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Le Syndicat des journalistes de Mauritanie commémore la 7e année de la disparition de Ishaq Ould Moctar en Syrie

Le Syndicat des journalistes de Mauritanie (SJM) a organisé à son siège, lundi 26 octobre 2020, une cérémonie de commémoration à l’occasion de la septième année de la disparition du journaliste Ishaq Ould Moctar, enlevé en Syrie lors d’une mission de reportage pour le compte de la chaîne de télévision Sky News pour laquelle il travaillait.

De G. à Dr. Ahmed Salem Deida-Abderrahmane Horma-Me Brahim Ebetty-Ahmed Salem Dah-Me Ahmed Salem Houbeiny-Mohamed Yahya Haye (Crédit Aidara)

 C’est dans une salle de réunion étrillée par l’émotion que plusieurs orateurs se sont succédé pour célébrer la 7ème année de disparition du journaliste mauritanien, Ishaq Ould Moctar, enlevé en 2013 alors qu’il couvrait la fête d’El Id Adha (la fête du mouton) dans la ville d’Alep aux prémisses de la guerre civile en Syrie.

« Ishaq Ould Moctar a fait les frais d’une guerre dans laquelle il était totalement étranger » a déclaré Dr. Abderrahma Horma, président du Collectif de défense de la cause de Ishaq Ould Moctar. Et de s’emporter : « la chaîne Sky News, qui est quelque part responsable de sa disparition, n’a même pas daigné à l’occasion de l’anniversaire de sa disparition, publier ne serait-ce que quelques lignes sur son site électronique à la mémoire de son journaliste disparu« .

La maman (à gauche) et le frère (au milieu) de Ishaq Moctar – Crédit Adara

Le Doyen du SJM, Ahmed Salem Dah, a lui introduit la soirée commémorative en souhaitant le renforcement du plaidoyer pour la libération du confrère, soulignant qu’aux dernières nouvelles, «le journaliste serait toujours vivant dans les geôles syriens».

Le bâtonnier de l’Ordre National des Avocats, Me Brahim Ould Ebetty, a pour sa part déclaré avoir posé le cas du journaliste Ishaq Ould Moctar lors de l’audience que le président de la République, Mohamed Cheikh Ghazouani, vient d’accorder aux membres du barreau nouvellement élus. « Le président qui accorde une importance toute particulière aux questions des droits de l’homme a dit que le gouvernement mauritanien fera tout pour assurer la libération de ce citoyen mauritanien disparu en Syrie« , a-t-il témoigné.

Quant au président de la Commission nationale des droits de l’homme, Me Ahmed Salem Bouhoubeîny, il a évoqué l’entame d’une coordination entre son institution et le barreau mauritanien pour multiplier le plaidoyer tant au niveau national qu’international pour le retour sain et sauf de Ishaq Ould Moctar dans son pays. « Nous allons relancer nos collègue des institutions des droits de l’homme au niveau du monde arabe, pour accélérer la résolution du cas du journaliste« , a-t-il avancé.

A son tour, l’ancien Directeur général de Radio Mauritanie et de la Télévision nationale, Mohamed Yahya Ould Haye, a fait une longue apologie du journaliste enlevé, soulignant que c’est un devoir national de se rappeler du sort de ce compatriote enlevé dans des circonstances non élucidées en Syrie.

Cette commémoration s’est déroulée en présence de la mère de Ishaq Ould Moctar et de ses proches, mais aussi d’un nombre important de journalistes.

Cheikh Aïdara


Moustapha Limam Chaavi à Nouakchott : le retour particulier du dernier des desperados

Avec le retour de Moustapha Ould Limam Chaavi à Nouakchott, le 19 octobre 2020, le carré des ex-opposants en exil de Mohamed Abdel Aziz est complet, après l’homme d’affaires Mohamed Bouamatou, le leader politique Ould Abeidna, les journalistes Baba Sidi Abdallah et Hanevi Daha. Mais le retour de Mohamed Limam Chaavi a une connotation très spéciale.

