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Hawa Bâ : une battante pour les droits des filles et des femmes

Taille élancée et mince, teint noir, l’air avenant, Hawa Bâ donne l’impression d’être plutôt casanière et réservée. Mais c’est une apparence. En réalité, c’est une jeune fille ouverte et prête à embrasser le monde, engagée et résolument décidée à réaliser ses ambitions.

Hawa Bâ – Crédit Aidara

A 30 ans, Hawa est célibataire. Elle est née un 22 août 1992 à Sebkha, à Nouakchott. Ce qui doit probablement inquiéter ses parents, car en Afrique, même si le mariage des enfants est de moins en moins fréquent, à 30 ans sans mari, des questions et des doutes se posent.  

« Ma famille ne fait aucune pression sur moi par rapport au mariage, mais c’est la société qui s’interroge et qui pense qu’une femme indépendante financièrement fait peur aux hommes » explique-t-elle dans un rire.

Depuis décembre 2022, Hawa Bâ est Point focal de l’unité de Coordination du Partenariat de Ouagadougou (UCPO) en Mauritanie. Elle fut présidente des jeunes ambassadeurs de Mauritanie pour la Santé de la reproduction et la planification familiale (SR/PF) en 2020. Son travail va consister à suivre les engagements FP 2030 du gouvernement mauritanien en matière de planification familiale, ceux des acteurs de la société civile et de la jeunesse, tout en veillant à sensibiliser et à guider ces derniers pour la réalisation de leur feuille de route. Elle devra aussi soutenir un partenariat actif avec les points focaux de la jeunesse et favoriser la redevabilité et le plaidoyer en travaillant avec le gouvernement.

Sur la 11ème édition du Partenariat de Ouagadougou, prévue du 12 au 15 décembre 2022 à Niamey (Niger), elle pense que le thème Développement économique et Planification Familiale est important. « L’indépendance financière de la femme lui donne plus de pouvoir décisionnel par rapport à sa fécondité, notamment l’espacement de ses grossesses et l’organisation de sa vie familiale, surtout en milieu rural » a-t-elle souligné.

Mais Hawa Bâ est pluridimensionnelle. Elle mène plusieurs combats sur plusieurs fronts. Journaliste, elle est dans la profession depuis 2018-2019, quand elle a rencontré Kissima Diagana, qui venait de lancer son site « Initiatives News ». Il l’encourage à écrire. « Mon premier article portait sur les personnes à mobilité réduite » se rappelle-t-elle. Elle a reçu plusieurs formations, le journalisme mobile, avec une expérience de formatrice, et le journalisme de solution.

« J’ai obtenu plus que mes rêves »

Cette jeune fille originaire de Boghé, d’un père ancien garde reconverti en menuisier bois et d’une mère commerçante, est également une activiste de la société civile, depuis 2017. Elle est actuellement assistante administrative dans la Coalition de la société civile GFF (Global Financing Funds) de la Banque Mondiale. Elle rêvait d’être informaticienne dans son enfance et banquière dans sa jeunesse. « J’estime que j’ai réalisé mon plein potentiel et obtenu plus que mes rêves » a-t-elle avoué.

Après le lycée, elle se tourne vers la formation professionnelle. Elle décroche un BT en 2016 puis un BTS en 2018 en comptabilité et gestion. Deux stages, un à la Wilaya (Gouvernorat) de Nouakchott-Ouest, puis à Mauriposte.

Traditionnelle dans ses tenues vestimentaires pendant ses journées de repos, en pantalon et chemise durant ses activités, Hawa aime la musique sénégalaise, Baba Maal et Youssou NDour, mais aussi le Rap mauritanien. Elle aime surtout le poisson et le soupou-kandjé.

Elle dit respecter les coutumes, mais pense que la place de la femme n’est pas seulement dans la cuisine, mais à l’école, à l’Université, dans les centres de formation et dans le travail. « Une femme indépendante est plus capable de faire ses choix et de prendre des décisions pour elle et pour ses enfants » dit-elle. « Le combat de ma vie, c’est aider les femmes et les filles à connaître leurs droits et à les revendiquer, surtout dans le domaine de la santé de la reproduction et planification familiale, la scolarisation, l’autonomisation, et savoir dit non aux excisions, au mariage forcé et au mariage des enfants » ajoute-t-elle.

Hawa Bâ dite « Nionio » est aussi coiffeuse. Elle a son propre salon, « Complexe de coiffure Nionio Fashion » situé chez elle, dans le quartier périphérique de kouva, adossé à la mer. C’est son salon refuge, qu’elle fréquente quand elle n’a pas d’activités. Sa grande ambition ? Créer sa propre association de jeunes sur les questions de santé.

