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Loi Karama en Mauritanie : le mouvement « Femmes Leader » entre urgence législative et controverses religieuses

En marge des préparatifs de la célébration de la fête nationale de l’Indépendance le 28 novembre 2023, diverses manifestations ont éclaté à travers la Mauritanie. À Nouakchott, le mouvement Femmes Leader, regroupant des députées et militantes de la société civile, a pris part à une marche pour soutenir le projet de loi ‘Al Karama’ contre les violences envers les femmes, actuellement bloqué à l’Assemblée Nationale.

Des militantes lors de la marche du 28 novembre 2023 pour l’adoption de la loi contre les violences faites aux femmes.
Crédit Aidara

En Mauritanie, près de 70% des femmes sont confrontées à une forme de violence (physique, sexuelle, psychologique, économique). Cette alarmante réalité renforce la conviction des Femmes Leaders pour le Développement en Mauritanie (FLDM) selon laquelle le vote de la loi KARAMA est une urgence cruciale pour protéger les femmes et les filles mauritaniennes contre les différentes formes de violence, notamment les violences domestiques, les viols et les discriminations multiples qui sont leur quotidien depuis des décennies.

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Drapées de voiles et de boubous aux couleurs rouge vif et orange, les femmes membres du FLDM ont brandi des pancartes où étaient inscrits des slogans en arabe et en français dénonçant la violence faite aux femmes et aux filles qu’elles considèrent comme le comble de l’humiliation. Sur d’autres pancartes, on peut lire « pour briser le silence des femmes victimes de violence, appuyons la loi Karama ». Ou encore, « Marchons pour un avenir sans violence avec la loi Karama ».

Ces messages poignants trouvent leur résonance dans la triste réalité où une grande partie des femmes mauritaniennes sont confrontées à des violences au quotidien. Ils s’inscrivent dans un combat qui vise à débloquer (au niveau du parlement mauritanien) l’une des lois les plus combattues par les groupes radicaux religieux. Ces groupes sont appuyés par certaines voix qui sont encore réfractaires à toute révolution contre le caractère machiste d’une grande partie de la société mauritanienne.

Des militantes lors de la marche du 28 novembre 2023 pour l’adoption de la loi contre les violences faites aux femmes.
Crédit Aidara

Controverse et opposition religieuse

L’ampleur du phénomène des violences sexuelles n’est lui pas bien connu, cette forme de violence étant encore souvent considérée par la population comme une affaire privée ! Peu de victimes osent porter plainte, par peur d’être stigmatisées, rejetées, punies, d’autant plus que la loi mauritanienne reste encore floue en ce qui concerne la pénalisation des violences basées sur le genre. La législation mauritanienne ne reconnaît toujours pas le viol marital.

Il faut rappeler que la loi sur les violences contre les femmes continue de faire l’objet de controverses en Mauritanie. La presse internationale s’est saisie de la question, comme les médias mauritaniens. Le 2 octobre 2023, à Nouakchott, plusieurs citoyens, imams et prédicateurs avaient profité de la rentrée parlementaire pour manifester devant le Parlement contre le projet de loi. Ces hommes soutiennent que les versions du texte sont contraires à l’Islam. L’État mauritanien, mais aussi les hautes instances religieuses du pays, avaient pourtant démenti ces allégations.

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Appel à l’engagement masculin

La présidente de l’association, Mme Anna Aidara, considère que le combat pour l’éradication de toute forme de violence à l’égard des femmes est un combat qui ne doit pas mobiliser seulement les femmes. Selon elle, les hommes ont aussi le devoir de porter ce combat pour bannir toute forme de violence commise à l’encontre de cette frange. « Défendre cette cause qui fait partie des droits humains, c’est défendre aussi nos mères, nos sœurs, nos nièces et leur reconnaître le droit à la dignité » a-t-elle ajouté.

