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Confédération Générale des Travailleurs de Mauritanie CGTM DECLARATION 1er MAI 2020

Le 1er mai 2020 intervient cette année dans un contexte mondial particulier caractérisé par l’avènement d’une pandémie dénommée COVID 19 qui fait encore plusieurs milliers de victimes dans tous les continents. Nous nous inclinons à la mémoire de toutes les personnes qui ont perdu la vie et compatissons avec leurs familles et leurs proches en ces moments de douleur et de recueillement, sans oublier tous les malades sous surveillance médicale.

En effet, cette pandémie a fini de démontrer que la gouvernance mondiale actuelle dictée par la domination des capitaux et de l’économie du marché, imposée par les politiques néolibérales depuis la fin du siècle dernier, a conduit tout le système basé sur la dérèglementation des acquis sociaux et des droits fondamentaux au travail, de subir un cuisant échec d’une ampleur sans précédent.  Le démantèlement des filets de sécurité et de protection sociales, la privatisation des systèmes nationaux de santé, l’exclusion des millions de travailleurs et travailleuses de toute assurance médicale, le recours à l’accumulation des bénéfices et des dividendes en faveur des plus riches, la paupérisation de plus de ¾ de l’humanité à travers des règles inégales du commerce mondial, sont les conséquences de ces politiques néolibérales imprimées à la mondialisation actuelle.

A l’instar des organisations syndicales unies au sein du groupement Global Unions, nous attirons l’intentionde notre gouvernement et de tous les gouvernements du monde, ainsi que des institutions financières internationales comme le FMI et la Banque mondiale,sur la nécessité de privilégier la coordination de leurs réponsesfaceà la crise mondiale économique et de santé publique. Dans les semaines à venir, les Réunions de printemps au niveau des institutions de Breton Woods, doivent donner l’occasion de planifieret coordonner la relancebudgétaire et monétaire mondiale, avec des réponses qui renforcent les systèmes de santépublique de première ligne, qui protègent les emplois et qui stimulent l’économie réelle. Une partie indispensable de cette riposte doit consister à fournir un soutien adéquat aux pays en développement, faute de quoi des vies seront perdues et la crise économique mondiale s’aggravera.Le groupement Global Unionsappelle à une émission de Droits de tirages spéciaux (DTS) accompagnée de la création d’un fonds fiduciaire des donateurs qui permette les transferts des DTS aux pays en développement, affectés spécifiquement à la relance de l’économie réelle, à la santé publique, à la protection sociale et à l’emploi.Les premières estimations de l’OIT indiquent une hausse significative du chômage et du sous-emploi dans le sillage du virus.

Avec les graves perturbations entraînées par la crise dans les chaines de distribution, les systèmes de santé publiqueet de protection sociale constituent les premières lignes de défense. Nous ne devons laisser personne de côté alors que nous formulons notre riposte, et devons donc construire une protection sociale universelle comportant des socles sociaux et une couverture médicale universelle. Il convient de généraliser le soutien au revenu afin de répondre au chômage croissant, sans que les travailleurs informels ou atypiques rencontrent d’obstacle pour y accéder. Le moment est venu d’une nécessaire ambition, qui ne laisse pas la place aux solutions parcellaires, aux programmes conçus de manière trop étroite qui excluent ceux qui en ont le plus besoin ou aux systèmes qui déplacent tous les risques du côté des travailleurs. Toute politique de relance devrait être conçue de manière à donner la priorité à l’économie réelle et à respecter les normes fondamentalesdu travail de l’OIT.

Dans notre pays, nous saluons l’initiative de Son Excellence, Monsieur le Président de laRépublique, qui a lancé un appel à toutes les forces vives de la Nation afin de bâtir des plans de riposte et de sensibilisation au niveau de tous les segments de notre société face à cette pandémie. Les résultats importants et encourageants obtenus par notre pays dans le combat contre le coronavirus covid 19 sont à magnifier. L’élan de solidarité nationale mis en place doit être l’occasion de renforcer la cette cohésion des forces vives autour d’objectifs largement partagés et bénéfiques à toute la population, sans discrimination aucune. A cet égard, les services publics spécialisés dans l’assistance humanitaire ainsi que les organismes de même nature doivent jouer le premier rôle dans la distribution des appuis aux populations, en toute transparence et dans l’équité et l’égalité entre tous les citoyens.

Des centaines de milliers de travailleurs du secteur public, du secteur privé et de l’économie informelle, ont vu leurs activités décroître sinon s’arrêter brusquement, exposant leurs familles au dénuement total et à des risques aggravés face à cette pandémie. D’autres catégories de travailleurs dont les travailleurs migrants, sont abandonnés à leur sort, sans aucune assistance et laissés en rade par le plan de riposte sanitaire et alimentaire mis en place.

La CGTM rappelle ses revendications d’un chômage indemnisé à 100% de la rémunération, la couverture sanitaire générale, une protection sociale universelle, l’interdiction des licenciements à quel titre que ce soit ainsi que la suspension des plans de suppression d’emplois, la mise en place dans toutes les entreprises de commissions santé, sécurité et conditions de travail dotées de réels pouvoirs d’intervention, la reconnaissance d’un état de catastrophe sanitaire permettant de mobiliser le secteur assurantiel, la suspension des versements des dividendes aux actionnaires des sociétés publiques et parapubliques.

