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Mauritanie : persistance et montée de la gouvernance et du discours raciste

« Maliens, Marocains et Algériens ont pris conscience de l’identité plurielle de leurs pays respectifs, reconnu la réalité du ‘’mal vivre-ensemble ’’, compris donc enfin la nécessité de faire place à leur composante nationale berbère… La Mauritanie , seule , poursuit sa fuite en avant face au problème d’unité nationale, de cohabitation … » Dixit Samba Thiam, président du parti non encore reconnu les Forces Progressistes pour le Changement (FPC).

Voilà ce qu’est la Mauritanie, un mélange d’ethnies et de communautés pluriséculaires – Crédit Aidara

Le contexte sociopolitique en Mauritanie reste marqué par une difficile cohabitation entre d’une part, la communauté maure beidane qui détient l’essentiel du pouvoir politique et économique du pays et d’autre part, la population noire composée de harratines (descendant d’esclaves) plus proches culturellement des maures, ainsi que les communautés noires de souche africaine, Pulaar, Soninkés, Wolofs et Bambaras.

Une société mauritanienne encore divisée

Plus de soixante ans après la création de l’Etat mauritanien indépendant, et malgré l’évolution sociale et politique marqué par plusieurs décennies de pratiques démocratiques, de mise en place d’institutions et d’arsenaux juridiques qui promeuvent l’égalité des citoyens devant la loi ainsi que des batteries de mesures en faveur du respect des droits humains, le racisme, la discrimination et les violations des droits des populations noires, surtout celles anciennement issues de l’esclavage, persistent. Ainsi, l’émergence d’une élite issue de cette frange continue de faire grincer des dents et de susciter le mépris de la part d’une partie de la communauté maure, encore très nostalgique du temps où la hiérarchie sociale ne donnait pas droit au chapitre aux couches dominées.

Discours raciste contre un magistrat

D’où la polémique créée par la sortie de deux spécimens de cette catégorie de racistes suprématistes

Il s’agit d’un sulfureux charlatan connu pour ses sorties moyenâgeuses, le dénommé Yehdhih Ould Dahi qui avait mis à prix la tête d’une célèbre défenseuse des droits des femmes, Aminetou Mint Mokhtar, présidente de AFCF

L’autre personnage est un avocat du nom de Sid’El Moctar Ould Sidi dont les sorties souvent hasardeuses ne sont pas loin de celles de son prédécesseur. Il est sous le coup d’une radiation de l’Ordre national des avocats mauritaniens

Ces deux personnes ont créé une très forte polémique lorsqu’ils se sont attaqués dans des groupes WhatsApp au magistrat Haroun Oumar Ideighbi, Directeur de la législation au ministère de la justice, issu de la communauté harratine, qui s’exprimait à titre personnel lors d’un débat organisé le 9 décembre 2023, dans un Think Thank dénommé Centre Mouhit, à l’occasion de la célébration de la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes (le 25 novembre).

Qui sont les deux tristes personnages ?

Yehdhih Ould Dahi est décrit comme le chef d’un groupuscule salafiste appelé « Ahbab Rassoul » ou « Amoureux du Prophète », dont la fureur misogyne se double d’une prétendue guerre aux Djins, son fonds de commerce juteux.

Quant à l’avocat Me Sid’El Moctar Ould Sidi, son propos recycle le racisme du sociologue arabe Ibn Khaldoun, auteur dès le début du Moyen-âge d’une fameuse théorie des climats qui rétrograde les noirs subsahariens au rang de l’infra-humanité.  

En gros, ces deux personnages ont copieusement insulté les hratines, trouvant que leur endroit n’est pas la magistrature ni la direction des hommes, mais là où ils doivent être, c’est la place des serviteurs.

L’intervention « coupable »

Dans son intervention, le magistrat Haroune, s’appuyant sur les chroniques de Ibn Batuta, voyageur marocain du 12 siècle, s’était livré à un exercice de synthèse historique qui démontre l’enracinement de la mixité du genre, au sein de la société maure, notamment à Oualatta, sujet de ses observations. Ideighbi, précisera, à la faveur de son exposé, que le célèbre écrivain portait, là, un jugement subjectif, par référence à l’obscurantisme de son milieu d’origine.