La société civile mauritanienne continue ainsi d’exiger l’adoption de la loi « Al Karama » et la marche organisée par les femmes leaders à la veille du 28 novembre en est une parfaite illustration.

Cheikh Aîdara


Indépendance 2023 de la Mauritanie, « Le K » alias Seydina Diallo sort le single au vitriol « 93 23 » sur le Passif Humanitaire

Depuis la Belgique où il s’est installé depuis quelques mois, troquant le blazer du Rappeur au costume du fonctionnaire international, Seydina Ali Diallo dit « Le K » sort un nouveau single intitulé « 93 23 » où il dénonce le Passif Humanitaire, pour dire la tristesse des familles qui commémorent ce 28 novembre 2023, 63ème anniversaire de l’indépendance de la Mauritanie, en hommages au douloureux souvenir de cette triste nuit du 28 novembre 1990 durant laquelle 28 de leurs proches ont été pendus à Inal.

A l’occasion de la célébration du 63ème anniversaire de l’indépendance de la Mauritanie, le 28 novembre 2023, Seydina Ali Diallo dit « Le K », jeune rappeur et ex-chargé de communication au Bureau International du Travail en Mauritanie, sort un nouveau single dénommé « 93 23 ». Il y dénonce l’amnistie de 1993 (loi n° 93-23 du 24 juin 1993) qui absout tous les crimes de sang commis durant les années de braise pendant lesquels des centaines d’officiers, sous-officiers et soldats négro-mauritaniens, en majorité Halpulaar, ont été exécutés dans plusieurs camps militaires en Mauritanie. Les autorités de l’époque avaient évoqué une tentative de coup d’Etat qu’allait perpétrer cette communauté.

Des dizaines de fosses communes ont été découvertes plus tard dans plusieurs lieux, notamment à Azlat, Sori Malé, Wothié dans la Vallée.

L’apothéose de ce pogrom qui s’est étalé de 1989 à 1992 a été atteint, selon plusieurs témoignages de rescapés, le 28 novembre 1990 quand 28 soldats halpulaar furent pendus dans le camps militaire d’Inal, pour commémorer le 31ème anniversaire de l’indépendance de la Mauritanie.

Depuis cette date, le jour de cet anniversaire est devenu un jour de deuil et non de fête, pour les centaines d’orphelins et de veuves constitués en collectifs pour exiger le règlement définitif de ces douloureux évènements connus sous l’appellation « Passif Humanitaire ». Ils organisent à cette occasion, en général le 27 novembre de chaque année, des marches toujours matés par les forces de l’ordre.

Le nouveau single de Seydina Ali Diallo, « 93 23 » revient ainsi sur cette problématique. Un tube au vitriol qui fustige l’ordonnance de 1993 qui soustrait à la justice les auteurs des massacres des années 91-93, mais aussi dénonce toutes les exactions que les populations noires subissent, en termes de spoliation foncière et d’épuration ethnique.

Ainsi, avec ce nouveau single, Seydina Ali Diallo enrichit sa discographie déjà riche depuis le projet PHENIX qui avait marqué son comeback dans le monde du Rapp en Europe, en particulier dans la capitale belge Bruxelles. Les textes du rappeur sont durs et crus. Ils revendiquent et mettent à nu les injustices et inégalités dont sont victimes une grande partie de la communauté mauritanienne, en particulier les Halpulaar.

Le single est disponible sur youtube.

Cheikh Aïdara


14ème édition « Traversées Mauritanides », sur les chemins de traverses des rencontres littéraires 2023

Plus que quelques jours avant le grand rendez-vous du « Festival Traversées Mauritanides » dans sa 14ème édition. Prévu du 17 au 22 novembre 2023, ce rendez-vous annuel des amoureux des belles lettres se déclinera comme d’habitude entre conférences, tournées dans les écoles, tables-rondes, concours génies en herbe et one man show, le tout sous le lumineux thème « Fiction, chemins de traverses ».

