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Violences basées sur le genre à Zouerate, un phénomène boosté par la présence des chercheurs d’or

« Face à l’ampleur des violences faites aux femmes et aux filles à Zouerate, notamment les cas de viol, j’estime que la mise en place de la Plateforme multisectorielle pour combattre le phénomène est survenue avec trop de retard ». C’est en ces termes que la Directrice régionale à l’Action Sociale a accueilli avec plein d’espoir, jeudi 26 août 2021 à Zouerate, l’installation de la Plateforme multisectorielle de lutte contre les violences basées sur le genre.

Les autorités régionales avec les 15 membres de la Plateforme – Crédit Aidara

Avec l’appui du Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA), le Ministère des Affaires Sociales, de l’Enfance et de la Famille (MASEF), sous la supervision des autorités régionales, a installé jeudi 26 août 2021 dans la capitale du Tiris-Zemmour, la Plateforme multisectorielle de lutte contre les violences faites aux femmes et aux filles.

Un cadre de coordination venu à point nommé

Le Dircab du Wali -Crédit Aidara

Ouvrant les travaux de l’atelier de formation destiné aux 15 membres de la plateforme, le Directeur de cabinet du Wali, M. Mohamed Abdel Vetah Ould Ahmed, a rappelé certains principes de l’Islam qui bannissent l’injustice envers tout musulman, mettant en exergue les comportements étrangers à notre société qui menacent et mettent en péril la vie des femmes et des jeunes filles. Il a également souligné que ces changements sociaux, dus à la mondialisation, ont entraîné l’éclatement de la cellule familiale, avec comme conséquences, la délinquance juvénile et la surconsommation des substances psychotropes chez les jeunes et les adolescents. Tous ses éléments ont contribué, selon lui, à booster les crimes consécutifs à la recrudescence des violences, notamment celles faites aux femmes et aux filles.

« Pour toutes les raisons évoquées plus haut, nous mesurons à sa juste valeur la mise en place de la Plateforme multisectorielle de lutte contre les VBG, qui vient à point nommé, pour la ville de Zouerate. Nous sommes certains que ce cadre de coordination et de concertation entre tous les acteurs travaillant dans le domaine des droits de l’homme et de la protection sociale, notamment celle visant les femmes et les filles, va contribuer à faire baisser, sinon à éradiquer, les actes criminels qui portent préjudice à la paix civile et sociale » a déclaré le Directeur de cabinet du Wali avant d’annoncer solennellement la mise en place de la Plateforme multisectorielle de lutte contre les VBG de Zouerate.

Mme Khadijetou Lô – Crédit Aidara

A son tour, Mme Khadijetou Cheikh Lô, Chargée du Programme Genre à l’UNFPA, a exprimé tout le plaisir qu’elle ressent de participer à cette rencontre qui traduit l’intérêt que porte le gouvernement mauritanien à la préservation du droit des femmes, à travers la lutte contre les violences dont elles sont les principales victimes. « Je voudrais saluer, au nom du Représentant résident de l’UNFPA, M. Saidou Kaboré, l’excellente collaboration et de partenariat entre le gouvernement mauritanien et le Fonds des Nations pour la Population, à travers tous les programmes qui œuvrent à la préservation des droits des femmes et des filles en particulier » a-t-elle déclaré.

Elle a rappelé dans ce cadre l’intérêt qu’accorde le Chef de l’Etat, M. Mohamed Cheikh Ghazouani à la question de la protection des franges les plus fragiles, notamment les femmes et les jeunes filles.

Auparavant, le maire adjoint de Zouerate, M. Bowba Ould Abass, avait souhaité la bienvenue aux délégations du MASEF et de l’UNFPA, ainsi qu’aux autorités et aux participants. La cérémonie s’est déroulée en présence du Préfet de Zouerate, M. MKhaittrat Ould Hmeiti et de Mme Lebneikh Mint Soule, Directrice de la Promotion de la Famille, de la Femme et du Genre, accompagnée de deux experts de son département, ainsi que M. Bâ Mamadou, Chargé de Communication de l’UNFPA.