La contre-réaction

En réaction à la sortie virulente de Yehdhih Ould Dahi et Sid’El Moctar contre le magistrat Haroune Ideighbi qu’ils ont insulté et traité de tous les maux ainsi qu’à sa communauté, un groupe d’intellectuels harratines et négro-mauritaniens, dont d’éminents défenseurs des droits de l’homme, à l’image de Boubacar Messaoud de SOS Esclaves, Birame Dah Abeid, président du mouvement abolitionniste IRA et l’avocate Me Fatimetou Mbaye de l’AMDH, ont publié il y a quelques semaines une tribune, intitulée « Mauritanie : Persistance et montée de la gouvernance et discours raciste : Appel à la Résistance ».

Ils trouvent que dans ses audios, Ould Dahi, imbu de sa lecture réactionnaire de l’Islam comme des milliers de ses congénères, insulte les Hratines, les cadets sociaux et les femmes activistes, avec l’outrance et l’impudeur que seule confère la certitude de l’impunité. Ce faisant, il alimente la zizanie sociale et incite, une majorité de la population, à la révolte.

« Il y a, là, en sus des infractions précitées, un défi à l’ordre public, tous abus desquels le Parquet ne saurait se détourner, sous peine de devoir assumer une complicité manifeste avec les insulteurs, voire de les inciter à la récidive » ont-ils souligné.

S’adressant au Ministre de la Justice, ils lui exigent de diligenter, selon les modalités du flagrant délit, le processus de sanction et de réparation que requiert la gravité des agissements récurrents des deux provocateurs.

Selon les signataires de la plateforme, « toute abstention, esquive ou fuite de l’Etat, face à l’énormité du scandale, risque d’entretenir un surcroît de frustration quant à l’inégalité des citoyens devant la loi. Le laxisme exclusif à l’endroit des colporteurs de haine et des promoteurs de la supériorité ethnique, risque de consolider le statu quo de la domination séculaire au prétexte de la naissance ».

Pourquoi aujourd’hui

L’impunité dont jouissent aujourd’hui des personnages perturbateurs de l’ordre social comme le charlatan Yehdhih Ould Dahi, qui n’a jamais été inquiété malgré la multiplication de ses actes et interventions hors-la-loi, repose encore la question de l’applicabilité de la loi.

Plusieurs personnes ont été incarcérées pour moins que ce que vient de faire Yehdhih Ould Dahi, à l’image du jeune Soudeibou en prison depuis plusieurs mois pour une blague, ou encore celle du jeune Youba Siby El Ghaouth extradé du Sénégal et emprisonné sans procès pour avoir dénoncé des actes de discrimination.

Aussi, est-il important de poser la problématique du racisme soutenue par l’Etat et dont certaines personnes semblent en détenir un privilège particulier. D’où ce rappel contenu dans le message diffusé par les auteurs de la tribune.

Selon eux « aujourd’hui, plus que jamais, la Mauritanie devrait veiller à se préserver des vagues d’instabilité et de déferlement de la discorde qui submergent le Sahel et grondent à nos frontières. La cinquième colonne des fossoyeurs de la République agit, désormais, parmi nous, à visage découvert. Sachons la bouter avant qu’il ne soit trop tard ! »

Cheikh Aïdara

Ci-bas, la liste des organisations, élus et personnalités qui avaient signé la déclaration d’indignation après la sortie de Yehdhih  Ould Dahi et Sid’El Moctar Ould Sidi

Ghamou Achour Salem, députée

Aminatou Elhacen Boughal Dia, députée

Mariem Cheikh Samba Dieng, députée

Biram Dah Abeid, député, réseaux de l’Initiative de résurgence abolitionniste (Ira)

Mohamed Vall Handeya, Manifeste des Haratines

Oumar Yali, parti Radical pour une action globale (Rag)

Mamadou Moustapha Ba, Coalition vivre ensemble (Cve/Diaspora)

Bocar Omar Ba, Activiste politique, Strasbourg, France

Abou Bakry Souleymane Ba, Cve /comité de suivi

Alassane Dia, Touche pas à ma nationalité (Tpmn)

Lemrabatt Haidara, Délégué du président Mamadou Alassane Ba, Cve

Samba Kamara, fonctionnaire international à la retraite

Fatimata Mbaye, avocat


DÉCLARATION : HARO SUR LES MENTALITÉS ESCLAVAGISTES ET RACISTES EN MAURITANIE

A la suite d’un commentaire du magistrat Haroun Ideighbi, Directeur de la législation au ministère de la justice, dans un panel de réflexion sur le fondement historique et culturel de la mentalité esclavagiste dans la Société maure, Yehdih ould Dahi, le pseudo dévot d’une secte salafiste en Mauritanie, aurait déclaré, outré, que ce magistrat d’extraction esclave ne pouvait être un juge ou magistrat en raison de son origine sociale. Cette scandaleuse déclaration ne suscita aucun commentaire des tenants du Système, il a suffi que  biram dah s’exprime sur la question pour que la cabale se déchaîne.