La CGTM exhorte le gouvernement à privilégier la gestion des plans de riposte face au COVID 19 dans un cadre d’un partenariat social impliquant les travailleurs, les employeurs et ce à l’échelle nationale et territoriale mais aussi au niveau des entreprises publiques et privées. Les travailleurs et travailleuses de tous les secteurs professionnels sont les plus vulnérables et les premiers à payer les risques directs liés à la pandémie à travers des pertes d’emplois et de revenus et de santé, particulièrement dans les branches suivantes : Hôtellerie, Restauration, Tourisme, Transport, Pêche, Sous-traitance, Emploi domestique, Bâtiments et Routes, Docks et Ports, Transport aérien, Economie Informelle, Personnel de la Santé, entre autres.

La CGTM renouvelle son appel à une large prise en compte par les travailleurs et les travailleuses, des mesures sanitaires édictées par les services de la santé de notre pays.

La CGTM rappelle une fois de plus qu’il est temps, surtout en cette période d’érosion des emplois, que des négociations sociales tripartites soient tenues entre les partenaires sociaux afin que des solutions adéquates soient trouvées pour une meilleure reprise économique et sociale dans le pays.

La CGTM félicite les travailleurs et travailleuses de notre pays à l’occasion de la fête internationale du travail, laquelle, malheureusement, ne sera pas célébrée par des rassemblements de masses et leur demande de bien respecter les consignes sanitaires en vigueur.

Nouakchott, le 20 avril 2020

Le Comité exécutif de la CGTM


Interview du député Biram Dah Abeid, président du mouvement IRA : «Notre bloc est la seule contre-proposition historique à l’ordre de l’oligarchie militaro-féodale»

S’étant rendu en Belgique pour des soins médicaux, l’honorable député Birame Dah Abeid, Président de l’Initiative de résurgence abolitionniste en Mauritanie (Ira-M) et double candidat de l’alternance au pouvoir depuis 2014, se retrouve coincé en Belgique, depuis le 18 mars 2020, par la fermeture des frontières aériennes entre l’espace Schengen et le reste du monde à cause du Covid-19. Dans cet entretien exclusif (via watsapp), il commente l’actualité politique de son pays et lève un coin du voile sur plusieurs questions que se posent les Mauritaniens à son propos, notamment ses rapports avec les pouvoirs successifs, ainsi que l’état de la lutte contre l’esclavage.

Birame Dah Abeid

L’Authentique : actualité oblige, quel regard jetez-vous sur l’arrestation de l’une des militantes de la première heure du mouvement IRA, en l’occurrence Marièm Cheikh, en détention depuis le 13 avril 2020 ?

Biram Dah Abeid : l’arrestation de Marième Cheikh c’est du déjà-vu. Nous sommes toujours et sans doute les mieux préparés à affronter de telles situations. Hier nous menions la bataille contre la sacralité du code négrier, de l’impunité des esclavagistes et tortionnaires, et de l’esclavage agricole ; en somme, l’expérience de la lutte nous a forgés; le pouvoir ne sortira pas grandi de cette bataille autour du discours de la haine comme il le dit, ou du concept d’Apartheid comme nous disons. Nous cultivons et entretenons la certitude que la vérité et le droit inclinent sans cesse vers nous. Marième Cheikh hérite de cette assurance en l’avenir. 

Néanmoins, l’attitude d’hostilité ouverte du pouvoir tranche, non sans paradoxe, sur le sacrifice et à l’effort que nous avons fait depuis la dernière élection présidentielle dont nous fûmes le principal acteur au sein de l’opposition. L’Ira-M et la coalition Rag-Sawab, représentent l’unique bloc de la contre-proposition historique à l’ordre de l’oligarchie militaro-féodale, des tribus et de la ségrégation, en vigueur depuis 40 ans. Nous incarnons, seuls, le choix du peuple s’il lui est donné, un jour, la faculté de décider, dans les urnes, s’il doit vivre dans la misère, l’obscurantisme religieux et les inégalités ou, enfin, oser la rupture. Voici le message que nous portons ! 

En face de nous, persiste le même ressentiment, malgré le changement de personne à la tête de l’Etat ; la reproduction des méthodes qui avait prévalu contre nous à l’époque de Mohamed Abdel Aziz, l’expliquent assez : ce n’était pas un homme qui nous réprimait mais des hommes, des femmes, bref un système solidaire dans ses pratiques, atteint de cécité et par-dessus les risques, suicidaire. 

L’Authentique : quelle appréciation faites-vous du travail de la Commission nationale des droits de l’homme et celui du Commissariat dans l’ancrage des droits de l’homme et leur amélioration depuis l’avènement du pouvoir de Ghazouni ?

Biram Dah Abeid : Ahmed Salem Ould Bouhoubeïny, une personnalité qui a déjà mis son empreinte dans la défense des droits de l’homme en Mauritanie et le ministre commissaire chargé des droits de l’homme, Mohamed Elhassen Ould Boukhreïs, se distinguent par des qualités personnelles que nous apprécions ; hélas, celle-ci ne produisent d’incidence significative sur la virulence de l’aversion que le système nous voue. Une posture individuelle de franc-tireur ou de cadre autonome du groupe, à l’image des deux précités, ne peut rien changer aux pratiques structurantes de leur employeur, en l’occurrence l’Etat des prébendiers, de la médiocratie et de l’impunité. C’est pourquoi Me Ould Bouhouneiny fut court-circuité, assez vite, par son entourage hélas trop pourri qui l’a devancé au sein de la Commission des droits de l’homme ; là, siège, toujours, maint fraudeur, rôdé aux faux témoignages et à l’espionnage, sous l’injonction de la cupidité. 