Quel rôle pour les membres de la plateforme

Au cours des deux jours de formation, les 26 et 27 août 2021, les membres de la plateforme issus des départements des Affaires Sociales, de l’Education, de la Santé, des Affaires Islamiques, de la Justice, du Ministère de l’Intérieur (Police) et du Ministère de la Défense (Gendarmerie), en plus des organisations de la société civile, ont suivi une formation complète sur les violences basées sur le genre, définitions et concepts, mais surtout sur le rôle qui leur est dorénavant dévolu au sein de la plateforme.

Vue partielle des participants – Crédit Aidara

« Vous êtes appelés à travailler au sein de cette cellule de coordination pour la prévention et la prise en charge des cas de violences basées sur le genre. La plateforme devient ainsi le point de convergence de toutes vos actions sous la supervision de la Directrice régionale à l’Action Sociale qui préside et coordonne les actions du cadre qui vient d’être installé » a insisté Mme Neya Mint Hally, experte chargée de la formation en VBG auprès du Ministère des Affaires sociales.

Vue partielle de la salle – Crédit Aidara

En plus des réunions mensuelles de courte durée où chacun des membres de la plateforme devra fournir un rapport, une réunion globale d’une journée est prévue tous les trois mois au cours de laquelle les échanges sur les cas recensés seront plus circonstanciées.

Le dernier jour a été marqué par les travaux de groupe et la présentation d’un canevas de plans d’actions sur lesquels devront être répertoriés l’ensemble des actions prévues au cours de l’année.

L’or et la recrudescence des violences

Directrice régionale Action Sociale-
Crédit Aidara

Si chaque Wilaya a sa particularité, la ville de Zouerate est connue pour son statut de cité minière, en tant que poumon vivant de la Société Industrielle et Minière (SNIM). Mais l’affluence de quelques 30.000 prospecteurs d’or, depuis deux ou trois ans, a fait exploser la démographie urbaine. Beaucoup de chercheurs ont envahi la cité, certains venant des coins les plus reculés de la Mauritanie, d’autres des plus lointaines contrées d’Afrique.

Selon Mme Vatimetou Mint Mohamed Elemine, Directrice régionale à l’Action Sociale du Tiris-Zemmour, l’arrivée de ces masses d’aventuriers a des répercussions certaines sur la criminalité d’une manière générale et sur les violences faites aux femmes et aux filles notamment. Cela se traduit en particulier par le nombre important d’épouses abandonnées. « Certaines viennent nous voir et quand on leur demande des informations sur le conjoint disparu, la plupart ne connaissent que vaguement son prénom, sans plus, même pas une pièce d’identité en leur possession » affirme-t-elle. Ce genre de violences conjugales aux répercussions psychologiques, surtout chez les jeunes filles, est d’après la Directrice régionale, une pratique courante dans la région.

Les cas de viol sont aussi nombreux à Zouerate, selon elle. Ce serait même la forme de violence la plus répandue, notamment chez les jeunes filles, parfois en milieu scolaire. « En 2020, nous avons recensé quelques 30 cas de violences, plus qu’en 2019, où 20 cas ont été répertoriés » a-t-elle ajouté. Même ampleur pour la violence faites aux enfants, en l’absence d’une Table régionale de protection de l’enfance au Tiris-Zemmour. « Depuis l’arrivée en mars 2021, d’un chargé de la protection de l’enfance, il a compilé déjà 10 cas de violences sur les enfants » a-t-elle complété.

Les enfants de Zouerate, une frange exposée

M. Moussa Ould Ahmed – Crédit Aidara

« Les problèmes de l’enfance à Zouerate sont pléthoriques, et se manifestent sous diverses formes, en particulier l’absence d’actes d’état-civil, provoquant la déscolarisation dès la fin du cycle primaire, le vagabondage et la délinquance. Ils sont souvent victimes de violences sexuelles, les garçons comme les filles mineurs » a déclaré M. Moussa Ould Ahmed, chargé de la Protection de l’Enfance au niveau de la Wilaya du Tiris-Zemmour. « Depuis mon arrivée, en mars 2021, j’ai déjà recensé 10 cas de violences visant les enfants » a-t-il complété.