La réaction épidermique et virale des milieux conservateurs rétrogrades, piliers du système de domination raciale et sociale, ne fait que confirmer les propos justes du juge.

Aujourd’hui il faut être d’une malhonnêteté intellectuelle notoire pour ne pas reconnaître la nature esclavagiste et raciste de l’Etat mauritanien. Au-delà de l’évidence, il y a la réalité comme disait l’autre.

Il est étonnant qu’à l’orée du 21ème siècle, il se trouve des esprits encore imbus de la culture et de l’éducation esclavagistes pour considérer le profil et les compétences des citoyens à l’aune de leur prétendue ascendance! Il est encore plus inquiétant que l’Etat et ses démembrements laissent prospérer ses considérations déshumanisantes pour s’en prendre plutôt, à travers une congrégation foncièrement commise à la préservation des intérêts du groupe, aux défenseurs de la dignité humaine et des valeurs républicaines comme le camarade Biram D. Abeid.

Pire encore, ils versent dans l´apologie de la supériorité raciale dans un État qui se dit islamique, une religion qui prône l’égalité de tous les citoyens. Le prophète Muhammad (Paix sur lui) disait dans son sermon d’adieu: « Toute l’humanité descend d’Adam et Eve. Un Arabe n’est pas supérieur à un non-Arabe et un non-Arabe n’est pas supérieur à un Arabe. Un Blanc n’est pas supérieur à un Noir et un Noir n’est pas supérieur à un Blanc – si ce n’est par la piété et la bonne action ». Les obscurantistes n’en ont cure. Leur courroux haineux et ethno-raciste ne s´est pas arrêté seulement au juge mais aussi au leader abolitionniste Biram Dah Abeid de l´IRA et à tous les combattants de la liberté qui s’insurgent contre l’ordre social et racial injuste établi et érigé en règle de gestion du pays.

Si les propos réactionnaires et menaces de ces petits chauvins et racistes ne nous surprennent pas, la posture et le silence coupable et complice des autorités étatiques, eux, nous inquiètent. Ces sorties en audio et sur les plateformes digitales sont d’une extrême gravité; elles incitent à la violence, portent atteinte à la dignité humaine d’un pan entier de notre peuple et violent effrontément nos lois et les enseignements de notre religion. Par conséquent, ces dérives hystériques ne devraient laisser indifférentes toutes les personnes éprises de justice et de paix dans une république normale.

Les Forces Progressistes du Changement (FPC), parti d’avant-garde et de combat contre l´hégémonie raciale et sociale en Mauritanie, condamnent avec la plus grande fermeté ces propos esclavagistes et l’idéologie suprémaciste dont ils sont une vile émanation, et appellent à des mesures énergiques contre ces petits obscurantistes et tous leurs complices.

Les FPC apportent leur soutien sans réserve et leur solidarité militante au camarade Biram Dah Abeid, victime de menaces et d’une campagne mensongère des tenants du Système.

Les adeptes tropicaux de l´excroissance moyen-orientale du national-socialisme nazi mauritanien doivent réviser leurs doctrines et tirer des leçons sur la défaite du baathisme en Irak et ailleurs.

Les appels à l’unité nationale et à la justice de nos autorités doivent dépasser les simples vœux pieux et creux et se traduire dans les faits pour éviter au pays le démembrement.

La lutte continue !

Nouakchott le 25 décembre 2023.

Le département de la Communication des FPC


Cérémonie de labélisation à Nouakchott de IKAM Mauritanie

Nouakchott a abrité jeudi 14 décembre 2023 la cérémonie de lancement de la labélisation de l’Institut Kore des Arts et Métiers (IKAM) de Mauritanie sous la présidence de M. Kane Limame dit Monza. L’occasion pour les participants, dont des formateurs venus du Mali, de suivre la conférence inaugurale animée par M. Aziz Dieng, Président du Conseil Permanent du droit d’auteur et des droits connexes de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI).