C’est pourquoi (rires) après notre rencontre avec Ould Bouhouneiny et notre satisfaction de son travail, nous envisagions même de collaborer avec l’institution pour promouvoir, en Mauritanie et devant les forums internationaux, le projet d’une collaboration étroite, sur la voie de l’égalité et de la citoyenneté inclusives. A notre arrivée à Genève, nous fumes surpris de découvrir, que des rapports mensongers contre nous, sont distillés, aux interlocuteurs étrangers, au nom de la Commission des droits de l’homme. Il s’avéra que Me Bouhoubeiny était étranger à la manœuvre de ses proches collaborateurs et ne pouvait rien leur opposer. Je dois noter, aussi à sa décharge, qu’il demeure le premier et l’unique parmi les dirigeants d’institutions officielles, de partis politiques ou d’ongs, à avoir demandé la reconnaissance de notre parti et de notre associations, encore arbitrairement interdits, à ce jour. Désenchantement aussi (rires) envers Ould Boukhreiss après que l’ambassadeur de Mauritanie à Genève a commis, sous sa tutelle, toujours pour la consommation extérieure, une correspondance catastrophique, une lettre digne des époques où fleurissaient la langue de bois et le mensonge ; nous avons pu en prendre connaissance, grâce à nos propres circuits. Conclusion, en Mauritanie, difficile, pour les hommes, de changer leur environnement, y compris mental mais hélas, toujours aisé, pour cet environnement, de transformer les hommes, surtout de les maintenir sous le diktat de la réalité. En dépit de leur volontarisme, Ould Bouhoubeiny et Ould Boukhreiss restent prisonniers de leurs conditions de clercs au service d’une banqueroute ambulante qui fuit l’audit. 

L’Authentique : certaines sources proches du gouvernement, partant d’exemples comme celui du Sénégal qui a fortement dit aux Rapporteurs des Nations-Unies que l’homosexualité n’y sera jamais tolérée, semblent accorder peu d’importance aux Rapporteurs spéciaux des Nations Unies quand ils critiquent la loi sur la discrimination appliquée aujourd’hui à l’encontre de Marièm Cheikh ; en effet, selon eux, cette loi constitue une entrave aux libertés. Ils ont même adressé une correspondance aux autorités mauritaniennes dans ce sens. Qu’en pensez-vous ?

Biram Dah Abeid : l’institution des Rapporteurs spéciaux des Nations Unies n’est pas une institution coercitive. Elle n’ordonne pas aux autorités gouvernementales des pays et n’utilise la contrainte. Les Rapporteurs des Nations Unies représentent une autorité morale reconnue dans le concert des nations et leur point de vue a un très grand impact sur la respectabilité des Etats, leur capital symbolique. Le Sénégal est un pays à haute culture diplomatique, donc je doute fort que cette grossièreté rapportée par votre source officielle en Mauritanie, soit l’attitude du gouvernement ou de la diplomatie du Sénégal. Le Sénégal est un grand pays, en avance sur nous dans bien des domaines, en particulier l’égalité ethnique, la tolérance, la visibilité de la femme et le respect de l’intégrité physique des gens. 

Je suis néanmoins surpris que cette source du gouvernement mauritanien compare la majorité du peuple, constituée de communautés d’esclaves et anciens esclaves, de négro-africains et de plusieurs strates de maures castés, à une minorité sexuelle ; c’est beaucoup de myopie, au moins, que de comparer une majorité spoliée de ses droits, à une poignée de gens, marginalisée par leurs revendications spécifiques envers et contre le corpus des mentalités africaines. Il y a, dans cette comparaison, beaucoup de mépris. 

Ces situations de non-intérêt accordé aux injonctions de la communauté internationale peuvent ne pas être dangereuses, à court terme, pour des gouvernements aveuglés et obnubilés par l’insolence, l’omnipotence ponctuelle, bref, la force d’écrasement dont ils disposent…Néanmoins, je le pense, un gouvernement dans le siècle où nous sommes, doit faire de la prudence sa béquille, afin de se ménager la capacité d’anticiper et de prévenir le pire. L’on ne peut se murer dans la conscience d’un rapport de force favorable sur le moment pour adosser son désir sur la dissuasion ou spéculer sur le silence des victimes, leur peur ou résignation. Une telle légèreté de jugement, tôt ou tard, joue de sales tours, d’ailleurs beaucoup plus rapidement que prévisible…L’histoire est un livre d’une écriture nette pour qui sait lire…

L’Authentique : Nombreux sont les gens qui ne comprennent pas encore votre réaction quand vous vous êtes opposés à la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire sur la gestion des biens publics durant les dix dernières années. Ce qui suscite une autre question sur les relations que vous auriez entretenu avec l’ancien président, pendant et après sa présidence et la question récurrente que vous êtes une fabrication de Mohamed Abdel Aziz.

Biram Dah Abeid : Ces attaques contre moi, à travers cet angle, sont conçues et distillées par des lâches, sans courage ni dignité et dont l’impuissance et le défaitisme leur confèrent seulement le choix entre lécher les pattes d’Aziz ou faire profil bas jusqu’à son départ. Les bénéficiaires de Aziz ou simples articles de sa création sont aujourd’hui aux commandes de l’Etat et des forces armées et de sécurité. Le Président Ghazouni et la plupart de ses collaborateurs doivent tout à Aziz qui leur a livré un pouvoir dont il n’avait nullement envie de se départir.  A ce jeu d’accusations, nous allons rire : Biram, lui n’a pas été fabriqué par Aziz. Il y a beaucoup de « made in Aziz » en circulation et Biram ne figure sur la liste. Le peuple connait tout ça, c’est pourquoi il me soutient, malgré les montages, la diffamation et la perfidie des conjectures, comme celle-ci.  Ce sont des dons que Dieu me prête : le peuple me suit, me comprend, même si on me refuse la parole dans les médias de l’Etat, en interdisant le parti auquel j’adhère, l’association que je dirige.

