y a quelques années, au départ de son ami, qui a choisi de s’exiler en Belgique, dans le sillage d’autres groupes mauritaniens, soumis à l’oppression de pouvoirs successifs qui ne tolèrent pas les critiques. C’est le cas du groupe Djamen Tekki et Ewlad Leblad, mais aussi d’autres artistes qui n’ont pas trouvé en Mauritanie un environnement favorable à leur épanouissement, à l’image de l’artiste-peintre Mélaïnine, installé depuis des lustres en France, mais aussi celle du jeune cinéaste Djibril Diaw qui a eu un moment des problèmes avec les autorités, notamment lors du tournage de son documentaire sur « Donaye ».

Sa dernière apparition fut son feat avec le rappeur mauritanien « Le Baron » pour sensibiliser sur les dangers du Covid et la nécessité de respecter les gestes barrières en septembre 2021.

Une carrière onusienne brisée

Le brusque virage de Seydina Alioune Diallo, brillant assistant en communication du BIT, et à qui certains prédisaient une carrière dans le système des Nations Unies, pour revenir au Rap, reste énigmatique.  Ceux qui connaissent l’homme ne semblent pourtant nullement surpris par ce choix.

L’âme d’un révolutionnaire

Selon leurs témoignages, « calme et réservé, l’engagement de Seydina Alioune Diallo dans les causes qu’il a toujours considérées comme légitimes, en particulier les inégalités sociales, le racisme et la discrimination dont les noirs sont victimes, ne pouvaient être détournées par un quelconque autre motif ».

C’est pour renouer avec cette ferveur, qu’il a jugé opportun de retourner aux sources de sa passion, le hip-hop, après tant d’années de silence, muselé qu’il fut par ses fonctions au BIT et par un environnement défavorable en Mauritanie.

Il marque son retour avec la sortie d’un nouveau clip engagé et très critique sur la politique mauritanienne, « Mi winno », comme pour dire j’avais prédit les difficultés que la jeunesse mauritanienne vit actuellement.

Il déclare lui-même : « la préparation d’un EP qui risque d’être très controversée vue les positions habituellement critiques envers le gouvernement ».

Cheikh Aïdara


14 juillet à Nouakchott : hommage aux coopérants en fin de mission, salut à la coopération franco-mauritanienne

L’ambassade de France à Nouakchott a célébré ce vendredi 14 juillet 2023 la fête nationale de la France dans une totale ferveur. Plusieurs expatriés, diplomates, cadres et personnalités mauritaniennes ont partagé ces instants d’échanges, avec comme point d’orgue le discours traditionnel de l’ambassadeur, en présence d’une délégation du gouvernement mauritanien.

l’ambassadeur de France prononçant son discours sous le regard de la délégation – Crédit Aidara

L’ambassade de France en Mauritanie n’a pas dérogé à une règle qui date depuis l’indépendance du pays en 1960. Partager avec les Mauritaniens, la fête nationale de la France, commémorée depuis la prise de la Bastille le 14 juillet 1789. Elans de ferveur en métropole et ailleurs, dans ses différentes représentations à travers le monde. Cette année, c’est surtout le départ de plusieurs expatriés, militaires et civiles, dont le consul Alexandro Fernandez qui boucle sa troisième année, qui a été saluée, mais aussi le niveau de coopération de plus en plus dense avec la Mauritanie.

Guerre en Ukraine

M. Alexandre Garcia, ambassadeur de France en Mauritanie, n’a pas manqué dans son allocution devant la délégation officielle mauritanienne, dirigée par le ministre de la Justice, Mohamed Mahmoud Ould Abdoullah Ibn Boya, et devant une foule attentive, de s’attaquer d’emblée à la guerre en Ukraine, fustigeant « l’impérialisme russe » qui déstabilise le monde, menace l’ordre international, avec toutes ses conséquences sur la paix et sur l’Afrique, en particulier dans le domaine alimentaire.

Au milieu de la résidence éclairée par une guirlande de lumière, drapée de tricolores et d’emblèmes rouges et verts, une foule dense s’était recueillie avec ferveur pour écouter les deux hymnes nationaux, avant l’entame du discours officiel.

Le Pacte financier mondial

Le diplomate français a évoqué l’initiative de l’Union européenne relative à un partenariat avec l’Afrique ancré sur le dialogue et le multilatéralisme qui apporte des solutions concrètes et à long terme. C’est dans cet esprit, selon lui, que la France a organisé les 22 et 23 juin 2023 le Sommet de Paris sur un nouveau pacte financier mondial auquel ont participé une quarantaine de Chefs d’Etat et de gouvernement, dont le président Mohamed Cheikh Ghazouani. Cette initiative entendait répondre, selon lui, à deux besoins massifs de financement pour la lutte contre le dérèglement climatique et la préservation de la biodiversité d’une part, et pour la réduction de la pauvreté d’autre part.