Impunité sous l’auspice des chefs de tribus

Mme Idoumha Abass – Crédit Aidara

« Ce que nous déplorons en matière de VGB, nous représentant la société civile active dans le domaine, c’est l’intervention des chefs de tribus, des hauts cadres et élus, dans les affaires de viol pour assurer l’impunité aux auteurs » a réagi Mme Idoumha Mint Abass, représentante de l’Association Mauritanienne pour la Santé de la Mère et de l’Enfant (AMSME) au niveau du Tiris-Zemmour et membre de la Plateforme multisectorielle de lutte contre les VBG à Zouerate. Elle a cité le cas d’une fillette de 12 ans, victime d’un viol de la part d’un quadragénaire et qui a défrayé la chronique au niveau de Zouerate. « Le chef de la tribu à laquelle appartient l’auteur du viol, a fait le déplacement à Zouerate, accueilli par des « Enhayer » (immolation d’une dizaine de chameaux) en son honneur. Il a été accueilli dans le domicile d’un des élus de la ville au milieu d’une effervescence tribale sans précédent » a-t-elle raconté. En écho, la société civile avait organisé, selon elle, des sit-in non-stop devant la Wilaya et le Palais de justice, épaulée par la majeure partie de la population, écœurée par la nature du drame. « Ce qui n’a pas empêché selon elle, l’auteur d’être condamné à 2 ans de prison et une amende de 750.000 MRO » a-t-elle ajouté.   

52 cas de viol en 2019-2020

Dans son rapport annuel, 2019-2020, la cellule de l’Association des Femmes Chefs de Famille (AFCF) au Tiris-Zemmour, mentionne être intervenue dans 52 cas de viol au niveau de la Wilaya. Ces cas ont été recensés à Touajil (1), F’Dérick (7), Bir Moghreïn (5) et le reste, soit 39 cas, à Zouerate.

Mme Khadijetou Lô (UNFPA) au milieu du personnel de l’AFCF – Crédit Aidara

Dans le domaine des violences conjugales, 25 cas ont été répertoriés dont 4 cas d’agressions physiques, un mari qui a battu sa femme enceinte, un autre qui a battu son épouse devant ses enfants, les autres cas, ce sont des injures et des paroles blessantes.

Mme Salka Teghra – Crédit Aidara

Dans le cadre des mariages des enfants, la Coordinatrice de l’AFCF au niveau du Tiris-Zemmour, Mme Salka Mint Teghra dit Mama, affirme que son association a empêché 4 cas de mariage d’enfants.

Selon elle, « la Wilaya du Tiris-Zemmour est victime de sa position géographique, en ce qu’elle partage des frontières avec le Mali, l’Algérie, le Maroc et le Polisario. Elle est donc un carrefour où transitent des populations venant d’horizons divers, avec leurs cultures, leurs modes de vie et leurs propres valeurs ». D’après Salka Mint Teghra, cela aurait beaucoup influé sur la vie des autochtones et leurs mœurs, expliquant quelque part la recrudescence des violences, ajouté à la mondialisation, à la transformation brusque de la configuration démographique et culturelle de la société locale. « Des phénomènes jusque-là inconnus prennent de l’ampleur, comme les enfants vagabonds, les viols, les mariages sans état-civil, la consommation de la drogue, la délinquance juvénile, etc. » précise-t-elle.

Pour contenir cette violence en expansion, il faut l’application stricte des lois et la condamnation sévère des auteurs, pour dissuader d’éventuels autres candidats, a-t-elle plaidé. « C’est dans ce cadre que se situe l’importance de la plateforme multisectorielle de lutte contre les violences faites aux femmes et aux filles qui vient d’être installée à Zouerate et dont je suis membre active » a-t-elle conclu.

Cheikh Aïdara


Mauritanie : plateforme de lutte contre les violences basées sur le genre à Atar, le drame des femmes victimes d’abandon conjugal

Chaque Wilaya (administration territoriale) a ses spécificités en termes de violences basées sur le genre. A Atar, ce sont les abandons conjugaux qui causent plus de préjudices psychologiques aux femmes et aux jeunes filles, selon les experts locaux. D’où l’engouement constaté autour de la Plateforme multisectorielle de lutte contre les violences faites aux femmes et aux filles, que le Ministère des Affaires Sociales, de l’Enfance et de la Famille, avec l’appui du Fonds des Nations Unies pour la Population, a mis en place, lundi 23 août 2021.

Photo de groupe des participants – Crédit Aïdara

A Nouakchott, dans le célèbre quartier de MBarka Wa Amara, à quelques pas de la célèbre « Dayira » du défunt saint, Ely Cheikh Ould Moma, vit Teslem, 45 ans, avec ses deux grandes filles et ses sept filleuls. Elle est mariée depuis l’âge de 16 ans à un homme qu’elle n’a pas vu depuis trois ans. « Avant, on ne le voyait qu’une ou deux fois par an, parce-qu’il vit à quelques 500 Km d’ici ».