D’autre part, je persiste et signe, au sujet de cette commission d’enquête parlementaire : je ne participerai pas à leurrer le peuple. Cette commission n’est pas destinée à faire la lumière ni à dire la vérité au profit des humbles. Non. Il s’agit d’un règlement de compte entre les protagonistes d’un même système qui se battent pour leurs intérêts divergents et, d’ailleurs, prenons-en le pari, ils finiront par s’entendre et enterrer cette lubie vertueuse, comme ils ont enterré, tant de cadavres, entre 1986 et 1991. Vous souvenez-vous de la fameuse Commission d’enquête contre l’épouse et les enfants de l’ancien Président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdellahi ?! Qu’est-elle devenue ? 

Mes rapports avec l’ancien président, nul n’en ignore les violentes confrontations. Je n’ai pas faibli devant son omnipotence ; or, aujourd’hui que tous ces nouveaux opposants sont apparus lorsqu’Aziz n’est plus qu’un simple citoyen et ne représente plus une menace, je ne me mêlerais pas avec eux. Notre agenda ne se recoupe. Non, moi je n’entretiens plus de rapports conflictuels d’opposant avec Aziz, car ce dernier n’existe plus et personne ne peut m’instrumentaliser contre un épouvantail. Non. 

Ma cible, reste le pouvoir. Je dis, encore, que la gabegie n’est pas l’œuvre d’Aziz seul. Il y était le chef d’orchestre d’une troupe de prédateurs, dont ses collègues généraux ainsi que d’autres serviteurs qui l’adoraient, l’élevaient quasiment à la divinité. Je ne regrette, je ne regretterai mon refus de participer à cette « permission inquiète » – oui, je l’appelle ainsi – et n’y participerai jamais. J’avais dit aux députés auxquels l’on a ordonné de proposer ce truc, que je veux une instance sincère destinée à traiter les problèmes cruciaux de la Mauritanie, surtout les plus graves à mes yeux, en l’occurrence l’assassinat pluriel au motif de la race, la torture, la déportation, la spoliation foncière, l’épuration de l’appareil d’Etat et, surtout, le refus de publier la vérité. Ensuite, nous poserions, sur la table, la question existentielle : pourquoi et jusqu’à quand une minorité ethnique s’approprie-t-elle un quasi-monopole sur les instruments de la violence légitime, l’agriculture, la pêche, la religion, les terres arables, les banques, la douane, les permis d’exploitation minière et les chaines de radiotélévision ?!! Voici du travail concret pour une commission digne de son objet ! 

L’Authentique : que pensez-vous du travail de cette commission d’enquête et croyez-vous qu’elle ira jusqu’au bout de sa mission ?

Biram Dah Abeid : J’ai déjà répondu à la question. La commission est sans lendemain, elle n’ira nulle part puisque l’architecture dont elle procède s’appuie sur un fondement d’inégalité et utilise un étai de feinte et de contournement. 

L’Authentique : quel commentaire de votre part après le retour en Mauritanie des personnalités qui ont été forcées à l’exil par l’ancien pouvoir ?

Biram Dah Abeid : je suis très content du rapatriement des hommes d’affaires et des autres, tous forcés à l’exil. C’est leur droit car ils ont été injustement éloignés de leur pays. C’est pourquoi nous n’avons jamais cessé de les soutenir et de dénoncer les injustices dont ils étaient l’objet depuis que le pouvoir les visait. Certains ont commencé à parler d’eux quand Aziz a quitté le pouvoir. Il y a de quoi sourire, avec pitié. Je recommande juste à nos amis de retour de bien faire attention à rester lucides et éviter de se dissoudre dans la gratitude et le désir de plaire aux maîtres du jour. Un gouvernement correct est celui qui a besoin de conseil avisé, point de complaisances. 

L’Authentique : quelles appréciations avez-vous sur le début du pouvoir de Ghazouani, en quoi peut-il être considéré comme différent du régime qui l’a précédé et que pensez-vous de la conférence de presse de Ghazouani et de sa position par rapport à l’esclavage ?

Biram Dah Abeid : Je pense que le bilan de ces mois de Ghazouani est très mitigé. Il n’a rien à envier à son prédécesseur sur le plan de l’illisibilité des politiques publiques, notamment des nominations dans l’appareil d’Etat. Parfois, il donne l’impression de vouloir plaire à tout le monde ce qui, bien entendu, interdit la bonne gouvernance. Bref, il sait rassurer, séduire, respecte ses invités, les écoutes et, l’instant d’après, plus rien. Ghazouani veut diriger par la promesse sans délai, la courtoisie, la patience contagieuse et la ruse du fatalisme, l’abus de Incha Allah en guise d’auto-exonération. De telles méthodes comportent des avantages certains dans une contrée prospère où règne une relative harmonie. Tel n’est le cas de notre Mauritanie martyrisée. Le Monsieur, s’il est de bonne foi, parviendra, assez tôt, à la conclusion que le pays est malade et son sauvetage requiert un remède de cheval, administré par des praticiens résolus, gère des mesurettes tremblotantes de scrupule et de spéculation sur la baraka….