Cheikh Aïdara


Niger, Sénégal et Côte d’Ivoire livrent leur expérience sur l’éducation à la santé reproductive

Lors de la 11ème édition de la Réunion annuelle du partenariat de Ouagadougou, une session parallèle a été consacrée à l’éducation à la santé reproductive. Un panel qui a porté sur le Mind Education, le maintien des jeunes filles à l’école à travers l’éducation à l’hygiène menstruelle, les normes sociales et la promotion de la santé reproductive.

Hawa Bâ, modératrice du panel – Crédit Aidara

Modérée par Hawa Mamadou Bâ, Point focal Jeune PO/PF2030 de Mauritanie, la session parallèle sur l’éducation à la santé reproductive a attiré du monde et les expériences déroulées en valaient la chandelle selon les témoignages.

Le Mind Education, futur de l’éducation ?

Sadia Benjamin, jeune ambassadeur Santé Reproduction / Planification Familiale de Côte d’Ivoire a présenté un concept jusque-là inconnu de la plupart des participants, le « Mind Education ». Il pourrait se traduire par l’éducation par le changement des comportements auprès des jeunes. Selon le conférencier, le concept est né en Corée du Sud et serait l’un des déterminants explicatifs du progrès spectaculaire et de la croissance économique rapide de ce pays. Il est actuellement expérimenté en Côte d’Ivoire.

D’après Sadia, le Mind Education repose sur trois piliers fondamentaux : la réflexion rapide, la communication et la maîtrise de soi. Tout reposerait en définitive sur un problème de changement de comportement social. Il cite ensuite l’histoire dramatique d’une jeune fille nommée Stéphanie, élève studieuse de 17 ans, en première, qui tomba enceinte et succomba suite à un avortement clandestin. L’inexistence de dialogue entre parents et enfants, l’insuffisance de la diffusion de la bonne information sur la santé sexuelle et reproductive, les préjugés et les tabous, seraient, d’après Sadia, les causes principales de tels drames qui touchent plusieurs adolescentes.

Les trois panélistes – Crédit Aidara

Ainsi, le Mind Education tel qu’expérimenté en Côte d’Ivoire cible les jeunes et les adolescent.e.s en milieu scolaire et universitaire, d’où les multiples activités engagées à travers le « Camp mondial de la Jeunesse », le « Forum national de l’étudiant », les « leaders de demain », où des experts aident les jeunes à mieux s’informer sur la santé reproductive et la planification familiale.

Le problème persistant de la précarité menstruelle

Boubacar Amadou Samiratou, Présidente de l’association “Girls Engaged in Medecine and other Sciences” au Niger, a parlé du projet de serviettes hygiéniques réutilisables pour les jeunes filles en milieu rural. En filigrane, l’histoire de Khadijetou, jeune fille brillante, qui a quitté l’école lorsque ses camarades l’ont chahuté suite à des écoulements de sang sur son pagne. À 30 ans, elle vend des galettes alors qu’elle rêvait de devenir médecin.

L’idée est de préparer les jeunes filles à l’éducation sur les menstrues et les aider à fabriquer elles-mêmes leurs serviettes hygiéniques pour éviter la mésaventure de Khadijetou. Le projet, qui regroupe plusieurs jeunes filles, permet ainsi de fabriquer des serviettes hygiéniques répondant aux normes internationales. La conférencière raconte que dans des villages reculés du Niger, des filles continuent d’utiliser des feuilles d’arbres ou des pagnes comme protection lors des menstrues. Elle a souligné, suite à une question sur les infrastructures sanitaires en milieu scolaire, que c’est leur plaidoyer du moment à l’égard du gouvernement, pour que tous les établissements scolaires du pays soient dotés de latrines propres.  

Une partie de l’éducation – Crédit Aidara

300 professeurs relais formés à l’éducation à la santé

Souhaibou Diane, sénégalais, est chargé des questions communautaires auprès de l’ONG RAES créée en 2004 et qui a produit la célèbre série « C’est la vie ». Les activités de l’ONG couvrent l’Afrique de l’Ouest et du Centre et traitent de questions liées à l’éducation à la santé, la production multimédia, développe des activités communautaires et la formation SBCC (santé de base et changements de comportements).

Il y a surtout le Projet EDUCASSO, avril 2018-mai 2022, mis en œuvre à Conakry et à Abidjan et que les gouvernements guinéens et ivoiriens ont accepté, selon Souhaibou. Les deux gouvernements se sont également engagés, d’après lui, à introduire l’éducation à la santé sexuelle et reproductive dans le curriculum scolaire.