Le cas de Teslem, victime d’abandon par son mari, n’est pas isolé. Ce phénomène serait même très répandu dans l’Adrar. Ce serait la violence la plus récurrente dans la région, loin devant toutes les autres, y compris le viol, selon les activistes.

Mise en place officielle de la plateforme d’Atar

C’est dans ce contexte particulier que le Conseiller du Wali de l’Adrar, chargé des Affaires Sociales, M. Cheikh Ould Bilal, a annoncé solennellement, le lundi 23 août 2021, la mise en place de la Plateforme multisectorielle de lutte contre les violences basées sur le genre.

Le Conseiller du Wali (au milieu costume noir) installe la plateforme d’Atar – Crédit Aïdara

A l’instar de plusieurs autres régions du pays, Atar vient ainsi de bénéficier d’un cadre de coordination pour la prévention et la prise en charge des victimes et survivants de violences basées sur le genre (VBG). L’installation des plateformes multisectorielles de lutte contre les VBG est lancée depuis quelques temps par le Ministère des Affaires Sociales, de l’Enfance et de la Famille (MASEF) avec l’appui du Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA).

Dans son mot d’ouverture, M. Cheikh Ould Bilal a déclaré que le respect des droits de l’homme est un des principes clés de la religion musulmane, non sans constater l’ampleur de plus en plus grande des violences, en particulier celles visant les femmes et les jeunes filles. Il a salué l’initiative prise par le MASEF de créer cette plateforme de lutte contre les VBG, qui va constituer selon lui, un cadre de concertation et de coordination pour la prise en charge des cas de violence qui seront signalés. « J’espère qu’à travers ce mécanisme, nous mettrons fin à toutes ces déviances et à tous ces actes criminels qui menacent la quiétude sociale, la vie et l’honneur de nos femmes et de nos filles » a-t-il précisé, avant d’annoncer la mise en place officielle de la plateforme d’Atar.

Mme Khadijetou Cheikh Lô, Chargée de Programme Genre au sein de l’UNFPA Mauritanie, a tenu à remercier dans son intervention, au nom du Représentant résident, M. Saidou Kaboré, le gouvernement mauritanien, en particulier le MASEF, pour la franche collaboration avec son institution dans tous les programmes dédiés à la protection du droit des femmes. « Je rappelle que l’installation de ces plateformes correspond à un programme prioritaire du gouvernement qui s’inscrit en droite ligne dans le programme politique de Son Excellence, le Président de la République, M. Mohamed Cheikh Ghazouani, qui a appelé clairement à la protection du droit des femmes, à travers l’adoption de textes et la mise en place d’outils qui permettent de protéger, de prévenir et de prendre en charge toutes les personnes vulnérables » a-t-elle déclaré. Parmi ces outils, a-t-elle ajouté en substance, figure la mise en place des 15 plateformes multisectorielles de lutte contre les VBG.

Elle a rappelé aussi que c’est en 2019 qu’a commencé l’installation des plateformes pilotes dans 5 régions du pays. « En 2021, le gouvernement a pris la décision de mettre l’expérience à plus grande échelle et d’installer les plateformes au niveau de toutes les Wilayas » a-t-elle précisé.

C’est dans ce cadre, dira-t-elle en substance, que s’inscrit la mise en place de la présente plateforme multisectorielle de lutte contre les VBG d’Atar. « Nous comptons beaucoup sur les 15 membres de la plateforme représentants ici les différents acteurs, dont la société civile, pour suivre avec intérêt les enseignements qui leur seront dispensés pendant deux jours par une experte du MASEF » a-t-elle ajouté.

Formation des membres de la plateforme

Du 23 au 24 août 2021, les membres de la plateforme, composés de cadres du MASEF, des représentants du Ministère des Affaires Islamiques, de l’Education Nationale, de la Santé, de la Justice, de la Police, de la Gendarmerie, en plus de quelques associations de la société civile, ont pris part à une formation sur les VBG, sur la composition, le rôle et la mission de la plateforme, la prise en charge psychosociale et clinique des victimes ainsi que des survivants des VBG.