De G. à Dr. Monza, Bâ Mamadou (Ministère Culture) et Doumbia – Crédit Aidara

La Mauritanie est le troisième pays en Afrique de l’Ouest à bénéficier du Label IKAM, après le Togo et le Burkina Faso. Le lancement du Label IKAM Mauritanie a eu lieu le jeudi 14 décembre 2023 en présence du Coordinateur AWA-ACP-UE Culture, M. Mohamed Doumbia du Mali.

Le Programme AWA

« Le Programme Art in West Africa (AWA) fait partie des six programmes régionaux financés par la Commission de l’Union Européenne et le Secrétariat des Etats ACP (Afrique Caraïbes Pacifiques) pour soutenir la dynamisation de la compétitivité des industries culturelles et créatives dans les six grandes régions, les cinq régions d’Afrique, les Caraïbes et le Pacifique » a d’emblée introduit M. Mohamed Doumbia.

La salle et les participants, Hawa Ba et Ezzedine au 1er plan – Crédit Aidara

En ce qui concerne ce programme, il a ajouté que c’est le consortium Institut Kore de Ségou (Mali) et l’Institut Français de Paris qui a été retenu pour piloter le projet Afrique de l’Ouest. C’est pourquoi, dira-t-il en substance, le centre Kore de Ségou pilote la mise en œuvre du financement décentralisé. Il s’agit, selon lui, d’un nouveau mécanisme du programme ACP-UE Culture pour le soutien de la culture et de la créativité.

Il a précisé que le programme AWA a été lancé en 2020 pour 40 mois et devra s’achever en avril 2024. Le programme, a-t-il ajouté, est un ensemble de dispositifs organisé autour de trois grands axes.

La salle vue de derrière – Crédit Aidara

Le premier axe est l’axe de soutien financier, le second, celui du renforcement des capacités pour la professionnalisation des acteurs culturels, et enfin, le troisième axe, celui du réseautage.

En termes de soutien financier, Mohamed Doumbia précise que le programme AWA accompagne 115 projets dans les 16 pays d’Afrique de l’Ouest, moins le Libéria qui n’a pas présenté, selon lui de proposition.

En Mauritanie, a-t-il détaillé, sur les différents Appels à Projet, seuls quatre ont été retenus et accompagnés.

En termes de renforcement de capacités, AWA a mis en place un certain nombre de dispositifs, a ajouté Doumbia, notamment les formations courtes et les universités d’été qui sont des accompagnements longs, spécifiques pour un type de financement appelé fonds de structuration, qui permet un accompagnement de 15 jours avec des formations de renforcement de capacités d’opérateurs dont Assalamalekum est lauréat.

au 1er plan, Hawa Ba (assistante de Monza) et >Ezzedine Daddah – Crédit Aidara

Aujourd’hui, insiste Doumbia, c’est le troisième pilier qui est en cours. Il consiste, selon lui, à maintenir l’aide au secteur culturel ouest-africain, via le centre Kore, un groupe qui travaille sur la professionnalisation du secteur culturel à travers son Institut des Arts et Métiers. Dans ce programme, existe un certain nombre de labélisation d’organisations qui se déploient sur le continent. Ainsi, selon Doumbia, il est prévu dans ce programme d’accompagner la labélisation de quatre instituts.

« Aujourd’hui, nous sommes au troisième IKAM, après la mise en place du centre Kore du Togo et celui du Burkina, c’est celui de la Mauritanie et ce mois-ci encore, nous serons en Côte d’Ivoire la semaine prochaine pour la mise en place et la labélisation de IKAM Côte d’Ivoire » a expliqué Mohamed Doumbia.

La raison de la mise en place et la labélisation des IKAM s’explique, selon Doumbia, par le fait que ces instituts devront prendre le relais, à la fin du Programme AWA, pour poursuivre la professionnalisation du secteur culturel. Selon lui, il ne s’agit pas seulement de doter les organisations culturelles de financement et de subventions, mais les aider à mieux gérer et à mieux se structurer pour devenir de réelles entreprises culturelles capables de créer des richesses et des emplois dans le secteur des industries culturelles et créatives (ICC).

