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Campagne nationale pour la planification familiale en Assaba, au sud de la Mauritanie : Barkéol, dernier bastion de résistance

«A Barkéol, imams de mosquée et religieux continuent à se liguer contre la politique d’espacement des naissances. « Quelques femmes venaient nous voir en cachette pour demander des produits contraceptifs  » affirme Seydi Camara, Présidente de l’Association des Femmes Volontaires pour le Développement (AFVD), fer de lance de la Campagne nationale pour la planification familiale, initiée par le Ministère de la Santé, avec l’appui du Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA) du 26 septembre au 26 novembre 2020 à Nouakchott et en Assaba.

Ouverture de la Campagne en présence des autorités – Crédit Aîdara

Que cela soit à Kiffa, au PK 70, à Daghveg ou à El Ghaira… les femmes de l’Assaba (région du sud de la Mauritanie) ont répondu massivement à la Campagne nationale sur la planification familiale initié par le Ministère de la Santé. Cette campagne se fait avec l’appui du Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA), elle a commencé le 26 septembre et durera deux mois. L’objectif : réduire la mortalité maternelle et néonatale. Cette campagne vise à favoriser la transition démographique en Mauritanie, dont I’Indice de Synthétique de Suivi du Dividende Démographique (ou DDMI pour demographic dividende monitoring index) s’élève à plus de 46%, ce qui en fait le plus élevé des les 7 pays du SWEDD ( le projet d’autonomisation des femmes et de capture du dividende démographique au Sahel : Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Mali, Mauritanie, Niger, et Tchad)

«Nous avons mené une excellente campagne, même les hommes se sont impliqués. Certains d’entre eux venaient pour prendre des produits contraceptifs pour leurs épouses » affirme Seydi Camara, Présidente de l’AFVD, l’ONG recrutée par l’UNFPA pour mener la campagne sur la planification au niveau de la Wilaya de l’Assaba.

Seydi Camara – Crédit Aidara

La preuve, 418 nouvelles bénéficiaires ont été recrutées à Kiffa sur un total de 493 utilisatrices, 58 sur 73 au PK 70, 121 sur 122 à El Ghaira et 62 sur 72 à Daghveg.

C’est à Barkéol, bastion de résistance contre la planification familiale, où les tentes dressées par l’AFVD et ses bénévoles ont été les plus désertées, selon Seydi Camara. «Seules 29 femmes nouvelles ont été recrutées sur 57 utilisatrices dans cette Moughataa. Les femmes venaient en cachette pour s’informer ou se ravitailler en produits contraceptifs. Ici, la croyance aux paroles des érudits est encore très forte. Ces derniers sont intransigeants sur le caractère illicite de la contraception. Et rien ne les y détourne, même les arguments avancés par leurs autres collègues» affirme-t-elle.

Malgré tout, selon les résultats obtenus , la moisson semble satisfaisante pour une première campagne sur la planification familiale dans les Wilayas de Nouakchott et de l’Assaba. En Assaba, quelques 688 nouvelles femmes sur 917 utilisatrices, ont été ainsi recrutées durant les mois de septembre et octobre, alors que la campagne continue de battre son plein.

Au PK 70, les prestataires de l’AFVD, deux sages-femmes et trois infirmiers, disent toute leur satisfaction par rapport à la forte mobilisation communautaire. Comme à Daghveg, «des hommes sont venus pour prendre des produits contraceptifs pour leurs épouses qui n’ont pas pu faire le déplacement » explique l’un des prestataires.

Pose d’un implant à Kiffa – Crédit Aidara

«Nous sommes presque en rupture de stocks et il nous faut disponibiliser rapidement des contraceptifs » avance Seydi Camara, qui cite le cas de El Ghaïra où la rupture était consommée et où il a fallu lancer de nouvelles commandes. Elle a déploré par ailleurs la forte mobilité du personnel de santé dans la région de l’Assaba. «On forme du personnel et le temps qu’il devienne productif, on les affecte pour amener de nouveaux membres qu’on forme et qui suivent le même chemin… Ce qui fait que nous sommes dans un perpétuel recommencement, enfermé dans une quadrature du cercle qui bloque l’évolution des paramètres » regrette-t-elle.