Quant à la conférence de presse que vous mentionnez, au cours de laquelle Ghazouani a invité quelques journalistes, ce n’était pas une rencontre d’usage mais plutôt une manière de communiquer. Il a tout maîtrisé et les journalistes étaient quasi inexistants. Ghazouani voulait passer ses messages comme il l’entend, sans protagonistes, juste des témoins dociles. Les journalistes servaient de boîte d’enregistrement et Ghazouani a juste fait passer ses messages comme dans une boîte à lettres. Je pense, par ailleurs, que la position de Ghazouani sur l’esclavage tient du négationnisme habituel parmi les maures, exactement à l’image de son compagnon de 41 ans, Aziz. 

L’Authentique : vous aviez très tôt, aux lendemains de la présidentielle du 22 juin 2019, appelé au dialogue avec les nouvelles autorités, où en est ce dialogue et où en est la situation politique depuis lors ?

Biram Dah Abeid : après les élections présidentielles, juste au lendemain de la proclamation des résultats, mon devoir, en qualité de l’un des deux principaux acteurs, ayant le peuple avec moi, face à une armée dressée à casser du noir, j’ai voulu prendre les devants, éviter l’escalade. C’était de mon option d’assurer la paix civile. Dans ce cadre, j’ai bel et bien appelé au dialogue, même si les opposants autour de moi, jugeaient une faiblesse de proposer la discussion, en premier. Le pouvoir aussi – ses émissaires me l’ont dit – estimait signe de faiblesse, de sa part, que de demander d’emblée, l’apaisement. Finalement, le Président Ghazouani a dit qu’il ne voulait pas de dialogue, car ce n’était pas nécessaire, et il se suffirait de consultations périodiques avec certains hommes politiques triés sur le volet, lesquels, à ses yeux, sont les vrais responsables de l’opposition. 

Les gens qu’ils ont triés, et dont je ne faisais pas partie, se retrouvent à l’aise dans cette situation. Ils pensent que tout est réglé. C’est leur position, ils sont libres de savourer l’illusion. Pour ma part, je crois que toutes les questions pressantes au titre desquelles nous nous battions durant la décennie brutale de Mohamed Abdel Aziz demeurent irrésolues. Afin de sortir de l’impasse, il faut une Ceni indépendante, un Conseil constitutionnel remodelé conformément au vœu de l’impartialité, un recensement libre, l’accès démocratique à l’état-civil, une liste électorale concertée et transparente, la révision des autorisations de média audiovisuels, une administration et une justice indépendante. Il faut d’abord, j’insiste dessus, une entente sur le règlement des dossiers lourds qui plombent encore le développement, la paix civile et la cohésion des Mauritaniens : nous interpellent, plus que jamais, les dossiers de l’esclavage, de l’impunité des crimes racistes, l’exclusion et la misère, le partage des richesses du pays, la discrimination à tous les niveaux, administratifs et socioculturels. 

L’Authentique : que répondez-vous à ceux qui vous reprochent votre absence du pays au moment du Covid-19 ?

Biram Dah Abeid : je ne sais pas sur quoi se basent ces gens pour me reprocher mon absence du pays pendant le Covid-19. Je ne suis pas le Président de la République, je ne suis pas le Premier ministre ni le ministre de la Santé. Je n’ai aucun rôle à jouer dans la riposte du gouvernement à une pandémie. C’est le 18 mars dernier que le médecin m’a libéré. Il n’y avait plus d’avion, la Belgique comme toute l’Europe avait fermé ses frontières. J’attends la fin du confinement ; dès la réouverture des frontières, je reviendrais en Mauritanie, mais dirais, à ceux qui me pensent capable de miracles contre le Covid-19, de déchanter. Même si j’étais là-bas, je n’aurai rien pu faire. L’homme politique, à la différence du religieux professionnel, ne vend pas de la magie dans un emballage de superstition, à une clientèle en panique. 

L’Authentique : certains se demandent aussi quelle est la contribution du mouvement IRA dans la lutte contre le Covid-19 ?

Birame Dah Abeid : IRA et moi-même, nous n’avons pas de contribution que l’on pourrait donner pour la lutte contre le Covid-19. IRA est une organisation interdite et non reconnue en Mauritanie tout comme le parti RAG, en d’autres termes, deux associations de malfaiteurs aux yeux du pouvoir, exactement comme l’ANC et le PAC en Afrique du Sud, à l’époque de l’apartheid. Les deux ne peuvent disposer d’un compte bancaire, recevoir de dons ni récolter de l’argent, encore moins pas s’organiser. 

L’Authentique : êtes-vous d’avis avec les autorités qui considèrent que l’esclavage n’existe plus et qu’il n’existe que des séquelles ?

Biram Dah Abeid : L’Etat considère que l’esclavage n’existe plus en Mauritanie. Bon, c’est une position que nous connaissons bien, celle de tous les régimes, depuis les indépendances. Rien n’a changé, le déni produit encore de la dénégation et les auteurs de cette rhétorique continuent à s’en repaître, comme un exutoire à leur culpabilité. El Hor et SOS Esclaves et bien d’autres associations ont contribué à défaire cet autisme, grâce à la publication, chaque année, de requêtes de prétoire, qui témoignent de l’actualité fondamentale de la servitude de naissance, en République islamique de Mauritanie

L’Authentique : quel est le bilan d’IRA après toutes ces années et qu’est-ce que le mouvement a apporté à la lutte contre l’esclavage et les discriminations ?