Aziz Dieng en costume à côté de Karamako (Mali) – Crédit Aidara

En matière de réseautage, Doumbia a évoqué le noyau de réseau AWA Network qui est en train de se développer autour des 15 organisations du fonds de structuration. En termes de financement, il a précisé que le programme AWA est accompagné par un financement de l’Union européenne à hauteur de 6 millions 200 milles euros. A la fin du programme prévu en avril 2024, c’est l’heure des évaluations, a ajouté Doumbia, mais aussi celle des innovations avec la préparation avec l’Université Gaston Berger du Sénégal d’un mécanisme d’auto-évaluation des projets culturels avec des indicateurs que chaque entrepreneur culturel devra élaborer pour mesurer l’impact de son travail.

Un moment historique

M. Limame Kane dit Monza, président de IKAM Mauritanie qui avait ouvert la cérémonie, a reconnu que l’instant est historique, notamment avec la présence de M. Aziz Dieng. « Aujourd’hui, nous sommes honorés, grâce entre autres, à son guidage et à sa protection » a lancé Monza, avant de souhaiter la bienvenue aux invités du Sénégal et du Mali, mais encore Pr. Abdoulaye Doro Sow. Il a aussi remercié la commune de Tevragh-Zeïna avec laquelle son organisation Assalamalekum développe le projet Nouakchott Ville Créative »

Vue partielle des participants – Crédit Aidara

Il faut souligner que le Ministère de la Culture était représenté à la cérémonie par M. Bâ Mamadou, Directeur de la Jeunesse et des Sports, en présence de M. Ezzedine Daddah du ministère de l’Economie et l’Honorable député Balla Touré, entre autres.

Conférence inaugurale

La conférence inaugurale de M. Aziz Dieng, a été modérée par M. Abdoulaye Doro Sow, professeur d’Anthropologie à l’Université de Nouakchott. Il a survolé de manière exhaustive et éclairée le parcours du conférencier, un intellectuel engagé qui a consacré, selon lui, toute sa vie à la défense des intérêts des artistes et à la préservation des biens culturels africains. Il est né à Dakar où il a fait ses études primaires et secondaires avant d’aller en France vers les années 80 pour y suivre des études en sociologie et en musique. Selon lui, M. Aziz Dieng a emprunté l’un des domaines les plus compliqués du droit, celui du droit d’auteur et de la propriété intellectuelle que peu de gens maîtrisent. M. Aziz Dieng a été aussi pendant 12 ans président du Comité des Arts et Métiers du Sénégal.

Première rencontre avec la Mauritanie

M. Aziz Dieng s’est d’abord mis en contexte, en expliquant que c’est la première fois qu’il vient en Mauritanie, mais qu’il a découvert le pays à travers la voix sensuelle de Dimi Mint Abba, un CD qui lui est venu d’Allemagne du temps où il produisait une émission portée sur les musiques du monde. Il dit avoir été soufflé en écoutant le premier CD international de Dimi « Allahou Allahou ». Plus tard, il rencontrera Maalouma Meidah qu’il invitera au Festival Mondial des Arts Nègres de Dakar.

Professeur Sow (à gauche) présente le conférencier Aziz Dieng – Crédit Aidara

Les spécificités du produit culturel

Cette introduction sur l’effet que la voix de Dimi a produit en lui, va lui permettre d’aborder la première caractéristique du produit culturel, le symbolisme et l’identité.

Economie culturelle, une idée nouvelle

Selon Aziz Dieng, la notion d’économie culturelle est de naissance récente. Ni sous Senghor, grand intellectuel, qui a fait beaucoup pour les arts et la culture au Sénégal, ni sous Abdou Diouf qui sous l’effet des ajustements structurels imposés par la FMI et la Banque Mondiale avait fait des coupes sur la culture (fermeture de la prestigieuse école de danse Moudra Afrique et des Archives du Sénégal), ni sous Abdoulaye Wade et ses grandes réalisations dans le domaine culturel (Grande théâtre de Dakar, Grand monument de la Renaissance, Grand festival des intellectuels d’Afrique), la notion d’économie culturelle n’était connue.

