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Meurtre de Khadija Oumar Sow, la famille de la victime face à la presse

La famille de la défunte Khadijetou Oumar Sow, la trentaine, disparue le 25 mars 2020 et dont le corps a été retrouvé dans la nuit du 12 avril, à quelques kilomètres de Tiguint en direction du village de Legoueichich, entre les dunes de sable et la mer, ont animé mardi 14 avril une conférence de presse au siège du Fonadh à Nouakchott.

Le siège du Forum national des droits de l’homme (Fonadh) à Nouakchott a abrité mardi 14 avril 2020 une conférence de presse animée par les proches de Khadijetou Oumar Sow, une jeune fille dont l’assassinat, précédé de viol selon certaines versions, continue d’émouvoir l’opinion publique nationale. Tour à tour les tantes de la victime, Vatimetou Abdallahi Sow avec qui logeait la fille et Khadijetou Sow, son homonyme, ainsi que son tuteur, Adama Samba Sow, oncle de son père et l’imam Mohamed Sayed Bâ dit Sirajoudine, ont livré une partie des faits.

Version de la famille

Khadijetou Oumar Sow serait venue de Kaédi sur invitation d’un certain Adama Bâ qui lui aurait promis du travail. Une fois à Nouakchott, la fille sur la demande du nommé Adama Bâ se serait rendu à Tiguint. A deux reprises, selon sa tante qui habite dans le quartier de Bouhdida, la fille a quitté la maison pour se rendre à Tiguint et revenait le soir.

Mais ce fatidique 25 mars, Khadijetou partira pour ne plus revenir. Le fil tenu qui la liait à sa famille et à ses parents à Nouakchott se serait interrompu à 17 h 19 sur un dernier appel à Correra, après 55 appels échangés avec Adama Bâ.

La famille signala la disparition de la fille au commissariat de police et les recherches furent lancées. Grâce à l’opérateur Mauritel, les enquêteurs remonteront l’historique des échanges téléphoniques. C’est ainsi qu’ils tombèrent sur les 55 appels d’Adama Bâ et les deux derniers appels à Correra.

Contacté à plusieurs reprises par le commissariat de Dar-Naïm 1 en charge de l’enquête préliminaire, Adama Bâ ne répondit à aucune des convocations. Ce sera par le biais d’un de ses interlocuteurs que la police se rendra chez le domicile d’un ancien haut fonctionnaire de l’Etat qui dira aux enquêteurs avoir connu Adama Bâ par le biais d’Alassane Correra. Ce serait grâce à lui et à Correra que les policiers remonteront jusqu’à la sœur du suspect, qui sera conduite elle et son bébé au commissariat de Dar-Naîm.

Finalement, Adama Bâ sera amené à la police par Correra. D’abord, il refusera de répondre aux questions des policiers, puis nia connaître la fille ou avoir eu des échanges avec elle, avant d’être acculé sous le poids des preuves obtenues auprès de la Mauritel. Il conduira d’abord les enquêteurs dans un appartement situé à Basra, quartier de Nouakchott, prétendant que cet appartement est loué par Alassane Correra et que la fille devait y être. Mais l’appartement était vide.

Au sixième jour de l’enquête, Adama Bâ décida de montrer aux policiers là où se trouvait le corps, Après les avoir fait tourner en rond pendant vingt-quatre heures, aux alentours de Tiguint, il finit par leur montrer l’endroit où il avait laissé la victime. Effectivement, les policiers trouvèrent le corps d’une jeune fille, dans un état de pré-décomposition, les mains liées avec sa robe et les pieds entravés, un foulard serré autour du cou. Il était 3 heures du matin.

Le lendemain, le Procureur de la République du tribunal de Rosso, un médecin et des gendarmes se rendirent sur les lieux. La famille de la défunte, une dizaine d’hommes, les y rejoindront plus une voiture de la Protection civile. Après examen du corps, reconstitution des faits, le corps de Khadijetou sera ramené à Nouakchott, réexaminé par un médecin légiste. Un certificat de décès et une autorisation d’enterrement furent remis à la famille. Adama Bâ fut conduit par les gendarmes à Rosso.

Autre version

Mais selon une autre version des faits, Alassane Correra, ingénieur des Eaux et Forêts, spécialiste de reboisement et de fixation des dunes, ne serait que le superviseur d’un projet de reboisement que la société française Satom avait confié à un certain Abidine Ould Cheikh, Coordinateur de l’ONG ASEM. Il n’aurait jamais rencontré Khadijetou et ne la connait pas. Par rapport aux deux appels de la fille, dont l’une qui ne passa pas et l’autre d’une minute, la source affirme que Correra n’a pas décroché son téléphone et ne savait même pas qui l’appelait.