Biram Dah Abeid: Ira-M existe depuis 2008, ce qui fait d’elle, chez nous, la plus jeune Ong de défense et de promotion des droits humains. J’aimerais que la question sur les acquis de l’Ira-M soit posée aux citoyens ; vous devriez leur demander pourquoi ils en ont choisi les dirigeants au détriment de tous les autres, plus anciens sur la scène. Je pense qu’il nous revient d’avoir démystifié la peur parmi les noirs, parmi les opprimés, décomplexé leur jeunesse et transformé l’espoir vacillant en espérance de conquête, fierté virile. Nous sommes sans doute les premiers contestataires à rassurer le groupe dominant, notamment sa frange éduquée, que l’égalité et l’équité sont le prix raisonnable de la paix. Nous misons, à présent, sur le succès de cette idée, pour nous épargner les larmes, le chagrin et la ruine consécutifs à toute révolution.

Propos recueillis par
Cheikh Aïdara


Mauritanie : répression d’une manifestation anti-raciste – Note d’alerte

Les militants de l’Initiative de résurgence abolitionniste en Mauritanie (Ira-M) – Mauritanie sortaient, le matin du 20 avril 2020, sur l’avenue principale de la capitale Nouakchott, pour réclamer, pacifiquement, la libération de Mariem Cheikh injustement incarcérée 8 jours plus tôt. Mariem Cheikh est une bloggeuse qui dénonce les dérives du système de domination ethno-tribal, sa prédation et son recours récurrent à la violence, comme unique mode de régulation des contradictions dans la société. 

Manifestants IRA

La police, intervenue en surnombre, s’est violemment attaquée aux militantes et militants, les a lourdement chargés, battus, par de coups de matraques, de gourdins et de bottes. Les forces de l’ordre, en nombre, intervenaient à bord de plus d’une dizaine de pik-up, en tenue anti-émeute. Selon un premier décompte, l’on déplore 5 blessés hospitalisés et une arrestation.

Un des blessés de l’IRA

Certains blessés souffrent de contusions au thorax, à l’abdomen, aux jambes et mains oû ont subis des coups à la téte et affichent des hématomes :

Cheikh Vall

– Abdallahi Homody 

– Sidi Nagi

– Beddine Mechinou

– Mohamed Sghair.

Fut également interpellée, en état de déstresse physique : 

– Mama Moussa

Les images, jointes, témoignent de la grande brutalité de la police politique. 

Ira-Mauritanie réitère son engagement non-violent, visant à faire éclore une société égalitaire, un Etat de droit où cesseraient de prévaloir les interdictions de partis et mouvements dédiés à la défense de la dignité de l’Homme noir. Le maintien de telles exclusions, grâce à la connivence du groupe mono-ethnique et monocolore des généraux avec les milieux et l’élite suprématiste arabo-berbère, expose le pays à l’effritement, de l’intérieur, dont résulte un surcroît de fragilité face au péril mondial du terrorisme. La Mauritanie, prise en tenaille, entre la pandémie du Covid-19 et la désagrégation de la citoyenneté, n’a plus les moyens de l’autoritarisme ni le souffle de la résilience sur une simultanéité de fronts. Ses partenaires – régionaux et au-delà – se doivent d’observer la plus grande vigilance, à l’endroit d’une gouvernance qui menace la stabilité et la paix.

IRA – Mauritanie
Nouakchott, 20/avril/2020


Marième Cheikh, activiste abolitionniste victime de la loi sur la discrimination

Selon un communiqué du mouvement  antiesclavagiste (IRA) c’est au nom de la Loi 2018-023 portant incrimination de la discrimination du 18 juin 2018 que les autorités sécuritaires mauritaniennes auraient procédé, lundi 13 avril 2020 aux environs de 16 h, à l’arrestation de Marième Mint Cheikh, activiste de ce mouvement. «Cette loi a été spécialement conçue pour bâillonner les activistes des droits de l’homme, notamment ceux du mouvement IRA, ainsi que la majorité haratine persécutée, pour les empêcher de dénoncer les injustices d’un système raciste et suprématiste » soutient-on au sein de ce mouvement. Mais des sources proches de la justice affirment par contre qu’elle est poursuivie au nom de la loi de 2016 relative à la cybercriminalité.  D’un autre côté, des  pans de la communauté maure trouvent que Marième Cheikh est allée trop loin dans la stigmatisation des maures en implorant Allah que « s’abatte sur les maures blancs (bidhanes)  une pandémie pire que le coronavirus ».Certains estiment  que «son combat contre l’esclavage et les disparités est juste mais  peut bien se passer du discours haineux étant entendu que l’esclavage et les disparités affectent toutes les communautés nationales, même s’ils touchent de manière plus forte la communauté haratine».

Marième Cheikh

«Les gens sont fatigués. Celui qui ne tendait pas la main commence à la faire. Qu’Allah fasse que s’abatte sur les maures blancs (Bidhanes ) une pandémie pire que le coronavirus». Il s’agit là d’un des derniers postings de Marième Cheikh, membre fondatrice du mouvement abolitionniste IRA, bloggeuse de renommée et combattante chevronnée de la cause antiesclavagiste, qui lui aurait value d’être arrêtée le 13 avril 2020, «séparée de son bébé, et conduite dans une cellule de la Direction générale de la sûreté», selon des informations recueillies auprès de ses compagnons de lutte, après trois jours pendant lesquels, ils disent avoir ignoré l’endroit où elle était «séquestrée».