Moustapha Limam Chaavi à bord de l’avion qui le ramène à Nouakchott

L’avion spécial mis à la disposition de Moustapha Limam Chaavi par l’Emir du Qatar, Tamim Ben Hamad Al Thani, s’est posé dimanche 19 octobre 2020 sur le tarmac de l’aéroport de Nouakchott. Ce retour du dernier des opposants après une quinzaine d’années d’exil, est différemment apprécié par l’opinion publique nationale.

Si certains trouvent que le retour de Moustapha Limam Chaavi est une réparation envers un citoyen mauritanien injustement banni de son pays, d’autres trouvent que ce retour est un risque, tellement les relations de l’homme avec les nébuleuses terroristes opérant au Sahel sont ambiguës.

Il faut souligner que ce retour était déjà annoncé en 2019. Une grande propriété avait été achetée et équipée à l’époque par la famille, en plein centre du chic quartier de Tevragh-Zeina, au bord de la route de Nouadhibou. Finalement, Ould Chaavi n’est pas venu. Des sources avaient évoqué des garanties pas tout à fait suffisantes de la part du nouveau régime de Nouakchott.

Tout le monde veut toucher Ould Chaavi

Il a fallu attendre une année, en particulier ce dimanche 19 octobre 2020, pour que le retour de l’ancien homme fort du Burkina Faso et négociateur en chef de la libération de plusieurs otages occidentaux au Sahel, soit enfin confirmé.

Quelques heures avant l’arrivée de Ould Chaavi, les prémisses de la fête s’annonçaient déjà. Devant la superbe villa aux couleurs égayées, une demi-douzaine de tentes était déjà dressée, à côté d’un chapelet de chameaux dont le nombre augmentait au fur et à mesure que le temps s’allongeait. Ce sont les fameuses « Enhira », ces chamelles que des amis, des hommes d’affaires et d’autre, offrent en guise de cadeau. On en voit souvent devant les concessions des nouveaux ministres, ou hauts responsables fraîchement nommés, et ces dons, ne sont pas toujours innocents. La foule parsemée en début de journée était devenue opaque, dense et envahissante à l’approche de l’arrivée de l’avion transportant Mohamed Limam Chaavi. Seul un nombre restreint de proches était autorisé à l’accueillir à l’aéroport.

Tentes et chamelles pour l’accueil de Ould Chaavi à Nouakchott

L’arrivée du convoi devant la maison d’accueil fut un moment d’intense hystérie. On se bousculait devant l’immense portail de la demeure. S’entremêlèrent dans un tourbillon endiablé, boubous blancs et bleu, voiles multicolores, trémolos d’un groupe de griots, coups de coude d’une armée de journalistes et de simples quidams. Mais tout ce beau monde en eut pour ses frais. La garde rapprochée empêcha tout contact entre ce comité d’accueil improvisé et la petite délégation qui entourait Limam Chaavi.

Costume sombre, un grand sourire partageant le visage, Ould Chaavi se contenta d’agiter la main pour saluer les badauds. Et tout le monde s’engouffra dans la maison, dont les portes furent verrouillées. Seuls quelques privilégiés et une poignée de chanceux eurent la possibilité de traverser les barrières, pour se retrouver dans un vaste salon

Des démêlés avec les pouvoirs en Mauritanie

Entre Moustapha Limam Chaavi et les pouvoirs qui se sont succédé depuis 1990 en Mauritanie, les relations n’ont jamais été tendres.

A l’époque, Moustapha Limam Chaavi, était déjà l’éminence grise de l’ancien président burkinabé, Blaise Compaoré. Presque le deuxième homme fort du pays des « hommes intègres », grâce à une connaissance approfondie de la région du Sahel, ses relations intenses avec plusieurs chefs d’Etat, Amadou Toumani Touré du Mali, Mahamadou Issoufou du Niger, Alpha Condé de la Guinée et Alassane Ouatara de Côte d’Ivoire, dont il était conseiller occulte.

Moustapha Chaavi avec des otages

Son père, Limam Chaavi, exerçait déjà ce rôle de négociateur et de conseiller de plusieurs chefs d’Etat du Sahel, dont l’ancien président du Niger, Hamani Diori. Il a joué aussi un rôle important dans le dialogue entre les mouvements touaregs et le pouvoir central au Mali en 1992.