Plusieurs grands auteurs de renommée sont attendus, avec de très belles têtes d’affiches, au cours du Festival littéraire « Traversées Mauritanides » qui aura lieu du 17 au 22 novembre 2023 à Nouakchott. Sont cités dans ce chapitre, le Sénégalais Mbougar Sarr, Prix Goncourt 2021 pour son roman « La plus secrète mémoire des hommes », mais aussi l’ancienne ministre et diplomate du Burkina Faso, Monique liboudo, Prix littéraire des droits de l’homme pour son roman « Carrefour des veuves ».

Parmi également les illustres invités, le Guinéen Mohamed Lemine Camara, éditeur, responsable à Harmattan Guinée et Directeur délégué des « 72 heures du livre de Conakry ». Sans oublier, Nicolas Fargues de la France, qui a publié depuis 2000, pas moins de 13 ouvrages aux éditions POL, dont « J’étais derrière toi » en 2006 et plus récemment « La péremption » en 2023.

Deux autres talentueux écrivains, sont aussi sur le banc des invités. Il s’agit de la Tunisiennes, Imèn Moussa, Docteure en littératures française et comparée, cofondatrice des Rencontres Sauvages de la Poésie, et membre de l’association Atlas pour la traduction au Collège International des Traducteurs Littéraires à Arles. Mais aussi, le germano-irakien, né à Bassora (Irak), Najem Wali, responsable de Writers in Prison, vice-président du centre PEN-Allemagne.

Côté écrivains mauritaniens, le festival verra la prestation de nos génies de l’écriture, les professeurs Idoumou Mohamed Lemine et Mohamed Ould Bouleiba, l’écrivain-poète Cheikh Nouh et notre amazone de la plume, Tarba Mint Amar, mais aussi l’écrivain mauritanien le plus primé, MBareck Beyrouk, Prix Amadou Kourouma (2016) et Prix Cheikh Hamidou Kane (2023).

Les auteurs seront le matin en compagnie des élèves au cours des visites programmées dans les écoles. Les après-midis seront consacrés aux conférences et tables-rondes qui auront lieu dans plusieurs endroits, Musée National, Institut Français de Mauritanie (IFM), Université de Nouakchott, Centre culturel marocain.

L’ouverture officielle du festival prévu le vendredi 17 novembre 2023 sera marquée par une conférence en arabe sous le thème « les lettres à l’horizon des rencontres entre civilisations ». Il sera animé par Mohamed Ould Bouleiba, professeur de littérature, Tarba Mint Amar en compagnie de deux éminents poètes, Sidi Mohamed Bamba (Prince des poètes, titre obtenu à Dubaï Emirats Arabes Unis) et Cheikh Nouh, avec la modération du brillant journaliste Cheikh Moadh Sidi Abdoullah.

Les autres conférences et tables-rondes porteront sur des thèmes variés, comme « la femme dans la consolidation de la cohésion sociale », « doit-on encore parler de régions en littératures, et quel choix pour l’édition », « Fiction, chemin de traverses, pour quels choix d’écritures ? », « Un monde entre guerres et crises d’identité, une invite à l’engagement », entre autres.

Plusieurs étincelles de lumière dans le programme, le « One man show » ou Libre parole à MBougar Sarr » à l’IFM mardi 21 novembre, la prestation de Slam de Diaw Fall, finaliste du Concours Eloquence Mauritanie et du Brésil en 2023, sans oublier le concours « Génies en herbe » qui mettra en compétition 8 établissements scolaires de Nouakchott, dimanche 19 novembre au Centre culturel marocain.

Cheikh Aïdara


5ème édition du festival Letritude 2023, entre productions artistiques et formations aux métiers

Lancé le 1er novembre 2023, en mémoire à Feu Ahmed Hamza, la 5ème édition du festival Letritude qui lui est dédié, bat son plein entre productions artistiques, dîners de galas et formations à divers métiers. Avec des moyens du bord, Mister X alias Cheikh Diagne, un féru des mots, a pu en une semaine prouver que la passion peut soulever des montagnes.