Cette arrestation a été dénoncée par plusieurs partis et organisations des droits de l’homme, comme le Parti pour l’environnement (PMDE), le parti non encore reconnu RAG, bras politique du mouvement IRA, plusieurs associations en Europe, l’Association des femmes chefs de famille (AFCF), SOS Esclaves qui s’est insurgé dans un communiqué contre une arrestation «intervenue de manière provocatrice, inhumaine et dénuée de tout respect des dispositions des textes et conventions nationaux et internationaux garantissant à tout détenu tous ses droits humains, comme la permission aux siens de connaître son lieu de détention, d’avoir l’assistance d’un avocat et sa comparution devant les juges dans les délais légaux».

Communiqué AFCF : http://cridem.org/C_Info.php?article=735019Communiqué SOS Esclaves : http://cridem.org/C_Info.php?article=734989

Dans un communiqué publié le 17 avril 2020, la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH) indique avoir rendu visite à Marième Mint Cheikh dans son lieu de détention, affirmant s’être informée de son état de détention et sur sa santé, avant de souligner avoir rencontré son époux et s’assurer que c’est elle-même qui a souhaité ne pas avoir son bébé avec elle. La Commission s’est engagée à suivre son dossier pour s’assurer qu’elle jouira de l’ensemble de ses droits, droit à un procès équitable, droit à la visite de ses proches et de son avocat, ainsi que celui de jouir de l’ensemble des droits que lui garantit l’Etat de droit, y compris l’accès à des soins médicaux si elle le souhaite. (https://cndh.mr/fr/15-contenu-français/actualites-evenements/303-commission-nationale-des-droits-de-l-homme-communique).

Le Mécanisme national de prévention de la torture a également publié un communiqué le 17 avril 2020 dans lequel il déclare que son président a rendu visite à Marième Cheikh «afin de s’assurer des conditions de sa détention », soulignant plus loin que l’entretien privé entre le président du Mécanisme et la détenue, en présence de son mari, a permis de constater qu’elle «était bien portante et qu’elle avait reçu la visite de son mari et de son avocat » et qu’elle «tenait son bébé entre les bras». (http://cridem.org/C_Info.php?article=735055)

Une arrestation à relent de déclaration de guerre

Pour les militants d’IRA, «l’arrestation de Marième Mint Cheikh, bête noire des esclavagistes et du pouvoir politique qui les soutient, est le signal d’une hostilité que le régime de Mohamed Cheikh Ghazwani compte ouvrir contre le mouvement IRA, sur la même lancée que son prédécesseur». Pour que cette arrestation soit facilement consommable auprès de l’opinion par le biais de la loi contre la discrimination, le nouveau pouvoir dans sa croisade contre IRA aurait usé de subterfuge, par le biais d’un nommé Bouceif Hmeiti, cadre à la SNIM de Zouerate qui a posté sur whatsap un vocal  virulent faisant l’apologie de l’esclavage et s’attaquant aux haratines, selon les camarades de lutte de Marième Mint Cheikh. Son arrestation sur la plainte de deux ONG jugées proches du pouvoir par les militants d’IRA,  serait d’après eux le prétexte qui a été utilisé par le pouvoir mauritanien pour arrêter en même temps Marième Mint Cheikh, pourtant connue depuis longtemps pour ses postings dénonçant «le pouvoir des maures». «Seulement, si Bouceif Hmeiti a été relâché jeudi 16 avril, la militante antiesclavagiste reste toujours aux fers, les autorités lui refusant même de téter son bébé ou d’avoir la visite de ses parents, alors que les délais légaux de garde-à-vue (48 h) ont été largement dépassés», dénoncent ses proches.

Les  sources à Zouerate affirment que Bouceif Hemeit avant sa remise en liberté conditionnelle a promis de ne plus récidiver et présenté ses excuses à tous ceux qui se sont sentis offensés par son vocal dans lequel il avait dit que les organisations et les syndicats ne s’occupent que de l’injustice touchant les Haratines et ne s’engagent pas pour  celles commises à l’encontre des maures blancs.

L’arrestation de Mariem Cheikh a, en tout cas, galvanisé la jeunesse d’IRA dans ses différents démembrements à l’intérieur du pays et à Nouakchott, mais aussi à l’extérieur, eux qui, à travers communiqués et surchauffes sur la toile ainsi que les réseaux sociaux, se déclarent prêts à en découdre avec le pouvoir de Mohamed Cheikh Ghazwani. «Nous sommes fidèles à notre rôle de résistants, comme au temps de Mohamed Abdel Aziz» ont-ils déclaré dans un posting (https://facebook.com/1320256252/posts/10217634828245419/?d=n)

Sur la même lancée, les démembrements du mouvement en Europe, notamment en France et en Belgique, ont publié des communiqués dénonçant cette arrestation.

Communiqué IRA-France : http://cridem.org/C_Info.php?article=735002

Communiqué IRA-Belgique : http://lauthentic.info/Social/article/MariemMint-Cheikh-militante-de-l-IRA-arretee-a-Nouakchott-La-loi-anti

Au nom de la résistance maure

L’arrestation de Marième Cheikh a suscité la levée de boucliers de certains mouvements naissants qui se veulent les portes-flambeaux de la communauté maure. Certains d’entre eux ont même salué la décision des autorités judiciaires d’arrêter la militante d’IRA, trouvant qu’il «faut stopper l’extrémisme du mouvement IRA par un extrémisme maure».  Ces mouvements, accusés par les militants d’IRA «d’être la fabrication des Renseignements généraux et des milieux féodaux maures», accusent IRA et le mouvement négro-africain FLAM de vouloir diviser les Mauritaniens sur des bases raciales, tout en attisant les feux d’une confrontation intercommunautaire. Ils accusent Marième Mint Cheikh d’être le fer de lance de cette division raciale, à travers ses postings et ses provocations incessantes contre les «Bidhanes».