D’ailleurs, le 25 mars, jour de la disparition de Khadijetou Oumar Sow, il aurait quitté Nouakchott avec Abidine pour clore le projet qui était à sa fin. Ils seront accompagnés par des responsables de Satom en vue de la réception des travaux. Correra et Abidine seraient rentrés le même jour du 25 septembre au soir à Nouakchott.

Avant de partir, Correra aurait dit à Adama Bâ de rentrer puisqu’il n’avait plus rien à faire. Ce à quoi, Adama Bâ lui aurait répondu qu’il avait quelque chose à régler à Tiguint. Il avait passé presque la journée avec la fille dans un restaurant, d’après le témoignage de jeunes restaurateurs qui l’ont d’ailleurs formellement identifié lorsque les policiers l’ont ramené. D’autre part, quelques jeunes restés dans le campement du projet de reboisement affirment qu’Adama Bâ ne les a rejoints que vers 23 heures. Le lendemain, le 26 mars, il est rentré à Nouakchott et remis la Pick-up qu’Alassane Correra avait loué auprès d’un ancien responsable à la retraite.

Cheikh Aïdara


Viol suivi de meurtre en période Covid-19

Disparue depuis le 25 mars 2020, Khadijetou Oumar Sow a été retrouvée dimanche 12 avril, corps sans vie et terriblement mutilé, aux alentours de Tiguint, ville tampon située entre Nouakchott et Rosso. Un meurtre précédé de viol qui a bouleversé tout le pays et enflammé les réseaux sociaux, en pleine période Covid-19.

Beaucoup pensent que le meurtre n’aurait peut-être pas eu lieu, s’il ne s’était pas produit en ces temps de confinement où après 18 heures, la Nationale Nouakchott-Rosso est terriblement déserte. Le dernier appel de la fille ayant eu lieu à 17 h 34 minutes, selon ses proches, soit un quart d’heure avant le début du couvre-feu. Donc, aucun témoin à l’horizon. Ce qui aurait permis au présumé meurtrier de quitter tranquillement la route pour s’engouffrer dans une zone déserte. Et personne n’aurait pu entendre les cris de secours de la jeune fille, dont le corps n’a été retrouvé que plus de vingt jours après sa disparition.

Remontant le cours de cette terrible tragédie et à partir d’audios mis en ligne par des proches et quelques articles publiés dans le Net, il apparaît que la jeune fille est originaire de Kaédi, à l’extrême Sud-est du pays. Khadijetou Oumar Sow, puisque c’est d’elle dont il s’agit, la trentaine environ, aurait fait la connaissance d’un certain A.B, à travers les réseaux sociaux. Des échanges qui auraient duré quelques temps. A.B, sachant que la fille était au chômage, lui aurait proposé du travail dans une ONG dirigée par un certain A.C, chargée de reboiser la route Nouakchott-Rosso. A.B se serait présenté à la victime en tant que cadre de l’organisation, alors qu’il n’en n’était que le chauffeur. Il donna rendez-vous à Khadijetou à Tiguint. La fille aurait eu du mal à convaincre ses parents de la laisser partir, d’après les témoignages. Arrivée à Nouakchott, elle logea chez des proches à Bouhdida, un quartier populaire de la Capitale, avant d’en informer A.B qui lui demanda de le rejoindre à Tiguint, pour aller ensemble à Rosso, lieu de son affectation.

Pendant tout son déplacement entre Nouakchott et Tiguint, le jour du drame, la jeune fille sera en contact téléphonique permanent avec ses parents. Elle téléphonait à partir de l’appareil de son présumé bourreau. Puis, à 17 h 34 minutes, seize minutes avant le couvre-feu, silence radio. Sa famille n’aura plus aucun signe d’elle, malgré les recherches. Grâce à l’opérateur de téléphonie mobile, la police parviendra à tracer ses appels ce jour fatidique. Khadijetou Oumar Sow n’était en contact qu’avec A.B et A.C.

Convoqué par la Police, A.B tentera d’abord de nier, soutenant ne pas connaître la fille, avant de se rétracter devant les échanges téléphoniques que les policiers lui mirent sous le nez. Puis, il prétendit avoir perdu son téléphone, mais acculé, il aurait fini par craquer, avant de conduire les enquêteurs sur le lieu du crime où fut découverte la dépouille mutilée de Khadijetou Oumar Sow, les pieds entravés et un foulard enroulé autour du cou.