Aziz Dieng s’introduit – Crédit Aidara

Les loisirs plus que le développement

Aujourd’hui, selon Aziz Dieng, à partir de son expérience, le développement économique seul ne peut freiner l’exode vers les grands centres urbains, ni l’immigration vers l’Occident. Car, explique-t-il, par-delà, les aspects économiques, ce qui pousse les jeunes à partir de leur terroir ou de leur pays vers les grandes villes ou vers l’Europe, ce n’est pas souvent des raisons économiques, mais l’attrait qu’offre ces villes en termes de divertissement et d’épanouissement. D’où, selon lui, le rôle important que peut jouer la culture contre l’émigration des jeunes.

Les premières révolutions

Remontant au 16ème siècle en Europe, il parlera de la première naissance du réseau de la représentation, la période à partir de laquelle est apparue le premier concert payant. Puis, le passage à la reproduction, avec l’invention de la radio et la révolution qu’elle a entraîné dans la mesure où désormais il était possible de jouir de la musique sans aller au concert.

Ainsi, avec l’exemple de la musique, Aziz Dieng explique comment le produit culturel est tombé dans le champ de la marchandisation.

Aziz Dieng dans ses envolées – Crédit Aidara

Le produit culturel est différent

La deuxième caractéristique du produit culturel tient, selon le conférencier, à la nature du processus de consommation du produit culturel.  Il s’agit selon lui d’un bien non rival, un bien qui peut être donné sans rien perdre. Ainsi, la marchandise ou le produit culturel est différent des autres biens.

Le produit culturel est fragile

En même temps, c’est un produit fragile qui pose la question de survie des artistes avec la piraterie et le crime culturel organisé, où les pirates s’enrichissent alors que les acteurs culturels vivent dans la misère.

Le coût marginal du produit culturel

Troisième caractéristique, un coût marginal infime. Ainsi, de grandes productions culturelles, comme le film Cléopâtre qui a coûté des milliards de dollars alors que les bénéfices sont minimes.

L’imprévisibilité du marché

Quatrième caractéristique, l’imprévisibilité du marché. Il donne l’exemple du disque de Michael Jackson « Thriller » le disque le plus vendu dans l’histoire de la musique, 65 à 100 millions de dollars de rentrées, avec un budget de 750.000 dollars. Quatre ou cinq ans après, il sort « Dangerous » avec un investissement de 10 millions de dollars, qui sera moins vendu, à peine 50 millions de dollars. Quelques années après, il investit dans « History » un double CD avec un budget de 30 millions de dollars. Il n’a pas vendu plus de 50 millions de dollars.

Aziz Dieng a livré sa propre expérience avec le premier studio numérique qu’il avait monté à Dakar et qui a enregistré la plupart des jeunes talents des années 90, Coumba Gawlo, Souleymane Faye, tous les rappeurs et quelques chanteurs traditionnels, etc. Il a tiré de cette expérience que les morceaux sur lesquels on passe plus de temps en studio sont ceux qui marchent le moins.

Des participants. Au 1er plan Hawa Traoré (Journaliste) et au fond, le député Balla Touré – Crédit Aidara

Le produit culturel est unique

Cinquième caractéristique, la remplaçabilité, donc l’aspect unique du produit culturel. Aziz Dieng explique qu’il est facile de remplacer un produit commercial par un autre modèle, mais qu’il est impossible de remplacer par exemple Dimi Mint Abba, ou Salif Keïta.

D’autres caractéristiques du produit culturel ont cités par Aziz Dieng, il s’agit de l’imprévisibilité et la supposée souveraineté du consommateur, souveraineté qui est en réalité canalisée, selon lui, par les intermédiaires, animateurs, publicitaires, libraire, etc. avec la puissance de l’argent, du streaming, du pitching, des recommandations, etc.

Les acteurs culturels sont spoliés

Il a aussi évoqué la présence de plusieurs plateformes comme Spotify et Applemusic, qui offrent toutes les musiques au monde, mais qui en profite, se demande Aziz, qui dit que beaucoup de musiciens en Afrique ne sont même pas au courant que leurs musiques sont dans ces plateformes à leur insu.

Cheikh Aïdara


De la non-application de la loi sur l’esclavage en Mauritanie, cas de la famille Chehlawi

La Cour Spéciale chargée des crimes d’esclavage de Nouakchott-Sud a rendu son verdict, mercredi 13 décembre 2023, dans l’affaire de l’esclave de la famille Chehlawi, Marième Cheibany et ses enfants. La cour a prononcé des condamnations moindres que celles prévues par la Loi 031-2015 contre Cheikhna Chehlawi et sa fille Salma, pour crimes d’esclavages.