Vue partielle des participants – Crédit Aïdara

Au cours des travaux de groupe, les participants ont travaillé sur les pratiques habituelles et les orientations. « Ce qui sera nouveau pour vous, c’est la collaboration et la coordination entre vos différentes structures pour toute décision à prendre face à un cas avéré de violences basées sur le genre, avec comme référence de toutes vos activités, le directeur régional à l’Action Sociale, qui coiffe la plateforme » a insisté la formatrice du MASEF, Mme Neya Mint Hally.

Par la suite, un prototype de canevas de Plan d’actions a été présenté aux participants, qui devront se réunir tous les mois, avec productions de rapports mensuels, et une grande réunion par trimestre.

A préciser que le préfet central d’Atar, M. Mohamed Ahmed Cheikhna et le Maire adjoint de la Commune d’Atar, Cheikh Mélaïnine Cheikh Saad Bouh, ainsi que le directeur régional à l’Action Sociale de l’Adrar, avaient pris part à l’ouverture de la cérémonie de lancement de la plateforme multisectorielle de lutte contre les VBG à Atar. La délégation du MASEF était conduite par Mme Lebneik Mint Soulé, Directrice de la Promotion de la Famille, de la Femme et du Genre.

Cheikh Aïdara

Témoignage
Mme Vatimetou Moma, membre de la plateforme, présidente de l’Association nationale pour la protection des orphelins, des enfants et des veuves, ONG créée en 2011 à Atar

« L’association prend en charge depuis des années le cas de Teslem. Nous respectons sa décision de ne pas porter plainte contre son mari. Notre association lui apporte une aide matérielle et psychologique, aide ses petits-enfants dans leur scolarisation, ses filles à elle n’ayant pas eu la chance de fréquenter l’école. Je crois que la mise en place de cette plateforme va permettre certainement, de réduire considérablement le traumatisme des femmes abandonnées par leur mari, et qui vivent l’une des pires violences, la violence psychologique qui peut mener à la folie. Ici en Adrar, il n’y a pratiquement pas de cas de viol. Les principaux problèmes posés sont liés aux conflits conjugaux, notamment l’abandon des épouses par les hommes qui refusent de les divorcer »

Visite de courtoisie chez le Wali de l’Adrar


Akjoujt, mise en place de la Plateforme multisectorielle de lutte contre les violences basées sur le genre

La Wilaya de l’Inchiri dispose désormais de sa Plateforme multisectorielle de lutte contre les violences basées sur le genre. Un dispositif mis en place lundi 20 août 2021 par le Ministère des Affaires Sociales, de l’Enfance et de la Famille, avec l’appui du Fonds des Nations Unies pour la Population.

Photo de famille regroupant les autorités, les membres de la Plateformes – Crédit Aidara

« Nous ne disposons pas de chiffres à notre niveau, mais l’ampleur des violences basées sur le genre dans la région de l’Inchiri, en particulier à Akjoujt, est telle que la création d’un mécanisme de lutte contre ce fléau, comme cette plateforme qui vient d’être mise en place, est une nécessité absolue ! »

De G. à Dr. maire d’Akjoujt, le Hakem, le Conseiller du Wali et le Commandant de la Garde – Cheikh Aidara

Cette déclaration de l’imam Mohamed Ali Ould El Boukhary, directeur régional des Affaires Islamiques et président de deux associations locales, celle des Ulémas et celle des Imams, a été cueillie en marge d’un atelier de trois jours, qui a suivi l’installation officielle de la Plateforme multisectorielle de lutte contre les violences basées sur le genre (VBG) en Inchiri. La cérémonie de lancement de ce mécanisme, le 20 août 2021, a été présidée par le Conseiller du Wali Chargé des Affaires Economiques, M. Sayid Ould Sam, en présence du Hakem d’Akjoujt, M. Mohamed Cheikh Ould El Ghowth et du maire de la commune, M. Ahmed Yacoub Ould Chia.