.Cheikh AIdara


Pour le droit à la protection sociale, le droit à la santé et le droit à la vie des migrants-es au Maghreb

Malgré les mesures prises par les Etats maghrébins (avec le flou qui persiste du fait du chaos en Lybie), nous associations, mouvements sociaux, syndicats, engagés dans la dynamique du Forum Social Maghreb pour un Maghreb des peuples démocratique et inclusif, exprimons notre forte inquiétude sur les fragilités, les carences de la protection sociale, du droit d’accès aux services de santé, de l’obligation des Etats à protéger la vie des citoyens. La pandémie vient dévoiler au grand jour la tragique réalité des politiques et les choix des Etats du Maghreb que nous n’avons cessé de dénoncer.

Nous n’avons cessé d’appeler de toutes nos forces nos Etats pour le respect des droits économiques et sociaux des peuples, le respect des droits humains et pour la mise en place de politiques collectives et complémentaires  permettant aux peuples et particulièrement les plus démunis de jouir de la protection sociale, du droit d’accès à la santé, aux logements décents, à la justice sociale et la démocratie.

Notre inquiétude est encore plus forte concernant la situation des migrants, des réfugiés.es et demandeurs d’asiles qui sont une composante de nos sociétés mais ils souffrent d’une double exclusion et d’une double vulnérabilité. Ces migrants, réfugiés et demandeurs d’asile, vivent dans des conditions de promiscuité, privées de toute source de revenu : les petits travaux, la mendicité, la solidarité de la population sont devenus quasi impossibles dans les conditions de confinement obligatoire.

Certes, nous saluons les mesures positives qui ont été prises au Maroc et en Tunisie en direction des migrants pour faire face à la pandémie, mais nos craintes sont énormes pour l’absence de mesures en Europe et dans les autres pays maghrébins et nous pensons que les mesures prises dans ces deux pays restent insuffisantes.

Que ce soit en Europe ou au Maghreb, les camps de séjour et les camps de rétention, surpeuplés, les sans papiers obligés de vivre en collectivités soit dans les forêts soit dans des espaces informels, sans mesures d’hygiène, constituent un danger pour la vie des personnes qui s’y trouvent, et aussi un risque pour l ‘ensemble de la population parce qu’ils ne peuvent respecter le confinement.

Rappelons la situation des 800 tunisiens bloqués à Melilla. Mais surtout la situation préoccupante des migrants en Lybie.

Face à cette situation tragique et qui risque d’être incontrôlable si des mesures fortes et courageuses ne sont pas prises, nous demandons et appelons nos Etats à :

  • Mettre en place les différents mécanismes de protection de personnes en danger prévues dans le cadre du droit international humanitaire ;
  • Fermer d’urgence les différents centres de rétention (formels ou informels) des migrants sans papiers au Nord comme au Sud de la méditerranée ;
  • Lancer, conjointement et de manière concertée, au niveau des Etats du Maghreb une initiative maghrébine, déclinée au niveau national afin d’instaurer un climat de confiance, rassurer ces populations migrantes, réfugiées et demandeurs d’asile et formaliser leur prise en charge, afin que leur droit à la santé, au même titre que les nationaux, soit garanti ;
  • Prendre des mesures courageuses et la responsabilité historique pour une opération exceptionnelle de régularisation de migrants présents sur le territoire maghrébin. Cette mesure politique et humanitaire répondra aux différents appels des organisations maghrébines de défense des droits humains et aux préoccupations exprimées depuis plusieurs années et à plusieurs reprises par les partenaires sociaux face à la précarité et à l’exploitation des travailleurs en situation administrative irrégulière au Maghreb ;
  • Veiller particulièrement au sort des mineurs et des femmes migrantes isolées proie des trafiquants d’êtres humains ;
  • Instaurer l’égalité d’accès avec les nationaux aux soins et aux différentes dispositions du droit du travail ;
  • Loger, dans des conditions décentes, tous les migrants sans abri
  • Faire bénéficier les migrants des mesures de soutien financier au même titre que les nationaux ;
  • Mettre en place une plateforme d’information et d’accompagnement spécifique aux migrants ;
  • Faire bénéficier les migrants incarcérés des mesures de libération prises par certains Etats du Maghreb. Les personnes réfugiées, demandeurs d’asile et migrantes vivent et travaillent à nos côtés et au sein de nos familles, il est de notre devoir de les soutenir. La société civile maghrébine déploie des initiatives magnifiques de soutien, mais les Etats doivent assumer leurs responsabilités.

Il est du devoir et l’obligation des Etats de garantir et respecter le droit des migrant-e-s, des demandeurs d’asile, des réfugiés, à la santé et à la protection sociale.