Des militants de IRA avec l’avocat de la défense – Crédit IRA

En deux jours de procès, l’affaire du dossier de la famille Chehlawi, accusée de pratiques esclavagistes contre Marième Mint Cheibany et ses enfants a connu son épilogue le mercredi 13 décembre 2O23, date du prononcé du verdict. Cheikhna Chehlawi et sa fille Salma ont été condamnés à des peines très en dessous de celles prévues par la Loi 031-2015 incriminant l’esclavage et criminalisant les pratiques esclavagistes.

Verdict complaisant

En effet, Cheikhna Chehlawi a été condamné à 5 ans de prison dont deux ans fermes et 3 ans avec sursis ainsi que 100.000 MRU (1 million ancienne ouguiya) d’amende, tandis que sa fille, Salma, a écopé de 5 ans fermes.

Militants IRA devant le tribunal – Crédit IRA

La Loi dans son chapitre II stipule en l’article 7 : « Quiconque réduit autrui en esclavage ou incite à aliéner sa liberté ou sa dignité ou celle d’une personne à sa charge ou sous sa tutelle, pour être réduite en esclave, est puni d’une peine de réclusion de dix (10) à vingt (20) ans et d’une amende de deux cent cinquante mille (250.000) ouguiyas à cinq millions (5.000.000) d’ouguiyas ».

La question posée est de savoir pourquoi la Cour décide de prononcer une peine minimum non prévue par la loi.

Une affaire qui date de 2 ans

L’affaire qui a éclaté en 2021 dans la localité de Aïn Varba au Hodh Gharbi a d’abord été portée devant le Parquet d’Aïoun. Le Procureur avait à l’époque reconnu Cheikhna Chehlawi et sa fille Salma, coupables de crimes d’esclavage. Ecroué sur une décision de la Chambre d’accusation, Cheikhna Chehlawi bénéficiera quelques jours plus tard de la liberté provisoire.

Marième Cheibany et ses enfants – Crédit IRA

Les observateurs trouvent ainsi que le verdict prononcé le 13 décembre 2023 par le tribunal spécial de Nouakchott-Sud est trop complaisant, vue que la victime a vécu toute sa vie, plus d’une trentaine d’années, dans la servitudes, exploitée physiquement et sexuellement par son maître Cheikhna Chehlawi. Sa fille, Salka, aurait également subi des maltraitances à caractère esclavagiste avec sa maîtresse Salma.

Un procès sous haute vigilance

Abdallahi Abou Diop (en costume) et Ide Elhaj (coordonnateur) et des membres de IRA-Crédit IRA

https://cndh.mr/fr/accueilIl faut noter que ce procès s’est déroulé en présence des militants du mouvement antiesclavagiste IRA, dont les militants n’ont pas quitté les alentours du tribunal durant les deux jours d’audience. C’est le mouvement IRA qui a été d’ailleurs le moteur déclencheur de cette affaire lorsqu’en 2021, ces militants ont dévoilé ce cas d’esclavage. ils ont accompagné depuis, la victime à Nouakchott, déplorant l’absence de toute prise en charge de Marième Mint Cheibany et ses enfants par les structures de l’Etat chargées de la question, en l’occurrence la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH), le Commissariat aux droits de l’homme, encore moins l’Agence  Nationale de Solidarité TAAZOUR, dont une partie du colossal budget est pourtant sensée prendre en charge les personnes indigentes, surtout les victimes libérées de l’esclavage.  

Affaire Ghaya Maiga

Cheikh Vall (militant IRA) avec Ghaya Maiga – Crédit IRA

Le jeudi 14 décembre 2023, le même tribunal spécial de Nouakchott-Sud va juger également une autre affaire qui avait défrayé la chronique en 2019. Il s’agit de l’affaire de Ghaya Maïga, un procès qui sera suivi de très près par les militants de IRA Mauritanie, notamment le président de la section Droits de l’homme du mouvement, l’infatigable Abdallahi Abou Diop.

Le jugement de cette affaire qui implique une fille mineure au moment des faits avait déjà posé, au-delà de la qualification des faits qui avait opposé le mouvement IRA, le Procureur de la République et le juge d’instruction, le problème de l’applicabilité de la loi 031-2015 sur l’esclavage en Mauritanie.

Cheikh Aïdara