Comme la plupart des promoteurs culturels mauritaniens qui se battent seuls face au manque de ressources et de sponsors, Mister X alias Cheikh Diagne, a su faire du festival Letritude dont il est l’initiateur et le directeur, une réussite et un succès aussi bien sur le plan du contenu que de l’innovation.

Le festival qui est prévu pour une semaine, du 1er au 7 novembre 2023, a commencé par une conférence de presse animée le jeudi 2 novembre au siège de Vision Futuriste de la Communication et de la Production (VFC Prod), situé à l’Ilot L de Nouakchott. Au cours de cette soirée, Mister X et ses invités se sont exprimés sur le festival et ses contours.

Comment est né le Festival Letitrude

La conférence, pleine d’émotions, a été marquée par une longue introduction du directeur du festival, Mister X qui a démarré par une question : « pourquoi Letritude ». Il précise que c’est un mot artistique qu’il s’est inventé, directement inspiré par la Négritude de Léon-Gontran Damas, Aimé Césaire et Senghor.

Selon Mister X, slameur, rappeur, producteur et animateur, ce festival est une imagination personnelle dont l’objectif est d’enrichir l’art oratoire et d’en faire un pilier de la culture urbaine.

Il précise aussi que ce festival avec Zéro ouguiya de financement est pourtant milliardaire, non pas d’argent, mais de volontés individuelles, de matières grises gratuites et de mains solidaires. En l’absence de tout partenaire, de toute subvention et de tout sponsor.

Ces mains bénévoles qui font la Letritude

D’où ses remerciements à tous ces animateurs, comédiens, vidéocastes, artistes, bénévoles qui accompagnent le festival. Parmi les artistes invités cette année, Mister X a cité, Xuman tête d’affiche, mais aussi d’autres jeunes comme Khamanber, Brems, Eben, le groupe de reggae de Nouadhibou Baba Dieri, Moris Kano, Le Baron, Authentique, entre autres.

Il a surtout remercié les responsables des lieux dont les espaces devront servir aux activités du festival, notamment Sunu Keur, Estiv, Traversées Mauritanides, D’Art, VFC, Institut Français (IFM).

24 formations et 753 inscritits

A côté de la programmation artistique, Mister X et ses collaborateurs ont également monté 24 formations avec 753 jeunes inscrits, dont 475 filles. Ces formations portent sur l’infographie, l’informatique, la musique assistée par ordinateur, chauffeur conducteur (18 filles inscrites), coiffure make up, vidéographie, direction et montage de projets artistiques, programmation et production, restauration et art culinaire, technicien de son, lumière, éclairagiste et régis, D-J-Ing scénographie et animation, agent commercial et agent d’accueil.

Les intervenants

Intervenant par la suite, Daddy Def alias Fadel Camara, producteur, manager et formateur en montage de projets, a déclaré que cette 5ème Festival de Letritude est inédite et originale par son amplitude et la qualité de ses programmations artistiques ainsi que de ses formations aux métiers.

Simon de l’IFM, arrivé il y a juste deux mois en Mauritanie, a dit tout le bonheur de son institution à collaborer avec les artistes locaux.

Quant à Gako Amadou dit Amma, coach formateur, il a reconnu que le pays regorge de jeunes talents qui n’ont besoin que d’un accompagneme.

Le dernier intervenant, Oumar Sow, couturier de l’équipe nationale de football (Les Mourabitounes) et qui habillent la plupart des artistes mauritaniens, il a félicité Mister X et salué le succès du festival qu’il tient à accompagner. Oumar Sow va former au cours de l’évènement plusieurs jeunes dans la couture.

La conférence de presse a été marquée par un riche échange entre les organisateurs et le public, notamment sur la place de la culture, les droits d’auteurs, entre autres.

Cheikh AIdara