 Limam Chaavi avait surtout ses propres accointances avec les groupuscules qui semaient la terreur au Sahel, notamment Al Qaida au Maghreb Islamique (AQMI).

C’est dans ce cadre qu’il a joué un rôle déterminant dans la libération de plusieurs otages occidentaux, notamment  le Canadien, Robert Fowler et son assistant, kidnappés en décembre 2008 et libérés en 2009, la libération des trois humanitaires espagnols, Alicia Gamez, Roque Pascual et Albert Vilalta, enlevés en novembre 2009 et libérés en 2010, parmi tant d’autres.  Certains soutiennent qu’il percevait au passage une commission pour ses bons offices.

En 2003, le président Maaouiya Ould Sid’Ahmed Taya l’accuse d’être la tête pensante de la tentative du coup d’Etat menée par les «Cavaliers du Changement», un groupe d’officiers dont les membres avaient justement trouvé refuge à Ouagadougou, où il les avait accueillis et hébergés.

Après la chute de Ould Taya en 2005, Moustapha Limam Chaavi ne reviendra en Mauritanie qu’en 2007, lorsque Sidi Mohamed Cheikh Abdallahi prit les rennes du pays. Une anecdote circule à ce sujet qui explique l’inimitié née entre lui et celui qui deviendra plus tard, président de la République, Mohamed Abdel Aziz.

Ce jour-là, Mohamed Limam Chaavi devait accompagner le président et sa délégation pour un voyage officiel. Mais arrivé à l’aéroport, il se verra renvoyer par Mohamed Abdel Aziz, alors aide de camp de Sidi Cheikh Abdallahi, qui indiqua qu’il n’était pas sur la liste de la délégation. Il rebroussa alors chemin. Sidi Ould Cheikh Abdallahi qui embarqua dans l’avion présidentiel, remarqua que Limam Chaavi n’était pas dans l’appareil. Il l’appela au téléphone et Limam Chaavi lui raconta ce qui lui était arrivé. L’avion resta cloué au sol jusqu’à son embarquement.

A la chute de Sidi Ould Cheikh Abdallahi en 2008 et l’arrivée de Mohamed Abdel Aziz au pouvoir, Limam Chaavi fera payer à ce dernier la monnaie de sa pièce. La visite officielle effectuée par Ould Abdel Aziz et sa délégation à Ouagadougou pour une rencontre sous-régionale fut un véritable camouflet. Aucun officiel à leur accueil, sauf de simples fonctionnaires.

Mandat d’arrêt international

Profitant de la psychose entraînée par la lutte contre le terrorisme au Sahel, Mohamed Abdel Aziz fit lancer en 2011 un mandat d’arrêt international contre Moustapha Limam Chaavi, et d’ailleurs aussi contre l’homme d’affaires Mohamed Ould Bouamatou, ces deux irréductibles opposants. Ould Limam Chaavi est accusé de « financement du terrorisme » et d’appui « aux groupes terroristes », en l’occurrence AQMI.

Moustapha Chaavi et Mohamed Bouamatou

Après la chute du régime Blaise Compaoré, Moustapha Limam Chaavi ralliera Abidjan par un vol spécial. Il rejoindra plus tard son ami Mohamed Ould Bouamatou, poussé aussi à l’exil, au Maroc, avant de rallier le Qatar. Même en exil, Moustapha Limam Chaavi, jouera d’autres rôles diplomatiques. Il aidera ainsi à l’évacuation sanitaire de l’ancien président et chef de la junte guinéenne Moussa Dadis Camara à Rabat. Tout récemment, il aurait aidé à l’évacuation médicale de Blaise Compaoré au Qatar.

Pris entre plusieurs feux

Alors qu’il savoure son retour au pays natal après plus d’une quinzaine d’années d’absence, Moustapha Ould Limam Chaavi fait les frais d’un feu nourri venu du clan de l’ex-président Mohamed Ould Abdel Aziz et des pays en guerre contre le Qatar, en l’occurrence l’Arabie Saoudite et les Emirats Arabes Unis.

Ce retour est également un véritable revers de l’histoire. En effet, aujourd’hui, les anciens exilés sont tous rentrés au pays, à l’heure où leur ennemi politique, Mohamed Abdel Aziz, est embarqué dans une saga judiciaire aux conséquences imprévisibles, avec de fortes possibilités qu’il soit traduit et probablement emprisonné, avec confiscation de la majeure partie de son patrimoine.