Mise en place officielle de la plateforme

M. Sayid Ould Sam – Crédit Aidara

Ouvrant les travaux de l’atelier de mise en place de la Plateforme de lutte contre les VBG dans la wilaya de l’Inchiri, le représentant du Wali a rappelé que le respect des droits humains est un principe de base de l’Islam. Il a cependant mis en exergue les transformations sociales qui ont entraîné une perversion des mœurs, sous l’effet conjugué de la mondialisation et de l’introduction massive des produits psychotropes. Cela a abouti, selon lui, à la recrudescence des violences, notamment celles faites aux femmes et aux filles. « Cette situation exige que nous unissions nos forces pour faire face à ce phénomène, à travers la mise en place d’outils ou de mécanismes efficaces comme cette plateforme, en droite ligne avec les instructions du Chef de l’Etat, M. Mohamed Cheikh Ghazouani qui accorde une importance particulière aux franges les plus vulnérables, notamment les femmes et les jeunes filles » a-t-il signalé.

Le maire de la commune d’Akjoujt, M. Ahmed Yacoub Chia a abondé dans le même sens, saluant l’initiative d’une telle plateforme qui constitue selon lui, une demande pressante de la part des autorités et des populations locales.

Mme Lebneike Mint Soulé-Crédit Aidara

S’exprimant au nom de la Ministre des Affaires Sociales, de l’Enfance et de la Famille (MASEF), la Directrice de la Promotion de la Famille, de la Femme et du Genre, Mme Lebneik Mint Soulé a déclaré que la mise en place des plateformes multisectorielles de lutte contre les violences basées sur le genre sur l’ensemble du territoire, dont celle en cours à Akjoujt, répond à une situation d’urgence au moment où les violences contre les femmes et les filles prennent de l’ampleur dans le pays. « L’objectif du présent atelier est de réunir dans une plateforme les principaux acteurs qui détiennent une certaine expertise dans ce domaine, parmi les agents de l’Etat et les activistes de la société civile, afin d’assurer la sensibilisation et la coordination pour prévenir et prendre en charge les cas de VBG » a-t-elle précisé. Elle a remercié au passage l’UNFPA pour ses appuis constants aux actions du département des affaires sociales.

Mme Khadijetou Lô-Crédit Aidara

Mme Khadijetou Lô, Chargée du Programme Genre au sein du Bureau UNFPA Mauritanie, a remercié au nom du Représentant résident, M. Saidou Kaboré, le gouvernement mauritanien pour avoir mis dans ses priorités la lutte contre les violences faites aux femmes et aux filles, citant au passage l’intérêt que lui accorde le Président de de la République, M. Mohamed Cheikh Ghazouani dans son programme politique. « C’est dans ce cadre que l’UNFPA vient en appui au MASEF dans la mise en œuvre de ce vaste programme à travers l’installation des plateformes multisectorielles de lutte contre les VBG dans les quinze régions du pays, et en particulier l’évènement qui nous réunit aujourd’hui dans la capitale de l’Inchiri » a-t-elle souligné. Elle a précisé que cette plateforme qui réunit tous les acteurs intervenants dans le domaine de la lutte contre les violences basées sur le genre, est un cadre de coordination, de référence et de contre-référence pour la gestion des cas et l’accompagnement des survivantes.

Formation des acteurs

Pendant trois jours, du 20 au 22 août 2021, sous la houlette de la Direction régionale à l’Action Sociale à Akjoujt, les 15 membres de la Plateforme multisectorielle de lutte contre les VBG, qui regroupe des représentants du Ministère de l’Education Nationale, des Affaires Islamiques, de la Justice, de la Santé, des forces de sécurité (Police, Gendarmerie, Garde), de la commune, ainsi que plusieurs organisations de la société civile, ont suivi plusieurs communications au cours d’une formation de renforcement de capacités.

Vue partielle de la salle lors de l’ouverture – Crédit Aidara

Ils ont été édifiés, en tant que point focal de leur structure au sein de la plateforme, sur le rôle qu’ils doivent jouer en tant que cadre de coordination, de mobilisation de ressources, de sensibilisation de la communauté pour un changement social et de comportement, de référencement et de contre-référencement, de collecte de données, de productions de rapports et de suivi des cas de violences. Outre les réunions mensuelles, les membres de la plateforme doivent également faire le point une fois par trimestre.

Beaucoup de notions leur ont été transmises, comme le concept de VBG, les quatre principes directeurs (sécurité, confidentialité, respect de la dignité des survivants et non-discrimination), la prise en charge psychosociale et médicale des survivants.

Le denier jour, les participants se sont scindés en deux groupes de travail sur deux thèmes : la prise en charge psychosociale et la prise en charge clinique des survivants des VBG.