Il a évoqué les kits pédagogiques mis à la disposition des enseignants pour leur permettre de mener des animations éducatives, innovantes et impactantes sur les droits sexuels et la santé reproductive. Dans ce cadre, trois outils pédagogiques clés en main existent : un coffret d’outils, l’outil « Parlons-en » qui est un guide de discussions et l’outil « A toi de jouer » pour concevoir et animer sa propre émission radiophonique. Autre outil, « Hello Ado », qui est une application mobile d’autoformation.

Parmi les résultats obtenus, 700 acteurs de terrain et 300 professeurs relais formés.

Cheikh Aïdara

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Réunion annuelle du Partenariat de Ouagadougou, ouverture à Niamey de la 11ème édition en présence du Premier ministre du Niger

L’ouverture officielle de la 11ème édition de la réunion annuelle du Partenariat de Ouagadougou (P.O) a été rehaussée mardi 13 décembre 2022 par la présence du Premier ministre du Niger, celle de la Directrice régionale du Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA), de la Directrice Exécutive du FP 2030, de la Coordinatrice de l’Unité de Coordination du P.O, de membres du gouvernement nigérien et de plusieurs hautes personnalités venues des 9 pays membres de cette organisation sous-régionale.

Le PM nigérien et à sa gauche la directrice de l’UCPO – Crédit Aidara

C’est sous un fonds musical typiquement sahélien joué par la troupe SOGO du Niger, que la 11ème édition de la Réunion Annuelle du Partenariat de Ouagadougou a été solennellement ouverte par le Premier ministre nigérien, Ouhoumoudou Mahamadou.

Des progrès au Niger en termes de politiques de population

Dans son allocution, le chef du gouvernement du Niger a d’abord rappelé le processus incitatif en faveur de la santé de la reproduction et l’espacement des naissances, depuis la Conférence du Caire de 1994 jusqu’au lancement en 2011 du Partenariat de Ouagadougou qui regroupe le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Guinée, le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Sénégal et le Togo. Cette initiative permet ainsi, selon lui, de réunir chaque année les Etats et les partenaires pour partager les programmes en termes d’avancement des indicateurs en santé reproductive et contraceptive au niveau des pays membres, de relever les défis et de proposer des solutions.

Il a renouvelé à l’occasion l’engagement du gouvernement nigérien par rapport à l’agenda du P.O, relevant les défis multiples auxquels font face les Etats membres. D’où, selon lui, l’urgence de rechercher des solutions pour le bien de la population tout en visant l’atteinte des objectifs du développement durable (ODD) de 2030.

Il a développé un véritable plaidoyer en faveur de l’espacement des naissances, évoquant le taux élevé de l’indice de fécondité au Niger, 7 enfants par femmes, l’aspect économique lié au PIB, le maintien des filles au secondaire, la réduction du ratio inactifs/actifs. L’objectif selon le Premier ministre nigérien, c’est d’atteindre un taux de prévalence contraceptive de 29,5% en 2025.

Les jeunes réclament leur place

Une partie de l’assistance – Crédit Aidara

Plusieurs oratoires avaient pris la parole auparavant, à l’image de la Coordinatrice du P.O, Marie Bâ, qui s’est félicité des progrès réalisés par le Niger dont le taux de mortalité maternelle est passé de plus de 600 à 520/100.000 naissantes vivantes, la création de l’Office national de la Population, la restructuration au sein du Ministère de la Santé et du Ministère des Affaires Sociales, la création d’une Direction sur la santé de la reproduction et de la planification familiale. Elle a surtout insisté sur le rôle primordial à accorder aux jeunes qui prouvent, selon Marie Bâ, leur créativité et leur sens de l’entreprenariat. Bref, « des jeunes qui réclament de plus en plus leur place » assène-t-elle.

UNFPA-UCPO, mêmes combats

La Directrice régionale de l’UNFPA, Argentina Matavel a insisté pour sa part, sur la complémentarité entre son institution et l’UCPO, qui se recoupent, selon elle, dans leurs objectifs, le repositionnement de la femme, à travers le développement du potentiel des adolescents et des jeunes, l’autonomisation des femmes et des filles, le droit au choix, faisant de la planification familiale l’un des trois résultats transformateurs d’ici 2030.

Elle a cependant relevé les défis qui persistent, soulignant que la prévalence contraceptive dans les pays du P.O restent des plus faibles par rapport au reste du monde, et même des Etats de l’Afrique australe. Elle a plaidé en faveur du rehaussement des budgets alloués à la planification familiale. Selon elle, si le Niger par exemple réservait 25% de son budget à l’éducation d’ici 2030, ce sont 6 milliards de francs Cfa que l’Etat en tirerait en termes de bénéfice.