En attendant, la guerre contre Ould Chaavi bat déjà son plein. Le fils de l’ancien président, Bedre Ould Abdel Aziz, qui figure sur la liste des personnes poursuivies dans le cadre de la procédure judiciaire engagée contre son père, vient de publier des vidéos montrant Ould Chaavi avec des terroristes, dont celle où il serre la main de Hamada Ould Ahmedou Khairi, ancien Mufti du MUJAO, tué il y a deux ans en Libye. D’autres vidéos montrent Ould Chaavi négociant la libération d’otages occidentaux.

Ould Chaavi fait aussi les frais de la guerre qui oppose l’Arabie Saoudite et les Emirats Arabes Unies d’une part et l’Etat de Qatar de l’autre. Des sites saoudiens et émiratis qualifient Moustapha Limam Chaavi de « serpent du Qatar » ou encore « l’homme du Qatar au Sahel ».

Pas de politique

Soucieux sans doute de tranquilliser le nouveau pouvoir de Mohamed Cheikh Ould Ghazouani, Moustapha Limam Chaavi a déclaré dès son arrivée à la presse, qu’il n’est pas venu en Mauritanie pour faire de la politique, mais retrouver sa famille et ses amis.

Samuel Eto’o en tenue locale

Une manière de se démarquer de la tension qui prévaut au Proche-Orient entre ses protecteurs qataris et le duo Arabie Saoudite – Emirats Arabes Unis, et de sa répercussion en Mauritanie par son entregent. Il faut souligner que les relations entre la Mauritanie et le Qatar ne sont pas encore rétablies, depuis leur rupture sous Mohamed Abdel Aziz. L’axe Nouakchott-Djeddah et l’axe Nouakchott-Abu Dhabi prévalent pour le moment plus que la piste brouillée Nouakchott-Dubaï.

Seul rayon de soleil dans cette grisaille, le voyage de l’international camerounais, Samuel Et’O, ancien de Barça et d’Arsenal, en Mauritanie, pour partager avec l’ami Ould Chaavi, le bonheur d’un retour d’exil.

Cheikh Aïdara


Centre de santé de Toujounine : une journée avec les femmes handicapées sur la planification familiale

Dans le cadre de la campagne nationale sur la planification familiale lancée depuis le 26 septembre pour deux mois, le Centre de Santé de Toujounine, un des trois départements de Nouakchott-Est, avait refusé du monde ce mardi 13 octobre 2020. La Fédération nationale des personnes handicapées et ses organisations affiliées, en partenariat avec le Ministère de la Santé et l’appui du Fonds des Nations pour la Population (UNFPA), y avait organisé une journée porte ouverte sur la planification familiale, dédiée aux femmes, en particulier celles vivant avec un handicap.

Forte affluence au centre de Santé de Toujounine – Crédit Aidara

Elles étaient plus d’une centaine de femmes à affluer au centre de Santé de Toujounine, ce mardi 13 octobre 2020. Une réussite en termes de mobilisation réalisée par la Fédération mauritanienne des handicapés, dont les équipes chargées de la sensibilisation avaient sillonné deux jours durant ce vaste département situé dans la Wilaya de Nouakchott-Est. C’est la énième manifestation organisée par la fédération dans plus d’un département de Nouakchott depuis le lancement, le 28 septembre dernier, de la Campagne sur la Planification Familiale initiée par le Ministère de la Santé, avec l’appui de l’UNFPA.

Résultat, une cour remplie de femmes dont la plupart venues pour s’informer davantage sur les bienfaits de la planification dans le bien-être familial, mais surtout sur la santé de la mère et du nouveau-né. Beaucoup piaffait d’impatience pour bénéficier des multiples services de santé de la reproduction offerts par le centre de Santé, notamment en termes de counceling et de produits contraceptifs gratuits. Les discours prononcés à l’occasion leur avaient semblé long.