Le 10/04/2020


Le Président Aziz devant la Commission d’enquête parlementaire sur des dossiers sensibles

Selon des sources proches de la Commission d’enquête parlementaire chargée de faire la lumière sur une dizaine de dossier de la décennie passée, l’ex-président de la République Mohamed Abdel Aziz et son Premier ministre, Moulaye Mohamed Laghdaf, devront comparaître jeudi 16 avril 2020 pour apporter quelques éclaircis par rapport à leur gestion des dossiers en question. Jusqu’où le pouvoir de Mohamed Cheikh Ghazwani ira-t-il dans son bras-de-fer qui l’oppose à son ancien compagnon d’arme, «celui-là même qui l’a installé sur le fauteuil présidentiel un certain 22 juin 2019, par le truchement d’une élection présidentielle contrôlée » selon ses soutiens ?

Certains avaient cru que le Covid-19 allait servir de prétexte pour suspendre l’enquête parlementaire sur la décennie de l’ex-président Mohamed Abdel Aziz et son régime. Une certaine opinion pensait même que Aziz et Cheikh Ridha, le Madoff de la décennie qui a sur le dos quelques 70 milliards d’escroquerie, risquaient de se faire oublier, tant la psychose et la peur créées par la pandémie avaient accaparé les attentions. Ils oubliaient sans doute que la Commission d’enquête est bousculée par le temps, celle-ci devant présenter un rapport final en juillet 2020 devant l’Assemblée nationale, seule instance habilitée à donner une suite à ce travail d’investigation.  

En effet, la Commission d’enquête qui a déjà mis sur le grill l’essentiel des acteurs de la décennie passée, interpellera sans nul doute l’ancien président de la République et son premier ministre Moulaye Mohamed Laghdaf sur les sept dossiers les plus brûlants de leur gestion. Il s’agit du fonds des revenus pétroliers ; le bradage du patrimoine immobilier de l’état ; les activités de la société chinoise Polyhondong dont le contrat faramineux pour 25 ans est décriée ; la gestion de la fondation caritative de la SNIM ; le marché de l’éclairage public par l’énergie solaire ; le marché du quai des conteneurs au Port autonome de Nouakchott dit Port de l’amitié ; la liquidation de la Sonimex.

La Commission d’enquête a déjà dressé en mars 2020, au cours d’une conférence de presse, un premier bilan de son travail entamé le 31 janvier 2019. Près d’une trentaine de personnalités, dont l’ancien Premier ministre Yahya Hademine, l’ancien Ministre des Finances Ould Djay, d’autres ministres et responsables en fonction ou non avaient été auditionnés à cette date.

Certaines sources de presse évoquent déjà le refus de Mohamed Abdel Aziz de répondre à la Commission d’enquête. Ce que d’autres sources proches des parlementaires ont démenti, rappelant tout de même les propos du président de la Commission d’enquête, l’Honorable député Lemrabott Benahi qui avait souligné lors de la conférence de presse bilan que le fait de ne pas collaborer avec la commission «est une obstruction à la loi, punie dans tous les pays et en Mauritanie ». Ils ont souligné que jusque-là, personne parmi les personnalités convoquées, n’avait refusé de collaborer.

Certaines voix s’élèvent cependant pour décrier une enquête à relents de règlements politiques, tant l’impunité a été jusque-là érigée en règle d’or en Mauritanie. « C’est en cela que le président Mohamed Cheikh Ghazwani constitue l’exception qui confirme la règle, en laissant toute latitude à l’Assemblée nationale pour permettre pour la première fois dans l’histoire parlementaire du pays aux députés d’exercer leur droit au contrôle de l’Exécutif », souligne un soutien de l’actuel pouvoir.

N’empêche, beaucoup de détracteurs de Mohamed Cheikh Ghazwani continuent de crier à la trahison, rappelant à qui veut les entendre que « c’est grâce à Mohamed Abdel Aziz que Ghazwani est devenu président de la République, c’est lui qui a fait de cet inconnu sur la scène, sans soutien politique et sans base populaire, ce qu’il est devenu aujourd’hui ».

Pour sa part, le président Mohamed Cheikh Ghazwani avait souligné au cours de la dernière conférence-dîner de presse qu’il avait organisée au Palais présidentiel qu’il « n’interférera pas dans le travail de la Commission d’enquête parlementaire pour respecter la stricte séparation des pouvoirs »

Le dernier mot reviendra ainsi à l’Assemblée nationale, pour savoir si aux lendemains de la restitution du rapport final de la Commission d’enquête, au mois de juillet 2020 : acceptera-t-elle de déclencher la procédure judiciaire, en réveillant la Haute Cour de Justice, endormie depuis son institution, ou va-t-elle envoyer le rapport aux calendes grecques ? Tout dépendra du Covid-19, des rapports de force politique, ou des contingences géopolitiques nationales, régionales ou internationales.

Cheikh Aïdara