L’exception mauritanienne

L’ambassadeur estime que sur le plan économique, la Mauritanie est une exception en Afrique de l’Ouest, expliquant que beaucoup de pays de la région ont vu leur endettement se dégrader, alors que la situation budgétaire en Mauritanie est restée saine tout comme sa dette publique grâce à la bonne gestion des pouvoirs publics.

2.000 emplois créés par les entreprises françaises

Il soutient également que la situation du pays pourrait connaître un développement important, grâce à l’exploitation du champ gazier GTA, ainsi que le lancement de projets d’envergure dans le secteur de la transition énergétique et en particulier l’hydrogène, un secteur dans lequel la Mauritanie ambitionne de devenir un hub mondial avec des partenaires dont Total. Le diplomate estime que ce tableau optimiste profite à la trentaine d’entreprises françaises présentes dans le pays, dans des secteurs variés, dont la formation professionnelle, et qu’elles ont déjà créé 2.000 emplois.

300 millions d’échanges

Parlant des échanges entre la France et la Mauritanie en 2022, M. Alexandro Garcia souligne que la France est le 4ème partenaire du pays avec un volume d’échanges de l’ordre de 300 millions d’euros. Pour illustrer la dynamique des échanges économiques avec la Mauritanie, il a évoqué la visite en mars 2023 d’opérateurs français qui a réuni une quarantaine d’entreprises à Nouakchott, ajoutant que ces entreprises sont à l’origine de projets structurants à l’image du terminal à containers de Nouakchott financé par un fonds d’investissement français.

Le retour de l’AFD

L’amélioration de la dette mauritanienne, dont l’évaluation des risques a été réalisée par le FMI, est passée d’élevée à modérée, permettant selon l’ambassadeur Alexandro Garcia la reprise de fait des interventions de l’Agence française de développement (AFD) annoncée par son directeur général lors de sa visite fin mars 2023 à Nouakchott et qui ont été interrompues depuis plusieurs années. L’agence, selon lui, va doubler en 2023 ses engagements annuels qui vont passer de 45 millions d’euros à plus de 90 millions d’euros.

« La France comme vous le voyez reste engagée aux côtés de l’Etat mauritanien » a-t-il souligné, en particulier dans les secteurs de l’eau, l’assainissement, l’agriculture, le développement rural, l’éducation, la formation professionnelle, la santé, la protection sociale, afin de réduire les inégalités et lutter contre la pauvreté.

Il a cité au passage quelques projets marquants de l’AFD, tels que les projets agropastoraux dans les deux Hodhs, la construction de 13 collèges de proximité, le soutien de 13 villages vulnérables de 80.000 personnes, le soutien de 1.000 entrepreneurs, l’électrification de plusieurs villages.

Alliance Sahel et G5 Sahel

Il a parlé aussi des engagements renouvelés avec les partenaires de l’Alliance Sahel lors de l’anniversaire de Néma à travers l’approche territoriale intégrée au Hodh Charghi zones d’intervention des conflits couvertes par le G5 Sahel et qui ont abouti à la mobilisation de plus de 100 millions d’euros.

Coopération civile et militaire

 L’ambassadeur a évoqué aussi la collaboration avec le Commissariat aux droits de l’homme dans le volet concernant la société civile, tout comme il a évoqué la collaboration avec la HAPA à travers le partenariat conclu avec son homologue française de régulation des médias ARCOM, mais aussi sa coopération dans le domaine militaire avec l’armée, la marine, la gendarmerie, la garde nationale et la police mauritanienne, rappelant le passage du Chef d’Etat-major des forces armées françaises à Nouakchott, les initiatives avec l’OTAN, l’arrivée de deux nouveaux consultants pour la Protection civile et la Garde nationale.

Hommage aux coopérants en fin de mission et aux 1.800 français de Mauritanie

Enfin, l’ambassadeur a salué le départ de quelques coopérants, notamment deux attachés de défense, un colonel et un commissaire divisionnaire en fin de mandat, un autre colonel directeur des études du collège de défense du G5 Sahel lui aussi en fin de mission, décoré par le ministre de la Défense Hanana Sidi de la médaille de la Légion d’honneur. Un mot aussi à l’endroit des 1.800 français inscrits sur les registres de l’ambassade, les remercier pour leur participation record aux dernières élections partielles françaises organisées à l’ambassade. L’ambassadeur a aussi salué le départ du consul Alexandre Fernandez qui tire vers la fin de ses 3 ans de mission en Mauritanie.Cheikh Aïdara


Député Marième Mint Cheikh, une défenseuse des droits de l’homme moulée dans le militantisme résistant

La députée Marième Mint Cheikh, défenseuse des droits humains, est née dans une famille de militants. Elle a, dans le sang, le combat pour les droits humains Son père, Cheikh Dieng, cadre à la Société nationale industrielle et minière (SNIM), fut syndicaliste, activiste des droits de l’homme et militant politique. Il fut de toutes les luttes depuis les années 80 à Zouerate. Ce sont cet héritage et les grades qu’elle a amassés au fil de plusieurs années de militantisme engagé au sein du mouvement IRA, qui lui valent aujourd’hui sa présence au sein de l’hémicycle de l’Assemblée Nationale, selon ses camarades de lutte. Parcours.