Cette offensive des mouvements de jeunes maures contre les militants d’IRA et des FLAM est née du discours de Birame Dah Abeid à Genève, lorsqu’il a qualifié le pouvoir en Mauritanie d’apartheid. Depuis, «les attaques et les contre-attaques via les réseaux sociaux se sont multipliés entre ses différents camps, créant une atmosphère délétère qui risque d’empoisonner l’air de la cohabitation entre les différentes communautés » selon certains milieux maures dit «modérés».

Sur youtube (https://www.youtube.com/watch?v=l_gqyjVUeno&fbclid=IwAR3bKmbSLBJMQ_PJD-S0W1cyCQ4iD99_hgIPh6muEr6R3_zrHRat5VRfOTk), Watsapp et Facebook, un groupe dénommé Front de défense des maures (FADDM) commence à diffuser des messages appelant à une confrontation armée avec les autres composantes, certains y traitant les haratines de «bâtards», soutenant que le pouvoir en Mauritanie ne peut être dirigé que par les Maures. Sur d’autres plateformes,  les maures sont également traités de tous les noms d’oiseaux par des jeunes activistes proches d’IRA.  Beaucoup d’observateurs s’étonnent d’ailleurs que leurs auteurs n’aient jamais été inquiétés, alors que certains parmi ceux-ci sont allés plus loin, en créant une carte de ce qu’ils appellent «l’Etat maure» qui englobe le sud de l’Algérie, du Maroc et le Nord du Mali (https://web.facebook.com/photo.php?fbid=664531747453675&set=a.129371750969680&type=3&theater).

La loi sur la discrimination

La Loi 2018-023 du 18 juin 2018 portant incrimination de la discrimination et du discours haineux sous l’aune de laquelle Marième Cheikh serait arrêtée, d’autres évoquant des charges sur la base de la Loi de 2016 sur la Cybercriminalité, a été pourtant dénoncée dès sa publication par toutes les organisations internationales des droits humains, les Nations Unies, Amnesty international et le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD). Ces organisations reprochent à la loi de 2018 son absence de clarté juridique et une définition qu’elle donne de la discrimination non conforme à la Convention.

Ainsi, l’Etat mauritanien a été interpellé sur cette question par ces organisations qui ont perçu parmi certaines de ses dispositions des incohérences pouvant ouvrir la voie à des interprétations de nature à conduire à des restrictions dans l’exercice de certains droits humains.

Mieux, trois Rapporteurs spéciaux des Nations Unies ont cosigné et adressé le 24 janvier 2018 une correspondance au gouvernement mauritanien, attirant l’attention sur les risques de bavure et les incohérences de cette loi pouvant conduire, notamment, au musellement des militants abolitionnistes ou autres promoteurs de l’égalité.

Le Gouvernement mauritanien avait réagi en 2018, à la  communication conjointe des trois Rapporteurs spéciaux des Nations Unies, se rapportant à la loi relative à l’incrimination de la discrimination, indiquant  que pour définir  la notion de discrimination, les Rapporteurs ont demandé  le recours au Pacte International Relatif aux droits civils et Politiques (PIDCP) ainsi qu’au  Pacte International relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) et à la Convention Internationale pour l’élimination de toutes formes de discrimination raciale, au motif,  qu’ils sont supérieurs aux lois dans la hiérarchie des normes et ce, conformément à l’article 80 de la Constitution mauritanienne de 1991.

Le Gouvernement avait souligné que comme pour le droit français dont la Mauritanie s’inspire, dans l’ordre juridique interne, la Constitution mauritanienne a une primauté sur les engagements internationaux et notamment les traités.

En France, cette suprématie a été  d’ailleurs affirmée par le Conseil d’Etat dans un «arrêt Sarran» du 30 octobre 1998. Selon cet arrêt, la suprématie des engagements internationaux conférée par l’article 55 de la constitution de 1958 « ne s’applique pas, dans l’ordre interne aux dispositions de nature constitutionnelle ».

En Mauritanie avec l’article 80 de la Constitution comme en France avec les articles 53 et 54 de la Constitution,  la primauté de la Constitution sur l’ordre international est à tout point de vue sacralisée.

Il résulte que les engagements internationaux doivent être conformes à la Constitution et faire l’objet d’une ratification. Or la Loi de ratification peut être soumise à un contrôle, lorsqu’un engagement international est contraire à la Constitution.

Or, la Charia constitue un élément référentiel de premier ordre dans la Constitution mauritanienne dont la primauté sur les conventions internationales repose sur un principe de base constitutionnel.

En effet, la Constitution de 1991 dispose, non seulement, dans son préambule que la Charia est la seule source de droit en Mauritanie, mais aussi, respectivement dans ses articles 1 et 5, que la Mauritanie est une République Islamique et l’Islam, religion du Peuple et de l’Etat.

Dans un contexte national, où l’islam est l’unique source de droit et religion du peuple et de l’Etat, vouloir considérer la religion (articles 2 du PIDCP et du PIDESC) comme motif de discrimination prohibé, relèverait de l’impossible, avait répondu le gouvernement mauritanien  aux Rapporteurs des Nations Unies

Cheikh Aïdara