Parmi les faiblesses relevées lors de la campagne, l’insuffisance des stocks de produits contraceptifs dans la diversité de leurs gammes, les problèmes de formation du personnel en matière de planification familiale qui entraîne un manque notoire de personnel qualifié, sans compter le manque de matériel pour la pose et le retrait des implants.

Forte mobilisation communautaire à Daghveg – Crédit Aidara

Selon Seydi Camara, présidente de l’AFVD, l’ONG s’est également beaucoup investie dans le domaine de la communication. Plusieurs projets ont été lancé : des campagnes de sensibilisation tous azimuts, l’animation de plusieurs émissions radios en langues nationales à partir des stations locales et la présentation de sketchs sur les bienfaits de l’espacement des naissances. Cerise sur le gâteau, l’association a produit une belle chanson musicale, devenue l’hymne de la campagne !

«Pour le cas complexe de Barkéol, où l’on constate une résistance contre la planification familiale, il faudra initier une stratégie spécifique, par exemple, mener une campagne de distribution silencieuse des produits contraceptifs, organiser au niveau local un colloque sur la PF en présence de médecins, de sociologues, de religieux convaincus par la politique d’espacement des naissances » a suggéré Dr. Dieng, assistant technique du programme du fonds humanitaires d’urgence des Nations Unie (CERF).

Il faut souligner que les autorités administratives, sécuritaires et médicales, ainsi que les élus de l’Assaba, se sont tous fortement mobilisés lors de l’ouverture de la campagne et durant tout son déroulement, au niveau des principaux sites de campagne.

Cheikh Aïdara


Kankossa et les trois axes du fonds CERF

Réduire la mortalité maternelle, faciliter l’accès aux services de santé de la reproduction, prévenir les violences basées sur le genre et prendre en charge les fistules obstétricales. Tels sont les axes essentiels de CERF, ce fonds humanitaires d’urgence des Nations Unie, qui a permis au Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA) d’ achever, samedi 31 octobre 2020 par le centre de santé de Kankossa, l’opération de distribution d’unités d’échographie dans les zones frontalières du Mali et le Sénégal.

Centre de Santé de Kankossa – Crédit Aidara

Entamée mercredi 28 octobre 2020, la mission conjointe Ministère de la Santé-UNFPA pour l’installation d’unités échographiques au Guidimagha et en Assaba, a achevé sa tournée samedi 31 octobre par le centre de santé de Kankossa.

Le matériel d’échographie et ses accessoires, tables mobiles, lampes d’examen, stabilisateur, mini imprimante et ses outils, ont été réceptionnés par la sage-femme principale, Mounina Mint Mohamed Lemine. Depuis sa sortie de l’école de santé en 2000, elle ne connaît que le centre de santé de Kankossa qui couvre 17 postes de santé.

L’ingénieur biomédical explique à la sage-femme comment fonctionne l’appareil – Crédit Aidara

Depuis près de 20 ans, Mounina déclare effectuer en moyenne 50 accouchements par mois, 70 à 80 prestations mensuelles en planification familiale. En 2020, le centre a enregistré selon elle, deux décès maternels, dont un décès en cours de route.

Classé SONU B,  le centre de santé de Kankossa assure la prise en charge totale des grossesses et accouchements.

Le centre de santé de Kankossa, au même titre que Ghabou et Ould Yenge au Guidimagha, Kiffa en Assaba, se situe dans la zone d’intervention d’urgence des Nations Unies et fait partie des structures bénéficiaires des prestations du fonds CERF. C’est dans ce cadre qu’il bénéficie du volet remise à niveau de 13 structures SONU B.

Les résultats attendus de ce programme CERF est que 13 structures de santé sont totalement équipées, les barrières financières pour l’accès aux soins de santé reproductive sont levées pour 10.000 femmes, la réinsertion de 100 femmes est assurée, ainsi que la prise en charge de 150 femmes en matière de violences basées sur le genre (VBG).