A rappeler que c’est le mercredi 21 avril 2021 que le Secrétaire général du MASEF et le Représentant résident de l’UNFPA avaient lancé la mise en place des plateformes multisectorielles de lutte contre les VBG dans les quinze Wilayas du pays en commençant par l’équipement des trois Wilayas de Nouakchott.

Ces plateformes sont composées de 15 unités informatiques complètes, 15 imprimantes laser, 15 armoires de rangement, 300 chaises visiteurs, 15 multiprises 10 mètres, 30 onduleurs, 15 cartons rame de papier, 30 recharges imprimantes, 30 produits hygiène, plus un lot d’eau de javel et de détergent, ainsi que 45 classeurs chemises.

Cheikh Aïdara

Témoignages

Mohamed Ali Ould El Boukhari, Directeur régional des Affaires Islamiques

« Cette plateforme est importante si elle va jouer son rôle dans le rétablissement de la justice, comme le veut l’Islam qui bannit toute forme d’injustice. Quelle que soit la victime, homme, femme ou jeune fille. En tant qu’imam, j’ai réglé beaucoup de problèmes de violences, certaines conjugales, d’autres relatifs à des agressions sexuelles. En tant qu’ancien directeur du secondaire, je sais qu’il y a beaucoup d’abus en milieu scolaire. Il faut surtout retenir que la ville d’Akjoujt, en sa qualité de cité industrielle, est un carrefour qui attire beaucoup de monde, des gens venant de toutes les régions du pays et de l’étranger, avec la présence de stupéfiants. On y compte beaucoup de crimes sexuels. Les agressions sexuelles ont cependant beaucoup diminué, mais nous comptons cependant, un à deux cas par semaine devant les juridictions. D’où l’importance d’un mécanisme de coordination comme la plateforme qui vient d’être mise en place ».

Oumoukelthoum Hamady NGaïdé, ONG « Assistance aux démunis »

« Nous faisons face chaque jour à toutes les formes de violence. Le dernier cas que nous avons accompagné est celle d’une jeune fille de 15 ans, violée par un cambrioleur. Son agresseur croupit actuellement en prison. L’autre cas, celle d’une femme mariée d’une trentaine d’année, qui a subi elle aussi une agression dans les jardins. L’auteur du viol est quelqu’un de connu. Le cas de cette femme a été aussi pris en charge par notre ONG et l’auteur a été incarcéré. Pour vous dire l’importance de la plateforme car Akjoujt est une ville très dangereuse pour les femmes et les filles. Une vingtaine d’élèves ont ainsi été enceintée. La situation est explosive. Nous fondons beaucoup d’espoir sur la plateforme, car l’essentiel de sa mission doit porter sur la sensibilisation, surtout en milieu scolaire ».

Bâ Zeynabou, Sage-femme, Chef de service santé reproductive au Centre de santé d’Akjoujt

« Avec la drogue et la délinquance juvénile, nous sommes souvent confrontés aux cas de viol et d’agressions sexuelles. Cette plateforme peut beaucoup apporter à la lutte contre les violences, d’autant qu’elle regroupe tous les acteurs impliqués dans la lutte contre ce phénomène. Les autorités ont toujours réagi rapidement à cette situation, et l’apport de la plateforme sera cruciale pour apporter une plus-value à l’offensive contre le fléau des violences qui, il faut le dire, ont pris parfois des ampleurs démesurées à Akjoujt ».

El Mami Ould Brahim, président de la Plateforme de la Société Civile dans la Wilaya de l’Inchiri

« En tant que participant à cet atelier, représentant la Plateforme régionale de la société civile mise récemment en place par le Commissariat aux Droits de l’homme, nous ne pouvons que nous féliciter de l’installation de cette plateforme multisectorielle de lutte contre les VBG qui est venue à point nommé pour mettre fin à ces crimes contre les femmes et les filles. Au niveau de la région, nous ferons en sorte que ce phénomène perde de l’ampleur. Nous suivrons les cas que l’on signalera et nous ferons tout notre possible pour accompagner les survivants et prendre leur cas en charge. Je connais chacun des quinze membres de la plateforme et je confirme que les personnes qui ont été choisies font partie des meilleurs dans leur secteur d’activités, ce qui me pousse à accorder beaucoup de confiance au travail qui sera abattu dans ce domaine ».