Le plaidoyer des jeunes

Portant la voix de la jeunesse, la nigérienne Mariama Abou Gado, activiste et étudiante en médecine, a aligné les multiples avantages de la planification familiale, évoquant le maintien des filles à l’école, la réduction des mariages des enfants, l’autonomisation des filles et des femmes, la réduction de la mortalité maternelle et la baisse des avortements et des grossesses à riques.

Le Gouverneur de la région de Niamey, Oudou Ambouka, avait souhaité la bienvenue aux participants à l’entame de la cérémonie officielle, sans s’empêcher de saluer l’intérêt que l’Etat nigérien au plus haut sommet porte aux questions liées à la santé de la reproduction et la planification familiale.

Il faut dire que les travaux de la 11ème édition de l’UCPO avaient débuté lundi 12 décembre 2022 sous l’auspice des jeunes. Une première journée qui a été marquée par une cérémonie d’ouverture, six sessions plénières et une finale de concours de plaidoyer des associations Jeunes.

Cheikh Aïdara


Droits d’auteurs et droits voisins en Mauritanie, Assalamalekum forme les acteurs culturels

L’Association Assalamalekum Culture a lancé vendredi 2 décembre 2022 à Nouakchott une formation à l’intention de plusieurs organisations et acteurs culturels mauritaniens sur les droits des artistes.

Dr. à G. : Daniel, Ould Mahjoub, Yahya Ahmedou, Samaké, Le Boot – Crédit Aidara

Management des projets et des organisations, financement et économie de la culture, marketing territorial, écologie des projets ! Telles sont quelques spécialités pointues que le programme AWA de soutien aux secteurs de la culture et de la création en Afrique de l’Ouest, à côté de l’Institut Korê, propose aux acteurs et organisations culturels de la sous-région. Ce programme financé par l’Union européenne et le Programme ACP-UE intervient également dans la promotion des droits des artistes. C’est dans ce cadre que s’inscrit la formation lancée le 2 décembre 2022 à Nouakchott par Assalamalekum Culture sur les droits d’auteurs et droits voisins.

Vue des participants – Crédit Aidara

Ouvrant les travaux de l’atelier, Yahya Ahmedou, Chargé de mission au Ministère de la Culture a souligné qu’une cellule chargée des droits d’auteurs et droits des voisins existe déjà. « Avec le concours de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) et de l’UNESCO, plusieurs activités ont été menées, dont des sessions de formation qui ont été renforcées par la suite par l’élaboration d’un dispositif juridique » a-t-il ajouté.

Auparavant, Kane Limam dit Monza, président de l’association Assalamalekum, avait souligné que l’organisation du présent atelier s’inscrit dans le sillage de l’impulsion et de la règlementation des droits d’auteurs et des droits voisins en Mauritanie. Selon lui, le respect et la dignité des artistes passent d’abord par l’existence d’une loi protégeant leur statut.

« Nous espérons qu’à la fin de cet atelier et des réflexions qui lui feront suite, il y aura des retombées positives pour la formulation des premières étapes de notre structuration et de notre statut de travailleurs » a-t-il lancé.

A l’ouverture, Monza souhaite la bienvenue au public – Crédit Aidara

Le Coordonnateur du programme AWA-ACP-UE, Abderrahmane Samaké, a déclaré pour sa part que « la Mauritanie occupe une place suffisamment importante dans le domaine de la culture aux yeux des pays ACP et de l’Union européenne ». Aussi, fait-elle partie des 15 pays de la CEDEAO à bénéficier du programme ACP-UE Culture doté d’une enveloppe de 6 millions d’euros. « C’est aussi une preuve de confiance aux pays bénéficiaires, mais aussi aux acteurs et aux opérateurs culturels que vous êtes » a-t-il précisé.

Lui succédant, Jerôme Le Boot, Chargé de Gouvernance à la Délégation de l’Union européenne en Mauritanie a ajouté que le fait de disposer d’un cadre juridique « est nécessaire pour garantir les droits des acteurs culturels ainsi que leurs productions ». Et de promettre que « l’Union européenne sera à vos côtés pour continuer à bâtir le monde de la culture en Mauritanie ».

Le Maire de la Commune de Tevragh-Zeine, Abderrahmane Ould Taleb Mahjoub a exprimé l’honneur d’accueillir un tel évènement, avant de rappeler la démarche entreprise par sa municipalité dans le cadre de son programme « Nouakchott, Ville Créative » et son implication dans l’accompagnement des acteurs culturels en collaboration avec son partenaire sur le terrain, l’association Assalamalekum.

L’atelier qui a duré trois jours a été supervisé par un formateur expert dans le domaine culturel et la propriété intellectuelle, le Sénégalais Daniel Gomez, président de l’Association des métiers de la musique (AMS) et Administrateur de la Sénégalaise des droits d’auteurs et des droits voisins (SODAV).

Cheikh Aïdara

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