Marième Mint Cheikh Dieng est née en 1983 à Zouerate, bien que ses parents soient originaires de la Wilaya du Trarza. Elue députée, tête de liste des femmes de la coalition Sawab/RAG, à l’issue des élections locales de mai 2023, elle considère que ses impressions après cette élection se confondent avec celles qu’elle a toujours ressentie en tant que militante du mouvement IRA. « C’est juste un bout de chemin qui vient compléter mon combat pour les droits humains, une nouvelle tribune plus large que je m’offre pour transmettre la souffrance des nombreuses victimes d’injustice et d’oppression » fait-elle remarquer.

Sur son choix comme candidate

« Le choix porté sur ma personne par le président Birame Dah Abeid, leader du mouvement IRA, à la représentation nationale, ne fait que renforcer l’idée que je suis une soldate, prête à servir là où on me le demande » souligne-t-elle.

Comme les deux autres femmes députées de la coalition Sawab/RAG, Ghamou Achour et Aminetou El Hacen Dia, Marième Mint Cheikh considère que leur élection s’inscrit en droite ligne dans la tradition révolutionnaire du mouvement IRA, celle qui a toujours su se poser en antithèse de la pratique ambiante. « Aucune d’entre nous ne répond au profil standard du député mauritanien bon teint bon genre. Nous sommes issues de familles pauvres, au bas-fonds de l’échelle sociale, sans tribu, sans forces de pression, sans influence » détaille-t-elle.

Presque dans un soupir, elle lance, « aujourd’hui, nous sommes tranquilles, aucune dette à payer, au moment où beaucoup de nos autres collègues députés doivent certainement se tenir la tête entre les mains, à cause des sommes colossales qu’ils ont dû emprunter pour financer leur campagne électorale ».

Sawab/RAG aurait pu obtenir plus d’élues si…

Marième Mint Cheikh affirme que si les élections législatives s’étaient déroulées avec plus de transparence, la coalition Sawab/RAG aurait pu faire élire d’autres députés qui affichent le même profil. Celui d’élus choisis non pas parce qu’ils appartiennent à de grandes tribus, ou sont issus de famille riches ou à forte influence, mais parce qu’ils sont représentatifs d’une certaine catégorie de citoyens mauritaniens qui ont connu la souffrance et la marginalisation. C’est, selon elle, le cas de l’ancienne esclave Habi Mint Rabah, libérée en 2008 par IRA après 30 ans de servitude, et qui était 2ème sur la liste nationale mixte de la coalition. C’est aussi le cas de deux autres candidats, une jeune fille et un jeune homme, enfants de martyrs victimes du Passif humanitaire.

« Ces gens, s’ils étaient élus, allaient porter la cause de beaucoup de personnes, celles qui croupissent dans l’esclavage ou en subissent les séquelles, celles qui vivent encore comme veuves ou orphelins depuis la purge des soldats noirs dans les années 90 » illustre-t-elle.

Qui est Marième Mint Cheikh ?

Teint noir, forme arrondie et bien remplie au standard mauritanien, Marième Mint Cheikh est une femme du Nord, avec cet héritage de franchise propre aux gens de cette région, cette fausse impression de naïveté et de candeur. Elle garde cependant dans ses gênes, ce côté futé et énigmatique de Ehel Guebla (habitants du Sud, le Trarza), ce penchant pour la provocation et le sens de la répartie. Une lionne sous la peau d’un agneau, aussi chahuteuse, rieuse dans la vie privée, qu’agressive, arrogante et directe sur le champ de la confrontation. Cette description, presque tous les militants du mouvement IRA le partage. Et encore plus.

Née dans une famille de militants

Marième Mint Cheikh est native de Zouerate, là où elle a accompli tout son cursus scolaire. Elle a grandi à l’ombre d’un père, technicien de laboratoire à la SNIM, grand militant des droits de l’homme, syndicaliste et père fondateur de la Confédération générale des travailleurs de Mauritanie (CGTM), membre du mouvement d’émancipation des harratines au début des années 80, El Hor, qu’il représentait au niveau de Zouerate. Enfant, Marième voyait son père rentrer tard après des réunions nocturnes interminables. Habitude qu’il maintiendra, selon elle, lorsqu’il suivit le parcours périlleux du parti Action pour le Changement (AC) de Messaoud Ould Boulkheïr jusqu’à sa dissolution en 2000. Puis, cette nouvelle aventure aux côtés de son leader au sein du parti Alliance Populaire Progressiste (APP) dont il porta l’étendard au niveau du Tiris-Zemmour jusqu’à son décès (Paix à son âme).