D’ici décembre 2020, plus de 11.000 femmes en âge de procréer au Guidimagha, en Assaba et au Hodh Echarghi, doivent avoir accès aux services de santé sexuelle et reproductive, de planification familiale et de prise en charge contre les VBG.

Cheikh Aïdara


Kiffa, centre de santé attend déménagement

Installé depuis belle lurette dans un vieux bâtiment qui n’est plus adapté, le personnel soignant du Centre de Santé de Kiffa attend depuis près d’un an une promesse de déménagement vers l’ancien hôpital. L’arrivée du nouvel appareil d’échographie vendredi 30 octobre 2020, offert par le programme CERF du Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA) a relancé le débat.

Dr. Khattry (en boubou), Dr. Dieng (en tee-shirt orange) et Seydi Camara (Point focal SR) – Crédit Aidara

Il est toujours là, ce vieux centre de santé de Kiffa, installé dans une bruyante bifurcation qui mène vers le marché central. La même façade décatie, la même cour asymétrique avec son hangar et ses vieilles bâtisses qui abritent les services de santé et dont les plafonds menacent de s’effondrer. 

Pourtant, depuis près d’une année, des promesses de déménagement sont formulées. Le dispensaire doit être déplacé dans les bâtiments de l’ancien hôpital, ne cesse-t-on d’entendre. Mais toujours rien, regrette Dr. Khattry Ould Isselmou, médecin-chef du Centre de Santé de Kiffa, dont le large bureau, occupe la partie droite de l’aile en banco du centre.

Salka Mint Touda, sage-femme responsable, promotion 2017, semble être submergée, avec ses sept collègues sages-femmes, face aux 300 accouchements mensuels qui passent dans leur structure.

«Nous faisons peu de réfèrement, à peine 10% sur l’ensemble des accouchements, mais certains médicaments essentiels commencent à nous manquer, comme le cytotec 200 microgrammes, les plateaux techniques, la table chauffante, le stérilisateur, les boîtes d’accouchement et la climatisation » énumère Salka, qui regrette l’absence d’une formation continue pour le personnel sage-femme de Kiffa.

L’arrivée ce vendredi 30 octobre 2020 de la mission conjointe entre l’UNFPA et le Ministère de la Santé au Centre de Santé de Kiffa pour y installer une unité d’échographie, a été saluée aussi bien par le médecin-chef que par les sages-femmes. «Cet appareil est pour nous une priorité, depuis la panne il y a six mois de l’ancienne unité acquise en 2005 » déclare Dr. Khattry.

Salka Mint Toudan sage-femme principale, se familiarise avec le nouvel échographe – Crédit Aidara

Après avoir installé les tables et les lampes d’examen,  fixé l’unité d’échographie, l’ingénieur biomédical du Ministère de la Santé, Ahmed Mheimid, a pris son temps pour expliquer avec forts détails les fonctionnalités de l’appareil. Puis, avec l’aide d’une patiente, il s’est assuré que les deux sages-femmes, Salka Mint Touda et Hajja Mint Mohamed Lemine, ont bien assimilé l’usage de la machine. Deux manuels et guides d’utilisation leur ont été remis comme livres de référence.

En matière de planification familiale, Salka Mint Toude souligne que les femmes mauritaniennes en général, et les femmes de Kiffa en particulier, sont aujourd’hui bien informées, d’où des demandes en produits contraceptifs qui sont en progression exponentielle. «Nous recevons 400 femmes par mois pour la planification familiale » affirme-t-elle. Les méthodes les plus sollicitées sont d’après elle les implants et le Sayana-Press. Le post-parten est très peu demandé, a-t-elle ajouté en substance.

Contrairement aux centres de santé de Ghabou et de Ould Yengé, le Centre de Santé de Kiffa n’avait plus d’unité échographique depuis six mois. «Ce nouvel appareil qui vient de nous être offert par l’UNFPA est réellement une grande nécessité pour nous, car nous n’avions plus d’échographe depuis la panne de notre ancien appareil qui date de 2005 » explique la sage-femme principale.