Les femmes écoutent réligieusement les discours des responsables – Crédit Aidara

Sensibiliser les femmes handicapées

En effet, plusieurs discours ont été prononcés durant cette journée. Après le mot de bienvenue du médecin-chef du centre de Santé, Dr. Naji Ould Hamed MBareck et du maire de Toujounine, Vadil Ould Chouaib, la présidente de l’Association pour la protection de la femme et de l’enfant handicapé, Mme Hemine Mint Lemrabott, avait aussi présenté son organisation et magnifié « une journée qui brise le mur de l’accessibilité de la femme handicapée aux services complets en santé de la reproduction« , difficultés liées selon elles à la précarité, au manque d’instruction et de mobilité de cette frange.

Le président de la Fédération des personnes handicapées de Mauritanie, Lehbouss Ould El Ide, a parlé des bienfaits de l’espacement des naissances, en particulier pour les femmes souffrant d’un handicap. Il a aussi remercié le ministère de la Santé et l’UNFPA pour cette initiative.

De gauche à droite : SEM Seydou Kaboré, le maire, le président de la fédération des handicapés; le préfet de Toujounine- Crédit Aidara

A son tour, le Représentant Résident de l’UNFPA en Mauritanie, SEM. Saidou Kaboré, a d’abord rappelé les trois Zéros de l’UNFPA, « Zéro décès maternel évitable, zéro besoin non satisfait en planification familiale et zéro violence basée sur le genre« , que les Etats du monde, dont la Mauritanie, se sont fixé à l’horizon 2030. Il a ensuite rappelé quelques bienfaits de la planification familiale et prodigué des conseils, dont l’absolu nécessité pour les femmes de suivre leurs consultations pré et post-natales, et d’accoucher dans une structure de santé. Il a également salué le rôle du personnel de santé, notamment les sages-femmes, dans leurs efforts inlassables à sauver la vie des femmes et des nouveau-nés.

Témoignages

Vatimetou Mint Mohamed, sage-femme responsable de la PMI

« Cette campagne sur la planification familiale est très importante pour les femmes en général et pour les femmes handicapées en particulier, ces dernières étant les moins demandeuses de service de planification. C’est l’occasion de les sensibiliser davantage et de leur faire savoir qu’il s’agit d’un service gratuit, tout comme la contraception. Surtout, l’objectif visé par le Ministère de la Santé est de lutter contre la mortalité maternelle, dont l’une des principales causes est justement les accouchements rapprochés. C’est ici l’occasion pour moi de lancer un appel au ministère de la Santé afin que le rôle de la sage-femme soit davantage valorisé et qu’une plus grande attention lui soit accordée. En termes d’affluence au service de la PF, le service reçoit en moyenne 30 femmes par jour. »

Vatimetou zahra Mint Cheikh, femme au foyer

« J’ai 4 enfants en bonne santé, alhamdoulilah. J’ai toujours suivi mes consultations et tous mes enfants sont nés ici au centre de santé de Toujounine, dont le personnel est très attentionné. Seulement, je suis venue pour prendre une méthode contraceptive, car j’ai un bébé de quelques mois et je veux éviter une nouvelle grossesse. Surtout, j’ai déjà eu un problème entre mes deux derniers enfants, qui ne sont séparés que par sept mois».

Aminata Aliou Sow, 32 ans

« Je suis mariée, mère de trois filles et un garçon, tous nés par césarienne. Le seul problème que je rencontre, c’est l’absence parfois du personnel qu’on ne trouve parfois pas sur place, et les frais de santé élevés. Je ne dispose pas d’un carnet de la CNAM (caisse nationale d’assurance maladie, qui prend 90% des frais des adhérents : ndlr) et les frais sont insupportables pour moi. Ajouté à cela, le rang est souvent trop long et fastidieux. 0r, pour moi, en tant que femme au foyer, je ne peux pas me permettre de rester toute une journée au centre de santé, alors que je dois préparer le repas pour mes enfants. Tout cela fait que je ne suis pas trop présente dans les structures de santé. Ma mobilité m’empêche également d’avoir l’envie de trop bouger. Pour ce qui est de la planification familiale, je n’ai jamais adopté une méthode. Je suis venue pour voir, écouter, et je me déciderai après».