« Mon père a connu toutes les pressions imaginables et inimaginables de la part de ses employeurs. C’était au temps du puissant parti-Etat, le Parti Républicain Démocratique et Social (PRDS) dont la devise était « si tu n’es pas avec moi, tu es contre moi » raconte Marième. Dans un sourire, elle poursuit, « mon père était contre eux ; il le paiera cher, mais jamais il n’a plié ».

Son salaire est réduit et la société le prive de tous ses avantages et primes. Selon elle, il n’arrivait même plus à nourrir correctement sa famille. « Ma mère, Niaye Mint Boulkheïr, n’a jamais essayé de dissuader mon père pour l’amener du côté du pouvoir, ce qui aurait amélioré notre situation. Elle commença à vendre des beignets et des fatayas pour subvenir à nos besoins » souligne-t-elle.

Dans un large sourire, elle lance, « je suis forgée dans cette moule, c’est là où je puise la force de l’endurance, de la persévérance et du goût de la révolte contre l’ordre établi s’il est injuste ».

Une militante à la tête bien pleine

Marième Mint Cheikh est titulaire d’une licence en économie de l’Université de Nouakchott. Elle a passé tout son cursus scolaire à Zouerate. Primaire à l’école 1, secondaire au collège puis au lycée de Zouerate, baccalauréat en 2003.

Elle se lance très jeune, 12 ans, dans l’action militante au sein de SOS Esclaves, cette première association antiesclavagiste dirigée par l’architecte Boubacar Ould Messaoud. Fin 2008 début 2009, elle rejoint le mouvement IRA qui venait d’être créé par un petit groupe de jeunes harratines conduit par Birame Dah Abeid, ancien de l’organisation SOS Esclaves et ex-Secrétaire général de la Commission nationale des droits de l’homme.

Rapidement, Marième Mint Cheikh se forge un nom et se fait remarquer dès les premières confrontations avec les forces de l’ordre. Elle devient rapidement d’ailleurs leur cible. Celle sur qui s’abattent les plus violentes charges policières. Rouée de matraques et de coups de bottes à chaque sortie, elle n’en restait pas moins une montagne de défis. Son franc-parler quand elle dénonce l’esclavage, devient virale au sein des couches visées par ses diatribes.

Marième Mint Cheikh fait partie des militants d’IRA qui ont été les plus interpellés au cours de la décennie passée, ceux qui connaissent le mieux la typologie des différents commissariats de police de Nouakchott. Elle devient une icône de la lutte contre l’esclavage, après ses quatre mois d’incarcération à la prison des femmes.

Invitée à l’international

Après sa libération de prison, Marième Mint Cheikh est invitée en Allemagne en 2015, alors que Birame est incarcéré. Elle parle de IRA, de son combat, de la situation des droits de l’homme et de l’esclavage en Mauritanie. Elle sera invitée plus tard à Bruxelles pour évoquer la torture que les 13 militants et cadres d’IRA avaient subi, suite à l’affaire connue sous le nom de « Gazra Bouamatou ».

Sur son rôle futur de député

Aujourd’hui députée, 2ème rapporteur de la Commission des Affaires Etrangères au sein du Parlement, Marième Mint Cheikh estime que sa mission portera essentiellement sur la défense des droits des victimes d’injustice, en particulier le droit des femmes. Elle estime que c’est la frange la plus opprimée dans le pays. Elle donne l’exemple des pères qui enlèvent leurs enfants pour les amener sans l’avis de leur maman et sans que cette dernière ne puisse disposer de la moindre possibilité de recours. Elle donne aussi l’exemple de ce pouvoir qu’ont les pères en Mauritanie d’arranger avec les agresseurs des contentieux subis par leurs enfants et sans que leurs mamans ne puissent avoir droit au chapitre. C’est contre ce tutorat abusif des hommes, qu’une certaine interprétation de la religion leur confère, qu’elle compte s’ériger.

« La femme est la plus exposée aux injustices dans notre pays, et cela dans tous les domaines, en particulier dans le domaine de l’esclavage » trouve-t-elle. Et de poursuivre, « c’est le maillon faible de nos sociétés ».

Au sein de la commission des affaires étrangères, Marième soutient que son rôle sera d’autant plus grand que c’est dans cette cellule où sont débattus les grands dossiers de la coopération internationale. « C’est là où les pratiques de corruption pourraient être les plus importantes, là où je ferais tout pour en atténuer les incidences ou en dénoncer les faits » avertit-elle.

Cheikh Aïdara