Entreprenariat féminin et Planification Familiale, l’exemple des femmes restauratrices de Ouagadougou

Grâce à la planification familiale, la présidente Mme Kargougou Ouedraogo Mamouna et les 230 adhérentes du Collectif des Associations de Restauratrices et Transformatrices de Produits Locaux à Ouagadougou ont pu assurer leur autonomisation et imposer leur leadership.

« J’ai la cinquantaine, mais tout le monde me donne à peu près trente ans ! » lance avec un grand sourire, Mme Kargougou Ouedraogo Mamouna, présidente du Collectif des Associations de Restauratrices et Transformatrices de Produits Locaux (CARTPL) de Ouagadougou (Burkina Faso). Le collectif regroupe 93 associations de femmes et 230 adhérentes.

Le secret de Mme Kargougou ? L’adoption du Norplan, une méthode contraceptive moderne, qu’elle adopte depuis plus de vingt ans. « Mon dernier enfant a aujourd’hui 24 ans. J’ai quatre enfants, dont deux jumeaux. Dans nos traditions, quand tu as des jumeaux, tu es obligée de les faire suivre par un autre enfant. Mais le 5ème, c’est moi d’en décider », poursuit-elle, avec plein d’énergie.

Situé dans le 11ème arrondissement de Ouagadougou, le siège du CARTPL accueillait ce jeudi 12 août 2021 un groupe de journalistes venus des pays membres du Partenariat de Ouagadougou, une organisation créée en 2011 dans la capitale burkinabé et qui regroupe, outre le Burkina Faso, le Bénin, la Côte d’Ivoire, la Guinée, le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Sénégal et le Togo. Son objectif, assurer l’accès facile à la planification familiale de qualité pour la survie des mères et des nouveau-nés et pour l’amélioration des conditions de vie des femmes et des jeunes en vue d’assurer le bien-être familial et garantir le développement durable.

Tour à tour, présidentes d’associations membres du collectif, jeunes animatrices et membres adhérentes se sont exprimées sur leurs activités, dont un pan important consacré à la sensibilisation sur la contraception. Si la moyenne d’âge des membres du collectif tourne autour de la quarantaine, toutes ont salué les bienfaits qu’elles ont tiré de la planification familiale.

« N’ayant pas d’enfants en bas âge, j’ai pu voyager pendant ces vingt dernières années à mon aise, assister à des réunions, et consacré l’essentiel de mon temps à mes affaires grâce à la planification familiale » affirme Ouedraogo Salamata, présidente de l’association « Pagb Zoodo », membre du CARTPL. Toutes les femmes du collectif partagent la même expérience. Elles sont dans la restauration ou la transformation de produits agroalimentaires qu’elles commercialisent au niveau du Burkina Faso et dans les pays limitrophes, voire à l’extérieur. Des sucreries, des produits en poudre, des boissons, des aliments, sous emballages ou dans des bouteilles, fabriquées à base de produits de l’agriculture ou des arbres locaux. De véritables installations industrielles, avec des entrepôts, des laboratoires et des salles de transformation qui font travailler des centaines de personnes.

« La pandémie Covid-19 a beaucoup impacté nos activités au début de la crise en 2020, mais nous avons vite surmonté la crise » souligne Marguerite Ouedraogo, présidente de l’association « Bas Yiré » et membre du bureau exécutif du CARTPL.

Véritables entrepreneurs, les femmes du CARTPL de Ouagadougou sont débordantes d’énergie et démontrent par leur réussite, que l’autonomisation des femmes et la réalisation de leur plein potentiel passent par l’adoption d’une méthode contraceptive moderne.

En appui à leurs activités productrices, le collectif gère une mutuelle de santé dénommée « Laafi Beolgo » qui offre une gamme de services de santé, dont l’hospitalisation, la référence des malades et le service d’ambulance, sans compter les consultations, les accouchements, etc. La mutuelle a noué un partenariat avec la commune et le ministère de la santé. Elle est appuyée par d’autres partenaires comme l’ONG ASMADE et Solidarité Socialiste de Belgique.

A la fin des exposés et la visite des produits fabriqués par les femmes de l’association, les invités ont eu droit à la dégustation de plats de la gastronomie burkinabé confectionnés à base de produits locaux.

Cheikh Aïdara