Cheikh Aidara


Mauritanie : l’apatridie, le nouveau combat du député Birame Dah Abeid

En marge de la conférence de presse que le député Birame Dah Abeid, président de l’Initiative de résurgence du mouvement abolitionniste (IRA) Mauritanie, avait animée lundi 12 octobre 2020 à Nouakchott, hommes et femmes étaient rassemblés en masse devant son siège. Leur point commun, l’apatridie dans leur propre pays. Un combat que Birame Dah Abeid compte mener pour rétablir les Mauritaniens dans leur citoyenneté.

Birame Dah Abeid (en boubou blanc) entouré de son staff – Crédit Aidara

Le député et président de IRA-Mauritanie, Birame Dah Abeid, a animé lundi 12 octobre 2020 à Nouakchott, une conférence de presse à laquelle avaient assisté plusieurs journalistes. Le thème que le leader abolitionniste a abordé durant sa rencontre a porté sur le récurrent problème de l’apatridie qui s’aggrave d’année en année, face à la masse impressionnante de Mauritaniens privés de pièces d’état-civil.

Le responsable chargé de l’Etat-civil à IRA explique les divers parcours des victimes – crédit Aidara

Les victimes se compteraient par plusieurs milliers à travers tout le pays. Le député a pointé du doigt ce fameux recensement de 1998, exigé par les autorités, et qui selon lui, avait été mal mené, car n’ayant pas été inclusif. « Il n’y a pas eu une réelle sensibilisation à l’époque et beaucoup de personnes, pour des raisons de voyage, d’occupation ou pour s’être absenté momentanément, avaient raté le passage des agents recenseurs qui ne sont jamais revenus dans les familles pour recenser les personnes absentes au moment de leur passage », a-t-il déclaré. D’où, selon lui, les situations kafkaïennes de personnes ne disposant pas de pièces d’état-civil, alors que leurs parents et leurs frères ont été recensés. Et ces personnes courent depuis plus d’une décennie pour être réhabilités dans leurs droits.

Ces Mauritaniens exclus du système d’identification nationale sont ainsi privés de travail, ne peuvent ni se soigner ni envoyer leurs enfants à l’école, encore moins voyager ou jouir des droits accordés aux citoyens, notamment le droit d’effectuer des transactions financières ou de bénéficier de soins médicaux en tant que nationaux.

L’anecdote d’une femme évacuée de la ville d’Adel Bagrou, citée par le député Birame Dah Abeid, est révélatrice du calvaire vécu par les Mauritaniens apatrides. L’hôpital national avait exigé d’elle de payer 25.000  MRO par jour pour son hospitalisation, puisqu’elle ne disposait pas d’une pièce d’identité. Ce que la situation de pauvreté de sa famille ne lui permettait nullement.

Ainsi, plusieurs femmes mauritaniennes dépourvues de pièces d’état-civil ne peuvent pas jouir du forfait obstétrical ni se soigner ou soigner leurs enfants sauf à des prix exorbitants, supérieurs à ceux requis auprès de leurs concitoyens. Des milliers d’enfants sont ainsi exclus du système éducatif.

M. Soumaré sur les calvaires des membres de la diaspora – Crédit Aidara

Egalement, des milliers de Mauritaniens de la diaspora vivent aussi le même calvaire, notamment ceux ayant perdu leur carte de séjour ou contraints de renouveler leur passeport.

Birame Dah Abeid a ainsi salué l’initiative prise par le président Mohamed Cheikh Ghazouani de redynamiser le conseil interministériel chargé de résoudre les problèmes d’état-civil.

«Pour contribuer à cette salutaire initiative, nous avons décidé à notre niveau d’ouvrir deux bureaux, ici à l’Ilot K où se trouve notre siège principal ainsi qu’au niveau de notre bureau de PK 10 où une permanence sera installée pour recevoir tous ceux qui ont des problèmes d’état-civil, afin de les recenser et de nous assurer de leur situation pour tenter de lever les obstacles qui empêchent leur recensement auprès des autorités » a-t-il promis.

Plusieurs témoignages ont été recueillis par les journalistes, au cours de l’entretien populaire que le président Birame Dah Abeid avait accordé aux victimes qui s’étaient massés autour de lui, sous un soleil de plomb.

Cheikh Aïdara