Cheikh Aidara


Centre de santé de Ould Yenge, forte affluence autour de la planification familiale

Le Centre de Santé de Ould Yenge, avec ses 68.341 habitants, connaît une forte affluence, notamment autour des services de planification familiale. L’arrivée mercredi 29 octobre d’une nouvelle unité d’échographie, avec ses tables, ses lampes d’examen et ses sondes,  don du Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA) et son programme CERF, a été bien appréciée par le personnel.

Le centre de santé de Ould Yenge – Crédit Aidara

La mission conjointe Ministère de la Santé-UNFPA est arrivée à Ould Yengé le mercredi 29 octobre 2020. Dirigée par Dr. Youba Dieng, la mission avait pour objectif d’installer une unité d’échographie et ses accessoires, deux tables, deux lampes d’examen, deux sondes, un stabilisateur et d’autres supports. En l’absence du médecin-chef et du deuxième médecin, la mission a été accueillie par le Major et la Sage-femme principale.

L’installation du matériel s’est fait nuitamment, sous la supervision de l’ingénieur biomédical du Ministère de la Santé, Ahmed Mheimid. Yaye Coulibaly, sage-femme principale et sa collègue, Zeynabou Mint Isselkou, ont été rapidement formées sur les fonctionnalités du nouvel appareil, notamment celles concernant l’obstétrique.

Dr. Dieng (debout en tee-shirt orange) et l’Ingénieur Ahmed encadrant les deux sages-femmes, Yaye Coulibaly (extrême gauche) et Zeynabou Isselkou (extrême droite) – Crédit Aidara

Ici comme ailleurs, l’absence de formation sur l’échographie a été le principal grief soulevé par le personnel de santé.

«Je suis de la promotion de 2014 et j’ai fait mes débuts à Kaédi avant de rejoindre le Centre de Santé de Ould Yengé en 2016. J’ai suivi une petite formation en échographie en 2017 à Nouakchott, mais j’ai besoin encore d’avantage de formation » a déclaré Zeynabou Mint Isselkou.

Parlant des problèmes liés à l’accouchement au niveau de Ould Yenge, Yaye Coulibaly a souligné que les complications se situent entre le 1er  et le 3ème trimestre, avec des cas de saignement, d’avortement et d’éclampsie. «Heureusement que nous disposons des 4 médicaments essentiels pour faire face à tous ces problèmes, ce qui nous permet d’afficher zéro décès jusque-là» reconnaît-elle.

Le Centre de Santé de Ould Yengé dispose de deux ambulances, dont une toute neuve équipée, don de la Coopération espagnole. «Le Centre couvre 13 postes de santé. Il est classé SONU B complet. Nous référons selon les saisons, soit à l’hôpital de Kiffa, soit à Sélibaby», fait remarquer le Major.

Le Centre de Santé de Ould Yengé fait 30 à 40 accouchements par mois, ce qui est trop pour les deux sages-femmes qui disent avoir besoin de renforts en personnel sages-femmes ou Infirmiers obstétriciens.

Le rang devant la salle d’échographie – Crédit Aidara

C’est surtout les services de la planification familiale (PF) qui connaissent la plus grande affluence, selon les sages-femmes. «Nous sommes dans une zone où les populations sont bien sensibilisées sur la PF, d’où la forte demande en produits contraceptifs modernes. Les femmes demandent les injections, mais surtout le Sayana-Press qui est très sollicité. Nous pratiquons aussi le post-parten» souligne Yaye Coulibaly. Les services de la PF traitent selon elle, 40 à 60 patientes par mois.

L’acquisition de la nouvelle unité d’échographie permettra au centre de santé de disposer de deux appareils, avec l’ancien qui continue de fonctionner, fait remarquer Zeynabou Mint Isselkou. «Nous avons en tout cas besoin de deux sages-femmes supplémentaires, pour s’occuper des consultations pré et post-natales» insiste-t-elle.

Cheikh Aïdara